CA AMIENS (1re ch. civ.), 26 octobre 2017
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CERCLAB - DOCUMENT N° 7066
CA AMIENS (1re ch. civ.), 26 octobre 2017 : RG n° 16/02546
Publication : Jurica
Extrait : « Il est constant que la preuve des circonstances de fait d'une exclusion de garantie incombe à l'assureur. Dès lors il appartient à la Mutuelle des Motards, s'agissant en l'espèce d'une exclusion de garantie des dommages résultant de la conduite sous l'emprise d'un état alcoolique, de démontrer outre cet état alcoolique son lien de causalité avec l'accident. Dans ces conditions Mme Y. veuve X. est bien fondée à soutenir que la Compagnie ne peut, sans inverser la charge de la preuve, prétendre aux termes de ladite clause faire reposer sur l'assuré ou ses ayant droit la démonstration de l'absence de lien de causalité entre l'accident et l'état alcoolique.
Il est certain que les articles L. 132-1 et R. 132-1 du code de la consommation applicables au contrat souscrit le 6 avril 2006 et à un sinistre réalisé le 19 juillet 2007 sont ceux antérieurs à la loi du 4 août 2008 et au décret d'application du 18 mars 2009, l'article R. 132-1 modifié par ledit décret énumérant les clauses présumées abusives de manière irréfragable, parmi lesquelles celles ayant pour objet ou pour effet d'imposer au non-professionnel la charge de la preuve qui, en vertu du droit applicable, devrait incomber normalement à l'autre partie au contrat -, que toutefois sous l'empire de ces anciens textes et avant même par conséquent leur insertion dans la liste des clauses présumées abusives de manière irréfragable une jurisprudence constante considérait comme créant un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, et dès lors comme constitutives de clauses abusives, celles opérant une inversion de la charge de la preuve au détriment du consommateur, étant relevé que l'acceptation par celui-ci de la dite clause est indifférente, dans le cadre de l'ordre public de protection du consommateur ou non-professionnel.
Il s'avère ainsi que les clauses d'exclusion de garantie figurant aux articles 19 et 27 du contrat souscrit par M. X. sont nulles et de nul effet, et ne peuvent être valablement opposées par la Mutuelle des Motards aux demandes d'indemnisation qui seront faites. »
COUR D’APPEL D’AMIENS
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 26 OCTOBRE 2017
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 16/02546. Décision déférée à la cour : JUGEMENT DU TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE D'AMIENS DU ONZE MARS DEUX MILLE ONZE.
PARTIES EN CAUSE :
APPELANTE :
MUTUELLE DES MOTARDS
agissant poursuites et diligences en son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège, Représentée par Maître Philippe P. de la SCP P. PHILIPPE, avocat au barreau D'AMIENS
ET :
INTIMÉE :
Madame X.
née [date] à [ville], de nationalité Française, Représentée par Maître Christophe H., avocat au barreau D'AMIENS
DÉBATS & DÉLIBÉRÉ : L'affaire est venue à l'audience publique du 15 juin 2017 devant la cour composée de M. Philippe COULANGE, Président de chambre, Mme Sylvie LIBERGE et M. Pascal MAIMONE, Conseillers, qui en ont ensuite délibéré conformément à la loi.
En présence de Mesdames Célestine P.-J. et Marie-Hélène P., auditrices de justice.
A l'audience, la cour était assistée de Mme Charlotte RODRIGUES, greffier et de Mme Camille BECART, greffier stagiaire.
Sur le rapport de Mme Sylvie LIBERGE et à l'issue des débats, l'affaire a été mise en délibéré et le président a avisé les parties de ce que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 28 septembre 2017, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.
PRONONCÉ : Les parties ont été informées par voie électronique du prorogé du délibéré au 26 octobre 2017 et du prononcé de l'arrêt par sa mise à disposition au greffe. Le 26 octobre 2017, l'arrêt a été prononcé par sa mise à disposition au greffe et la minute a été signée par M. Philippe COULANGE, Président de chambre, et Mme Vitalienne BALOCCO, greffier.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
DÉCISION :
Monsieur X. a été victime d'un accident mortel de la circulation le 19 juillet 2007 alors qu'il pilotait sa motocyclette.
Par acte en date du 12 novembre 2009 Madame X., sa veuve, a assigné, au visa des articles L. 113-11 et suivants du code des assurances, la Mutuelle des Motards en exécution du contrat d'assurance dont était titulaire Monsieur X., comportant une garantie des dommages causés au véhicule et des dommages corporels subis par le conducteur.
Elle exposait qu'à la suite de cet accident elle avait procédé à une déclaration de sinistre auprès de la Mutuelle des Motards, que le 25 septembre 2007 l'assureur lui avait adressé le paiement de la somme de 8.900 euros au titre de l'indemnisation du préjudice matériel - après expertise afin de déterminer la valeur de la motocyclette -, que le 20 novembre 2007 il lui avait écrit pour lui préciser qu'il appliquait la déchéance de l'ensemble des garanties souscrites en raison du taux d'alcoolémie du conducteur de la motocyclette qui avait été relevé (0,88 grammes pour mille).
Elle soutenait que pour appliquer la clause de déchéance l'assureur devait démontrer qu'il avait subi un préjudice, qu'en tout état de cause la Compagnie avait renoncé à faire sanctionner le comportement de son assuré en accordant à sa veuve le bénéfice de la garantie de la police d'assurance.
Elle sollicitait en conséquence, pour l'essentiel, la condamnation de la Mutuelle des Motards à :
- lui payer les indemnités relatives à l'ensemble des préjudices matériels consécutifs à l'accident, à l'exclusion des sommes déjà versées pour le préjudice matériel ayant trait à l'indemnisation du véhicule,
- à mettre en œuvre le versement de l'ensemble des sommes dues au visa de l'annexe 4 du capital décès au bénéfice du conjoint et des enfants.
La Mutuelle des Motards concluait au débouté de Madame Y. veuve X. et à sa condamnation à titre reconventionnel à lui payer la somme de 4.450 euros correspondant à la quote-part reçue dans la succession de son époux.
Elle exposait qu'elle avait versé au notaire chargé de la succession de Monsieur X. la somme de 8900 euros au motif qu'à cette date elle n'avait pas encore reçu les procès-verbaux d'enquête de police, qu'elle a opposé la déchéance de la garantie à partir du moment où elle a reçu les procès-verbaux et qu'elle a eu connaissance de l'état d'alcoolémie de la victime, que la renonciation à un droit ne se présume pas et que le consentement est vicié dès lors que celui qui se croit obligé exécute son obligation par erreur.
Par jugement rendu le 11 mars 2011 le tribunal de grande instance d'Amiens a :
- dit que la Mutuelle des Motards doit indemniser intégralement Madame X. veuve X. du préjudice subi tant par elle que par ses enfants, du fait du décès accidentel de son époux survenu le 19 juillet 2007, et ce en considération des clauses et conditions du contrat d'assurance,
- débouté la Mutuelle des Motards de sa demande reconventionnelle,
- ordonné la réouverture des débats,
- invité Madame X. veuve X. à :
* intervenir volontairement à l'instance, ès-qualité de représentante légale de ses deux enfants mineurs,
* formuler des demandes chiffrées,
- sursis à statuer sur les autres demandes dans l'attente du dépôt des conclusions de Madame Y. veuve X. et des conclusions en réplique de la Mutuelle des Motards,
- ordonné le retrait du rôle de l'affaire,
- condamné provisoirement la Mutuelle des Motards aux entiers dépens de l'instance.
Par déclaration reçue au greffe de la cour le 25 mars 2011, la Mutuelle des Motards a interjeté appel de cette décision.
Poursuivant l'infirmation de la décision attaquée elle demandait, pour l'essentiel, à la Cour de débouter Madame Y. veuve X. de ses demandes et à titre reconventionnel de la condamner à lui payer la quote-part de la somme de 8.900 euros reçue par elle au titre de la succession de Monsieur X. soit la somme de 4.450 euros.
Madame Y. veuve X. sollicitait de son côté la confirmation du jugement.
Par arrêt en date du 23 février 2012 cette Cour a :
- infirmé le jugement rendu le 11 mars 2011 par le tribunal de grande instance d'Amiens entre les mêmes parties,
statuant à nouveau,
- débouté Madame Y. veuve X. de ses demandes,
y ajoutant,
- débouté la Mutuelle des Motards de sa demande de répétition de l'indu,
- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,
- dit que chaque partie conservera la charge de ses frais et dépens.
Le 12 mai 2016 Madame Y. veuve X. a formé un pourvoi devant la Cour de cassation à l'encontre de cet arrêt.
La première chambre civile de la Cour de cassation a, par un arrêt rendu le 12 mai 2016, cassé et annulé sauf en ce qu'il rejette la demande de répétition de l'indu de la société Assurance mutuelle des motards, l'arrêt rendu le 23 février 2012, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens, remis en conséquence la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt, et pour y être fait droit, les a renvoyées devant la cour d'appel d'Amiens, autrement composée, et condamné la société Assurance mutuelle des motards aux dépens ainsi qu'au paiement à Madame M. de la somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle a notamment :
- écarté le premier moyen, considérant que la cour d'appel avait pu déduire de ses constatations et énonciations que le paiement de l'indemnité au titre des dommages matériels, intervenu avant que l'assureur n'ait eu connaissance des circonstances de fait lui permettant d'opposer les exclusions de garantie en cas d'imprégnation alcoolique, ne valait pas renonciation de ce dernier à s'en prévaloir,
- sur le second moyen, au visa de l'article L. 132-1 du code de la consommation, énoncé que par arrêt du 4 juin 2009 la Cour de justice des communautés européennes a dit pour droit que le juge national est tenu d'examiner d'office le caractère abusif d'une clause contractuelle dès qu'il dispose des éléments de droit et de fait nécessaires à cet effet et que, lorsqu'il considère une telle clause comme étant abusive, il ne l'applique pas, sauf si le consommateur s'y oppose, par ailleurs que, dans les contrats conclus entre des professionnels et des non-professionnels ou des consommateurs, sont abusives les clauses ayant pour objet ou pour effet d'imposer au non-professionnel ou au consommateur la charge de la preuve, qui, en vertu du droit applicable devrait incomber normalement à l'autre partie au contrat, et considéré que la cour d'appel avait violé l'article L. 132-1 du code de la consommation en n'ayant pas recherché d'office « si étaient « abusives les clauses d'un contrat d'assurance prévoyant que sont exclus de la garantie les dommages « occasionnés au véhicule assuré et les dommages corporels, s'il est établi que le conducteur se trouvait « lors du sinistre sous l'empire d'un état alcoolique, sauf si l'assuré ou ses ayants droit prouvent que « l'accident est sans relation avec cet état, alors qu'en vertu du droit commun, il appartiendrait à l'assureur « d'établir que l'accident était en relation avec l'état alcoolique du conducteur ».
Le 24 mai 2016 la Mutuelle des Motards a déposé au greffe de cette Cour une déclaration de saisine, et l'ordonnance désignant la première chambre civile pour statuer après renvoi de la Cour de Cassation a été rendue le 30 mai 2016 par le Premier Président de cette Cour.
Aux termes de ses conclusions déposées et notifiées suivant la voie électronique le 25 mai 2016, expressément visées, la Mutuelle des Motards demande à la Cour de :
- la dire recevable et bien fondée en son appel formé à l'encontre du jugement rendu par le tribunal de grande instance d'Amiens le 11 mars 2011 dans la procédure l'opposant à Madame X.,
et statuant à nouveau, dans la limite de la cassation intervenue,
- eu égard au respect du principe du double degré de juridiction, renvoyer les parties devant le premier juge à l'effet de régulariser la procédure à l'égard des enfants et à l'effet de permettre à la demanderesse de chiffrer ses demandes,
- subsidiairement au fond, débouter Madame X. veuve X. de l'ensemble de ses demandes ; en conséquence dire n'y avoir lieu à intervention volontaire des enfants mineurs ni à formulation de demandes chiffrées.
Par conclusions déposées et notifiées suivant la voie électronique le 28 février 2017, expressément visées, Madame X. veuve X. sollicite de la Cour, au visa de l'arrêt rendu par la Cour de Cassation le 23 février 2012, des articles L. 113-11 et suivants du code des assurances, des articles 19 et 27 du contrat d'assurance, qu'elle :
- constate que les clauses susvisées sont abusives et de nul effet,
en conséquence,
- confirme la décision de première instance ordonnant que :
« la Mutuelle des Motards doit indemniser intégralement Madame X. veuve X. du préjudice subi tant par elle que par ses enfants, du fait du décès accidentel de son époux survenu le 19 juillet 2007 et en considération des clauses et conditions du contrat d'assurance »
à titre principal :
- renvoie les parties devant la juridiction de première instance afin qu'il soit statué sur la liquidation des préjudices et l'intervention volontaire au bénéfice de ses enfants,
subsidiairement
- si par extraordinaire la Cour estimait être saisie par l'effet dévolutif de l'ensemble du dispositif de la décision de première instance,
- reçoive Madame X. veuve X. et en son intervention volontaire ès-qualité de représentante légale de ses deux enfants mineurs K. X. né le 29 octobre 1994 et M. X. née le 3 mai 1999,
- prononce le sursis à statuer sur le surplus pour permettre à Madame Y. veuve X. de présenter les demandes chiffrées en exécution des conditions générales, encore de permettre à la compagnie d'assurances à réception des pièces justificatives de proposer toute offre conforme aux conditions indemnitaires du contrat,
- condamne la compagnie des assurances mutuelles des motards à payer la somme de 4.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamne la compagnie des assurances mutuelles des motards aux entiers frais et dépens de première instance et d'appel.
La clôture de l'instruction a été prononcée le 17 mai 2017, l'affaire étant renvoyée à l'audience de plaidoiries du 15 juin 2017.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS :
Sur le champ de l'appel :
La Cour de cassation ayant cassé et annulé l'arrêt rendu le 23 février 2012 sauf en ce qu'il rejette la demande en répétition de l'indu de la société Assurance mutuelle des motards, la présente Cour est saisie de tous les points autres que celui-ci jugés par la décision du tribunal de grande instance d'Amiens en date du 11 mars 2011.
Sur les clauses contractuelles d'exclusion de garantie :
Il ressort des conditions générales du contrat souscrit par M. X. que :
- les dommages au véhicule assuré sont exclus de la garantie s'il est établi que le conducteur se trouvait lors du sinistre sous l'emprise d'un état alcoolique (le seuil étant fixé par l'article R. 233-5 du code de la route), sauf si l'assuré ou ses ayants droit prouvent que le sinistre est sans relation avec cet état (article 19),
- sont exclus de la garantie les dommages corporels résultant de la conduite sous l'emprise d'un état alcoolique, sauf si le bénéficiaire ou ses ayants droit peuvent prouver que le sinistre est sans relation avec l'un de ces états (article 27).
Pour dire que la Mutuelle des Motards devait indemniser Mme Y. veuve X. du préjudice subi, en considération des clauses et conditions du contrat d'assurance, le tribunal avait retenu que la Compagnie, en payant sans réserve le 25 octobre 2007 la somme de 8.900 euros au titre de l'indemnisation du préjudice matériel, avait renoncé à se prévaloir de la clause d'exclusion de garantie, précisant qu'il n'était d'ailleurs « pas déterminé que celle-ci pût recevoir application dès lors qu'il appartenait à l'assureur de démontrer que l'état alcoolique de la victime était la cause exclusive de l'accident.»
La Cour constate qu'aux termes de ses conclusions après cassation Mme Y. veuve X. ne soutient plus que la Mutuelle des Motards aurait, par ce paiement sans réserve du 25 octobre 2007, renoncé à se prévaloir de la clause d'exclusion de garantie.
A titre principal la Mutuelle des Motards rappelle que Mme Y. veuve X. n'avait pas formalisé de demande en première instance et se devait de régulariser sa procédure par la mise en cause des enfants mineurs, et demande par conséquent à la Cour, aux fins que soit préservé le bénéfice du double degré de juridiction, de renvoyer les parties à s'expliquer sur les éventuelles demandes formalisées par Mme Y. veuve X. et les enfants mineurs, devant le juge du premier degré.
A titre subsidiaire, en cas d'évocation au fond, elle demande à la Cour de débouter Mme Y. veuve X. de l'ensemble de ses demandes et dire en conséquence n'y avoir lieu à intervention volontaire des enfants mineurs ni à formulation de demandes chiffrées. Elle fait valoir en effet que la clause d'exclusion de garantie en cas de conduite sous l'empire d'un état alcoolique ne saurait constituer une clause abusive puisque librement acceptée par le non-professionnel qui souscrit au contrat proposé par son assureur, et favorable au souscripteur en ce sens que l'exception à l'exclusion de garantie permet à l'assuré ou à ses ayants droit de soutenir que l'état alcoolique de l'assuré au moment de l'accident n'a eu aucun rôle causal dans l'accident. Elle ajoute que le premier juge a dénaturé les termes du contrat en considérant qu'il appartiendrait à l'assureur de démontrer que l'état alcoolique de la victime était la cause exclusive de l'accident, alors que les termes du contrat n'imposent nullement la condition que l'état alcoolique du conducteur ait eu un quelconque rôle causal dans la réalisation de l'accident, enfin ne pouvait sans se contredire accorder à la demanderesse l'indemnisation « intégrale de son préjudice » et dire que cette indemnisation interviendrait « en considération des clauses et conditions du contrat d'assurance », ledit contrat ne prévoyant nullement une indemnisation intégrale mais le versement d'une somme d'argent forfaitaire selon le principe d'un contrat « dommage » et non d'un contrat de responsabilité civile.
De son côté Mme Y. veuve X. qui poursuit la confirmation du jugement sur ce seul point au fond qu'il a tranché, se fondant sur l'arrêt rendu par la Cour de cassation au visa d'un arrêt du 4 juin 2009 de la Cour de justice des communautés européennes, soutient que la clause d'exclusion de garantie « en cas d'alcoolémie » figurant aux articles 19 et 27 du contrat est présumée de manière irréfragable abusive, cette clause ayant selon elle pour effet d'imposer au non-professionnel la charge de la preuve qui en vertu du droit applicable devrait incomber normalement à l'autre partie au contrat, et créant ainsi un déséquilibre significatif au détriment du non-professionnel, qu'elle viole ainsi l'article L. 132-1 du code de la consommation, est donc nulle et de nul effet, qu'aucune clause subsistante du contrat ne peut s'opposer à sa pleine et entière indemnisation et à celle de ses enfants, comme l'a estimé le premier juge, notamment à la mise en œuvre de l'ensemble des garanties relatives au préjudice matériel, hors celui d'indemnisation du véhicule, au versement du capital-décès et à l'indemnisation du préjudice patrimonial.
Il est constant que la preuve des circonstances de fait d'une exclusion de garantie incombe à l'assureur. Dès lors il appartient à la Mutuelle des Motards, s'agissant en l'espèce d'une exclusion de garantie des dommages résultant de la conduite sous l'emprise d'un état alcoolique, de démontrer outre cet état alcoolique son lien de causalité avec l'accident. Dans ces conditions Mme Y. veuve X. est bien fondée à soutenir que la Compagnie ne peut, sans inverser la charge de la preuve, prétendre aux termes de ladite clause faire reposer sur l'assuré ou ses ayant droit la démonstration de l'absence de lien de causalité entre l'accident et l'état alcoolique.
Il est certain que les articles L. 132-1 et R. 132-1 du code de la consommation applicables au contrat souscrit le 6 avril 2006 et à un sinistre réalisé le 19 juillet 2007 sont ceux antérieurs à la loi du 4 août 2008 et au décret d'application du 18 mars 2009 « l'article R. 132-1 modifié par ledit décret énumérant les clauses présumées abusives de manière irréfragable, parmi lesquelles celles ayant pour objet ou pour effet d'imposer au non-professionnel la charge de la preuve qui, en vertu du droit applicable, devrait incomber normalement à l'autre partie au contrat -, que toutefois sous l'empire de ces anciens textes et avant même par conséquent leur insertion dans la liste des clauses présumées abusives de manière irréfragable une jurisprudence constante considérait comme créant un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, et dès lors comme constitutives de clauses abusives, celles opérant une inversion de la charge de la preuve au détriment du consommateur, étant relevé que l'acceptation par celui-ci de la dite clause est indifférente, dans le cadre de l'ordre public de protection du consommateur ou non-professionnel.
Il s'avère ainsi que les clauses d'exclusion de garantie figurant aux articles 19 et 27 du contrat souscrit par M. X. sont nulles et de nul effet, et ne peuvent être valablement opposées par la Mutuelle des Motards aux demandes d'indemnisation qui seront faites.
A cet égard la Cour observe que Mme Y. veuve X. a été justement invitée par le tribunal ayant ordonné la réouverture des débats à intervenir volontairement à l'instance en qualité de représentante légale de ses deux enfants mineurs M. et K., et à formuler des demandes chiffrées, pour ceux-ci et pour elle-même, que toutefois les deux enfants sont désormais majeurs comme étant nés respectivement le 3 mai 1999 et le 29 octobre 1994 et devront dès lors intervenir personnellement à l'instance aux fins le cas échéant de solliciter l'exécution du contrat d'assurance souscrit par leur père décédé.
Le jugement sera donc réformé en ce sens, et l'instance se poursuivra devant le tribunal de grande instance d'Amiens, à la diligence des parties, comme l'a jugé celui-là et en conviennent celles-ci.
Eu égard au sens du présent arrêt, chacune des parties supportera ses propres frais et dépens d'appel.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La Cour, statuant après débats publics, par arrêt mis à disposition au greffe, contradictoirement et en dernier ressort, dans les limites de la cassation,
Vu l'arrêt rendu le 12 mai 2016 par la 1ère chambre civile de la Cour de cassation,
Infirme le jugement rendu le 11 mars 2011 par le tribunal de grande instance d'Amiens en ce qu'il a dit que la Mutuelle des Motards doit indemniser intégralement Mme Y. veuve X. du préjudice subi tant par elle que par ses enfants, du fait du décès accidentel de son époux survenu le 19 juillet 2007, et ce en considération des clauses et conditions du contrat d'assurance.
Le confirme pour le surplus, sauf à préciser que K. X. et M. X., désormais majeurs, devront intervenir personnellement à l'instance.
Statuant à nouveau du chef infirmé et y ajoutant,
Dit que les clauses d'exclusion de garantie figurant aux articles 19 et 27 du contrat souscrit par M. X. auprès de la Mutuelle des Motards sont abusives et par conséquent nulles et de nul effet.
Dit que chaque partie conservera la charge de ses propres frais et dépens d'appel.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
- 5735 - Code de la consommation - Régime de la protection - Consommateur - Effets - Suppression de la clause - Nature - Clause nulle
- 5740 - Code de la consommation - Régime de la protection - Consommateur - Effets - Suppression de la clause - Conséquences sur l’issue du litige - Changement des règles applicables
- 5742 - Code de la consommation - Régime de la protection - Consommateur - Effets - Suppression de la clause - Conséquences sur l’issue du litige - Droits et obligations du consommateur
- 5819 - Code de la consommation - Clauses abusives - Application dans le temps - Clauses abusives - Illustrations : Loi n° 2008-776 du 4 août 2008 - Décret n° 2009-302 du 18 mars 2009
- 5826 - Code de la consommation - Clauses abusives - Nature de la protection - Législation d’ordre public - Principe
- 5827 - Code de la consommation - Clauses abusives - Nature de la protection - Législation d’ordre public - Conséquences : clauses de renonciation dans le contrat
- 6017 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Appréciation du déséquilibre - Clauses sur l’objet principal ou le prix - Loi du 1er février 1995 - Notion d’objet principal
- 6083 - Code de la consommation - Notion de clause abusive - Présentation par clause - Consentement - Permanence du Consentement - Consommateur - Droit de rétractation
- 6141 - Code de la consommation - Notion de clause abusive - Présentation par clause - Preuve - Renversement de la charge de la preuve
- 6344 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Assurance - Présentation générale
- 6372 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Assurance - Assurances multirisques - Véhicule automobile - Obligations de l’assureur - Présentation générale