CA MONTPELLIER (1re ch. D), 20 avril 2017
CERCLAB - DOCUMENT N° 6818
CA MONTPELLIER (1re ch. D), 20 avril 2017 : RG n° 15/06311
Publication : Jurica
Extraits : 1/ « Contrairement à ce qu'affirme la banque, les consommateurs domiciliés dans l'un des Etats de l'Union européenne peuvent se prévaloir des dispositions des articles L. 132-1 et suivants du code de la consommation, ces dispositions résultant de la transposition de la directive n° 93/13/CEE, dès lors que le contrat contenant une clause abusive a été proposé ou exécuté dans l'un des Etats membres.
Pour autant, la partie qui s'en prévaut doit pouvoir être qualifiée de « non professionnel » ou « consommateur » au sens de ces dispositions, étant précisé que le fait d'être une personne morale n'est pas incompatible avec la qualité de consommateur.
À cet égard, il sera relevé que l'objet social de la SCI SAINT JOSEPH, à savoir « l'acquisition, la possession, la mise en valeur et l'administration notamment par la location de tous immeubles et biens et droits immobiliers situés en France ou à l'étranger, tous emprunts assortis ou non de sûretés réelles destinés au financement de l'achat d'immeubles ou fractions d'immeubles, et plus généralement toutes opérations quelconques se rattachant directement ou indirectement à l'objet social pourvu que ces opérations ne modifient pas le caractère civil de la société », exclut la qualification de consommateur, au sens de la directive 93/13/CE comme de l'article L. 132-1 du code de la consommation, étant au surplus relevé que le prêt a été consenti, sur la base des informations transmises par la SCI SAINT JOSEPH, en considération d'une opération de promotion immobilière devant être réalisée au Venezuela, outre la constitution et la gestion d'un portefeuille de valeurs mobilières, selon une première proposition du 17 janvier 2006 modifiée, après négociations, le 28 mars 2006 et qui a toujours été faite dans une perspective professionnelle, quelle que soit l'utilisation finale des fonds ainsi prêtés et peu important que la SCI ne soit propriétaire que d'un seul bien, une maison d'habitation, et que ce bien soit habité par l'un de ses associés, Monsieur X.
Il convient en outre de relever que, par courrier du 7 janvier 2008, la SCI SAINT JOSEPH a continué à faire référence à la proposition du 17 janvier 2006 et a fait référence à ses besoins « pour faire des affaires immobilières » et que, par courrier du 14 mars 2008, la SCI SAINT JOSEPH a encore affirmé s'être « engagé avec DEXIA sur les seuls documents de proposition indicative sur les conditions du crédit hypothécaire en date du 17 janvier 2006 pour un crédit de 1.430.000 euros », précisant par ce même courrier que le crédit avait été ultérieurement réduit pour ramener les échéances annuelles à un montant inférieur à 34.606 euros.
La SCI SAINT JOSEPH ne saurait donc utilement se prévaloir des dispositions de l'article L. 132-1 du code de la consommation. »
2/ « La circonstance qu'une seule des parties, en l'occurrence la banque, se soit réservé, de manière optionnelle, la faculté de déroger à l'attribution de juridiction prévue par le contrat ne saurait conférer à la clause attributive de juridiction un caractère potestatif excluant sa prise en compte alors qu'il apparaît qu'à défaut de suivre la compétence volontaire instituée par les parties la banque ne pouvait que se référer à l'article 5.1 du Règlement n° 44-2001, dispositions s'imposant dès lors que cette partie écartait la juridiction contractuellement choisie, répondant ainsi à l'objectif de prévisibilité devant être poursuivi par la clause litigieuse. »
COUR D’APPEL DE MONTPELLIER
PREMIÈRE CHAMBRE D
ARRÊT DU 20 AVRIL 2017
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 15/06311. Décision déférée à la Cour : Arrêt de la Cour de Cassation, première chambre civile, en date du 8 juillet 2015 qui a cassé et annulé l'arrêt rendu par la cour d'appel d'Aix En Provence en date du 24 octobre 2013 statuant sur appel d'une Ordonnance du 16 septembre 2011 du Juge de la Mise en Etat de grasse : R.G. n° 09/02593.
APPELANTE :
SCI SAINT JOSEPH
représentée par son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité au siège social situé [adresse], Représentée par Maître Franck D. de la SCP D., G., R., DE C., T., avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant et assistée de Maître José Marie B. avocat au barreau de NICE, avocat plaidant
INTIMÉE :
Société DEXIA, Banque Internationale à Luxembourg, SA (ci- après « Dexia-Bil »)
inscrite au RCS de Luxembourg sous le N° XX, représentée par ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège, Représentée par Maître Alexandre S., avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant et assistée de Maître Julie L. avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat plaidant
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU 14 mars 2016 suivie d'un arrêt avant dire droit en date du 30 juin 2016 qui a à nouveau clôturé l'affaire au 16 janvier 2017.
COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 6 FÉVRIER 2017, en audience publique, Madame Marie CONTE ayant fait le rapport prescrit par l'article 785 du Code de Procédure Civile, devant la Cour composée de : Monsieur Daniel MULLER, Président de Chambre, Madame Marie CONTE, Conseiller, Madame Myriam GREGORI, Conseiller, qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : Mme Ginette DESPLANQUE
L'affaire mise en délibéré au 23 mars 2017 a été prorogée au 30 mars 2017, 6 avril 2017 puis au 20 avril 2017.
ARRÊT : - Contradictoire - prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile ; - signé par Monsieur Daniel MULLER, Président de Chambre, et par Mme Ginette DESPLANQUE, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Par arrêt du 30 juin 2016, auquel la présente décision se réfère expressément quant à la relation de la procédure, des faits et des prétentions des parties, cette cour a ordonné la réouverture des débats invitant les parties à fournir à la cour tous éléments utiles permettant d'apprécier le projet effectivement financé par le prêt en cause et a fixé la nouvelle clôture au 16 janvier 2017.
Vu les conclusions notifiées par la voie électronique le 12 janvier 2017 par la SCI SAINT JOSEPH, laquelle demande à la cour, au visa des articles 42, 46 et 48 du code de procédure civile, des articles 5.6 et 23 du Règlement n° 44-2001 du 22 décembre 2000, et des dispositions de l'article L. 132-1 du code de la consommation, de réformer l'ordonnance du juge de la mise en état du 16 septembre 2011 et, statuant à nouveau, de constater que les fonds débloqués à son profit ont servi à financer différents travaux concernant une maison d'habitation sise à [ville C.], [adresse], seul bien immobilier de la SCI, de dire que la SCI SAINT JOSEPH est un non professionnel au sens des dispositions de l'article L. 132-1 du code de la consommation, de dire que la clause attributive de compétence figurant sur le contrat de prêt en date du 4 mai 2006 est réputée non écrite, la SCI SAINT JOSEPH n'ayant ni la qualité de commerçant ni celle de professionnel, de constater que la banque DEXIA se réserve seule de déroger à l'attribution de juridiction, si elle le considère comme opportun, de dire et juger qu'une clause donnant toute liberté à une des parties pour désigner le tribunal compétent n'entre pas dans le cadre du Règlement, par voie de conséquence, de rejeter l'exception de compétence territoriale soulevée par la société DEXIA, vu l'article 76 du code de procédure civile, de mettre en demeure la société DEXIA de conclure sur le fond du litige et de condamner la société DEXIA à lui payer la somme de 7000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Vu les conclusions notifiées par la voie électronique le 9 novembre 2016 par la société DEXIA, laquelle demande à la cour, au visa notamment du Règlement CE n° 44-2001 du 22 décembre 2000, de la Directive 93/13/CE et des articles L. 132-1 du code de la consommation, in limine litis, de confirmer l'ordonnance du juge de la mise en état du 16 septembre 2011 qui a retenu l'incompétence du tribunal de grande instance de Grasse pour statuer dans le litige opposant la SCI SAINT JOSEPH et la banque Dexia, et ordonné la disjonction de l'instance, à toutes fins, de dire et juger que l'article 23 du Règlement du 22 décembre 2000 est applicable au présent litige, à l'exclusion des articles 15 et à 17 dudit Règlement et renvoyer les parties à mieux se pourvoir, en toute hypothèse, vu l'article 76 du code de procédure civile, de condamner la SCI SAINT JOSEPH à lui payer la somme de 15.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et de rejeter la demande de la SCI SAINT JOSEPH au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS :
La banque se prévaut d'une clause attributive de juridiction prévue par l'acte notarié du 4 mai 2006 et rédigée dans les termes suivants : « chaque fois que les lois françaises le permettent, les contestations au sujet des présentes sont soumises au tribunal d'arrondissement de et à Luxembourg. Toutefois, la banque se réserve la faculté de déroger à cette attribution de juridiction si elle le considère comme opportun. Le présent contrat est soumis au droit luxembourgeois pour tout ce qui n'est pas de la compétence exclusive de la loi française ».
La SCI SAINT JOSEPH soutient que la clause attributive de compétence invoquée par la banque constituerait, sur le fondement de la directive 93/13/CE du 5 avril 1993 et de sa transcription en droit interne aux articles L. 132-1 et suivants du code de la consommation, une clause abusive, et invoque en tout état de cause, pour écarter la compétence des juridictions luxembourgeoises retenue par le premier juge, les dispositions des articles 42, 46 et 48 du code de procédure civile et l'article 5 du règlement CE n° 44-2001.
Contrairement à ce qu'affirme la banque, les consommateurs domiciliés dans l'un des Etats de l'Union européenne peuvent se prévaloir des dispositions des articles L. 132-1 et suivants du code de la consommation, ces dispositions résultant de la transposition de la directive n° 93/13/CEE, dès lors que le contrat contenant une clause abusive a été proposé ou exécuté dans l'un des Etats membres.
Pour autant, la partie qui s'en prévaut doit pouvoir être qualifiée de « non professionnel » ou « consommateur » au sens de ces dispositions, étant précisé que le fait d'être une personne morale n'est pas incompatible avec la qualité de consommateur.
À cet égard, il sera relevé que l'objet social de la SCI SAINT JOSEPH, à savoir « l'acquisition, la possession, la mise en valeur et l'administration notamment par la location de tous immeubles et biens et droits immobiliers situés en France ou à l'étranger, tous emprunts assortis ou non de sûretés réelles destinés au financement de l'achat d'immeubles ou fractions d'immeubles, et plus généralement toutes opérations quelconques se rattachant directement ou indirectement à l'objet social pourvu que ces opérations ne modifient pas le caractère civil de la société », exclut la qualification de consommateur, au sens de la directive 93/13/CE comme de l'article L. 132-1 du code de la consommation, étant au surplus relevé que le prêt a été consenti, sur la base des informations transmises par la SCI SAINT JOSEPH, en considération d'une opération de promotion immobilière devant être réalisée au Venezuela, outre la constitution et la gestion d'un portefeuille de valeurs mobilières, selon une première proposition du 17 janvier 2006 modifiée, après négociations, le 28 mars 2006 et qui a toujours été faite dans une perspective professionnelle, quelle que soit l'utilisation finale des fonds ainsi prêtés et peu important que la SCI ne soit propriétaire que d'un seul bien, une maison d'habitation, et que ce bien soit habité par l'un de ses associés, Monsieur X.
Il convient en outre de relever que, par courrier du 7 janvier 2008, la SCI SAINT JOSEPH a continué à faire référence à la proposition du 17 janvier 2006 et a fait référence à ses besoins « pour faire des affaires immobilières » et que, par courrier du 14 mars 2008, la SCI SAINT JOSEPH a encore affirmé s'être « engagé avec DEXIA sur les seuls documents de proposition indicative sur les conditions du crédit hypothécaire en date du 17 janvier 2006 pour un crédit de 1.430.000 euros », précisant par ce même courrier que le crédit avait été ultérieurement réduit pour ramener les échéances annuelles à un montant inférieur à 34.606 euros.
La SCI SAINT JOSEPH ne saurait donc utilement se prévaloir des dispositions de l'article L. 132-1 du code de la consommation.
La SCI SAINT JOSEPH ne saurait davantage se référer aux règles de compétence territoriale de droit interne alors qu'il n'est pas contesté que les parties au litige sont domiciliées dans deux Etats distincts membres de l'Union européenne, le Luxembourg et la France, et qu'il convient ainsi, en considération de cet élément d'extranéité, de retenir l'application du règlement n° 44-2001 du 22 décembre 2000, dit règlement Bruxelles I.
Ce dernier prévoit expressément en son article 23 la faculté de proroger, d'un commun accord entre les parties au moment de la conclusion du contrat, la compétence « d'un tribunal ou de tribunaux d'un État contractant pour connaître des difficultés nées ou à naître à l'occasion d'un rapport de droit déterminé » et la SCI SAINT JOSEPH ne saurait dès lors prétendre opposer les dispositions de l'article 5 du même Règlement.
La circonstance qu'une seule des parties, en l'occurrence la banque, se soit réservé, de manière optionnelle, la faculté de déroger à l'attribution de juridiction prévue par le contrat ne saurait conférer à la clause attributive de juridiction un caractère potestatif excluant sa prise en compte alors qu'il apparaît qu'à défaut de suivre la compétence volontaire instituée par les parties la banque ne pouvait que se référer à l'article 5.1 du Règlement n° 44-2001, dispositions s'imposant dès lors que cette partie écartait la juridiction contractuellement choisie, répondant ainsi à l'objectif de prévisibilité devant être poursuivi par la clause litigieuse.
Il se déduit de l'ensemble de ces éléments que la clause attributive de compétence, résultant d'une volonté commune exprimée par les parties, étant observé que les conditions particulières, visées par la SCI SAINT JOSEPH, font expressément mention de la prise de connaissance de la clause « Loi applicable et For compétent », doit trouver application et il convient par voie de conséquence de confirmer l'ordonnance entreprise.
Il serait inéquitable de laisser à la charge de la société DEXIA partie des frais irrépétibles qu'elle a pu exposer et il convient de lui allouer à ce titre la somme de 5.000 euros.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La Cour,
Statuant publiquement, contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi,
Confirme l'ordonnance entreprise,
Condamne la SCI SAINT JOSEPH à payer à la société DEXIA la somme de 5.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la SCI SAINT JOSEPH aux dépens.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
DM
- 5810 - Code de la consommation - Clauses abusives - Application dans l’espace - Conflits de lois
- 5826 - Code de la consommation - Clauses abusives - Nature de la protection - Législation d’ordre public - Principe
- 5829 - Code de la consommation - Clauses abusives - Nature de la protection - Législation d’ordre public - Conséquences : reconnaissance du caractère professionnel du contrat
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- 5857 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de non professionnel - Personnes morales (avant la loi du 17 mars 2014) - Clauses abusives - Présentation générale
- 5860 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de non professionnel - Personnes morales (avant la loi du 17 mars 2014) - Clauses abusives - Protection implicite
- 5872 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Notion d’activité professionnelle - Activité et objet social
- 5920 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Illustrations - Contrats conclus pendant l’activité - Immeubles - Contrats immobiliers conclus par des sociétés immobilières
- 6149 - Code de la consommation - Notion de clause abusive - Présentation par clause - Clauses sur l’accès au juge - Clauses attributives de compétence - Compétence territoriale