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CA AGEN (1re ch.), 16 juin 2004

Nature : Décision
Titre : CA AGEN (1re ch.), 16 juin 2004
Pays : France
Juridiction : Agen (CA), 1re ch.
Demande : 03/01632
Décision : 719-04
Date : 16/06/2004
Nature de la décision : Infirmation
Mode de publication : Legifrance
Décision antérieure : TGI SAINT-GAUDENS, 6 mai 2003, TGI SAINT-GAUDENS (1re ch. civ.), 25 avril 2006
Numéro de la décision : 719
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CERCLAB/CRDP - DOCUMENT N° 547

CA AGEN (1re ch.), 16 juin 2004: RG n° 03/01632 ; arrêt n° 719-04

Publication : Legifrance

 

Extraits : 1/ « Qu'il est établi en l'espèce que M. X. a déclaré user du véhicule en cause tant pour son usage professionnel que privé ; qu'en outre, la profession d'avocat exercée par M. X. ne le prédestine pas à être un professionnel de l'automobile ; qu'en considération de cet usage mixte du véhicule, il doit être décidé que les dispositions de l'article L. 132-1 du Code de la Consommation est applicable en l'espèce ».

2/ « Mais attendu qu'en écrivant « ... mais cependant n'assume aucune responsabilité tant contractuelle que quasi délictuelle », la société Walter SPANGHERO se déchargeait de toute responsabilité, même quant à sa qualité propre de loueur ; que ce faisant, elle créait un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties au contrat au détriment de M. X. qui ne pouvait en aucune manière et circonstance rechercher la responsabilité de son cocontractant qu'ainsi, par réformation du jugement, la nullité de cette phrase sera seule confirmée et que celle-ci sera réputée non écrite ».

3/ « Attendu quant au sixième alinéa de l'article 6-2 du contrat que la société Walter SPANGHERO soutient qu'il ne constitue pas une clause abusive aux motifs essentiels qu'il n'interdit pas au locataire de demander une suspension du paiement des loyers en cas d'immobilisation du véhicule par suite d'une panne, permettant au locataire de demander au responsable une indemnisation pour la non utilisation du véhicule ainsi immobilisé ; Que ce raisonnement est adopté par la Cour alors au surplus que M. X. a sollicité cette suspension qui ne lui a pas été accordée, les parties étant en désaccord sur la cause de la panne ; Qu'en effet, aucun des termes du contrat n'oblige la société Walter SPANGHERO a assurer à son locataire l'usage permanent d'un véhicule et que M. X. en étant toujours gardien, il ne peut que demander une suspension du paiement des loyers, ce qui ne lui est pas interdit, la seule limitation résidant dans des indemnités ou des réductions de loyer ; que le jugement sera donc infirmé de ce chef ».

 

COUR D’APPEL D’AGEN

PREMIÈRE CHAMBRE

ARRÊT DU 16 JUIN 2004

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION                                      (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 03/01632. Arrêt n° 719-04. Prononcé à l'audience publique du seize juin deux mille quatre, par Monsieur Bernard BOUTIE, Président de Chambre, assisté de Dominique SALEY, Greffier, LA COUR D'APPEL D' AGEN, 1ère Chambre dans l'affaire,

 

ENTRE :

SAS SOCIÉTÉ WALTER SPANGHERO

prise en la personne de son représentant légal actuellement en fonctions domicilié en cette qualité au siège [adresse], représentée par la SCP A.L. PATUREAU et P. RIGAULT, avoués, assistée de Maître Philippe DE MALAFOSSE, avocat, DEMANDEUR sur renvoi de la Cour d'Appel TOULOUSE, par arrêt en date du 02 octobre 2003, qui s'est déclarée incompétente au profit de la Cour d'Appel d'Agen, D'une part,

 

ET :

Maître X.

né le [date] à [ville], [adresse], représenté par Maître Henri TANDONNET, avoué, assisté de Maître LARRAT et LARRAT, avocat, DÉFENDEUR, D'autre part,

 

a rendu l'arrêt contradictoire suivant après que la cause ait été débattue et plaidée en audience publique, le 12 mai 2004, devant Bernard BOUTIE, Président de Chambre, Monsieur François CERTNER et Madame Dominique NOLET, Conseillers, assistés de Isabelle LECLERCQ, Greffier, et qu'il en ait été délibéré par les magistrats du siège ayant assisté aux débats, les parties ayant été avisées de la date à laquelle l'arrêt serait rendu.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                                                         (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

[minute page 2] Aux termes d'un jugement rendu le 06 mai 2003, le tribunal de grande instance de SAINT GAUDENS déclarait abusives et donc réputées non écrites les dispositions des articles 1-3 et 6-2 d'un contrat portant location d'un véhicule OPEL Zafira par la société Walter SPANGHERO à M. X. et ordonnait la suspension du paiement des loyers du véhicule jusqu'à la remise en état de celui-ci et confiait à Monsieur A. l'expertise de l'automobile.

Sur appel limité de la société Walter SPANGHERO et dans un arrêt rendu le 02 octobre 2003, la cour d'appel de TOULOUSE, faisant application de l'article 47 du Nouveau Code de Procédure Civile, renvoyait la présente instance devant cette Cour.

Dans ses dernières conclusions déposées le 04 mai 2004, la société Walter SPANGHERO soutient que M. X. ne saurait bénéficier des dispositions de l'article L. 132-1 du Code de la Consommation ou qu'à tout le moins, le contrat ne contient pas de clauses abusives. Elle conclut à la réformation de ce jugement et au débouté des demandes de M. X. Elle réclame encore la somme de 2.000 € en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

M. X., dans ses dernières écritures déposées le 29 avril 2004, estime que les premiers juges ont fait une exacte application des règles de droit aux éléments de l'espèce. Il sollicite donc la confirmation du jugement entrepris. A titre subsidiaire, il estime que la société Walter SPANGHERO lui doit sa garantie et, de manière encore plus subsidiaire, que la société Walter SPANGHERO a manqué à son obligation de conseil. Il réclame encore la somme de 3.000 € en remboursement de ses frais irrépétibles.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                                                 (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

SUR QUOI,

Attendu que les pièces régulièrement communiquées démontrent que M. X., exerçant la profession d'avocat au barreau de [ville], louait à la société Walter SPANGHERO un véhicule automobile de marque OPEL Zafira pour une durée de 35 mois moyennant un loyer mensuel de 247,37 € selon contrat du 24 novembre 2000 ;

Que cet acte prévoit en son article 1-3 que « le véhicule bénéficie de la garantie constructeur. En conséquence, la garantie du loueur ne pourra en aucun cas être engagée en raison des défauts ou des vices pouvant affecter l'objet de la location en ses éléments, pièces ou équipements. Le loueur subroge le locataire en cas de révélations de semblables vices, dans tous ses droits à l'encontre du constructeur et/ou fournisseur, tant au titre de la garantie contractuelle qu'au titre de la garantie des vices cachés mais cependant n'assume aucune responsabilité contractuelle ou quasi-délictuelle » ; que l'article 6-2 stipule « en cas d'immobilisation et de non utilisation du véhicule, le locataire renonce expressément à réclamer toute indemnité ou réduction de loyer » ;

Que le 06 août 2002, ce véhicule subissait une grave avarie moteur ; qu'une expertise contradictoire réalisée le 05 septembre 2002, indiquait que l'avarie était la conséquence d'une utilisation sans que le bouchon de remplissage du réservoir d'huile soit mis en place ; qu'une nouvelle expertise réalisée par le cabinet B. émettait l'hypothèse d'un défaut d'injection ayant provoqué la fusion des pistons puis des soupapes ;

[minute page 3] Que la société Walter SPANGHERO refusant la suspension des loyers et la remise en état par elle du véhicule, M. X. assignait en nullité du contrat sur le fondement des articles 1108 et 1131 du Code Civil ; que le jugement déféré était alors rendu ;

Attendu que pour critiquer cette décision, la société appelante explique qu'elle limite son appel en ce que le tribunal considérait que les articles 1-3 et 6-2 du contrat constituaient des clauses abusives et devaient être réputées non écrites ;

Qu'elle fait valoir tout d'abord que l'article L. 132-1 [N.B. minute originale : L. 131-1] du Code de la Consommation n'est pas applicable en l'espèce aux motifs que M. X. a signé le contrat en y apposant son cachet d'avocat et que les loyers sont prélevés sur son compte professionnel ; qu'ainsi, l'intimé n'a pas la qualité de consommateur ou de non-professionnel et que le tribunal ne pouvait appliquer les textes sur les clauses abusives ;

Mais attendu que l'article ci-dessus prévoit que les clauses abusives peuvent être écartées dans les contrats conclus entre professionnels et consommateurs ou non-professionnels ;

Qu'il est établi en l'espèce que M. X. a déclaré user du véhicule en cause tant pour son usage professionnel que privé ; qu'en outre, la profession d'avocat exercée par M. X. ne le prédestine pas à être un professionnel de l'automobile ; qu'en considération de cet usage mixte du véhicule, il doit être décidé que les dispositions de l'article L. 132-1 [N.B. minute originale : L. 131-1] du Code de la Consommation est applicable en l'espèce ;

Attendu qu'à titre subsidiaire, la société Walter SPANGHERO explique que la nullité de l'article 1-3 du contrat au regard du texte ci-dessus n'a pas été débattue devant le tribunal de grande instance et que le tribunal a statué ultra petita ; que si ce raisonnement était exact, il n'en demeure pas moins que le moyen est maintenant soulevé devant la Cour et qu'il convient d'y répondre ; que surtout, il résulte de la lecture de l'assignation lancée par M. X. que l'application de l'article L.132-1 [N.B. minute originale : L. 131-1] du Code de la Consommation était expressément sollicitée à titre subsidiaire par M. X. ; que ce moyen sera écarté ;

Que pour conclure à l'absence de caractère abusif de cette clause, la société appelante fait valoir :

- Qu'il s'agit d'un contrat de location longue durée,

- Que le véhicule a été choisi par le client,

- Qu'il bénéficiait de la garantie constructeur pendant une année puis, ultérieurement, de la garantie légale des vices cachés,

- Qu'elle ne s'était jamais engagée à servir un véhicule de remplacement,

- Que la commission des clauses abusives n'a recommandé de considérer comme abusives que les clauses ayant pour effet d'exonérer le loueur de toute responsabilité en toutes circonstances et que tel n'est pas le cas en l'espèce ;

Que la subrogation de M. X. dans les droits que la société Walter SPANGHERO tient en sa qualité de propriétaire acquéreur du véhicule envers le vendeur ou le fabriquant ne crée aucun déséquilibre dans les droits et obligations des parties, le locataire ayant à sa disposition une action ne responsabilité et réparation du préjudice qu'il peut avoir subi ;

[minute page 4] Mais attendu qu'en écrivant « ... mais cependant n'assume aucune responsabilité tant contractuelle que quasi délictuelle », la société Walter SPANGHERO se déchargeait de toute responsabilité, même quant à sa qualité propre de loueur ; que ce faisant, elle créait un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties au contrat au détriment de M. X. qui ne pouvait en aucune manière et circonstance rechercher la responsabilité de son cocontractant qu'ainsi, par réformation du jugement, la nullité de cette phrase sera seule confirmée et que celle-ci sera réputée non écrite ;

Attendu quant au sixième alinéa de l'article 6-2 du contrat que la société Walter SPANGHERO soutient qu'il ne constitue pas une clause abusive aux motifs essentiels qu'il n'interdit pas au locataire de demander une suspension du paiement des loyers en cas d'immobilisation du véhicule par suite d'une panne, permettant au locataire de demander au responsable une indemnisation pour la non utilisation du véhicule ainsi immobilisé ;

Que ce raisonnement est adopté par la Cour alors au surplus que M. X. a sollicité cette suspension qui ne lui a pas été accordée, les parties étant en désaccord sur la cause de la panne ;

Qu'en effet, aucun des termes du contrat n'oblige la société Walter SPANGHERO a assurer à son locataire l'usage permanent d'un véhicule et que M. X. en étant toujours gardien, il ne peut que demander une suspension du paiement des loyers, ce qui ne lui est pas interdit, la seule limitation résidant dans des indemnités ou des réductions de loyer ; que le jugement sera donc infirmé de ce chef ;

Attendu que par appel incident, M. X. demande tout d'abord que l'article 1-3 ne s'applique que durant la garantie constructeur en raison de la présence des termes « en conséquence » ; que passé ce délai, la société Walter SPANGHERO est responsable à son égard sur le fondement de l'article 1721 du Code Civil ;

Mais attendu qu'il ne pouvait échapper à M. X. que la garantie des vices cachés survivait à la garantie constructeur et qu'ainsi, l'exonération contractuelle de la société Walter SPANGHERO et la subrogation dans ses droits envers le vendeur ou constructeur était à sa disposition ; que ce moyen sera donc rejeté ;

Que M. X. fait encore valoir que la société Walter SPANGHERO a manqué à son obligation de conseil en n'attirant pas son attention sur la situation ainsi crée et en ne l'informant pas expressément qu'elle était déchargée de la garantie du loueur en toute circonstances ;

Mais attendu que l'obligation de conseil s'apprécie en considération de la personne créancière de cette obligation ; qu'en l'espèce, il est constant que M. X. est un professionnel du droit, qu'il n'a signé le contrat de location qu'après examen puisqu'il l'a retourné par voie postale accompagné d'une carte de visite professionnelle indiquant qu'il réservait sa réponse quant au contrat d'entretien ;

Qu'il n'est donc pas démontré un manquement à l'obligation de conseil de la société Walter SPANGHERO ;

[minute page 5] Attendu que chaque partie succombant dans ses prétentions, les dépens seront partagés par moitié ;

Attendu que l'équité commande de ne pas faire application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                                                            (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Reçoit en la forme l'appel jugé principal et l'appel incident jugés réguliers,

Vu l'arrêt rendu le 02 octobre 2003 par la Cour d'Appel de TOULOUSE,

Au fond, infirme le jugement rendu le 06 mai 2003 par le tribunal de grande instance de SAINT GAUDENS en ce qu'il déclarait constituer des clauses abusives les articles 1-3 et 6-2 alinéa 6 du contrat de location longue durée et comme telles, les déclarait réputées non écrites,

Statuant à nouveau,

Dit et juge que constitue une clause abusive uniquement la dernière phrase de l'article 1-3 dudit contrat et ainsi libellée « ...mais cependant n'assume aucune responsabilité tant contractuelle que quasi délictuelle », et dit que cette phrase est réputée non écrite,

Dit et juge valables les autres termes des articles 1-3 et 6-2 alinéa 6 dudit contrat,

Confirme pour le surplus la décision déférée,

Y ajoutant,

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,

Dit que les dépens de première instance et d'appel seront supportés moitié par M. X., moitié par société Walter SPANGHERO et autorise les SCP d'avoués TANDONNET et PATUREAU et RIGAULT à les recouvrer conformément à l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Le présent arrêta été signé par Monsieur BOUTIE, Président et par Madame SALEY, greffier présent lors du prononcé.

 

 

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