CA RIOM (1re ch. civ.), 31 mai 2022
CERCLAB - DOCUMENT N° 9665
CA RIOM (1re ch. civ.), 31 mai 2022 : RG n° 20/01146 ; arrêt n° 280
Publication : Jurica
Extrait : « L'article 10 de la convention litigieuse de promesse de bail emphytéotique et de constitution de servitudes du 11 juillet 2013 prévoit que cette promesse est consentie pour une durée de six années à compter du jour de sa signature, indiquant par ailleurs que « Cette durée correspond à la durée moyenne nécessaire pour réaliser les études et effectuer les démarches en vue d'obtenir les différentes autorisations pour réaliser le parc éolien. ». Cette phase est plus précisément définie à titre d'exposé préliminaire à l'article 1er alinéa 2 de cette même convention, selon lequel « La réalisation d'un projet d'installations d'éoliennes dépend notamment de l'issue de l'étude de faisabilité, de l'obtention des autorisations administratives, de l'obtention de l'autorisation de raccordement au réseau électrique ainsi que de l'obtention du financement du projet. L'ensemble de ces étapes constitue la phase dite « d'études » d'un projet éolien. ».
L'article 11 de cette même convention prévoit, outre la possibilité de prorogation conventionnelle sous réserve d'un préavis de quinze jours, six cas limitativement énumérés de prorogation automatique de la durée de cette promesse pour une nouvelle période de trois années à deux reprises au maximum, dans l'hypothèse où l'un de ces cas se présente à l'approche de l'échéance de la période en cours. Cette clause est ainsi libellée :
« A l'issu [sic] de ces six (6) années, la durée de la promesse sera automatiquement prorogée, deux fois au plus, pour une période de trois (3) années à chaque fois, à compter du dernier jour franc de la période en cours, dans les cas où à l'approche de l'échéance de la période en cours, l'une des situations suivantes se présente :
- Le dossier de demande de permis de construire déposer par le PRENEUR est toujours en cours d'instruction auprès des services de l'Etat ;
- Les dossiers d'autorisation d'exploiter au titre d'une ICPE et au titre d'une installation de production d'électricité ont été déposés par le PRENEUR et l'un des deux dossiers est toujours en cours d'instruction par les services de l'Etat ;
- Le PRENEUR a ratifié une convention de raccordement au réseau électrique avec son gestionnaire, mais le réseau est toujours en cours de réalisation ;
- Le périmètre de la ZDE n'est pas définitivement établi par les autorités compétentes ;
- L'exercice par un tiers d'un recours ou d'un référé est formé contre l'une des demandes énumérées précédemment ;
- L'évolution de la réglementation pendant la durée de la promesse, impliquant une ou des démarche(s) supplémentair(e) qui retarde(nt) l'obtention des autorisations nécessaires au projet, au-delà de l'échéance initiale de la promesse.
Dans tous ces cas, la prorogation sera automatique.
Au moins 15 jours avant l'échéance de la promesse, le PRENEUR est simplement tenu d'informer le PROPRIETAIRE par lettre recommandée avec avis de réception de l'événement emportant prorogation de la durée de la promesse. Cette lettre sera établie selon le modèle situé en annexe des présentes.
Dans tous les autres cas que ceux énumérés ci-avant, la prorogation ne pourra se faire que d'un commun accord entre les parties, l'accord ne pouvant résulter que d'un écrit formel et non du silence du PROPRIETAIRE. »
À l'appui de sa demande principale suivant laquelle M. L. X. serait débiteur de l'obligation de réitérer par acte authentique la convention litigieuse, la société FERME ÉOLIENNE D'ANDELAROCHE se prévaut de l'application de cette clause, considérant dès lors que cette convention du 11 juillet 2013 n'a pas expiré le 11 juillet 2019 mais est toujours en vigueur jusqu'au 11 juillet 2022. C'est par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 28 février 2019 qu'elle a notifié à M. L. X. son intention de faire jouer cette clause de prorogation de trois années à compter du 12 juillet 2019 pour le motif ainsi libellé : « En effet, à l'heure actuelle nous sommes toujours en attente de réponse du juge du Tribunal Administratif concernant l'autorisation unique pour le projet d'Andelaroche, des recours contre celle-ci ayant été formés devant lui les 18, 22, 23, 27 août 2018 par différents requérants. ». L'avis de réception afférent à ce courrier a été signé par le destinataire le 2 mars 2019.
En défense à cette demande, M. L. X. soulève la caducité de cette convention, expirée selon lui sans aucune possibilité de prorogation depuis le 11 juillet 2019. Il considère que cette clause de prorogation automatique est abusive et doit donc être réputée non-écrite en application des dispositions de l'article L.132-1 du code de la consommation dans leur rédaction applicable à la date du 11 juillet 2013 de la convention litigieuse, suivant lesquelles notamment « Dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat. / (...) / Les clauses abusives sont réputées non écrites. / L'appréciation du caractère abusif des clauses au sens du premier alinéa ne porte ni sur la définition de l'objet principal du contrat ni sur l'adéquation du prix ou de la rémunération au bien vendu ou au service offert pour autant que les clauses soient rédigées de façon claire et compréhensible. ».
En l'occurrence, en premier lieu, la jurisprudence de l'époque admettait en effet de manière large l'application de la qualité de consommateur ou non-professionnel à toute personne physique contractant dans un domaine sans rapport direct avec son activité professionnelle (Civ. 1ère, 03-01-1996, 93-19322), ce qui est le cas d'un agriculteur et propriétaire terrien concluant ce type de convention de nature industrielle en matière de production d'énergie électrique éolienne et en dehors de tout lien avec son activité professionnelle agricole ou avec la gestion ordinaire de son patrimoine foncier. En effet, M. F. X. et Mme Y exerçaient la profession d'agriculteur à l'exclusion de toutes autres activités professionnelles lors de la conclusion le 11 juillet 2013 de la convention litigieuse. Il en est de même en ce qui concerne M. L. X.
Par ailleurs, cette convention conclue le 11 juillet 2013 avec la société ABO WIND est par nature un contrat d'adhésion, c'est-à-dire sans aucune possibilité de discussion en amont sur l'une quelconque de ses clauses qui sont des clauses-types. Ce décrochage par rapport à la liberté contractuelle ordinaire souligne leur qualité de consommateur ou de non-professionnel, et donc le besoin de protection renforcée qui s'y attache légalement.
Enfin, la convention litigieuse prévoit dans un document annexe en page 17 une possibilité de rétractation de sept jours dénommée « Annulation de commande » au visa des articles L.121-23 à L.121-26 du code de la consommation de l'époque (avec reproduction de chacun de ces textes de loi), conformément au droit commun de la consommation. Dans ces conditions, en dépit des objections de la société FERME ÉOLIENNE, le bailleur non-professionnel dans ce type très particulier de convention peut effectivement être assimilé à un client ou à un usager vis-à-vis du preneur à bail qui seul a la qualité de professionnel dans ce domaine industriel et très spécialisé de production d'énergie électrique éolienne.
La qualité de consommateur ou non-professionnel ne peut donc être refusée à M. F. X. et Mme Y ainsi qu'à M. L. X. dans leurs rapports successifs avec les sociétés ABO WIND et FERME ÉOLIENNE D'ANDELAROCHE.
En second lieu, si la jurisprudence admet en droit de la consommation la validité et l'opposabilité au consommateur ou non-professionnel des clauses de prorogation automatique des contrats à durée déterminée lorsque le défaut de réalisation d'une condition n'est pas imputable à son bénéficiaire, encore faut-il que l'insertion de telles clauses dans ces contrats d'adhésion n'introduise pas un déséquilibre significatif entre les droits et obligations respectifs des parties au contrat au détriment du consommateur ou non-professionnel au sens des dispositions précitées de l'article L. 132-1 du code de la consommation [ancien].
À ce sujet, M. L. X. fait d'abord à juste titre observer que sur ces six hypothèses ouvrant droit au profit du preneur à prorogation automatique sans aucune possibilité d'opposition de la part du bailleur, trois ne sont pas complètement indépendantes de sa volonté, concernant respectivement les délais d'instruction des dossiers de permis de construire, les délais d'instruction des dossiers d'autorisation d'exploiter et les délais de conclusion des conventions de raccordement au réseau électrique. Il est exact que ces délais dépendent aussi en partie de l'accomplissement par le bailleur de ses propres obligations et diligences. Par ailleurs, les trois autres hypothèses de prorogation automatique limitativement énumérées ne peuvent davantage s'avérer en totale indépendance de la volonté du bailleur, s'agissant de celles relatives respectivement au périmètre d'établissement de la ZDE par les autorités compétentes, à l'exercice de recours contentieux par des tiers et à l'évolution de la réglementation applicable pendant la durée de la promesse. Dans ces trois derniers cas de figure, incluant le cas litigieux et pouvant le cas échéant justifier une durée initialement longue de six années, encore faut-il que le bailleur ait lui-même réalisé en amont ses propres démarches et diligences avec célérité et ponctualité.
En l'occurrence, il n'apparaît pas sérieusement contestable que cette durée initiale de six années, qui est en soi une durée longue en termes d'immobilisation des avoirs fonciers de la partie bailleresse, apparaît suffisante pour amortir l'ensemble des éventuels contretemps occasionnés par les délais administratifs d'obtention des autorisations nécessaires ou les délais de règlements juridictionnels en cas de recours contentieux exercés par des tiers.
En cette même occurrence, l'appréciation in abstracto de cette clause peut précisément être recoupée par une appréciation in concreto de la situation litigieuse. En effet, force est de constater qu'à compter de la date du 11 juillet 2013 de conclusion de la convention litigieuse portant initialement sur trois aérogénérateurs, ce n'est que le 13 décembre 2016, soit près de trois années et demi plus tard, que la société FERME ÉOLIENNE D'ANDELAROCHE a déposé sa demande d'autorisation ne portant en définitive que sur un seul aérogénérateur auprès du Préfet de l'Allier. Il apparaît ainsi que ce délai très nettement supérieur à trois ans a constitué un contretemps anormalement long pour des études de faisabilité ayant en définitive déterminé qu'un seul aéorogénérateur au lieu de trois était nécessaire sur la parcelle faisant l'objet de ce bail emphytéotique.
Le Préfet de l'Allier, très tardivement saisi le 13 décembre 2016, n'a donc délivré l'ensemble des autorisations nécessaires que le 27 avril 2018 et il n'est dès lors pas étonnant que les recours contentieux effectués par des tiers datent seulement des 18, 22, 23 et 27 août 2018. Ceci caractérise donc de manière concrète que l'hypothèse retardatrice de recours contentieux par des tiers dépend aussi en très grande partie du niveau de diligences du bénéficiaire de la convention en amont même des opérations relatives à ce projet industriel de production d'électricité, ce dernier ayant par sa carence commencé par laisser inutilement s'écouler plus de la moitié de la période de six années qui lui était contractuellement réservée avant d'effectuer de manière utile l'ensemble des démarches et des diligences nécessaires à la finalisation de son projet.
Dans ces conditions, la mise en place en dehors de tout consensualisme de ce dispositif dérogatoire de prorogation sur demande unilatérale et discrétionnaire du bailleur, alors que la durée initiale profitant au bénéficiaire de la promesse avait été précisément calculée sur un temps suffisamment long de six années, apparaît effectivement procéder d'un déséquilibre significatif entre les droits et obligations respectifs des parties.
En tout état de cause, M. L. X. fait aussi à juste titre observer, d'une part que le délai de prévenance du bailleur en cas de mise en œuvre de la clause de prorogation automatique est extrêmement bref et objectivement disproportionné à l'échelle de la durée initiale du bail (15 jours avant l'échéance de la promesse pour une durée initiale de 6 années), même si la société FERME ÉOLIENNE D'ANDELAROCHE a en l'espèce fait jouer cette clause par une lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 28 février 2019 pour l'échéance du 11 juillet 2019, et d'autre part que la durée de la première prorogation représente en allongement la moitié de la durée initiale (3 années de plus au terme de 6 années), alors que le calcul de cette durée initiale était déjà délibérément établie sur un temps objectivement long afin d'amortir l'ensemble des impondérable faisant l'objet des cas limitativement énumérés de prorogation automatique. En cas de mise en œuvre de la seconde prorogation automatique (3 années au terme de 9 années), ce dispositif est d'autant plus exorbitant du droit commun contractuel qu'il équivaut à doubler la durée initiale de validité de la promesse (12 années au lieu de 6 années).
En définitive sur ce point, les modalités mêmes de cette clause dérogatoire de prorogation automatique procèdent donc par leur rajout de temps anormalement long à un temps initial déjà suffisamment long, même si la clause n'est actionnée qu'à une reprise, d'une situation de déséquilibre significatif entre les droits et obligations respectifs des parties. Cette clause de prorogation automatique prévue à l'article 11 de la convention litigieuse sera en conséquence réputée non écrite en raison de son caractère abusif.
Dans ces conditions, M. L. X. est en droit d'opposer à la société FERME ÉOLIENNE D'ANDELAROCHE la caducité de la convention litigieuse à compter du 11 juillet 2019, sans qu'il soit dès lors nécessaire de poursuivre la discussion sur les autres moyens échangés entre les parties, eu égard aux motifs qui précèdent concernant d'une part l'absence de justification de levée d'option avant l'expiration de la période initiale de six années et d'autre part l'impossibilité de prorogation automatique résultant du caractère abusif de cette clause. C'est pourquoi le jugement de première instance sera confirmé en toutes ses dispositions, quoique par substitution de motifs. »
COUR D’APPEL DE RIOM
DEUXIÈME CHAMBRE
ARRÊT DU 31 MAI 2022
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 20/01146. Arrêt n° 280. N° Portalis DBVU-V-B7E-FOIW-PV. Jugement au fond, origine Président du Tribunal Judiciaire de CUSSET, décision attaquée en date du 26 août 2020, enregistrée sous le R.G. n° 19/01314
COMPOSITION DE LA COUR lors du délibéré : M. Philippe VALLEIX, Président, M. Daniel ACQUARONE, Conseiller, Mme Laurence BEDOS, Conseiller
En présence de : Mme Céline DHOME, greffier lors de l'appel des causes et du prononcé
ENTRE :
APPELANTE :
SAS FERME ÉOLIENNE D'ANDELAROCHE
[Adresse 2], [Localité 4], Représentée par Maître Antoine PORTAL de la SARL TRUNO et ASSOCIES, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND et par Maître Alexia ESKINAZI de la SCP LEFEVRE PELLETIER ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS Timbre fiscal acquitté
ET :
INTIMÉ :
M. F. X.
[Adresse 10], [Localité 1] Représenté par Maître Barbara GUTTON PERRIN de la SELARL LEXAVOUE, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND et par Maître Sébastien ECHEZAR de la SELAS DE BODINAT - ECHEZAR AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau d'ANGERS Timbre fiscal acquitté
DÉBATS : L'affaire a été débattue à l'audience publique du 4 avril 2022, en application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. VALLEIX et M. ACQUARONE, rapporteurs.
ARRÊT : CONTRADICTOIRE ; Prononcé publiquement le 31 mai 2022 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. Signé par M. VALLEIX, président et par Mme DHOME, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
EXPOSÉ DU LITIGE :
La société ABO WIND, ayant pour activités principales la maîtrise d’œuvre de projets de conception, de développement et de construction de parcs éoliens ainsi que le commerce et la distribution d'équipements pour la consommation d'énergies renouvelables, a créé le 15 juin 2016 la SAS FERME ÉOLIENNE D'ANDELAROCHE dans le cadre d'un projet dédié de construction et d'exploitation d'un parc éolien composé de trois aérogénérateurs devant être implantés sur le territoire de la commune d'Andelaroche (Allier).
La maîtrise foncière nécessaire à de tels projets nécessite habituellement de conclure des baux emphytéotiques concernant les emprises des équipements à aménager et des conventions de servitudes sur les surfaces nécessaires à des fins de passages humains et de câbles ainsi que de surplomb, le tout en contrepartie de redevances avec les propriétaires des terrains concernés.
C'est dans ce contexte particulier que M. F. X. et Mme Y ont consenti sous seing privé le 11 juillet 2013 à la société ABO WIND une promesse de bail emphytéotique et de servitudes d'une durée de six années portant sur une parcelle d'une superficie totale de 8 ha 04a 35 ca, cadastrée section D numéro [Cadastre 3] et située au lieu-dit [Localité 9] sur le territoire de la commune d'[Localité 5] (Allier). Cette convention a été signée le 13 septembre 2013 par la société ABO WIND mais il n'est pas contesté entre les parties que sa date de prise d'effet est le 11 juillet 2013.
La société ABO WIND a ensuite décidé, au terme d'études de faisabilité, d'implanter sur cette parcelle D-[Cadastre 3] un seul aérogénérateur en ne prenant qu'une partie de cette parcelle au titre des emprises nécessaires. Elle a de ce fait déposé le 13 décembre 2016 une demande d'autorisation qui lui a été accordée par un arrêté du 27 avril 2018 du Préfet de l'Allier, cette décision préfectorale valant notamment autorisation d'exploiter, permis de construire et autorisation de défrichement. Cette emprise partielle a donc eu comme conséquence de prévoir un bornage par géomètre-expert afin de déterminer la surface nécessaire à ce bail emphytéotique et à ces constitutions de servitudes avec division cadastrale correspondante, la promesse de ce bail devant être réitérée par acte authentique.
M. L. X. est devenu propriétaire de cette parcelle D-[Cadastre 3] du fait du décès de M. F. X. en 2016 et par un acte de donation-partage du 26 octobre 2016 de Mme Y. La SAS FERME ÉOLIENNE D'ANDELAROCHE, s'est ensuite substituée à la société ABO WIND dans la continuation de la mise en œuvre de ce projet. Des recours contentieux ayant été formés à l'encontre de ce projet de permis de construire et d'autorisation d'exploiter, la mise en œuvre de celui-ci a été prorogée pour une durée de trois ans jusqu'au 12 juillet 2022 en application d'une clause de prorogation automatique qui sera ci-après discutée.
Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 15 avril 2019, la SAS FERME ÉOLIENNE D'ANDELAROCHE a levé l'option du bail emphytéotique portant partiellement sur cette parcelle D-[Cadastre 3], dans les conditions suivantes : surface nécessaire de prise à bail après bornage de 4.784 m² sans localisation de celle-ci, servitude de survol sur une zone de 9.056 m², servitude d'accès d'une surface de 3.734 m², servitude de passage de câbles d'une longueur de 514 m linéaires par enfouissement, redevance de 6.181,80 € par an au titre du bail emphytéotique, redevance d'un montant total de 2.501,12 € par an (633,92 € + 1.867,20 €) au titre des servitudes conventionnelles de survol et d'accès grevant la parcelle, somme de 2.570,00 € payée en une fois pour toute la durée du bail au titre de la servitude conventionnelle de passage des câbles.
M. I., géomètre-expert à [Localité 11] (Loire) désigné pour ce bornage, a dressé le 31 août 2018 un procès-verbal de carence, indiquant ne pouvoir entrer en contact avec M. L. X. Maître O., notaire à [Localité 7] (Gers), désigné en qualité de notaire instrumentaire de l'authentification de cette convention de bail emphytéotique et de servitudes, a dressé le 4 octobre 2019 un procès-verbal de difficultés du fait de la non-comparution de M. L. X.
Du fait de ces refus de mise à exécution de cette convention de bail emphytéotique et de constitution de servitudes, la SAS FERME ÉOLIENNE D'ANDELAROCHE a, par acte d'huissier de justice signifié le 13 novembre 2019, assigné M. L. X. devant le tribunal de grande instance de Cusset afin de l'y contraindre sous astreinte.
Suivant un jugement n° RG-19/01314 rendu de manière réputée contradictoire le 26 août 2020, le tribunal judiciaire de Cusset a débouté la SAS FERME ÉOLIENNE D'ANDELAROCHE de l'ensemble de ses demandes.
Par déclaration formalisée par le RPVA le 15 septembre 2020, le conseil de la SAS FERME ÉOLIENNE D'ANDELAROCHE a interjeté appel du jugement susmentionné, l'appel portant sur la totalité de la décision.
« Par dernières conclusions d'appelant notifiées par le RPVA le 25 mars 2022, la SAS FERME ÉOLIENNE D'ANDELAROCHE a demandé de :
- au visa des articles 1348, 1108, 1131, 1134 et 1184 du Code civil [ancien], des articles 1369 et 1371 du Code civil et de l'article 9 du code de procédure civile ;
- infirmer dans l'ensemble de ses dispositions le jugement précité du 26 août 2020 du tribunal judiciaire de Cusset ;
- débouter M. L. X. de l'ensemble de ses demandes ;
- en conséquence et statuant à nouveau ;
- condamner M. L. X. à procéder à la réitération en la forme authentique de la convention de bail emphytéotique et de servitudes conventionnelles susmentionnée du 11 juillet 2013 à la suite de la levée d'option effectuée le 15 avril 2019 par la société FERME ÉOLIENNE D'ANDELAROCHE, sous astreinte de 500 € par jour de retard ;
- juger qu'à défaut pour M. L. X. d'exécuter cette convention dans un délai d'un mois à compter de la décision à intervenir, cette décision vaudra bail emphytéotique selon les conditions fixées à la promesse susmentionnée du 11 juillet 2013 et à la levée d'option du 15 avril 2019, la décision à intervenir devant être publiée au Fichier de la publicité foncière à la diligence de la société FERME ÉOLIENNE D'ANDELAROCHE pour les besoins de son opposabilité aux tiers ;
- condamner M. L. X. à lui payer une indemnité de 12.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner M. L. X. aux entiers dépens de l'instance. »
[*]
« Par dernières conclusions d'intimé notifiées par le RPVA le 15 mars 2022, M. L. X. a demandé de :
- au visa des articles 1134, 1131 et 1108 du Code civil [ancien] ainsi que de l'article L. 132-1 du code de la consommation dans sa rédaction applicable à la date du litige ;
- confirmer le jugement entrepris et débouter la SAS FERME ÉOLIENNE D'ANDELAROCHE de l'ensemble de ses demandes ;
- y ajoutant ;
- à titre principal, constater que la société FERME ÉOLIENNE D'ANDELAROCHE ne lui a pas notifié la levée d'option instituée par la promesse unilatérale de bail emphytéotique du 11 juillet 2013 et prononcer en conséquence la caducité de cette promesse unilatérale de bail emphytéotique ;
- à titre subsidiaire, prononcer la nullité du bail emphytéotique objet de cette promesse unilatérale de bail du 11 juillet 2013 et déclarer en conséquence celle-ci inopposable ;
- en tout état de cause, condamner la société FERME ÉOLIENNE D'ANDELAROCHE à lui payer une indemnité de 6.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les entiers dépens de l'instance.
[*]
Par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, les moyens développés par chacune des parties à l'appui de leurs prétentions respectives sont directement énoncés dans la partie MOTIFS DE LA DÉCISION.
[*]
Par ordonnance rendue le 31 mars 2022, le Conseiller de la mise en état a ordonné la clôture de cette procédure. Lors de l'audience civile collégiale en double-rapporteur du 4 avril 2022 à 14 h. 00, au cours de laquelle cette affaire a été évoquée, chacun des conseils des parties a réitéré et développé ses moyens et prétentions précédemment énoncés. La décision suivante a été mise en délibéré au 31 mai 2022, par mise à disposition au greffe.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DE LA DÉCISION :
1/ Concernant le cadre du débat :
Dans son jugement rendu le 26 août 2020 de manière réputée contradictoire à l'égard de M. L. X. (qui n'avait pas constitué avocat), le premier juge a débouté la société FERME ÉOLIENNE D'ANDELAROCHE de sa demande principale tendant à ordonner la passation en la forme authentique de la convention litigieuse du 11 juillet 2013 ou à défaut à constater cette authentification à l'expiration d'un délai d'un mois en considérant, en lecture des différents actes et courriers adressés à M. L. X., que la société FERME ÉOLIENNE D'ANDELAROCHE ne rapportait pas la preuve que cette absence de réitération authentique résultait d'un refus de M. L. X..
Ce dernier ayant constitué avocat en qualité d'intimé et déclarant assumer ce refus pour des motifs selon lui légitimes et libératoires de son engagement, le débat entre les parties s'instaure donc en cause d'appel sur d'autres bases.
2/ Concernant l'opposabilité de la levée d'option :
Antérieurement à la date du 11 juillet 2019 d'expiration de la convention litigieuse au terme de son délai contractuel de six ans, la société FERME ÉOLIENNE D'ANDELAROCHE, régulièrement substituée à la société ABO WIND, a formalisé sa levée d'option consécutive à la modification de son projet de parc éolien ramené à un seul aérogénérateur au lieu de trois par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 15 avril 2019.
Il est rappelé que par ce courrier, la société ABO WIND, agissant comme mandataire de la société FERME ÉOLIENNE définissait à l'intention du bailleur les principales conditions de finalisation du projet (surface nécessaire de prise à bail après bornage de 4.784 m² sans localisation de celle-ci, servitude de survol sur une zone de 9.056 m², servitude d'accès d'une surface de 3.734 m², servitude de passage de câbles d'une longueur de 514 m linéaires par enfouissement, redevance de 6.181,80 € par an au titre du bail emphytéotique, redevance d'un montant total de 2.501,12 € par an (633,92 € + 1.867,20 €) au titre des servitudes conventionnelles de survol et d'accès grevant la parcelle, somme de 2.570,00 € payée en une fois pour toute la durée du bail au titre de la servitude conventionnelle de passage des câbles). La société FERME ÉOLIENNE D'ANDELAROCHE, représentée par la société ABO WIND, sollicitait en conséquence par ce courrier la réitération devant notaire du bail emphytéotique et de ses constitutions de servitudes.
Or, M. L. X. affirme n'avoir jamais reçu ce courrier du 15 avril 2019, ce qui impose à la société FERME ÉOLIENNE D'ANDELAROCHE d'apporter la preuve qu'il en a bien été destinataire. Il convient d'abord de constater que ce courrier n'est adressé, dans le corps même de son texte, à aucun destinataire nommément désigné. M. L. X. conteste par ailleurs être le signataire de l'avis de réception afférent à cette lettre, faisant l'objet d'un émargement par un destinataire au nom de X. le 20 avril 2019. Il fait à juste titre observer à ce sujet que ce courrier recommandé avec demande d'avis de réception n'a pas été adressé à son domicile personnel situé au lieu-dit [Localité 8] Haut dans la commune d'[Localité 5] mais à une autre adresse (illisible quant au lieu-dit ou à la voirie) dans la commune voisine mais distincte de [Localité 6]. Il existe donc bien un doute sur la remise réelle de ce courrier à M. L. X.
Le fait que M. L. X. indique dans son bordereau de communication de pièces que cet avis de réception du 20 avril 2019 a été « (…) signé par M. X. (...) » est insuffisant pour constituer un aveu judiciaire, cet avis postal ayant bien été signé par un nommé X. ou ayant pu être signé par un tiers au nom de M. L. X. sans que la preuve ne soit pour autant rapportée que ce courrier a bien été notifié en personne ou remise ultérieurement à M. L. X. La société FERME ÉOLIENNE D'ANDELAROCHE demeure conjecturale lorsqu'elle affirme que M. L. X. aurait nécessairement reçu ce courrier du 15 avril 2019 en raison du fait que les bourgs d'[Localité 5] et de [Localité 6] sont limitrophes, que le code postal de ces deux communes est identique et que ce dernier exerce ou exerçait en outre une activité professionnelle agricole à [Localité 6].
Elle réplique par ailleurs que cette lettre du 15 avril 2019 a en toute hypothèse été notifiée à son destinataire dans le cadre des pièces jointes afférentes à l'assignation en première instance du 13 novembre 2019. Cette notification concomitante à l'assignation est en l'occurrence sans incidence dans la mesure où l'acte introductif de première instance du 13 novembre 2019 est survenu postérieurement à la date du 11 juillet 2019 d'expiration de la période initiale de six années de la convention litigieuse.
La partie appelante objecte enfin que le notaire instrumentaire Maître O. avait en tout état de cause dans un précédent courrier du 28 septembre 2018 invité M. L. X. à prendre rendez-vous afin de réitérer en la forme authentique la signature de ce bail emphytéotique, cette lettre étant notamment accompagnée d'un projet de contrat du bail indiquant les montants des différentes redevances. Ce courrier du 28 septembre 2018 ne fait toutefois aucunement mention d'une quelconque intention de levée d'option dans les conditions qui figurent au courrier précité du 15 avril 2019 concernant les options levées, les surfaces concernées ou les redevances envisagées. Ce courrier du 28 septembre 2018 apparaît donc insuffisant pour caractériser cette levée d'option.
Il y a lieu donc de constater que la durée initiale de six années de la convention litigieuse du 11 juillet 2013 a expiré le 11 juillet 2019 sans que la société FERME ÉOLIENNE D'ANDELAROCHE ne justifie avoir dûment et régulièrement notifié sa levée d'option avant cette dernière date à M. L. X.
3/ Concernant la licéité de la clause de prorogation automatique :
L'article 10 de la convention litigieuse de promesse de bail emphytéotique et de constitution de servitudes du 11 juillet 2013 prévoit que cette promesse est consentie pour une durée de six années à compter du jour de sa signature, indiquant par ailleurs que « Cette durée correspond à la durée moyenne nécessaire pour réaliser les études et effectuer les démarches en vue d'obtenir les différentes autorisations pour réaliser le parc éolien. ». Cette phase est plus précisément définie à titre d'exposé préliminaire à l'article 1er alinéa 2 de cette même convention, selon lequel « La réalisation d'un projet d'installations d'éoliennes dépend notamment de l'issue de l'étude de faisabilité, de l'obtention des autorisations administratives, de l'obtention de l'autorisation de raccordement au réseau électrique ainsi que de l'obtention du financement du projet. L'ensemble de ces étapes constitue la phase dite « d'études » d'un projet éolien. ».
L'article 11 de cette même convention prévoit, outre la possibilité de prorogation conventionnelle sous réserve d'un préavis de quinze jours, six cas limitativement énumérés de prorogation automatique de la durée de cette promesse pour une nouvelle période de trois années à deux reprises au maximum, dans l'hypothèse où l'un de ces cas se présente à l'approche de l'échéance de la période en cours. Cette clause est ainsi libellée :
« A l'issu [sic] de ces six (6) années, la durée de la promesse sera automatiquement prorogée, deux fois au plus, pour une période de trois (3) années à chaque fois, à compter du dernier jour franc de la période en cours, dans les cas où à l'approche de l'échéance de la période en cours, l'une des situations suivantes se présente :
- Le dossier de demande de permis de construire déposer par le PRENEUR est toujours en cours d'instruction auprès des services de l'Etat ;
- Les dossiers d'autorisation d'exploiter au titre d'une ICPE et au titre d'une installation de production d'électricité ont été déposés par le PRENEUR et l'un des deux dossiers est toujours en cours d'instruction par les services de l'Etat ;
- Le PRENEUR a ratifié une convention de raccordement au réseau électrique avec son gestionnaire, mais le réseau est toujours en cours de réalisation ;
- Le périmètre de la ZDE n'est pas définitivement établi par les autorités compétentes ;
- L'exercice par un tiers d'un recours ou d'un référé est formé contre l'une des demandes énumérées précédemment ;
- L'évolution de la réglementation pendant la durée de la promesse, impliquant une ou des démarche(s) supplémentair(e) qui retarde(nt) l'obtention des autorisations nécessaires au projet, au-delà de l'échéance initiale de la promesse.
Dans tous ces cas, la prorogation sera automatique.
Au moins 15 jours avant l'échéance de la promesse, le PRENEUR est simplement tenu d'informer le PROPRIETAIRE par lettre recommandée avec avis de réception de l'événement emportant prorogation de la durée de la promesse. Cette lettre sera établie selon le modèle situé en annexe des présentes.
Dans tous les autres cas que ceux énumérés ci-avant, la prorogation ne pourra se faire que d'un commun accord entre les parties, l'accord ne pouvant résulter que d'un écrit formel et non du silence du PROPRIETAIRE. »
À l'appui de sa demande principale suivant laquelle M. L. X. serait débiteur de l'obligation de réitérer par acte authentique la convention litigieuse, la société FERME ÉOLIENNE D'ANDELAROCHE se prévaut de l'application de cette clause, considérant dès lors que cette convention du 11 juillet 2013 n'a pas expiré le 11 juillet 2019 mais est toujours en vigueur jusqu'au 11 juillet 2022. C'est par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 28 février 2019 qu'elle a notifié à M. L. X. son intention de faire jouer cette clause de prorogation de trois années à compter du 12 juillet 2019 pour le motif ainsi libellé : « En effet, à l'heure actuelle nous sommes toujours en attente de réponse du juge du Tribunal Administratif concernant l'autorisation unique pour le projet d'Andelaroche, des recours contre celle-ci ayant été formés devant lui les 18, 22, 23, 27 août 2018 par différents requérants. ». L'avis de réception afférent à ce courrier a été signé par le destinataire le 2 mars 2019.
En défense à cette demande, M. L. X. soulève la caducité de cette convention, expirée selon lui sans aucune possibilité de prorogation depuis le 11 juillet 2019. Il considère que cette clause de prorogation automatique est abusive et doit donc être réputée non-écrite en application des dispositions de l'article L.132-1 du code de la consommation dans leur rédaction applicable à la date du 11 juillet 2013 de la convention litigieuse, suivant lesquelles notamment « Dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat. / (...) / Les clauses abusives sont réputées non écrites. / L'appréciation du caractère abusif des clauses au sens du premier alinéa ne porte ni sur la définition de l'objet principal du contrat ni sur l'adéquation du prix ou de la rémunération au bien vendu ou au service offert pour autant que les clauses soient rédigées de façon claire et compréhensible. ».
En l'occurrence, en premier lieu, la jurisprudence de l'époque admettait en effet de manière large l'application de la qualité de consommateur ou non-professionnel à toute personne physique contractant dans un domaine sans rapport direct avec son activité professionnelle (Civ. 1ère, 03-01-1996, 93-19322), ce qui est le cas d'un agriculteur et propriétaire terrien concluant ce type de convention de nature industrielle en matière de production d'énergie électrique éolienne et en dehors de tout lien avec son activité professionnelle agricole ou avec la gestion ordinaire de son patrimoine foncier. En effet, M. F. X. et Mme Y exerçaient la profession d'agriculteur à l'exclusion de toutes autres activités professionnelles lors de la conclusion le 11 juillet 2013 de la convention litigieuse. Il en est de même en ce qui concerne M. L. X.
Par ailleurs, cette convention conclue le 11 juillet 2013 avec la société ABO WIND est par nature un contrat d'adhésion, c'est-à-dire sans aucune possibilité de discussion en amont sur l'une quelconque de ses clauses qui sont des clauses-types. Ce décrochage par rapport à la liberté contractuelle ordinaire souligne leur qualité de consommateur ou de non-professionnel, et donc le besoin de protection renforcée qui s'y attache légalement.
Enfin, la convention litigieuse prévoit dans un document annexe en page 17 une possibilité de rétractation de sept jours dénommée « Annulation de commande » au visa des articles L.121-23 à L.121-26 du code de la consommation de l'époque (avec reproduction de chacun de ces textes de loi), conformément au droit commun de la consommation. Dans ces conditions, en dépit des objections de la société FERME ÉOLIENNE, le bailleur non-professionnel dans ce type très particulier de convention peut effectivement être assimilé à un client ou à un usager vis-à-vis du preneur à bail qui seul a la qualité de professionnel dans ce domaine industriel et très spécialisé de production d'énergie électrique éolienne.
La qualité de consommateur ou non-professionnel ne peut donc être refusée à M. F. X. et Mme Y ainsi qu'à M. L. X. dans leurs rapports successifs avec les sociétés ABO WIND et FERME ÉOLIENNE D'ANDELAROCHE.
En second lieu, si la jurisprudence admet en droit de la consommation la validité et l'opposabilité au consommateur ou non-professionnel des clauses de prorogation automatique des contrats à durée déterminée lorsque le défaut de réalisation d'une condition n'est pas imputable à son bénéficiaire, encore faut-il que l'insertion de telles clauses dans ces contrats d'adhésion n'introduise pas un déséquilibre significatif entre les droits et obligations respectifs des parties au contrat au détriment du consommateur ou non-professionnel au sens des dispositions précitées de l'article L. 132-1 du code de la consommation [ancien].
À ce sujet, M. L. X. fait d'abord à juste titre observer que sur ces six hypothèses ouvrant droit au profit du preneur à prorogation automatique sans aucune possibilité d'opposition de la part du bailleur, trois ne sont pas complètement indépendantes de sa volonté, concernant respectivement les délais d'instruction des dossiers de permis de construire, les délais d'instruction des dossiers d'autorisation d'exploiter et les délais de conclusion des conventions de raccordement au réseau électrique. Il est exact que ces délais dépendent aussi en partie de l'accomplissement par le bailleur de ses propres obligations et diligences. Par ailleurs, les trois autres hypothèses de prorogation automatique limitativement énumérées ne peuvent davantage s'avérer en totale indépendance de la volonté du bailleur, s'agissant de celles relatives respectivement au périmètre d'établissement de la ZDE par les autorités compétentes, à l'exercice de recours contentieux par des tiers et à l'évolution de la réglementation applicable pendant la durée de la promesse. Dans ces trois derniers cas de figure, incluant le cas litigieux et pouvant le cas échéant justifier une durée initialement longue de six années, encore faut-il que le bailleur ait lui-même réalisé en amont ses propres démarches et diligences avec célérité et ponctualité.
En l'occurrence, il n'apparaît pas sérieusement contestable que cette durée initiale de six années, qui est en soi une durée longue en termes d'immobilisation des avoirs fonciers de la partie bailleresse, apparaît suffisante pour amortir l'ensemble des éventuels contretemps occasionnés par les délais administratifs d'obtention des autorisations nécessaires ou les délais de règlements juridictionnels en cas de recours contentieux exercés par des tiers.
En cette même occurrence, l'appréciation in abstracto de cette clause peut précisément être recoupée par une appréciation in concreto de la situation litigieuse. En effet, force est de constater qu'à compter de la date du 11 juillet 2013 de conclusion de la convention litigieuse portant initialement sur trois aérogénérateurs, ce n'est que le 13 décembre 2016, soit près de trois années et demi plus tard, que la société FERME ÉOLIENNE D'ANDELAROCHE a déposé sa demande d'autorisation ne portant en définitive que sur un seul aérogénérateur auprès du Préfet de l'Allier. Il apparaît ainsi que ce délai très nettement supérieur à trois ans a constitué un contretemps anormalement long pour des études de faisabilité ayant en définitive déterminé qu'un seul aéorogénérateur au lieu de trois était nécessaire sur la parcelle faisant l'objet de ce bail emphytéotique.
Le Préfet de l'Allier, très tardivement saisi le 13 décembre 2016, n'a donc délivré l'ensemble des autorisations nécessaires que le 27 avril 2018 et il n'est dès lors pas étonnant que les recours contentieux effectués par des tiers datent seulement des 18, 22, 23 et 27 août 2018. Ceci caractérise donc de manière concrète que l'hypothèse retardatrice de recours contentieux par des tiers dépend aussi en très grande partie du niveau de diligences du bénéficiaire de la convention en amont même des opérations relatives à ce projet industriel de production d'électricité, ce dernier ayant par sa carence commencé par laisser inutilement s'écouler plus de la moitié de la période de six années qui lui était contractuellement réservée avant d'effectuer de manière utile l'ensemble des démarches et des diligences nécessaires à la finalisation de son projet.
Dans ces conditions, la mise en place en dehors de tout consensualisme de ce dispositif dérogatoire de prorogation sur demande unilatérale et discrétionnaire du bailleur, alors que la durée initiale profitant au bénéficiaire de la promesse avait été précisément calculée sur un temps suffisamment long de six années, apparaît effectivement procéder d'un déséquilibre significatif entre les droits et obligations respectifs des parties.
En tout état de cause, M. L. X. fait aussi à juste titre observer, d'une part que le délai de prévenance du bailleur en cas de mise en œuvre de la clause de prorogation automatique est extrêmement bref et objectivement disproportionné à l'échelle de la durée initiale du bail (15 jours avant l'échéance de la promesse pour une durée initiale de 6 années), même si la société FERME ÉOLIENNE D'ANDELAROCHE a en l'espèce fait jouer cette clause par une lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 28 février 2019 pour l'échéance du 11 juillet 2019, et d'autre part que la durée de la première prorogation représente en allongement la moitié de la durée initiale (3 années de plus au terme de 6 années), alors que le calcul de cette durée initiale était déjà délibérément établie sur un temps objectivement long afin d'amortir l'ensemble des impondérable faisant l'objet des cas limitativement énumérés de prorogation automatique. En cas de mise en œuvre de la seconde prorogation automatique (3 années au terme de 9 années), ce dispositif est d'autant plus exorbitant du droit commun contractuel qu'il équivaut à doubler la durée initiale de validité de la promesse (12 années au lieu de 6 années).
En définitive sur ce point, les modalités mêmes de cette clause dérogatoire de prorogation automatique procèdent donc par leur rajout de temps anormalement long à un temps initial déjà suffisamment long, même si la clause n'est actionnée qu'à une reprise, d'une situation de déséquilibre significatif entre les droits et obligations respectifs des parties. Cette clause de prorogation automatique prévue à l'article 11 de la convention litigieuse sera en conséquence réputée non écrite en raison de son caractère abusif.
Dans ces conditions, M. L. X. est en droit d'opposer à la société FERME ÉOLIENNE D'ANDELAROCHE la caducité de la convention litigieuse à compter du 11 juillet 2019, sans qu'il soit dès lors nécessaire de poursuivre la discussion sur les autres moyens échangés entre les parties, eu égard aux motifs qui précèdent concernant d'une part l'absence de justification de levée d'option avant l'expiration de la période initiale de six années et d'autre part l'impossibilité de prorogation automatique résultant du caractère abusif de cette clause. C'est pourquoi le jugement de première instance sera confirmé en toutes ses dispositions, quoique par substitution de motifs.
4/ Sur les autres demandes :
Compte tenu des motifs qui précèdent à titre principal, les demandes formées à titre subsidiaire par M. L. X. deviennent sans objet.
Il serait effectivement inéquitable, au sens des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, de laisser à la charge de M. L. X. les frais irrépétibles qu'il a été contraint d'engager à l'occasion de cette instance et qu'il convient d'arbitrer à la somme de 5.000 €.
Enfin, succombant à l'instance, la société FERME ÉOLIENNE D'ANDELAROCHE sera purement et simplement déboutée de sa demande de défraiement formée au visa de l'article 700 du code de procédure civile et supportera les entiers dépens de l'instance.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant publiquement et contradictoirement,
CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement n° RG-19/01314 rendu le 26 août 2020 par le tribunal judiciaire de Cusset dans l'instance opposant la SAS FERME ÉOLIENNE D'ANDELAROCHE à M. L. X.
Y ajoutant.
CONSTATE la caducité depuis le 11 juillet 2019 de la convention susmentionnée du 11 juillet 2013 de bail emphytéotique et de constitution de servitudes ainsi que le caractère réputé non écrit de la clause de prorogation automatique figurant en son article 11.
CONDAMNE la SAS FERME ÉOLIENNE D'ANDELAROCHE à payer au profit de M. L. X. une indemnité de 5.000 € en dédommagement de ses frais irrépétibles prévus à l'article 700 du code de procédure civile.
REJETTE le surplus des demandes des parties.
CONDAMNE la SAS FERME ÉOLIENNE D'ANDELAROCHE aux entiers dépens de l'instance.
Le greffier Le président
- 5747 - Code de la consommation - Régime de la protection - Consommateur - Effets - Suppression de la clause - Sort du contrat - Clause affectant l’existence du contrat
- 5837 - Code de la consommation - Domaine d’application - Contrat - Nature du contrat : contrat d’adhésion
- 5838 - Code de la consommation - Domaine d’application - Contrat - Nature du contrat : contrat synallagmatique inversé (consommateur créancier du prix)
- 5842 - Code de la consommation - Domaine d’application - Contrat - Nature du contrat - Qualification du contrat – Démarchage : régime général
- 5925 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Illustrations - Contrats conclus pendant l’activité - Immeubles - Contrats d’installation de panneaux photovoltaïques
- 6010 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Appréciation du déséquilibre - Principes généraux - Appréciation à la date de conclusion
- 6017 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Appréciation du déséquilibre - Clauses sur l’objet principal ou le prix - Loi du 1er février 1995 - Notion d’objet principal
- 6048 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Appréciation du déséquilibre - Déséquilibre injustifié - Exécution du contrat - Comportement des parties - Professionnel - Pouvoir discrétionnaire accordé au professionnel
- 6133 - Code de la consommation - Notion de clause abusive - Présentation par clause - Durée du contrat - Contrat à durée déterminée - Durée initiale
- 6134 - Code de la consommation - Notion de clause abusive - Présentation par clause - Durée du contrat - Contrat à durée déterminée - Prorogation - Reconduction - Renouvellement
- 6408 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Location (bail) - Location d’immeuble - Bail emphytéotique