CASS. CIV. 1re, 10 juillet 1996
CERCLAB - DOCUMENT N° 2072
CASS. CIV. 1re, 10 juillet 1996 : pourvoi n° 94-16843 ; arrêt n° 1444
Publication : Bull. civ. I, n° 318 ; Contrats conc. consom. 1996, n° 157, obs. Raymond
Extrait : « Si la cour d’appel énonce, par un motif erroné, que le GAEC peut être considéré comme un simple consommateur pour, d’ailleurs, ensuite retenir que la clause litigieuse n’était pas abusive, le contrat avait un rapport direct avec l’activité professionnelle de l’acheteur ; que, dès lors, il échappe à l’application tant du décret n° 74-464 du 24 mars 1978 que de l’article L. 132-1 du Code de la consommation ».
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR DE CASSATION
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 10 JUILLET 1996
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
N° de pourvoi : 94-16843. Arrêt n° 1444.
DEMANDEUR à la cassation : GAEC de Sainte Marguerite
DÉFENDEUR à la cassation : 1°/ M. A., pris ès qualités d'administrateur au redressement judiciaire de la Société Irrivert
2°/ Monsieur B., pris ès qualités d'administrateur au redressement judiciaire de la société Irrivert
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le premier moyen, pris en ses deux branches :
RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Attendu que, le groupement agricole d’exploitation en commun de Sainte-Marguerite (le GAEC), qui a acheté en 1987 à la société Irrivert (la société) un pivot d’arrosage, dont trois travées se sont effondrées au mois de mai 1990, fait grief à l’arrêt attaqué (Toulouse, 10 mai 1994) de l’avoir débouté de sa demande en résolution du contrat de vente,
MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
alors, selon le moyen, que, d’une part, tout vendeur d’un matériel doit, afin que la vente soit conclue en connaissance de cause, s’informer des besoins de son acheteur et informer ensuite celui-ci des contraintes techniques de la chose vendue et de son aptitude à atteindre le but recherché, et qu’en refusant dès lors de retenir que la société avait manqué à son devoir de mise en garde en n’avertissant pas le GAEC, au moment de la vente, que la trop forte salinité de l’eau risquait à terme d’endommager l’installation, la cour d’appel a violé les articles 1147, 1604 et 1184 du Code civil ;
alors que, d’autre part, aux termes de l’article 2 du décret n° 78-464 du 24 mars 1978, dans les contrats de vente conclus entre des professionnels et des non-professionnels ou des consommateurs, est interdite comme abusive au sens de l’alinéa 1er de l’article 35 de la loi n° 78-23 du 10 janvier 1978, (devenu l’article L. 132-1 du Code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à la loi du 1er février 1995) la clause ayant pour objet ou pour effet de supprimer ou de réduire le droit à réparation du non-professionnel ou consommateur en cas de manquement par le professionnel à l’une quelconque de ses obligations ; que la clause incluse dans les conditions générales du contrat de vente rédigé par la société, selon laquelle les devis ne comportant pas l’analyse de la composition chimique du sol et des eaux, celle-ci ne peut encourir aucune responsabilité directe ou indirecte en cas de corrosion due à l’un quelconque de ces facteurs, est abusive en tant qu’elle a pour effet de faire échec à la responsabilité de cette société à raison de la violation de son obligation de mise en garde contre la salinité de l’eau, et qu’en déclarant cependant cette clause opposable au GAEC, dont elle a relevé la qualité de simple consommateur, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;
RÉPONSE DE LA COUR DE CASSATION AU MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Mais attendu, d’abord, que, compte tenu des termes de la clause critiquée, la cour d’appel a pu juger qu’il appartenait au GAEC de prendre toutes les précautions indispensables pour, le cas échéant, se prémunir contre la salinité de l’eau, et qu’il ne peut être reproché à la société Irrivert d’avoir manqué à son devoir de conseil ;
Et attendu, ensuite, que si la cour d’appel énonce, par un motif erroné, que le GAEC peut être considéré comme un simple consommateur pour, d’ailleurs, ensuite retenir que la clause litigieuse n’était pas abusive, le contrat avait un rapport direct avec l’activité professionnelle de l’acheteur ; que, dès lors, il échappe à l’application tant du décret n° 74-464 du 24 mars 1978 que de l’article L. 132-1 du Code de la consommation ;
D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;
Et, sur le second moyen : (non reproduit au Bulletin) ;
RÉPONSE DE LA COUR DE CASSATION AU MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Attendu que, s'agissant d'une erreur matérielle, et non, comme il est soutenu, d'une contradiction de motifs, la cour d'appel ayant indiqué dans ses motifs un chiffre de 50.000 francs pour la somme qu'il est condamné à verser au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, et seulement celui de 5.000 francs dans son dispositif, il appartenait au GAEC de présenter la requête en rectification prévue à l'article 462 du nouveau Code de procédure civile ; que le moyen ne peut être accueilli ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi.
Vu l'article 700 du nouveau code de procédure civile, condamne le GAEC de Sainte-Marguerite à payer à la société Irrivert et à MM. Fabre et Marion, ès-qualités la somme globale de 11.860 francs.
Président : M. Lemontey. Rapporteur : M. Chartier. Avocat général : M. Sainte-Rose. Avocats : MM. Parmentier, Odent.
ANNEXE : MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Moyens produits par Maître Parmentier, avocat aux Conseils pour la société GAEC de Sainte-Marguerite.
PREMIER MOYEN DE CASSATION
RAPPEL DU DISPOSITIF DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté le GAEC de Sainte Marguerite de sa demande en résolution du contrat de vente conclu avec la société IRRIVERT ;
RAPPEL DES MOTIFS DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
AUX MOTIFS QUE l'action en résolution de la vente pour vices cachés a été introduite par assignation du 24 septembre 1991 alors que le vice allégué avait été analysé par l'expert CHASTANG dans son rapport déposé le 22 novembre 1990 ; qu'elle est donc irrecevable par application de l'article 1648 du Code Civil pour avoir été intentée vingt mois après la survenance des désordres qui affecteraient le pivot litigieux et près d'un an après que ces désordres aient été expertisés ; qu'elle est surabondamment mal fondée dès lors qu'il résulte sans aucune ambiguïté du rapport d'expertise que l'effondrement du pivot n'était que la conséquence d'une réparation effectuée par l'appelant lui-même à la suite d'une fausse manœuvre, et que le matériel n'était atteint d'aucun vice de conception ou de fabrication ; que le GAEC de Sainte marguerite ne fournit aucun élément de nature à contredire l'avis de l'expert judiciaire, et que les difficultés rencontrées par d'autres exploitants avec des pivots du même type ne sauraient suffire à faire la preuve d'un vice caché ; que s'agissant de l'oxydation, celle-ci est due selon Monsieur X. à une trop forte salinité de l'eau et qu'il était expressément prévu aux conditions générales de vente de la société IRRIVERT que celle-ci n'était pas tenue d'analyser la composition chimique du sol et des eaux et qu'elle ne pourrait encourir aucune responsabilité directe ou indirecte en cas de corrosion due à l'un quelconque de ces facteurs ; que cette clause est opposable au GAEC de Sainte Marguerite puisqu'il a déclaré, immédiatement après avoir signé le bon de commande, qu'il avait pris connaissance des conditions générales de vente figurant au verso et qu'il les acceptait ; que le GAEC de Sainte Marguerite, groupement d'agriculteurs non spécialisés dans les opérations d'irrigations, peut être considéré, dans le cas d'espèce, comme un simple consommateur mais qu'il n'est pour autant fondé à soutenir que la clause en litige est une clause abusive au sens de l'article 35 de la loi du 10 janvier 1978 car elle ne lui a pas été imposée par un abus de puissance économique de la société IRRIVERT et elle n'était pas de nature à conférer à cette dernière un avantage excessif ; qu'il appartenait à l'appelant de prendre toutes les précautions indispensables pour le cas échéant se prémunir contre la salinité de l'eau, et qu'il ne peut être reproché à l'intimée d'avoir manqué à son devoir de conseil ; qu'il résulte au demeurant des conclusions de rapport d'expertise que l'installation est actuellement en état de fonctionner normalement et que la corrosion, dans l'immédiat, ne compromet pas la solidité de l'ensemble ; qu'il est aussi soutenu par le GAEC de Sainte Marguerite que le pivot en litige délivrerait un arrosage défectueux ; qu'aucune preuve sérieuse n'est apportée de cette défectuosité, ni surtout de son origine ; et qu'il peut s'agir d'un défaut d'entretien (cf. arrêt attaqué p. 3 et 4) ;
MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
1) ALORS QUE tout vendeur d'un matériel doit, afin que la vente soit conclue en connaissance de cause, s'informer des besoins de son acheteur et informer ensuite celui-ci des contraintes techniques de la chose vendue et de son aptitude à atteindre le but recherché ; qu'en refusant dès lors de retenir que la société IRRIVERT avait manqué à son devoir de mise en garde en n'avertissant pas le GAEC de Sainte Marguerite, au moment de la vente, que la trop forte salinité de l'eau risquait à terme d'endommager l'installation, la Cour d'appel a violé les articles 1147, 1604 et 1184 du Code Civil ;
2) ALORS QU'aux termes de l'article 2 du décret n° 78-464 du 24 mars 1978, dans les contrats de ventes conclus entre des professionnels, d'une part, et, d'autre part, des non-professionnels ou des consommateurs, est interdite comme abusive au sens de l'alinéa 1er de l'article 35 de la loi n° 78-23 du 10 janvier 1978 la clause ayant pour objet ou pour effet de supprimer ou de réduire le droit à réparation du non-professionnel ou consommateur en cas de manquement par le professionnel à l'une quelconque de ses obligations ; que la clause, incluse dans les conditions générales du contrat de vente rédigé par la société IRRIVERT, selon laquelle les devis ne comportant pas l'analyse de la composition chimique du sol et des eaux, la société IRRIVERT ne peut encourir aucune responsabilité directe ou indirecte en cas de corrosion due à l'un quelconque de ces facteurs, est abusive en tant qu'elle a pour effet de faire échec à la responsabilité encourue par la société IRRIVERT à raison de la violation par celle-ci de son obligation de mise en garde contre la salinité de l'eau ; qu'en déclarant cependant cette clause opposable au GAEC de Sainte Marguerite, dont elle a relevé la qualité de simple consommateur, la Cour d'appel a violé les textes susvisés.
SECOND MOYEN DE CASSATION (éventuel)
RAPPEL DU DISPOSITIF DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné le GAEC de Sainte Marguerite à payer à la société IRRIVERT la somme de 5.000 francs au titre de l'article 700 du nouveau Code de Procédure Civile ;
RAPPEL DES MOTIFS DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
AUX MOTIFS QUE le GAEC de Sainte Marguerite qui succombe en toutes ses prétentions doit être condamné à payer à la société IRRIVERT la somme de 50.000 francs par application de l'article 700 du nouveau Code de Procédure Civile (cf. arrêt attaqué p. 4 al. 8) ;
MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
ALORS QUE la contradiction entre les motifs et le dispositif équivaut au défaut de motifs ; que dans les motifs de l'arrêt la Cour d'appel a condamné le GAEC de Sainte Marguerite à payer à la société IRRIVERT la somme de 50.000 francs au titre de l'article 700 du nouveau Code de Procédure Civile ; que dans son dispositif elle ne l'a condamné au même titre qu'au paiement de la somme de 5000 francs ; qu'en statuant ainsi à la faveur d'une contradiction entre les motifs et le dispositif, la Cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de Procédure Civile.
- 5803 - Code de la consommation - Clauses abusives - Évolution de la protection (2) - Cass. civ. 1re, 14 mai 1991 - Application directe de la loi n° 78-23 du 10 janvier 1978 : illustrations
- 5815 - Code de la consommation - Clauses abusives - Application dans le temps - Clauses abusives - Illustrations : Code de la consommation
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- 5860 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de non professionnel - Personnes morales (avant la loi du 17 mars 2014) - Clauses abusives - Protection implicite
- 5874 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Critères - Clauses abusives - Cour de cassation (1995-2016) : rapport direct
- 5876 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Critères - Clauses abusives - Cour de cassation : contrôle des juges du fond
- 5880 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Critères - Clauses abusives - Critères alternatifs : compétence
- 5930 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Illustrations - Contrats conclus pendant l’activité - Matériels et matériaux
- 6087 - Code de la consommation - Notion de clause abusive - Présentation par clause - Contenu initial du contrat - Opposabilité des conditions générales - Conditions figurant sur l’écrit signé par le consommateur - Clauses de reconnaissance et d’acceptation
- 6477 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Vente en général (9) - Obligations du vendeur - Clauses exonératoire et limitatives de responsabilité