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TI LAGNY-SUR-MARNE, 25 septembre 1995

Nature : Décision
Titre : TI LAGNY-SUR-MARNE, 25 septembre 1995
Pays : France
Juridiction : Lagny-sur-marne (TI)
Demande : 1004/93
Date : 25/09/1995
Nature de la décision : Admission
Décision antérieure : CCA AVIS, 7 avril 1995
Numéro de la décision : 1721
Décision antérieure :
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CERCLAB/CRDP - DOCUMENT N° 65

TI LAGNY-SUR-MARNE, 25 septembre 1995 : RG n° 1004/93 ; jugement n° 1721

 

Extrait  : « Si les dispositions de la clause litigieuse ne comportent pas en elles-mêmes de caractère abusif, il demeure que le fait que cette clause soit imprimée en caractères de corps inférieur ou égal à 8 et d'une encre grisée sur fond blanc, rend ses dispositions très difficilement lisibles et nuit à la bonne information du consommateur. Le fait pour un professionnel d'imprimer une clause limitative de responsabilité de manière quasiment illisible et peu visible pour le consommateur constitue un abus de puissance économique qui lui confère un avantage excessif sur le consommateur et un manquement aux dispositions selon lesquelles les conventions doivent être exécutées de bonne foi. Au vu du ticket remis aux époux X. au moment du dépôt des pellicules, il est manifeste que ceux-ci n'ont pu ni lire, ni mesurer les termes du contrat proposé et qu'en conséquence ils n'ont pu valablement souscrire à la clause limitative de responsabilité, le dépôt ne valant pas acceptation expresse de la clause ; de même le ticket ne comportant aucune case spécifique permettant de signaler le caractère exceptionnel des clichés afin d'en faciliter une négociation de gré à gré, les époux X. n'ont pu savoir que cette possibilité leur était offerte. En conséquence, les époux X. n'ont pu valablement accepter la clause limitative de responsabilité, telle que figurant au contrat, laquelle ne saurait donc leur être opposable. »

 

TRIBUNAL D’INSTANCE DE LAGNY SUR MARNE

JUGEMENT DU 25 SEPTEMBRE 1995

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION                                      (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 1004/93. Jugement n° 1721.

A L'AUDIENCE DU TRIBUNAL D'INSTANCE DE LAGNY SUR MARNE, DÉPARTEMENT DE SEINE ET MARNE, DU LUNDI VINGT CINQ SEPTEMBRE MIL NEUF CENT QUATRE VINGT QUINZE. TENUE PUBLIQUEMENT, Présidé par Madame Marie Luce CAVROIS, Juge d'Instance au Tribunal d'Instance de LAGNY sur MARNE, Assistée de Mademoiselle Béatrice BOEUF, Agent Assermenté au Secrétariat Greffe du dit Tribunal,

 

ENTRE :

NOM ET PRÉNOM OU RAISON SOCIALE : Monsieur X. et Madame X.

DOMICILE OU SIÈGE SOCIAL : [adresse]

DEMANDEURS, représentés par Maître Fabrice BONNARD, avocat, [adresse]

 

ET :

NOM ET PRÉNOM OU RAISON SOCIALE :

1) SOCIÉTÉ LIVRE AU QUOTIDIEN

2) SOCIÉTÉ PRESSE LABO

DOMICILE OU SIÈGE SOCIAL : [adresse]

DÉFENDEURS, représentés par Maître Jacques MOUTOT, avocat, [adresse], APRÈS AVOIR ENTENDU EN SES EXPLICATIONS ET CONCLUSIONS à l'audience tenue le 10 JUILLET 1995, Maître BONNARD, Maître MOUTOT.

ET APRES EN AVOIR DÉLIBÉRÉ, AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS, A ÉTÉ RENDU LE JUGEMENT SUIVANT

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                                                         (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

[minute page 1] Par décision du 16 janvier 1995, intervenant dans le litige opposant M. X. et son épouse Madame X. aux Sociétés « LIVRE AU QUOTIDIEN » et « PRESS LABO », l'avis de la Commission des clauses abusives était sollicité sur le point de savoir si la clause limitative de responsabilité prévue au contrat de développement de photographies et tendant en cas de perte de pellicules à limiter l'indemnisation du consommateur par la remise d'une pellicule vierge et d'un développement ou leur contre-valeur, présentait un caractère abusif. Le 7 avril 1995, cette Commission rendait son avis indiquant « que la clause susvisée n'est pas abusive au sens de l'article L. 132-1 du Code de la consommation ».

L'affaire est revenue sur le fond à l'audience du 10 juillet 1995.

A cette date, le conseil des époux X. a soutenu ses demandes initiales, faisant valoir que l'avis de la commission ne liait pas le Juge. Il a ajouté que PRESS LABO avait commis une faute lourde en intervertissant les photos de deux clients et qu'au surplus PRESS LABO ne rapportait pas la preuve de ses recherches. Il a rappelé que les faits s'étaient passés dans un petit village et que le buraliste savait que c'était la naissance du dernier enfant et néanmoins avait manqué à son obligation de conseil en n'indiquant pas aux époux X. de signaler le caractère exceptionnel des clichés.

Il a fait valoir qu'en dépit de l'avis de la commission demeurait le problème de la lisibilité de la rédaction de la clause écrite en caractères très petits et par une encre peu lisible. Le conseil des sociétés PRESS LABO et LIVRE AU QUOTIDIEN s'est opposé à ces demandes. Il a fait observer qu'il n’y avait pas eu de faute lourde, que cela avait déjà été dit par le premier jugement et que de surcroît, ses clients avaient bien effectué les recherches mais que celles-ci étaient demeurées infructueuses.

Il a ajouté que c'était au consommateur de rapporter la preuve de ce qu'il avait prévenu de l'importance des clichés.

Le conseil des époux X. a rétorqué que le ticket remis au client ne comportait pas de case à cocher en cas de clichés exceptionnels.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                                                 (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Sur la faute :

La décision rendue le 16 janvier 1995, avait déjà statué en indiquant l'absence de faute [minute page 2] lourde. En effet, le fait de perdre une pellicule constitue un manquement à l'obligation de résultat, mais un tel manquement ne saurait être assimilé à la faute lourde, dès lors que n'est pas rapportée la preuve d'une intention de nuire.

 

Sur la clause :           

Si les dispositions de la clause litigieuse ne comportent pas en elles-mêmes de caractère abusif, il demeure que le fait que cette clause soit imprimée en caractères de corps inférieur ou égal à 8 et d'une encre grisée sur fond blanc, rend ses dispositions très difficilement lisibles et nuit à la bonne information du consommateur.

Le fait pour un professionnel d'imprimer une clause limitative de responsabilité de manière quasiment illisible et peu visible pour le consommateur constitue un abus de puissance économique qui lui confère un avantage excessif sur le consommateur et un manquement aux dispositions selon lesquelles les conventions doivent être exécutées de bonne foi.

Au vu du ticket remis aux époux X. au moment du dépôt des pellicules, il est manifeste que ceux-ci n'ont pu ni lire, ni mesurer les termes du contrat proposé et qu'en conséquence ils n'ont pu valablement souscrire à la clause limitative de responsabilité, le dépôt ne valant pas acceptation expresse de la clause ; de même le ticket ne comportant aucune case spécifique permettant de signaler le caractère exceptionnel des clichés afin d'en faciliter une négociation de gré à gré, les époux X. n'ont pu savoir que cette possibilité leur était offerte.

En conséquence, les époux X. n'ont pu valablement accepter la clause limitative de responsabilité, telle que figurant au contrat, laquelle ne saurait donc leur être opposable.

 

Sur la réparation du dommage :

PRESS LABO et le LIVRE AU QUOTIDIEN ont perdu les photographies d'un enfant nouveau-né, l'existence de ces clichés et la réalité de leur perte qui ne sont pas sérieusement contestables, sont attestées par la production de deux témoignages émanant de Mesdames A. et B. épouse C.

De tels clichés ne peuvent à l'évidence être refaits, dès lors le préjudice subi par les époux X. est important, sans atteindre toutefois le montant indiqué par eux, et, le tribunal trouve dans la cause les éléments permettant d'évaluer la réparation d'un tel préjudice à 5.000 Francs

[minute page 3]

Sur l'application de l'article 700 NCPC :

Compte tenu de la nature de l'affaire et des situations respectives des parties, il y a lieu de faire droit à hauteur de 2.000 Francs à la demande formée par les époux X. en paiement des frais irrépétibles.

La demande formée par les défenderesses sera évidemment rejetée, s'agissant de la partie succombant en ses prétentions.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                                                            (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

Statuant publiquement, par jugement contradictoire et en dernier ressort,

Vu l'avis de la Commission des clauses abusives rendu le 7 avril 1995,

Déclare abusive la manière dont était imprimée la clause limitative de responsabilité incluse dans le contrat de développement de pellicules photographiques proposé par les sociétés PRESS LABO et LIVRE AU QUOTIDIEN.

Constate que les époux X. n'ont pu valablement accepter la clause limitative de responsabilité.

Écarte ladite clause.

Condamne solidairement les sociétés PRESS LABO et LIVRE AU QUOTIDIEN à payer aux époux X. la somme de 5.000 Francs à titre de réparation du dommage subi par eux.

Condamne solidairement les sociétés PRESS LABO et LIVRE AU QUOTIDIEN à payer aux époux X. la somme de 2.000 Francs en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Condamne solidairement les sociétés PRESS LABO et LIVRE AU QUOTIDIEN aux entiers dépens.

Ainsi jugé et prononcé publiquement à Lagny-sur-Marne le 25 septembre 1995.

 

 

 

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