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TGI CRETEIL (5e ch. civ.), 20 septembre 1989

Nature : Décision
Titre : TGI CRETEIL (5e ch. civ.), 20 septembre 1989
Pays : France
Juridiction : TGI Creteil. 5e ch. civ.
Demande : 5179/88
Date : 20/09/1988
Nature de la décision : Admission
Date de la demande : 29/06/1988
Décision antérieure : CA PARIS (2e ch. civ. sect. A), 9 décembre 1996
Numéro de la décision : 503
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 CERCLAB/CRDP - DOCUMENT N° 351

TGI CRETEIL (5e ch. civ.), 20 septembre 1989 : RG n° 5179/88 ; jugement n° 503

 

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE CRÉTEIL

CINQUIÈME CHAMBRE CIVILE

JUGEMENT DU 20 SEPTEMBRE 1989

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION                                      (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 5179/88. Arrêt n° 503. JUGEMENT COLLÉGIAL DU 20 SEPTEMBRE 1989.

COMPOSITION DU TRIBUNAL : PRÉSIDENT : MADAME DUFOUR, Vice-Président - ASSESSEURS : Madame DESLAUGIERS-WLACHE, Premier Juge ; Madame CHAUMAZ, Juge.

GREFFIER : Madame TABUTEAU

 

PARTIES :

DEMANDEUR :

1°) Monsieur X.

né le […] à [ville], domicilié [adresse], gérant de restaurant, de nationalité française

 

INTERVENANTS VOLONTAIRES :

2°) La Confédération Générale du logement

Association de consommateurs agréée domiciliée [adresse], agissant poursuites et diligences de son Président Monsieur Y., né le […] à [ville].

3°) L'Union Fédérale des Consommateurs (UFC)

association de consommateurs agréée agissant poursuites et diligences de son Président domiciliée [adresse].

4°) Union Féminine Civique et Sociale (UFCS)

Association de consommateurs agréée domiciliée [adresse], agissant poursuites et diligences de sa Présidente Madame Z.

Représentées par Maître PECHEU Guy Avocat au Barreau de PARIS E.1365

 

DÉFENDEUR :

1°) Monsieur et Madame W.

[adresse], Représentés par Maître PLAISANT Avocat au Barreau du Val de Marne PC. 19

[minute page 2]

2°) La SARL PACTIM

prise en la personne de ses représentants légaux, siège social [adresse], Représentée par Maître FRANC-VALLUET Avocat au Barreau de PARIS P. 250

3°) La Société PAPETERIE TISSOT SA

SA au capital de 300.000 Francs ayant son siège social à [adresse] R.C. PARIS 732 006 531 B, représenté par son Président Directeur Général, Monsieur V., domicilié audit siège, Représentée par Maître BERNARD Pascal Avocat au Barreau de PARIS C. 524

Après clôture prononcée par ordonnance du 14 juin 1989, les débats ont eu lieu à l'audience du 21 juin 1989 à laquelle les parties ont été avisées que la décision était mise en délibéré au 20 septembre 1989.

Les magistrats devant lesquels la cause a été débattue en ont délibéré conformément à la loi et le jugement a été rendu à l'audience publique le 20 septembre 1989.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                                                         (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

FAITS :

Le 14 avril 1988, Monsieur et Madame W. donnaient à la Société PACTIM mandat non exclusif de vendre leur appartement sis au [adresse], pour le prix de « net vendeur 410.000 Francs mini 400.000 Francs ».

Ce mandat, établi sur un modèle type rédigé par la Société TISSOT, stipulait que, « pour garantir la bonne exécution des présentes » l'acquéreur devait verser un acompte minimum de 10 % entre les mains de la Compagnie PROVENCE, séquestre.

La rémunération du mandataire était prévue comme suit : elle « sera selon négociation à la charge de l'acquéreur » (mentions manuscrites).

En cas de manquement, par les mandants, aux obligations contractées à l'égard de leur mandataire, les époux W. devaient verser à celui-ci une indemnité compensatrice de 20.000 Francs.

[minute page 3] Le 14 mai 1988, Monsieur X., après avoir visité l'appartement, a établi un chèque de 44.500 Francs à l'ordre de « PARIS C.I.C. XXX XXXX ».

Le lendemain, Monsieur X. signait un compromis de vente dont la réitération était fixée au 15 septembre 1988 au plus tard.

Le prix principal des biens immobiliers était de 445.000 Francs, Monsieur X. déclarant recourir à un ou plusieurs prêts à concurrence de cette somme, remboursable en vingt ans, avec des remboursements mensuels de 4.330 Francs au taux maximum de 12 % hors assurance et que ses ressources s'élevaient à 15.000 Francs par mois.

Cet acte comportait d'autres conditions qui seront analysées plus loin.

Il était établi, toujours sur un formulaire édité par la Société TISSOT, en un seul exemplaire.

Le 21 mai 1988, Monsieur X. écrivait à la Société PACTIM dans ces termes :

« je vous prie de bien vouloir résilier immédiatement la promesse de vente... que vous m'avez faites (sic) signer le 15 mai courant.

Je vous prie également de me faire parvenir mon chèque n° 87 XXX XXXX de montant 44.500 Francs d'urgence.

Je considère la promesse nulle et terminée ».

Après échanges d'actes extra-judiciaires et lettre recommandée, entre Monsieur X. et la Société PACTIM courant juin 1989, l'UCB écrivait, les 20 juin et 1er juillet 1988, à Monsieur X. en refusant sa demande de prêt.

[minute page 4]

PROCÉDURE :

Par actes des 29 juin et 5 juillet 1988, Monsieur X. a fait assigner Monsieur et Madame W. et la Société PACTIM demandant au tribunal de :

- Dire nul l'acte de vente en un seul original du 15 mai 1988.

- Surabondamment, dire non réalisée la condition suspensive d'acceptation d'un crédit du fait de la renonciation intervenue le 21 mai 1988.

- Dire nulles et abusives les clauses contractuelles de l'acte litigieux ayant pour effet de faire échec aux dispositions combinées des articles 17, 25 alinéa 2, 33 et 36 de la loi du 13 juillet 1979.

- Dire que, faute de désignation suffisante du nom du séquestre, la convention de séquestre ne s'est jamais formée et que le chèque émis au nom du CIC est nul.

- Donner acte à Monsieur X. de ce qu'il se réserve de solliciter des dommages intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la rétention du titre et du chèque sus mentionnés.

- Vu l'urgence, ordonner l'exécution provisoire.

- Condamner les époux W. au paiement de la somme de 5.000 Francs en vertu de l'article 700 du Nouveau Code de procédure Civile et aux dépens.

- Subsidiairement, dire manifestement excessif le montant de la clause pénale et fixer le montant de l'indemnité pour immobilisation au prorata de la durée de cette immobilisation effectuée par rapport à l'immobilisation prévisible.

Le 8 novembre 1988, Monsieur X. a fait assigner la Société TISSOT en intervention forcée et demandé sa condamnation à réparer le préjudice résultant de la nullité des clauses de l'acte du 15 mai 1988 « qui sera justement réparé par le paiement du coût de l'ensemble de la procédure que Monsieur X. a du engager pour faire annuler cet acte outre la somme de 5.000 Francs au titre de préjudice moral », ainsi que la condamnation de la défenderesse au paiement de la somme de 3.000 Francs sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile et aux dépens, le tout avec exécution provisoire.

[minute page 5] Par conclusions additionnelles du 21 décembre 1988, Monsieur X. a requis la jonction des deux instances, la Société PACTIM devant être déclarée irrecevable et mal fondée en ses demandes reconventionnelles et condamnée in solidum avec les époux W. au paiement de la somme de 5.000 Francs en réparation du préjudice subi.

Par ordonnance du 1er février 1989, le juge de la mise en état a ordonné la jonction des instances.

Le 2 mai 1989, Monsieur X. a conclu au rejet des demandes des époux W. de la Société PACTIM et de la Société TISSOT, ajoutant à ses propres demandes celle en paiement de la somme de 5.000 Francs par la Société TISSOT, celle en paiement des sommes de 10.000 Francs par la Société PACTIM pour procédure abusive et 10.000 Francs par application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Le 1er mars 1989, Monsieur et Madame W. ont conclu au rejet de l'intégralité des demandes de Monsieur X. et à sa condamnation à leur payer la somme de 44.500 Francs prévue au titre de la clause pénale contractuelle et de celle de 8.000 Francs en vertu de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Subsidiairement, ils se sont portés demandeurs incidents à l'encontre de la Société PACTIM, celle-ci devant être dans le cadre de sa mission de mandataire, tenue de leur régler des dommages et intérêts équivalents aux sommes dont ils pourraient eux-mêmes être tenus à l'égard de Monsieur X., et condamnée à leur payer 8.000 Francs au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile et, à défaut de Monsieur X., aux dépens, avec exécution provisoire.

* * *

La Société PACTIM a conclu les 23 novembre 1988, 22, février, 3 mai et 24 mai 1989.

Ses demandes sont les suivantes :

- débouté de Monsieur X.

- la convention du 15 mai 1989 doit être déclarée parfaitement valable et faisant la loi des parties, l'acte de vente n'ayant pu être régularisé du fait de l'attitude fautive de Monsieur X. ayant renoncé à son acquisition pour motifs personnels.

- [minute page 6] le montant de la clause pénale doit être apprécié par le tribunal.

Monsieur X. doit être condamné à lui payer la somme de 44.500 Francs avec intérêts à compter du 23 novembre 1988, à titre de commission et, subsidiairement celle de 20.000 Francs, avec les mêmes intérêts, ainsi que celle de 8.000 Francs au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile et aux dépens.

- si la Société PACTIM était condamnée, la Société TISSOT devrait la garantir.

- les interventions volontaires de l'UFC, de la CGL et de l'UFCS doivent être déclarées irrecevables et non fondées.

* * *

Le 1er février 1989, la CGL est intervenue volontairement aux fins suivantes :

- être déclarée recevable et bien fondée en son intervention.

- voir déclarer abusives, illégales et illicites les clauses du contrat du 15 mai 1989, à savoir :

1°) « l'acquéreur devra faire tout son possible pour faire aboutir les demandes de prêt. Il s'oblige notamment :

a) à constituer son dossier en fournissant sans retard tous les renseignements et documents qui pourront lui être demandés, à le déposer auprès des organismes financiers qu'il a choisis dans le délais imparti ».

2°) « cette condition suspensive sera considérée comme réalisée dès que l'acquéreur aura reçu une ou plusieurs offres de prêt des organismes financiers sollicités par lui-même ou par le rédacteur des présentes ou par les deux à la fois, offres couvrant le montant global de l'emprunt nécessaire au financement de son acquisition ».

[minute page 7] 3°) « les parties conviennent expressément que si ce défaut de réalisation résulte d'une faute commise par l'acquéreur (dossiers de prêt non déposés, dossiers demeurés incomplets malgré la demande des organismes prêteurs ou du rédacteur...) la présente condition suspensive sera considérée comme réalisée conformément à l'article 1178 du Code Civil, le vendeur et le rédacteur se réservant en outre le droit de saisir le tribunal afin de se voir attribuer des dommages intérêts pour immobilisation abusive des biens à vendre ».

« Elles (les parties) lui accordent (au rédacteur négociateur) irréductiblement le montant de la rémunération prévue au mandat (...) » et « si, par suite d'un accord amiable les parties convenaient de résilier purement et simplement le présent acte, elles s'engagent solidairement à verser au rédacteur des présentes à titre d'indemnité compensatrice la somme forfaitaire de ... ».

La CGL a également sollicité la suppression, sous astreinte définitive de 1.000 Francs par jour, de chacune de ces clauses dans les contrats fournis par la Société TISSOT, celle-ci devant cesser, dès signification du jugement à intervenir, la vente en sa boutique, en autres lieux et par correspondance, du modèle de convention portant ces 4 clauses litigieuses, et la Société PACTIM devant en faire de même, et la proposition de modèles contraires aux dispositions des articles 6, 1123, 1126, 1128 du Code Civil, 7 alinéa 2, 17 alinéa 2 de la loi du 13 juillet 1979, 6 de la loi du 2 janvier 1970, 73 et 74 du Décret du 20 juillet 1972 devant être déclarée agissements illicites.

Enfin, la CGL a requis la publication dans trois quotidiens nationaux et trois hebdomadaires, de la partie du dispositif de la décision prise par le tribunal de céans, la condamnation de la Société TISSOT au paiement de la somme de 10.000 Francs à titre de dommages intérêts, celle de la Société PACTIM au règlement de 5.000 Francs au même titre, et celle de ces deux sociétés au paiement de 5.000 Francs sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile et aux dépens.

Les 1er février 1989 et 2 mars 1989, l'UFC et l'UFCS ont formé les mêmes demandes que la CGL.

Le 2 mai 1989, ces trois associations ont ajouté à leurs prétentions les demandes suivantes :

- Donner acte de l'acquiescement partiel de la Société TISSOT à leurs demandes, du fait de la modification satisfactoire d'une des quatre clauses critiquées, les trois autres n'ayant pas été mises en harmonie avec la législation en vigueur.

- [minute page 8] Dire abusives et illicites la mention en signature des seuls « acquéreur » et « vendeur » sans stipulation de la signature « du séquestre », et la clause par laquelle « l'acquéreur s'oblige notamment à (...) fournir, à première demande, tous renseignements, documents et certificats médicaux qui pourront lui être demandés (...) par le rédacteur dûment mandaté », ainsi que celle par laquelle l'acquéreur s'engage à « prendre les biens vendus dans l'état où ils se trouveront le jour de l'entrée en jouissance, sans pouvoir prétendre à aucune indemnité ni réduction du prix pour mauvais état du sol ou des bâtiments, vices de construction ou défauts d'entretien, la différence de contenance, fut-elle supérieure ou inférieure à 1/20, devant faire son profit ou sa perte », et en ordonner la suppression.

- Constater les agissements illicites de la Société PACTIM tendant à réclamer et à recevoir des sommes dont le montant n'est pas déterminé par le mandat contrairement aux dispositions des articles 72 à 75 du Décret du 20 juillet 1972.

- Constater les agissements illicites de la Société PACTIM tendant à recevoir les versements sans signature par elle de la convention écrite soumise à l'article 1325 du Code Civil et comportant la mission de séquestre et les conditions de sa rémunération conforme à l'article 6 alinéas 2, 3 et 4 de la loi du 2 janvier 1970.

- Dire qu'il y a lieu d'ordonner les mesures propres à mettre fin à ces agissements.

- Dire que la Société PACTIM devra cesser de réclamer des commissions ou indemnités non prévues au mandat et offrir de restituer toutes celles reçues et conservées depuis l'assignation.

- Dire que la Société PACTIM ne pourra détenir en un seul original les actes visés à l'article 6 de la loi du 2 janvier 1970 comme devant être faits en autant d'originaux que de parties, et qu'elle devra cesser d'être séquestre de fonds remis sans contrat conforme à l'article 1325 du Code Civil.

- Ordonner sous astreinte définitive de 1.000 Francs par jour au profit de chacune des associations en la cause la cessation des agissements illicites sus-mentionnées et la publication du présent jugement.

Le tout avec exécution provisoire.

Le 12 juin 1989, elles ont persisté en toutes leurs prétentions.

[minute page 9] Les 29 mars 1989 et 24 mai 1989, la Société TISSOT a conclu à l'irrecevabilité de la demande de Monsieur X. comme fondée cumulativement sur l'article 1142 et 1382 du Code Civile, sollicitant subsidiairement qu'il fût dit qu'elle n'a commis aucune faute à l'égard de Monsieur X. auquel elle n'a causé aucun préjudice direct.

Elle a également conclu à l'irrecevabilité et, subsidiairement, au débouté des demandes de la C.G.L, de l'UFC et de l'UFCS, et à leur condamnation avec Monsieur X. à payer chacun la somme de 10.000 Francs en réparation du dommage causé par leur action abusive, et de celle de 5.000 Francs au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

 

MOYENS DES PARTIES :

Les moyens essentiels des parties, aux écritures desquelles il y a lieu de se reporter pour plus ample exposé, sont les suivants :

Pour Monsieur X. et la CGL, l'UFC et l'UFCS

Monsieur X. expose que, le 14 mai 1988, vers 21 heures, la Société PACTIM s'est fait remettre un chèque de 44.500 Francs pour la réservation de l'appartement, que le compromis a été signé le lendemain en un seul exemplaire dont il n'a pu obtenir copie malgré plusieurs demandes à l'agence immobilière et que c'est dans ces circonstances qu'il a écrit le 21 mai suivant à l'agence pour lui indiquer qu'il considérait la vente annulée, n'ayant pu matériellement obtenir et accepter un prêt « dans un tel délai ».

A ses demandes des 3 et 8 juin 1988 concernant la restitution de son chèque, le directeur de la succursale du CIC lui répondait qu'il ne se considérait pas comme séquestre, le compte mentionné à l'acte et sur le chèque étant un compte géré par la Société PACTIM fonctionnant dans les conditions prévues par le Décret du 20 juillet 1972 (article 55).

[minute page 10] Monsieur X. fonde sa demande en annulation du compromis de vente sur l'article 1325 du Code Civil, sur l'absence de certains renseignements affectant cet acte et sur celle de date certaine, les époux W. n'ayant pas signé le 15 mai 1988.

Or, la fixation précise de la date de conclusion du contrat est déterminante pour la mise en œuvre de la condition suspensive.

Monsieur X. était en droit de renoncer à l'achat le 21 mai 1988, puisque l'article 17 de la loi du 13 juillet 1979 fixe la durée de validité de la condition suspensive d'octroi du prêt à un mois minimum et que l'article 7 alinéa 2 de la même loi stipule que le prêt ne pourra être valablement accepté que 10 jours après réception de l'offre.

L'acquéreur a la faculté de renoncer à l'opération de crédit envisagée, et le délai légal de 10 jours le rend, pendant ce même délai, incapable de contracter.

En assimilant la date d'obtention du prêt à celle de réalisation de la condition suspensive, le compromis du 15 mai 1988 viole les dispositions légales d'ordre public auxquelles l'acquéreur ne saurait renoncer par avance.

En l'espèce, le contrat ne fixe aucun délai d'acceptation ni de renonciation, énonçant que « la condition suspensive sera considérée comme réalisée dès que l'acquéreur aura reçu une ou plusieurs offres de prêt », alors surtout que le rédacteur mandataire du vendeur s'est fait délivrer mandat de solliciter des prêts au nom de l'acquéreur emprunteur.

En outre, l'UCB, a, le 30 juin 1988, refusé le crédit.

La vente n'ayant pas été réalisée la Société PACTIM ne peut prétendre à aucune commission.

Au surplus, la fixation de la date d'obtention du prêt étant fixée au 20 juin 1988, l'offre aurait dû être faite le 9 juin 1988 pour respecter le délai de dix jours.

Or, Monsieur X. n'a pu entrer en possession de l'acte que le 27 mai 1988 ce qui lui interdisait de déposer sa demande le 25 mai, comme prévu par la convention.

D'autre part, il était faussement indiqué que le séquestre du chèque de 44.500 Francs était le CIC alors que le compte ouvert par la Société PACTIM de cette banque était géré par cette agence immobilière qui n'a pas été acceptée comme séquestre par l'acquéreur dont le consentement a été vicié.

[minute page 11] Même à la supposer valable, la clause pénale est manifestement excessive, s'agissant d'une immobilisation de 6 jours.

La Société PACTIM et les époux W. ont entretenu une confusion entre les différents délais prévus par la loi et par le contrat :

- délais convenus de dix jours à compter de la signature pour le dépôt des demandes de prêt, de 48 heures pour donner copie du dossier au rédacteur, et fixation de la date du 20 juin 1988 pour l'obtention du prêt.

- délais légaux de refus à compter de la signature jusqu'au 11ème jour de l'offre de crédit, et d'acceptation à compter du 11ème jour.

La responsabilité de la Société PACTIM, de la Société TISSOT et des époux W. est fondée sur les articles 1382-1383 du Code Civil.

L'ambiguïté du modèle établi par la Société TISSOT, même antérieure à la parution des recommandations de la commission des clauses abusives n'était conforme, ni à la loi ni à la jurisprudence et elle facilitait, pour l'agent immobilier, la réalisation du délit de demande de commission illicite.

* * *

Pour les époux W.

Monsieur X. s'est rétracté sans motif et a fait opposition sur le chèque.

Il n'a jamais, contrairement à ses engagements, déposé de demande de crédit auprès du C.D.E, et il est mal venu à tirer prétexte de la non-remise du compromis alors qu'il atteste lui-même de ses diligences auprès de l'UCB dans les délais impartis.

Si les prétentions de Monsieur X. devaient être admises, la Société PACTIM leur devrait garantie des condamnations prononcées en raison de ses erreurs ou négligences, et réparer, par le règlement de la somme de 44.500 Francs, le préjudice subi par les époux W.

[minute page 13]

Pour la Société PACTIM

Elle a délivré copie de l'acte dès que Monsieur X. la lui a demandée.

Le vice pouvant résulter de la violation de l'article 1325 du Code Civil est purgé puisque Monsieur X. reconnaît l'existence de l'acte du 15 mai 1988, et l'a exécuté par la remise du chèque de 44.500 Francs et a déposé une demande de crédit auprès de l'UCB.

Cet acte a été signé par les époux W. le 15 mai 1988, l'agence PACTIM les ayant avisés de l'accord de Monsieur X. par télégramme de la veille.

Monsieur X. s'est borné à contacter l'UCB, empêchant ainsi la réalisation de la condition suspensive et l'article 1178 du Code Civil doit être appliqué.

La Société PACTIM a droit au paiement de la commission prévue par le mandat et la promesse de vente et, dans l'hypothèse où elle aurait perdu ce droit, la faute de Monsieur X. est à l'origine de cette perte.

La liberté de Monsieur X. était tout à fait protégée car il conservait la faculté de contracter avec l'un ou l'autre des organismes financiers mentionnés (UCB ou CDE).

Monsieur X. ne peut remettre en cause, pour motifs personnels, le contrat conclu par lui.

Même si la nullité des clauses critiquées par les trois unions de consommateurs était admise, elle n'entraînerait pas la nullité de l'acte et n'autoriserait pas Monsieur X. à se dégager.

La clause de séquestre est parfaitement régulière et a été acceptée par Monsieur X.

L'utilisation du modèle établi par la Société TISSOT, spécialiste dans le domaine de l'immobilier, ne peut être reprochée à la Société PACTIM, et le formulaire modifié n'a été édité et proposé à la vente qu'en mars 1989, sans retrait de la vente du formulaire 764 d'octobre 1987 utilisé pour la vente litigieuse.

[minute page 13] L'intervention des trois unions de consommateurs est destinée à permettre à Monsieur X. de se délier de ses obligations et il ne peut être soutenu que l'acquéreur ayant contracté sous condition suspensive de l'octroi d'un prêt est libre de ne pas déposer de demande et de refuser l'offre même si elle est conforme à sa demande.

* * *

Pour la CGL, l'UFC et l'UFCS

Leur action est recevable par application de la loi du 5 janvier 1988 qui permet aux associations agrées de saisir soit le Tribunal civil, soit le Tribunal pénal, non seulement à propos de biens de consommation, mais aussi en cessation d'agissements illicites lésant les consommateurs.

En l'espèce, le contrat litigieux a été conclu entre un professionnel (la Société PACTIM) et un particulier consommateur (Monsieur X.).

Les agissements illicites de la Société PACTIM sont les suivants :

- réception du chèque de 44.500 Francs avant signature d'un contrat écrit, (article 6 loi du 20 janvier 1972)

- le mandat du 14 avril 1988, qui met la rémunération de l'intermédiaire à la charge de l'acquéreur, ne fixe pas le montant de cette commission ce qui est en contradiction à l'article 72 du Décret du 20 juillet 1972 interdisant au mandataire de négocier une opération immobilière sans détenir un mandat délivré à cet effet, et l'article 73 du même texte interdit au titulaire de la carte professionnelle de recevoir une rémunération autre que celle prévue par le mandat.

- il en est de même pour les fonctions de séquestre de la Société PACTIM, l'article 6 de la loi du 2 janvier 1970 précisant que les agents immobiliers ne sont autorisés à recevoir des fonds qu'en vertu d'un contrat écrit respectant les conditions de l'article 1325 du Code Civil.

- [minute page 14] en outre, les quatre clauses énumérées dans les conclusions des 1er février et 1er mars 1989 sont non seulement illégales, mais abusives au regard des quatre recommandations de la commission des clauses abusives du 22 janvier 1988 publiées le 30 juin 1988 qui a estimé comme telles les conditions ayant pour objet :

* de priver le consommateur du délai de réflexion de dix jours et de refuser sans abus de droit le prêt qui lui est offert,

* de dispenser le professionnel du remboursement ou de retarder celui-ci lorsque le consommateur aura, sans abus de droit, refusé l'offre de prêt,

* de subordonner le droit au remboursement du consommateur à la preuve de plusieurs refus de prêt,

* d'imposer au consommateur, à peine de déchéance de ses droits, la preuve du dépôt d'une demande de prêt dans un délai insuffisant pour réunir les éléments nécessaires à sa présentation.

Or, le contrat attaqué accorde des avantages excessifs et illicites à l'agent immobilier et au vendeur en créant un engagement de faire des démarches pour obtenir le prêt, d'accepter ce prit et en privant l'acquéreur du délai de réflexion de dix jours.

Le consommateur peut valablement, et sans que cela soit constitutif d'obligation pour lui, informer le prêteur de son intention de recourir à tel ou tel type d'emprunt auprès de ou des organismes de son choix.

Le compromis du 15 mai 1988 assortit l'obligation des démarches pour l'octroi du prêt de sanctions financières, et les délais impartis sont insuffisants.

Il serait incohérent de reconnaître au consommateur le droit de refuser le prêt, mais de le sanctionner s’il n'a pas effectué les démarches pour obtenir, dans l'hypothèse où il a renoncé à s'endetter dès les premiers jours suivant la vente, et de stipuler une clause pénale en cas de refus de prêt sans abus de droit.

La clause prévoyant une solidarité entre vendeur et acquéreur, dans le cas d'une résiliation amiable, avec indemnité au profit de l'agent immobilier impose une solidarité illicite en la matière et contraire à l'article 73 du Décret du 20 juillet 1972.

[minute page 15] La Société TISSOT, en modifiant son modèle en mars 1988, a acquiescé partiellement à la demande.

Néanmoins, elle a maintenu certaines clauses, dont l'obligation par le consommateur de faire des démarches en vue d'obtenir le prêt et en l'empêchant ainsi de refuser le crédit avant qu'il ne soit offert, cette faculté de refus comportant a fortiori celle de ne pas solliciter le prêt.

La condition suspensive d'octroi du prêt n'est pas une véritable condition suspensive au sens de l'article 1178 du Code Civil. Elle n'est pas imposée par l'ordre public et dépend, non d'un événement incertain, mais d'un fait positif d'un des contractants.

Elle n'est pas rétroactive car l'engagement de l'acquéreur emprunteur ne naît véritablement qu'au moment de l'acceptation du prêt.

Les trois unions de consommateurs réfutent les allégations de la Société TISSOT selon lesquelles si la réalisation de la vente était subordonnée, non plus à la réception de l'offre de prêt, fût-elle conforme aux conditions fixées par le candidat acquéreur, mais à la liberté de celui-ci de refuser ce même prêt, cette condition serait purement potestative.

En effet, il ne s'agit que d'exigences relatives à la formation et à la validité du consentement et à la capacité de contracter.

Enfin, deux clauses maintenues dans les modèles TISSOT (production des renseignements médicaux et prise des lieux en l'état sans recours possible) sont illégales et illicites.

La Société TISSOT ne peut invoquer d'atteinte à sa liberté d'éditer, d'imprimer et de vendre alors qu'elle exerce, non une activité d'auteur mais celle de rédacteur d'actes, et la loi du 29 juillet 1881 ne dégage pas l'éditeur, l'imprimeur ou l'auteur de la responsabilité résultant de l'article 1382 du Code Civil.

[minute page 16]

Pour la Société TISSOT

Monsieur X. n'a aucun lien de droit avec elle et il ne précise [pas] les clauses critiquées par lui, se bornant à se rallier à l'argumentation des associations intervenantes.

La Société TISSOT met régulièrement à jour ses imprimés pour les maintenir en conformité aux exigences légales et à la jurisprudence.

Permettre à l'acquéreur de refuser le prêt, même conforme aux conditions stipulées par lui, confère à la condition suspensive le caractère potestatif, et est contraire à l'article 1178 du Code Civil.

La Société TISSOT n'a commis aucune faute et il appartenait à Monsieur X., soit de prendre conseil, soit de modifier le contrat proposé par la Société PACTIM.

Celle-ci, pressée de recevoir sa commission, est d'autant plus mal venue à rechercher la garantie de la Société TISSOT que son propre comportement apparaît particulièrement fautif.

Les interventions des associations sont irrecevables, un bien immobilier n'étant pas un bien de consommation.

Ni elles, ni Monsieur X. ne précisent le fondement de leur action ce qui heurte le principe de non cumul des responsabilités contractuelle et délictuelle.

Elles sont mal fondées car la recommandation de la commission des clauses abusives ne vise que les relations entre vendeur professionnel et consommateur, ce qui n'est pas le cas, et n'était, à l'époque des faits, pas publiée.

Les clauses incriminées ont été supprimées après cette publication.

Les demandes formées contre la Société TISSOT portent atteinte à la liberté d'imprimerie et d'édition.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                                                 (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

[minute page 17] MOTIFS :

La clarté de la discussion impose, en premier lieu, l'examen des demandes des trois associations.

 

I - Sur les demandes des trois associations de consommateurs :

1°) Sur la recevabilité des interventions des trois unions de consommateurs :

Les articles 3 et 6 de la loi du 5 janvier 1988 confèrent aux associations agrées à l'effet d'assurer la défense des intérêts des consommateurs la faculté de solliciter, devant la juridiction civile ou la juridiction pénale, toutes mesures destinées à faire cesser les agissements illicites et à supprimer dans le contrat-type proposé au consommateur une clause illicite et, devant la juridiction civile, de demander la suppression des clauses abusives, le cas échéant sous astreinte.

Il n'est pas contesté que les trois intervenantes soient titulaires de l'agrément prévu.

Ayant, conformément aux textes précités; opté pour la juridiction civile à l'occasion du litige opposant Monsieur X. à la Société PACTIM aux époux W. et à la Société TISSOT, aucun cumul de voies de droit ne peut leur être reproché.

Invoquant la loi du 13 juillet 1979 relative à l'information et à la protection de l'acquéreur emprunteur dans le domaine immobilier et la recommandation de la commission des clauses abusives, elles agissent dans l'intérêt du consommateur, ce vocable devant être entendu dans le sens le plus large et non réservé aux seuls biens de consommation.

En conséquence, leur intervention doit être déclarée recevable.

 

2°) Sur leur bien fondé :

Il convient, avant d'examiner en détail les diverses clauses attaquées, de répondre à l'argument selon lequel le délai de réflexion de dix jours prévu par l'article 7 de la loi du 13 juillet 1979 s'applique même avant l'offre du prêt et institue une incapacité provisoire de l'acquéreur pendant ce même délai, les articles 1126 et 1128 du Code Civil interdisant de contracter sur les choses hors commerce et s'opposant, par là même, à toute décision prise, à l'intérieur dudit délai, par l'acquéreur.

[minute page 18] Les associations affirment que ce « délai de renonciation court nécessairement à compter de la signature de l'acte de vente jusqu'à une date qui ne saurait être antérieure au 12ème jour suivant l'offre du prêt ».

Elles n'affirment pas moins que, le 21 mai 1988, soit six jours après la conclusion de la promesse de vente, Monsieur X., bien que frappé de l'incapacité provisoire alléguée, pouvait renoncer à son opération, ce qui est quelque peu contradictoire.

Mais surtout, il y a lieu de se reporter tant aux textes qu'aux recommandations de la commission des clauses abusives.

Or, l'article 17 de la loi de 1979 fixe à un mois minimum à partir de la signature de l'acte (ou de son enregistrement en cas de promesse unilatérale) la durée de la validité de la condition suspensive, ce qui veut dire que l'acquéreur emprunteur ne peut s'obliger à obtenir un prêt, avant l'expiration de ce délai.

L'article 7 de cette loi dispose que l'emprunteur ne peut accepter l'offre de prêt que dix jours après l'avoir reçue.

Il n'est nullement question de faire jouer ce délai dès la conclusion de l'acte et l'incapacité provisoire en résultant ne s'applique qu'à l'acceptation du prêt.

La recommandation de la Commission des Clauses Abusives se borne à demander l'élimination des clauses ayant pour objet ou pour effet « de priver le consommateur du délai de réflexion de dix jours qui lui est conféré par l'article 7 de la loi du 13 juillet 1979 et du droit de refuser, sans abus de droit, le prêt qui lui est offert ».

Il n'est nulle part question d'appliquer ce délai de dix jours à un autre objet tel que la renonciation aux engagements souscrits, et ce serait ajouter à la lettre et à l'esprit de la loi et au vœu de la Commission d'admettre la thèse soutenue par les associations par ailleurs contraire à l'article 1134 du Code Civil suivant lequel les conventions doivent être exécutées de bonne foi.

C'est ainsi que les moyens invoquant les articles 6, 1123, 1128 du Code Civil doivent être rejetés à propos de l'élimination des clauses critiquées par les Associations.

[minute page 19]

A) Sur la clause selon laquelle :

« l'acquéreur devra faire tout son possible pour faire aboutir les demandes de prêt. Il s'oblige notamment à constituer son dossier en fournissant sans retard tous les renseignements et documents qui pourront lui être demandés, à le déposer auprès des organismes financiers qu'il a choisis dans le délai imparti ».

Cette clause est le prolongement de l'engagement de l'acquéreur emprunteur pour tenter d'obtenir le prêt nécessaire à son achat.

En tant que telle, elle n'est ni illégale ni abusive en son principe. Cependant la mention « Dans le délai imparti » est ambiguë.

Elle peut, pour le consommateur non avisé des droits qu'il tire de la loi, prêter à confusion si, par ailleurs, l'acte fixe une date antérieure à l'expiration du délai d'un mois.

En conséquence, il y a lieu d'ordonner la modification de cette clause, par la suppression de la mention « Dans le délai imparti ».

 

B) Sur la clause suivante :

« Cette condition suspensive sera considérée comme réalisée dès que l'acquéreur aura reçu une ou plusieurs offres de prêt des organismes sollicités par lui-même ou par le rédacteur des présentes ou par les deux à la fois, offres couvrant le montant global de l'emprunt nécessaire au financement de son acquisition ».

Assimiler la date de réalisation de la condition suspensive à celle de l'offre du ou des prêts revient à supprimer le délai de réflexion de dix jours, non seulement accordé mais imposé à l'acquéreur emprunteur, pour examiner les conditions proposées par l'organisme prêteur et lui permettre d'opter pour la solution la plus conforme à ses intérêts.

Cette clause se heurtant à la fois aux dispositions de l'article 7 de la loi de 1979 et à la première recommandation de la Commission des Clauses Abusives doit être supprimée pour faire place à une autre clause conforme à la loi.

[minute page 20]

C) Sur la clause suivante :

« Les parties conviennent expressément que si ce défaut de réalisation résulte d'une faute commise par l'acquéreur (dossiers de prêt non déposés, dossiers demeurés incomplets malgré la demande des organismes prêteurs ou du rédacteur...) la présente condition suspensive sera considérée comme réalisée conformément à l'article 1178 du Code Civil le vendeur et le rédacteur se réservant en outre le droit de saisir le tribunal afin de se voir attribuer des dommages-intérêts pour immobilisation abusive des biens à vendre ».

En soumettant la réalisation de son acquisition à l'obtention du prêt nécessaire, l'acquéreur prend l'engagement implicite de constituer son dossier de demande de crédit.

La clause litigieuse, qui n'impose aucun délai à l'emprunteur, n'est en réalité que l'application des articles 1178 et 1142 du Code Civil, et la faculté réservée au vendeur et au rédacteur de saisir le tribunal afin de se voir attribuer des dommages intérêts pour immobilisation abusive des biens à vendre n'est qu'une éventualité soumise à l'appréciation de la juridiction saisie quant à la responsabilité encourue par l'acquéreur.

C'est ainsi que ce chef de demande doit être rejeté.

 

D) Sur la clause suivante :

« Elle (les parties) lui accordent (au rédacteur négociateur) irréductiblement le montant de la rémunération prévue au mandat (...) » et « si par suite d'un accord amiable les parties convenaient de résilier purement et simplement le présent acte, elles s'engagent solidairement à verser au rédacteur des présentes à titre d'indemnité compensatrice la somme forfaitaire de (...) ».

L'article 6 de la loi du 2 janvier 1970 réglementant ces conditions d'exercice des activités relatives à certaines opérations portant sur les immeubles et fonds de commerce dispose qu'aucune somme d'argent représentant des commissions, frais de recherches ou démarches quelconques ne peut être exigée par les personnes définies à l'article 1er avant que l'opération projetée n'ait été constaté par un acte écrit contenant engagement des parties.

Les articles 73 et 74 du Décret du 20 juillet 1972 stipulent, d'une part, que l'agent immobilier ne peut recevoir de rémunération ou commissions d'une personne autre que celle mentionnée dans le mandat et dans l'engagement des parties et, d'autre part, que, dans l'hypothèse d'un compromis contenant un dédit ou une condition suspensive, l'opération ne peut être regardée comme effectivement conclue tant que la faculté de dédit subsiste ou tant que la condition suspensive n'est pas réalisée.

[minute page 21] Il résulte de la combinaison de ces textes que :

- l'attribution à titre irréductible de la rémunération du négociateur dès signature du compromis est illégale et ne peut être acquise qu'après réalisation des conditions suspensives et ou expiration du délai de dédit, soit à la signature chez le notaire.

- aucune solidarité entre acheteur et vendeur quant à la rémunération de l'intermédiaire ne doit être mentionnée.

En revanche, si, après expiration de la durée de validité de la ou des conditions suspensives ou de la faculté de dédit, acquéreur et vendeur s'entendent pour ne pas donner suite à leur projet et pour des motifs étrangers à ceux inclus dans le compromis, celui-ci prend, au sens de l'article 1589 du Code Civil, valeur d'engagement écrit des parties qui, dès lors doivent supporter la charge de la résolution de la vente sans pénaliser pour autant le négociateur en le privant de l'indemnité destiné à compenser ses frais, peines et soins.

En conséquence, la première partie de la clause doit être supprimée et la seconde maintenue.

 

E) Sur la clause suivante :

« L'acquéreur s'oblige notamment à (...) fournir à première demande tous renseignements, documents et certificats médicaux qui pourront lui être demandés (...) par le rédacteur dûment mandaté ».

Cette clause s'oppose au respect du secret médical institué par l'article 378 du Code Pénal.

L'état de santé d'un individu fait partie de sa personnalité qui ne peut, aux termes de l'article 1128 du Code Civil faire l'objet de convention et dont le secret doit être sauvegardé.

Enfin, le « rédacteur », agissant comme professionnel de l'immobilier, ne peut, même « dûment mandaté », avoir accès à des documents médicaux le renseignant sur l'état de l'acquéreur.

C'est ainsi que cette clause doit être supprimée.

[minute page 22]

F) Sur la clause suivante :

L'acquéreur s'oblige « à prendre les biens vendus dans l'état où ils se trouveront le jour de l'entrée en jouissance, sans pouvoir prétendre à aucune indemnité ni réduction du prix pour mauvais état du sol ou des bâtiments, vices de construction ou défauts d'entretien, la différence de contenance, fût-elle supérieure ou inférieure à l/20, devant faire son profit ou sa perte ».

Cette clause a pour effet de dégager, par avance, le vendeur de la garantie d'éviction et des vices cachés et de celle résultant de son fait personnel (défaut d'entretien).

Il ne peut être dérogé à l'application des articles 1628, et 1641 du Code Civil que si, à la date de sa renonciation anticipée à ces dispositions légales, l'acheteur était pleinement renseigné sur la portée de cette renonciation, ce qui est en contradiction avec les termes mêmes de la clause.

En conséquence, celle-ci doit être supprimée.

Les suppressions ordonnées en tant que de besoin pour les clauses illicites subsistant dans les modèles édités par la Société TISSOT, doivent être assorties d'une astreinte déterminée par le dispositif du présent jugement.

 

3°) Sur les agissements reprochés  à la Société PACTIM :

Il résulte des motifs sus-énoncés que la Société PACTIM en entendant soumettre solidairement et irréductiblement les parties intervenant à une promesse de vente au paiement de sa commission s'est rendue coupable d'agissements illicites.

Il en est de même concernant la mission de séquestre et les conditions de sa rémunération définies au mandat du 14 avril 1988.

[minute page 23] En effet ce mandat ne fixe pas le montant de la commission de l'intermédiaire puisque celle-ci est « selon négociation ».

Cette disposition, alors surtout que la commission est spécifiée à la charge de l'acquéreur, constitue une infraction aux articles 72 et 73 du Décret du 20 juillet 1972.

En outre, le chèque de 44.500 Francs ne correspondant à aucune précision du mandat a été reçu par la Société PACTIM la veille de la signature de la promesse de vente et aucun reçu n'a été délivré, ce qui correspond, pour le moins à un comportement illicite contraire à l'article 6 de la loi du 2 janvier 1970.

Enfin, le mandat contenant constitution de séquestre contrevient aux dispositions d'ordre public de l'alinéa 2 de l'article 6 de la loi du 2 janvier 1970 qui impose le respect de l'article 1325 du Code Civil qui n'a pas été observé puisqu'établi en un seul exemplaire.

Au surplus, il n'a pas, contrairement à l'article 73 du Décret du 20 juillet 1972, été repris dans l'engagement des parties.

En conséquence, et dans le cadre des mesures autorisées par la loi du 5 janvier 1988, il y a lieu de constater l'existence des agissements illicites de la Société PACTIM et d'ordonner leur cessation sous astreinte de 500 Francs par jour, non à compter de l'assignation, mais à la date à laquelle le présent jugement, fixant les droits des parties, aura acquis l'autorité de la chose jugée.

[minute page 24] La demande en restitution des sommes reçues ou conservées indûment depuis l'assignation introductive d'instance doit, faute de précisions permettant de lui conférer une véritable portée, être rejetée.

 

4°) Sur la demande en paiement de dommages intérêts des trois associations :

Par application des articles 1, 3 e 5 de la loi du 5 janvier 1988, cette demande est bien fondée.

Sanctionnant le préjudice porté, directement ou indirectement, à l'intérêt collectif des consommateurs, le Tribunal doit condamner la Société PACTIM et la Société TISSOT respectivement au paiement de la somme de 3.000 Francs à titre de dommages intérêts.

 

5°) Sur la publication du jugement :

Les mesures prises, tant à l'encontre de la Société TISSOT que de la Société PACTIM, sont suffisamment contraignantes sans qu'il y ait lieu d'ordonner la publication du présent jugement.

 

II - Sur les demandes de Monsieur X. :

1°) Sur la nullité de l'acte du 15 mai 1988 pour inobservation de l'article 1325 du Code Civil :

L'inobservation de ce texte n'entraîne pas la nullité de la convention, mais prive seulement de sa force l'acte considéré comme moyen de preuve.

Monsieur X. ne conteste pas l'existence du compromis puisqu'il en demande la nullité.

[minute page 25] En conséquence, ce moyen doit être rejeté.

 

2°) Sur l'absence de réalisation de la clause suspensive :

La promesse de vente du 15 mai 1988 fixait au 20 juin suivant la date limite d'obtention du ou des prêts. Elle respectait ainsi, dans la lettre, le délai légal d'un mois de validité de la clause suspensive.

L'absence de remise du compromis de vente privait Monsieur X. de la possibilité de déposer immédiatement un dossier de prêt, et ce n'est que par lettre du 26 mai 1988 que la Société PACTIM adressait la photocopie de l'acte au conseil de Monsieur X.

Néanmoins, le 20 juin 1988, à la date convenue, l'UCB notifiait à Monsieur X. son refus de prêt.

Aucune clause ne pouvait valablement imposer à Monsieur X. de contracter également le C.D.E, l'acquéreur s'engageant seulement à solliciter un crédit auprès de l'U.C.B ou du C.D.E, ces deux organismes n'étant mentionnés qu'à titre d'information.

En conséquence, en l'absence de réalisation de la condition suspensive contractuelle, le Tribunal doit constater la caducité de la promesse de vente, sans retenir pour autant la responsabilité de Monsieur X. ni celle des époux W., et ordonner la restitution du chèque de 44.500 Francs

 

3°) Sur sa demande en paiement de dommages intérêts contre la Société TISSOT :

Contrairement aux allégations de la Société TISSOT, la demande de Monsieur X. est fondée, non sur l'article 1143 du Code Civil, aucun lien de droit ne le liant à cet imprimeur, mais sur l'article 1382 du même code.

En l'espèce, le seul fait de proposer des modèles-types de contrat, même s'ils contreviennent aux dispositions légales et aux recommandations de la Commission des Clauses Abusives, ne constitue pas une faute caractérisée.

[minute page 26] D'autre part, le préjudice de Monsieur X. est inexistant : il a fait opposition sur le chèque de 44.500 Francs et n'est pas contraint de régulariser l'acquisition qu'il projetait.

C'est ainsi que ce chef de demande doit être rejeté.

 

4°) Sur sa demande en paiement de dommages intérêts contre les époux W. :

Là encore, à défaut de preuve de préjudice subi par Monsieur X. et de faute des époux W., ces demandes doivent être déclarées mal fondées.

 

5°) Sur la demande en paiement de dommages intérêts contre la Société PACTIM :

Certes les agissements de la Société PACTIM, professionnel de l'immobilier, sont illicites.

Cependant, ils ne sont pas à l'origine de la caducité de la vente constatée pour d'autres causes.

Le chèque de 44.500 Francs a été, irrégulièrement d'ailleurs, frappé d'opposition par Monsieur X. qui doit être débouté de ce chef de demande.

 

6°) Sur la nullité des clauses contractuelles avant fait échec aux dispositions combinées des articles 17, 25 alinéa 2, 33 et 36 de la loi du 13 juillet 1979 :

Ce problème concerne l'intervention des trois associations de consommateurs et n'intéresse pas directement Monsieur X. et a été traité dans ce cadre, étant observé que Monsieur X. ne précise les clauses attaquées par lui.

[minute page 27]

III - Sur les demandes des époux W. :

En raison de la caducité de la vente projetée, Monsieur et Madame W. sont sans droit à revendiquer l'application de la clause pénale à leur profit, et la demande en garantie à l'encontre de la Société PACTIM est sans objet, Monsieur X. n'ayant pas obtenu les dommages intérêts réclamés par lui à Monsieur et Madame W.

Pour les mêmes motifs, les vendeurs doivent être déclarés mal fondés en leurs demandes en paiement de dommages intérêts concernant la Société PACTIM, la vente n'ayant pu être réitérée du fait de la caducité du compromis, non imputable directement à l'agent immobilier.

 

IV - Sur les demandes de la Société PACTIM :

1°) Contre Monsieur X. :

La discussion précédente justifie le rejet de ces demandes.

 

2°) Contre la Société TISSOT :

L'éditeur imprimeur qui commercialise des modèles-types de contrat n'est tenu à aucun devoir de conseil impliquant sa responsabilité contractuelle.

D'autre part, le fait de proposer à la vente ces mêmes formulaires, même s'ils contreviennent aux dispositions légales, ne peut constituer une faute ouvrant droit à réparation pour les utilisateurs.

En effet, ceux-ci, surtout si, comme la Société PACTIM, sont des professionnels, peuvent, soit ne pas acquérir ces formulaires, soit les modifier, soit en créer eux-mêmes.

La demande en garantie dirigée contre la Société TISSOT doit, par conséquent, être déclarée mal fondée.

[minute page 28]

V°) Sur l'exécution provisoire :

A défaut d'urgence constatée, l'exécution provisoire ne doit être ordonnée.

 

VI°) Sur les demandes formées en vertu de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile :

L'application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile est subordonnée à un seul critère, celui de l'équité.

Par suite, les demandes de Monsieur X., des époux W., des trois associations et de la Société TISSOT doivent être déclarées fondées à l' encontre de la Société PACTIM et à concurrence de 5.000 Francs pour chacun, et celle de la Société PACTIM mal fondée.

Les dépens devront être supportés par moitié par la Société PACTIM et la Société TISSOT qui succombent à l'instance.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                                                            (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

Le Tribunal statuant publiquement, contradictoirement et en premier ressort,

Déclare la Confédération Générale du logement, l'Union Fédérale des Consommateurs, l'Union Féminine Civique et Sociale recevables en leurs demandes.

Les y déclare partiellement bien fondées.

Déclare illicites :

1°) la mention « dans le délai imparti » inscrite dans la première (A) clause attaquée.

2°) la totalité de la deuxième clause attaquée (B).

[minute page 29] 3°) la mention figurant à la 4ème clause (D), soit : « Elles lui accordent irréductiblement le montant de la rémunération prévue au mandat ».

4°) La totalité des 5ème et 6ème clauses (E et F).

Condamne la Société TISSOT à supprimer ces clauses, en tant que de besoin, et sous astreinte de l.000 Francs par jour de retard, à compter de la date à laquelle la présente décision sera devenue définitive.

Constate les agissements illicites de la Société PACTIM tendant à réclamer ou recevoir des sommes en contravention aux dispositions des articles 72 à 75 du Décret du 20 juillet 1972 et de l'article 6 de la loi du 20 janvier 1970.

Dit que la Société PACTIM devra cesser de réclamer des commissions non prévues au mandat et de détenir en un seul original les actes visés à l'article 6 de la loi du 20 janvier 1970, et d'être séquestre de fonds sans contrat conforme à l'article 1325 du Code Civil.

Dit que, faute de se conformer aux présentes dispositions, la Société PACTIM devra régler à chacune des trois associations en la cause la somme de 500 Francs par jour à compter de celui où la présente décision aura acquis l'autorité de la chose jugée.

Condamne respectivement la Société PACTIM et la Société TISSOT à payer, à chacune des trois associations, la somme de 3.000 Francs à titre de dommages intérêts.

Déboute la C.G.L, l'UFC et l'UFCS du surplus de leurs demandes.

Constate la caducité de la promesse de vente du 15 mai 1988 et déclare Monsieur X. mal fondé en ses demandes en paiement de dommages intérêts contre les époux W., la Société PACTIM et la Société TISSOT.

Déclare les époux W., la Société PACTIM et la Société TISSOT mal fondées en toutes leurs demandes et les en déboute.

Dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.

Condamne la Société PACTIM à payer à Monsieur X., aux époux W., à la Société TISSOT et à chacune des trois associations de consommateurs la somme de 5.000 Francs pour chacun d'entre eux, au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

[minute page 30] Fait masse des dépens et dit qu'ils seront supportés par moitié par la Société PACTIM et la Société TISSOT, dont distraction au profit de Maîtres PECHEU et PLAISANT, avocats qui en ont fait l'avance.

FAIT JUGE ET SIGNE A CRETEIL le VINGT SEPTEMBRE MIL NEUF CENT QUATRE VINGT NEUF.

 

 

 

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