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CA RENNES (1re ch. B), 30 avril 2009

Nature : Décision
Titre : CA RENNES (1re ch. B), 30 avril 2009
Pays : France
Juridiction : Rennes (CA), 1re ch. sect. B
Demande : 08/00553
Date : 30/04/2009
Nature de la décision : Confirmation
Mode de publication : Jurica
Décision antérieure : TGI RENNES (1re ch. civ.), 21 janvier 2008
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CERCLAB - DOCUMENT N° 2506

CA RENNES (1re ch. B), 30 avril 2009 : RG n° 08/00553

Publication : Jurica

 

Extraits : 1/ C'est par des motifs exempts de critique et que la Cour adopte que le premier juge a dit que cette clause n'est pas abusive s'agissant d'une condition dépendant des seules autorités administratives. A la différence des conditions citées en exemple par l'appelante comme l'âge réel et l'état matrimonial que révèle la seule production d'un extrait de naissance, le prestataire de service n'a aucun moyen de vérifier que le candidat remplit les conditions d'obtention d'un visa dont le refus peut avoir d'autres motifs que ceux invoqués. »

2/ « Une association agréée de défense des consommateurs est en droit de demander devant les juridictions civiles la réparation, notamment par l'octroi de dommages et intérêts, de tout préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif des consommateurs. La stipulation d'une clause illicite constitue en elle-même une faute de nature à porter atteinte à l'intérêt collectif des consommateurs. Il résulte des déclarations de l'intimée qu'elle n'a pas procédé à la suppression des clauses litigieuses de ses contrats, ce qu'elle indique vouloir faire à l'issue de la procédure. En l'espèce eu égard à l'importance relativement modeste de l'activité dont s'agit, tant par son chiffre d'affaires que par son secteur géographique d'influence, le préjudice occasionné à la collectivité des consommateurs est très modéré et sera réparé par l'allocation de la somme de 1.000,00 €. »

3/ « La publication de la décision est une réparation en nature du préjudice collectif. Celui-ci étant suffisamment réparé par l'allocation de dommages et intérêts, il convient de rejeter cette demande et de confirmer la décision entreprise de ce chef. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE RENNES

PREMIÈRE CHAMBRE B

ARRÊT DU 30 AVRIL 2009

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION          (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

RG n° 08/00553.

COMPOSITION DE LA COUR : LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ : Madame Françoise SIMONNOT, Président, Madame Elisabeth SERRIN, Vice-Président placé auprès du Premier Président, Monsieur Jean-Pierre GIMONET, Conseiller,

GREFFIER : Patricia IBARA, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS : A l'audience publique du 17 mars 2009, Madame Elisabeth SERRIN, Vice-président placé auprès du Premier Président, entendue en son rapport.

ARRÊT : Contradictoire, prononcé publiquement le 30 Avril 2009, après prorogation de la date du délibéré, par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats

 

APPELANTE : [minute Jurica page 2]

FÉDÉRATION DU LOGEMENT DE LA CONSOMMATION & DE L'ENVIRONNEMENT D'ILLE ET VILAINE, association de consommateurs,

[adresse], représentée par la SCP GAUVAIN & DEMIDOFF, avoués assistée du Cabinet SEVESTRE SIZARET, avocats

 

INTIMÉE :

SARL ATEM

[adresse], représentée par la SCP D'ABOVILLE, DE MONCUIT SAINT-HILAIRE & LE CALLONNEC, avoués assistée de la SCP RIOU - PERREAU - JAN, avocats

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                                                         (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

FAITS ET PROCÉDURE :

La SARL ATEM exerce une activité de courtage matrimonial. Elle facilite plus particulièrement les rencontres entre ressortissants français et ressortissants des pays de l'Est.

La Fédération du Logement de la Consommation et de l'environnement d'Ille et Vilaine (FLCE 35) l'a assignée devant le Tribunal de Grande Instance de RENNES notamment aux fins de voir déclarer abusives certaines clauses des contrats qu'elle propose à ses adhérents.

Par jugement en date du 21 janvier 2008, le tribunal a déclaré abusives la clause dénommée « Modalités de règlement » ainsi que les clauses portant les n° 1, 4 et 5 des contrats types « Convention formule 1 » et « contrat formule invitation », en a ordonné la suppression sous astreinte et a condamné la SARL ATEM à verser une indemnité d'un montant de 1.200,00 € par application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

Le tribunal a débouté la FLCE 35 de sa demande tendant à voir déclarer abusive la clause portant le n° 2 des dits contrats ainsi que de ses demandes de dommages et intérêts et de publication de la décision.

 

La FLCE 35 a interjeté appel de cette décision. Aux termes de ses dernières écritures, elle déclare limiter son recours au rejet de la demande de déclaration du caractère abusif de l'une des clauses du contrat et des demandes de réparation.

Au visa de la loi n° 89-421 du 23 juin 1989, du décret n° 09-422 du 16 mai 1990, des articles L. 421-1 et suivants et notamment de l'article L. 421-6, L. 421-9, L. 132-1, R. 132-1 et suivants du Code de la consommation, de la recommandation n° 87-02 de la commission des clauses abusives, elle prie la Cour de réformer la décision entreprise et de :

* Dire et juger que dans les contrats de courtage matrimonial diffusés par la SARL ATEM et référencés « convention formule 1 » et « contrat formule invitation » est abusif [minute Jurica page 3] au sens de l'article R. 132-1 du Code de la Consommation l'alinéa 4 de la clause numéro 2 des conditions générales d'adhésion intitulée « Moyens mis en œuvre au profit de l'adhérent », disposant : « ATEM ne peut être tenu responsable de la non obtention des visas que ce soit pour l'adhérent ou 1'adhérente invitée en France »,

* Ordonner la suppression de cette clause et ce à compter de la signification de l'arrêt et sous astreinte de 1.000,00 € par manquement constaté,

* Condamner la SARL ATEM à faire publier à ses frais un extrait du dispositif de la décision, dans un journal régional et dans des journaux nationaux, dans les 15 jours de la signification de la décision et passé ce délai, sous astreinte ;

* Condamner la SARL ATEM à lui verser la somme de 7.500,00 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice que la présence de clauses abusives dans ses contrats a occasionné,

* Condamner la SARL ATEM à lui verser la somme de 3.000,00 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

* Condamner la SARL ATEM aux entiers dépens qui seront recouvrés par la SCP GAUVAIN & DEMIDOFF conformément aux dispositions de l'article 699 du Code le Procédure Civile.

S'agissant du caractère abusif, elle fait valoir que c'est à tort que le tribunal a considéré que n'était pas abusif l'alinéa 4 de la clause numéro 2 sus rappelée, s'agissant d'une agence spécialisée dans les mariages mixtes à laquelle il appartient de vérifier que les critères prédéfinis par la France pour accorder un visa sont remplis par les adhérents étrangers, notamment que le candidat n'a pas fait l'objet d'une mesure de reconduite à la frontière ou d'une condamnation pénale.

Elle souligne que l'union créée a vocation à s'établir en France, l'alinéa 8 de la clause n° 3 du contrat intitulée « Obligations de l'adhérent » disposant que l'adhérent « s'engage à régulariser la situation administrative de la candidate au regard de la réglementation du séjour des Etrangers en France lorsque leur rencontre débouchera sur une union stable » et que dans ces conditions l'obtention d'un visa pour se rendre en France est, de fait, un critère essentiel de la personne recherchée via l'agence.

Elle indique que l'obligation de vérification a été consacrée par la Cour de cassation dans une espèce où l'adhérent avait dix ans de plus que l'âge déclaré et qu'il a été jugé que le simple fait de présenter une personne en instance de divorce au lieu d'une personne libre de tout lien matrimonial constitue une faute justifiant non seulement la résiliation du contrat mais aussi l'allocation de dommages et intérêts (CA Rennes, 1re ch., 15 septembre 1994, JCP 1996, IV, n° 207).

Elle reproche en conséquence au tribunal d'avoir fait une mauvaise appréciation de la clause au regard des dispositions de l'article R. 132-1 du Code de la Consommation qui dispose que : « Dans les contrats de vente conclus entre des professionnels, d'une part, et des non professionnels ou des consommateurs, d'autre part, est interdite comme abusive au sens de l'alinéa 1er de l'article L. 132-1 la clause ayant pour objet ou pour effet de supprimer ou de réduire le droit à réparation du non professionnel ou consommateur en cas de manquement par le professionnel à l'une quelconque de ses obligations. »

S'agissant des mesures de réparation, elle fait valoir que la publication d'une semblable décision est la mesure la plus opportune pour alerter le consommateur sur le contenu réel des opérations qui lui sont proposées et lui permettre d'y souscrire avec un consentement éclairé et pour permettre aux adhérents de la société ATEM ayant souscrit les contrats litigieux d'invoquer la décision judiciaire obtenue par la FLCE 35 pour refuser de se voir opposer les clauses jugées abusives.

[minute Jurica page 4] Elle reproche enfin au premier juge d'avoir rejeté sa demande de dommages et intérêts alors qu'une association agrée de défense des consommateurs est en droit de demander devant les juridictions civiles la réparation, notamment par l'octroi de dommages-intérêts, de tout préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif des consommateurs (Cass. civ. 1re, 21 octobre 2003, pourvoi n° 01-13239).

Elle fait valoir que le préjudice causé à l'intérêt collectif des consommateurs ne peut être sérieusement contesté en l'espèce puisque le Tribunal a déclaré rien moins que cinq clauses abusives.

 

La SARL ATEM pour sa part prie la Cour de :

* Dire et juger l'appel de la Fédération du Logement, de la Consommation et de l'Environnement d'Ille et Vilaine mal fondé,

L'EN DEBOUTER ;

* LA CONDAMNER à lui payer la somme de 3.00.00 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

* LA CONDAMNER aux dépens,

* Autoriser la SCP D'ABOVILLE-de MONCUIT-LE CALLONNEC à les recouvrer conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

Elle fait valoir que le tribunal a justement dit que la société de courtage matrimonial, qui n'a pas accès aux données permettant de vérifier si les conditions d'octroi du visa sont réunies, ne peut être tenue pour responsable en cas de refus de visa puisque leurs conditions d'obtention relèvent de la compétence de l'autorité administrative.

Elle ne conteste pas que dans le cadre juridique soumis à la Cour il soit possible de solliciter des dommages et intérêts mais souligne que la décision sur laquelle s'appuie la Fédération ne dit rien de plus que le fait qu'une clause abusive soit une faute et que cette faute soit susceptible de causer un préjudice, que la Fédération passe sous silence un second arrêt rendu par la même chambre le même jour qui déboute une association de défense des consommateurs de sa demande indemnitaire aux motifs « que le préjudice collectif allégué, relativement aux clauses (abusives) susmentionnées, n'était pas démontré ».

Elle indique qu'en outre la cour d'Appel de RENNES a elle-même rappelé à la fédération, dans une affaire l'ayant opposée à la société DONATELLO (1re  chambre B, 28 janvier 2005) que le préjudice collectif doit être caractérisé et prouvé.

La Cour a dans cette espèce alloué la somme de 1.500 € pour le préjudice moral, étant précisé que l'impact d'une société de dimension internationale comme l'est DONATELLO est sans commune mesure avec celui d'une micro-société comme l'est la société ATEM, toutes choses qui n'ont pu échapper à l'appelante.

S'agissant des mesures de publication, elle fait valoir qu'il s'agit d'une mesure de réparation en nature du préjudice collectif et qu'elle ne peut être retenue en son absence.

Elle indique que l'on ne saurait lui reprocher d'avoir de manière délibérée recouru à des méthodes douteuses au détriment de ses adhérents alors qu'elle a utilisé en toute bonne foi des modèles de contrats édictés par les organismes professionnel de la branche, que le chiffre d'affaires de la société et son bénéfice sont modestes, sa gérante n'acceptant qu'un nombre limité d'adhérents afin de pouvoir bien s'en occuper, ses activités étant constituées, outre le courtage matrimonial, par le coaching et le développement personnel.

[minute Jurica page 5] Elle s'engage à remédier dès l'issue de la procédure à la diffusion des contrats incriminés et souligne qu'il serait totalement excessif et démesuré de la contraindre en outre à des parutions d'un coût hors de proportion avec son chiffre d'affaires et son bénéfice d'autant qu'il n'est pas démontré en quoi de telles parutions présenteraient une quelconque utilité autre que d'assouvir les ardeurs répressives et vindicatives de l'association requérante.

Il convient pour trancher le présent litige de se reporter aux énonciations de la décision entreprise et aux dernières conclusions des parties.

En cet état l'affaire a été clôturée le 5 février 2009 et fixée pour être plaidée le 17 mars 2009, date à laquelle elle a été mise en délibéré au 23 avril 2009 par mise à disposition au greffe, délibéré prorogé à ce jour.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                                 (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

DISCUSSION :

- Sur l'alinéa 4 de la clause n° 2 :

C'est par des motifs exempts de critique et que la Cour adopte que le premier juge a dit que cette clause n'est pas abusive s'agissant d'une condition dépendant des seules autorités administratives.

A la différence des conditions citées en exemple par l'appelante comme l'âge réel et l'état matrimonial que révèle la seule production d'un extrait de naissance, le prestataire de service n'a aucun moyen de vérifier que le candidat remplit les conditions d'obtention d'un visa dont le refus peut avoir d'autres motifs que ceux invoqués.

Il est justifié en conséquence de confirmer de ce chef la décision entreprise.

 

- Sur la demande de dommages et intérêts :

Une association agréée de défense des consommateurs est en droit de demander devant les juridictions civiles la réparation, notamment par l'octroi de dommages et intérêts, de tout préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif des consommateurs.

La stipulation d'une clause illicite constitue en elle-même une faute de nature à porter atteinte à l'intérêt collectif des consommateurs.

Il résulte des déclarations de l'intimée qu'elle n'a pas procédé à la suppression des clauses litigieuses de ses contrats, ce qu'elle indique vouloir faire à l'issue de la procédure.

En l'espèce eu égard à l'importance relativement modeste de l'activité dont s'agit, tant par son chiffre d'affaires que par son secteur géographique d'influence, le préjudice occasionné à la collectivité des consommateurs est très modéré et sera réparé par l'allocation de la somme de 1.00,00 €.

 

- Sur la publication de la décision :

La publication de la décision est une réparation en nature du préjudice collectif. Celui-ci étant suffisamment réparé par l'allocation de dommages et intérêts, il convient de rejeter cette demande et de confirmer la décision entreprise de ce chef.

 

- Sur les mesures accessoires :

L'astreinte prononcée par le premier juge ne commencera à courir que dans les deux mois de la signification de l'arrêt et pour une durée maximale de 6 mois, délai passé lequel il devra [minute Jurica page 6] être procédé à sa liquidation et au prononcé éventuel d'une astreinte définitive.

Chaque partie succombant partiellement en ses prétentions, il ne sera pas alloué d'indemnité pour les frais de procédure exposés en appel et chacune conservera la charge de ses dépens d'appel.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                                          (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

DÉCISION :

La Cour,

CONFIRME la décision entreprise sauf en ce qui concerne la demande de dommages et intérêts et statuant à nouveau de ce chef :

CONDAMNE la SARL ATEM à verser à la Fédération du Logement de la Consommation et de l'environnement d'Ille et Vilaine une indemnité d'un montant de 1.000,00 € ;

DIT QUE l'astreinte prononcée ne commencera à courir que dans les deux mois de la signification de l'arrêt et pour une durée maximale de 6 mois, délai passé lequel il devra être procédé à sa liquidation et au prononcé éventuel d'une astreinte définitive ;

Y ajoutant :

CONDAMNE chaque partie à conserver la charge de ses dépens d'appel.

LE GREFFIER,            LE PRÉSIDENT,

 

Est cité par :