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TI ROUBAIX, 6 août 2002

Nature : Décision
Titre : TI ROUBAIX, 6 août 2002
Pays : France
Juridiction : Roubaix (TI)
Demande : 11-01-000843
Date : 6/08/2002
Nature de la décision : Admission
Mode de publication : Site Com. cl. abusives (CCA)
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CERCLAB - DOCUMENT N° 6996

TI ROUBAIX, 6 août 2002 : RG n° 11-01-000843

Publication : Site CCA

 

Extraits : 1/ « Force est de constater que la clause de l'article 8 des contrats qui stipule que le prêteur pourra en cas de non-respect des dispositions du contrat exiger le remboursement immédiat du capital majoré des intérêts échus non payés est une clause qui aggrave la situation de l'emprunteur. En effet, cette clause permettra la résiliation du contrat quand l'emprunteur omettra d'informer la société F. de tout changement de situation (art. 11 de l'offre) alors même que cette obligation n'apparaît pas essentielle au contrat et qu'elle n'est pas prévue dans le modèle type établi par le comité de réglementation bancaire qui limite la résiliation au cas de défaillance dans le remboursement. Cette clause est en outre manifestement abusive, en ce qu'elle prévoit la possibilité d'une sanction démesurée face à des manquements minimes du consommateur à ses obligations.

En second lieu, la clause permettant à l'emprunteur de résilier le contrat en cas d'utilisation abusive ou frauduleuse de tout autre crédit ou facilité de paiement accordés par F. n'est pas davantage licite puisqu'elle a pour effet de créer une interdépendance préjudiciable à l'emprunteur entre des contrats différents et qu'elle autorise la résiliation du contrat en dehors du cas prévu au modèle type. Cette clause entraîne par ailleurs un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat dans la mesure où elle prévoit l'application d'une sanction financière à une défaillance extra-contractuelle et aggrave la situation de l'emprunteur dans le cadre de la vie du contrat. »

2/ « Ces derniers griefs manquent en revanche de pertinence. En effet, la clause autorisant le prêteur à résilier le contrat en cas de fausse déclaration apparaît parfaitement légitime, elle sanctionne en effet un manquement grave de l'emprunteur à ses obligations, à charge pour l'établissement de crédit de la mettre en œuvre avec la bonne foi requise par l'article 1134 du code civil.

Quant à l'obligation de l'emprunteur de signaler tout changement de situation depuis la signature de l'offre de crédit, elle n'est pas « en soi » critiquable s'agissant d'une ouverture de crédit d'une durée d'un an, renouvelable par tacite reconduction, mais c'est la sanction du manquement à cette obligation prévue à l'article 8-1 qui est illicite et abusive. »

 

TRIBUNAL D’INSTANCE DE ROUBAIX

JUGEMENT DU 6 AOÛT 2002

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 11-01-000843.

A l'audience publique du Tribunal d'Instance tenue le 6 août 2002, Sous la Présidence de JUILLAN Dorothée, Juge d'Instance, assisté de BEUGNET Corinne, Greffier ;

Après débats à l'audience du 22 novembre 2001, le jugement suivant a été rendu ;

 

ENTRE :

DEMANDEUR(S) :

FÉDÉRATION DU L.

[adresse], représenté(e) par Maître DESAUNAY Matthieu, avocat du barreau de RENNES

 

ET :

DÉFENDEUR(S) :

SA F.

 représenté(e) par Maître RACHEZ Etienne, avocat du barreau de PARIS

[minute page 2]

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

EXPOSÉ DU LITIGE :

Par exploit en date du 23 mai 2001, la Fédération du L., a assigné la société F. devant le tribunal d'instance de Roubaix afin d'obtenir :

- la suppression, comme étant illicite et abusif, de l'article 8 intitulé « Suspension et résiliation du contrat » de l'offre préalable émise par la société F. au regard du compte K et proposée aux consommateurs dans les catalogues automne-hiver 2000-2001 et printemps-été 2001, en ce que cet article énonce que la SA F. pourra résilier le contrat en cas de non-respect des dispositions du contrat et en cas d'utilisation abusive de tout autre crédit accordé par F.

- la suppression, comme étant illicites et abusives, de ces mêmes clauses énoncées à l'article 8 de l'offre préalable émise par la société F. au regard du compte M. donnant lieu à la délivrance d'une carte et proposée aux consommateurs par voie de distribution postale (mailing) ;

Ces suppressions devant intervenir ans le délai maximum de un mois à compter de la signification du jugement, et passé ce délai, sous astreinte de 50.000 franc s par jour de retard ;

- la publication du jugement à intervenir dans les catalogues de la Redoute automne-hiver 2002 et printemps-été 2002 aux frais de la société F.

- la condamnation de la société F. à lui payer la somme de 45.000 francs en réparation du préjudice direct et indirect causé à l'intérêt collectif des consommateurs ;

- la condamnation la société F. à lui verser la somme de 10.000 francs sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

La F. sollicite par ailleurs que la décision à intervenir soit assortie de l'exécution provisoire.

En réponse aux conclusions de la société F. notifiées le 9 octobre 2001, la F. a ensuite étendu sa demande de suppression à la clause 8-5 qui permet à la SA F. de résilier le contrat pour « toute fausse déclaration » et à la clause qui impose à l'emprunteur d'informer la SA F. de « tout changement de situation ».

 

La société F. demande au tribunal de débouter la F. de toutes ses demandes et, en tout état de cause, de rejeter la demande de publication du jugement dans les catalogues de LA REDOUTE.

La SA F. sollicite la condamnation de la F. à lui verser la somme de 1.524,49 euros au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, outre les dépens.

[minute page 3]

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS DE LA DÉCISION :

En vertu de l'article L. 421-1 du code de la consommation, les associations régulièrement déclarées ayant pour objet statutaire explicite la défense des intérêts des consommateurs peuvent, si elles sont agréées à cette fin, exercer les droits reconnus à la partie civile relativement aux faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif des consommateurs.

La F. ne peut donc obtenir la suppression d'une clause illicite, sur le fondement de l'article L. 421-2 du même code, que si elle démontre que ce caractère illicite résulte d'une infraction pénale.

La F. sollicite encore la suppression des clauses litigieuses sur le fondement des dispositions de l'article L. 421- 6 du Code de la consommation.

Il lui appartient donc de prouver, par référence à l'article L.132-1 du même code, que ces clauses sont abusives en ce qu'elles ont pour objet ou pour effet de créer au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.

* * *

La F. entend démontrer qu'en insérant les clauses critiquées dans les offres préalables de la Carte F. et du compte M., la société F. a commis la contravention de police définie à l'article L 311-34.

Cet article oblige en effet le prêteur, sous peine d'amende, à respecter les formalités prescrites par les articles L. 311-8 à L. 311-13 et R. 311-6, et à prévoir un formulaire détachable dans l'offre de crédit.

L'article L. 311-13 du code de la consommation précise que l'offre préalable est établie selon l'un des modèles types fixés par le comité de réglementation bancaire, après consultation du Conseil national de la consommation, en l'occurrence le modèle type n° 5.

S'agissant des clauses permettant la résiliation du contrat, ce modèle type n° 5 renvoie au modèle type n°1 qui prévoit une seule cause permettant au prêteur d'exiger le remboursement immédiat du capital restant dû, à savoir la défaillance de l'emprunteur dans les remboursements.

Or, s'il n'est pas exclu d'ajouter au modèle type, ces ajouts ne doivent pas conduire à une aggravation des obligations mises à la charge de l'emprunteur par le modèle type.

[minute page 4] En l'espèce, la F. critique l'article 8 des offres préalables Carte K. et Compte M. intitulé « suspension et résiliation du contrat » en ce qu'il prévoit en plus de la défaillance, comme autres causes de résiliation : le non-respect des dispositions du contrat (Art. 8-1) et l'utilisation abusive ou frauduleuse du présent crédit ou de tout autre crédit ou facilité de paiement accordés par F. (Art. 8-2).

Force est de constater que la clause de l'article 8 des contrats qui stipule que le prêteur pourra en cas de non-respect des dispositions du contrat exiger le remboursement immédiat du capital majoré des intérêts échus non payés est une clause qui aggrave la situation de l'emprunteur. En effet, cette clause permettra la résiliation du contrat quand l'emprunteur omettra d'informer la société F. de tout changement de situation (art. 11 de l'offre) alors même que cette obligation n'apparaît pas essentielle au contrat et qu'elle n'est pas prévue dans le modèle type établi par le comité de réglementation bancaire qui limite la résiliation au cas de défaillance dans le remboursement.

Cette clause est en outre manifestement abusive, en ce qu'elle prévoit la possibilité d'une sanction démesurée face à des manquements minimes du consommateur à ses obligations.

En second lieu, la clause permettant à l'emprunteur de résilier le contrat en cas d'utilisation abusive ou frauduleuse de tout autre crédit ou facilité de paiement accordés par F. n'est pas davantage licite puisqu'elle a pour effet de créer une interdépendance préjudiciable à l'emprunteur entre des contrats différents et qu'elle autorise la résiliation du contrat en dehors du cas prévu au modèle type.

Cette clause entraîne par ailleurs un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat dans la mesure où elle prévoit l'application d'une sanction financière à une défaillance extra-contractuelle et aggrave la situation de l'emprunteur dans le cadre de la vie du contrat.

Dans ses dernières écritures, la F. conteste enfin la régularité de deux autres articles des offres préalables : l'article 8-5 qui donne au prêteur le droit de suspendre ou de résilier le contrat pour « toute fausse déclaration » et l'article 11 du contrat Carte K. et 2-1 du compte M. par lequel l'emprunteur s'engage à signaler à F. « tout changement de situation depuis la signature de l'offre de crédit ».

Ces derniers griefs manquent en revanche de pertinence. En effet, la clause autorisant le prêteur à résilier le contrat en cas de fausse déclaration apparaît parfaitement légitime, elle sanctionne en effet un manquement grave de l'emprunteur à ses obligations, à charge pour l'établissement de crédit de la mettre en œuvre avec la bonne foi requise par l'article 1134 du code [minute page 5] civil.

Quant à l'obligation de l'emprunteur de signaler tout changement de situation depuis la signature de l'offre de crédit, elle n'est pas « en soi » critiquable s'agissant d'une ouverture de crédit d'une durée d'un an, renouvelable par tacite reconduction, mais c'est la sanction du manquement à cette obligation prévue à l'article 8-1 qui est illicite et abusive.

La suppression de ces deux dernières clauses ne peut pas davantage être ordonnée sur le fondement délictuel de publicité trompeuse dès lors qu'elles n'induisent nullement le consommateur en erreur sur les qualités substantielles, les propriétés et les résultats qui peuvent être attendus puisqu'elles sont effectivement intégrées dans la convention et qu'elles lieront les parties après l'acceptation de l'offre. Ces clauses additionnelles sont en outre plus dissuasives qu'incitatives.

En conséquence, seule la suppression des clauses 1- et 2- de l'article 8 « suspension et résiliation du contrat » de l'offre préalable Carte K. et de l'offre préalable Compte M. sera ordonnée sous astreinte, comme précisé au dispositif.

Il convient en outre de faire droit à la demande en ce qu'elle tend au règlement de dommages intérêts au titre des atteintes portées à l'intérêt collectif des consommateurs, à hauteur de 3.812 euros.

Pour le surplus, la demande de publication du jugement aux frais de la société F. dans les catalogues La Redoute Automne Hiver 2001/2002 et Printemps Eté 2002 est devenue sans objet.

L'exécution provisoire ne sera pas ordonnée.

Il sera fait application de l’article 700 du nouveau code de procédure civile dans les proportions ci-après.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

Le Tribunal, statuant publiquement, par jugement t contradictoire et en premier ressort,

CONDAMNE la société F. à verser la Fédération du L. la somme de 3.812 euros à titre de dommages-intérêts,

ORDONNE la suppression des clauses 1- et 2- de l'article 8 « suspension et résiliation du contrat » de l'offre préalable Carte K. et de l'offre préalable Compte M., dans un délai d'un mois à compter du présent jugement, sous a astreinte passé ce délai de 3.050 euros par infraction constatée ;

DÉBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;

CONDAMNE la société F. à verser à la Fédération du L. la somme de 765 euros sur le fondement ne l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

CONDAMNE la société F. aux dépens.

Ainsi jugé et prononcé aux lieu, jour, mois et an susdits.

LE GREFFIER,                   LE PRÉSIDENT

 

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