TGI PARIS (1re ch. 1re sect.), 6 janvier 1997
CERCLAB/CRDP - DOCUMENT N° 1017
TGI PARIS (1re ch. 1re sect.), 6 janvier 1997 : RG n° 20366/95
Extraits : 1/ « Que la recommandation numéro 94-03 du 18 mars 1994 de la Commission des Clauses abusives préconise l'élimination des contrats de séjours linguistiques des clauses ayant pour objet ou pour effet d'imposer l'adhésion du consommateur moyennant cotisation à une association sans l'informer préalablement de l'objet et des caractéristiques de l'association ; Que le caractère abusif de la clause ainsi dénoncée résulte de l'absence d'informations suffisantes sur l'association et non de l'adhésion obligatoire qu'implique l'article 8 de la loi du 13 juillet 1992 ni du paiement de la cotisation qui en est la conséquence ; Qu'il n'est pas établi que les documents diffusés par l'Association ACTE INTERNATIONAL ne fournissent pas les renseignements nécessaires, étant observé que la brochure éditée pour l'année 1996, rappelant le numéro de l'agrément de tourisme de l'association, précise notamment clairement l'objet de celle-ci ».
2/ « Attendu que l'UFC QUE CHOISIR n'invoque dans ses écritures le caractère abusif de ces dispositions qu'en ce qu'elles confèrent à l'association Acte International le droit de modifier le programme « unilatéralement » et en dehors de tout cas « de force majeure » ; Mais attendu que les cas visés ont pour point commun de ne pas dépendre de la volonté de l'association ; Attendu qu'il importe de noter que conformément aux dispositions de l'article 96-7° du décret n° 94-490 du 15 juin 1994, la brochure d'Acte International précise, pour les séjours concernés, le nombre minimum de participants en deçà duquel le programme ne peut être réalisé ; Que la modification susceptible d'intervenir si ce nombre n'est pas atteint s'inscrit de ce fait dans l'économie du contrat et ne peut être prohibée ; Attendu qu'il ne saurait par ailleurs être fait grief à l'Association de se réserver le droit de modifier un programme dans les cas qu'elle énumère sous l'appellation de « circonstances impérieuses ou imprévisibles », susceptibles de recevoir la qualification de cas de force majeure ; Qu'au demeurant la modification d'un programme du fait d'hostilités ou de cataclysmes notamment apparaît répondre à l'obligation pesant sur l'organisateur d'un voyage ou d'un séjour d'assurer la sécurité des voyageurs ».
3/ « Attendu que cette clause est ainsi libellée : « toute réclamation relative à un programme doit être notifiée à l'association, par lettre recommandée accompagnée des pièces justificatives dans un délai de trente jours après la date du retour » ; Attendu certes qu'aucun délai précis n'est en ce domaine imposé, l'article 98-12° du décret du 15 juin 1994 se contentant d'indiquer que la « réclamation doit être adressée dans les meilleurs délais » ; Que le délai d'un mois apparaît cependant trop bref en particulier en ce qui concerne les séjours linguistiques destinés à des mineurs ne se trouvant pas en mesure de faire valoir utilement leurs droits avant leur retour et ne retrouvant pas nécessairement leurs parents immédiatement à la fin de ce séjour eu égard à la période de l'année durant laquelle celui-ci a fréquemment lieu ; Qu'il consacre dès lors un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat au sens de l'article L. 132-1 du Code de la Consommation ».
4/ « Que l'UFC QUE CHOISIR est fondée à solliciter, en application de l'article L. 421-6 du Code de la Consommation, la suppression de la clause considérée ; Que celle-ci devra être mise en œuvre dans tous les modèles de convention proposés par l'Association ACTE INTERNATIONAL dans le mois suivant la signification de la présente décision, sans qu'il soit nécessaire d'ordonner l'astreinte sollicitée ».
TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE PARIS
PREMIÈRE CHAMBRE PREMIÈRE SECTION
JUGEMENT DU 6 JANVIER 1997
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 20366/95. RP 5818. Suppression de clauses abusives. JUGEMENT RENDU LE 6 JANVIER 1997.
DEMANDERESSE :
- L'UNION FÉDÉRALE DES CONSOMMATEURS - UFC QUE CHOISIR
dont le siège est à [adresse], représentée par : Maître Luc BIHL, avocat - R 2130.
DÉFENDERESSE :
- L'Association ACTE INTERNATIONAL
dont le siège est à [adresse], représentée par la SCP d'avocats FOUDAUD, TCHEKHOFF, POCHET et Ass. - P 010.
[minute page 2]
COMPOSITION DU TRIBUNAL Magistrats ayant délibéré : Monsieur LACABARATS Président, Madame THOMAS, Juge, Madame GELBARD-LE DAUPHIN, Juge.
GREFFIER : Madame BAYARD.
DÉBATS à l'audience du 25 novembre 1996, tenue publiquement.
JUGEMENT prononcé en audience publique, contradictoire, susceptible d'appel.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Par acte du 28 septembre 1995, l'Union Fédérale des Consommateurs - UFC QUE CHOISIR a assigné devant ce Tribunal l'Association ACTE INTERNATIONAL afin de voir juger abusives cinq clauses figurant dans les contrats qu'elle propose et ordonner la suppression de ces clauses dans le mois suivant la signification du présent jugement, sous astreinte de 1.000 francs par infraction.
Elle demande en outre la condamnation de la défenderesse à lui payer la somme de 50.000 francs en réparation du préjudice collectif subi par les consommateurs [minute page 3] ainsi que celle de 8.000 francs inapplication de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Le 4 juin 1996, l'Association ACTE INTERNATIONAL, précisant avoir modifié ses conditions générales et particulières à la suite de la législation nouvelle concernant les agences de voyages, a conclu au rejet des prétentions de l'UFC QUE CHOISIR et à sa condamnation à lui payer la somme de 10.000 francs sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Le 2 septembre 1996, l'UFC QUE CHOISIR a indiqué se désister de sa demande de suppression de quatre des cinq clauses dénoncées à l'assignation en maintenant celle concernant le droit que se réserve ACTE INTERNATIONAL de modifier unilatéralement le programme.
Elle sollicite de surcroît la suppression, dans les conditions visées à l'acte introductif d'instance, des clauses imposant l'adhésion à l'association et limitant le délai de réclamation à un mois.
Réitérant sa demande de dommages-intérêts, elle élève à la somme de 10.000 francs celle qu'elle a formée au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Le 30 octobre 1996, l'Association ACTE INTERNATIONAL a contesté le caractère abusif des clauses mises en cause, en faisant essentiellement valoir que :
- la clause « annulation » lui réservant le droit de modifier, regrouper ou annuler un programme est conforme à l'article 20 de la loi du 13 juillet 1992 et à l'article 76-7°du décret du 15 juin 1994,
- [minute page 4] en tant qu'association, elle ne peut organiser de séjours linguistiques qu'avec ses adhérents,
- le délai d'un mois prévu pour les réclamations relatives à un programme est raisonnable.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Attendu qu'il y a lieu de constater que l'UFC QUE CHOISIR déclare se désister de ses demandes mettant en cause quatre des cinq clauses contestées à l'acte introductif d'instance à la suite des modifications apportées par l'association ACTE INTERNATIONAL à ses conditions générales et particulières ;
Qu'eu égard à ses dernières prétentions, la demanderesse entend voir qualifier d'abusives au sens de l'article L. 132-1 du Code de la Consommation, trois clauses figurant dans les conditions particulières de la brochure éditée pour l'année 1996 par l'Association ;
Sur la clause imposant l'adhésion à l'Association et le paiement d'une cotisation pour s'inscrire à l'un des séjours proposés :
Attendu qu'aux termes de l'article 8 de la loi n° 92-645 du 13 juillet 1992 fixant les conditions d'exercice des activités relatives à l'organisation et à la vente de voyages ou de séjours, les associations et organismes sans but lucratif ne peuvent effectuer les opérations mentionnées à l'article 1er de la loi qu'en faveur de leurs membres ;
[minute page 5] Que la recommandation numéro 94-03 du 18 mars 1994 de la Commission des Clauses abusives préconise l'élimination des contrats de séjours linguistiques des clauses ayant pour objet ou pour effet d'imposer l'adhésion du consommateur moyennant cotisation à une association sans l'informer préalablement de l'objet et des caractéristiques de l'association ;
Que le caractère abusif de la clause ainsi dénoncée résulte de l'absence d'informations suffisantes sur l'association et non de l'adhésion obligatoire qu'implique l'article 8 de la loi du 13 juillet 1992 ni du paiement de la cotisation qui en est la conséquence ;
Qu'il n'est pas établi que les documents diffusés par l'Association ACTE INTERNATIONAL ne fournissent pas les renseignements nécessaires, étant observé que la brochure éditée pour l'année 1996, rappelant le numéro de l'agrément de tourisme de l'association, précise notamment clairement l'objet de celle-ci ;
Sur la clause réservant à l'Association la possibilité de modifier le programme :
Attendu que la clause comportant les stipulations critiquées traite successivement de l'annulation du fait du participant et du fait de l'association en prévoyant en ce cas :
« Si par suite de circonstances impérieuses ou imprévisibles (grèves, hostilités, insurrections, épidémies, cataclysmes, etc.) ou si l'effectif d'un groupe ne permet pas d'assurer une bonne organisation du programme, [minute page 6] Acte International se réserve le droit de modifier, regrouper ou annuler un programme. En cas de modification, regroupement ou annulation, le participant est avisé au plus tard 21 jours avant la date de départ prévue, ce qui lui laisse la possibilité soit de transférer son inscription sur un autre programme, soit d'annuler. Dans ce dernier cas, Acte International rembourse intégralement les sommes versées à l'exception du droit d'adhésion de 800 francs ». ;
Attendu que l'UFC QUE CHOISIR n'invoque dans ses écritures le caractère abusif de ces dispositions qu'en ce qu'elles confèrent à l'association Acte International le droit de modifier le programme « unilatéralement » et en dehors de tout cas « de force majeure » ;
Mais attendu que les cas visés ont pour point commun de ne pas dépendre de la volonté de l'association ;
Attendu qu'il importe de noter que conformément aux dispositions de l'article 96-7° du décret n° 94-490 du 15 juin 1994, la brochure d'Acte International précise, pour les séjours concernés, le nombre minimum de participants en deçà duquel le programme ne peut être réalisé ;
Que la modification susceptible d'intervenir si ce nombre n'est pas atteint s'inscrit de ce fait dans l'économie du contrat et ne peut être prohibée ;
Attendu qu'il ne saurait par ailleurs être fait grief à l'Association de se réserver le droit de modifier un programme dans les cas qu'elle énumère sous l'appellation de « circonstances impérieuses ou imprévisibles », susceptibles de recevoir la qualification de cas de force majeure ;
[minute page 7] Qu'au demeurant la modification d'un programme du fait d'hostilités ou de cataclysmes notamment apparaît répondre à l'obligation pesant sur l'organisateur d'un voyage ou d'un séjour d'assurer la sécurité des voyageurs ;
Sur la clause consacrée aux réclamations :
Attendu que cette clause est ainsi libellée : « toute réclamation relative à un programme doit être notifiée à l'association, par lettre recommandée accompagnée des pièces justificatives dans un délai de trente jours après la date du retour » ;
Attendu certes qu'aucun délai précis n'est en ce domaine imposé, l'article 98-12° du décret du 15 juin 1994 se contentant d'indiquer que la « réclamation doit être adressée dans les meilleurs délais » ;
Que le délai d'un mois apparaît cependant trop bref en particulier en ce qui concerne les séjours linguistiques destinés à des mineurs ne se trouvant pas en mesure de faire valoir utilement leurs droits avant leur retour et ne retrouvant pas nécessairement leurs parents immédiatement à la fin de ce séjour eu égard à la période de l'année durant laquelle celui-ci a fréquemment lieu ;
Qu'il consacre dès lors un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat au sens de l'article L. 132-1 du Code de la Consommation ;
Que l'UFC QUE CHOISIR est fondée à solliciter, en application de l'article L. 421-6 du Code de la Consommation, la suppression de la clause considérée ;
[minute page 8] Que celle-ci devra être mise en œuvre dans tous les modèles de convention proposés par l'Association ACTE INTERNATIONAL dans le mois suivant la signification de la présente décision, sans qu'il soit nécessaire d'ordonner l'astreinte sollicitée ;
Attendu que l'atteinte portée à l'intérêt collectif des consommateurs par la clause dont la suppression est ordonnée justifie l'allocation de la somme de 5.000 francs de dommages et intérêts à l'UFC QUE CHOISIR ;
Attendu qu'il y a lieu de décharger la demanderesse de partie des frais non compris dans les dépens en condamnant l'Association ACTE INTERNATIONAL à lui verser la somme de 8.000 francs en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
LE TRIBUNAL,
Ordonne, dans tous les modèles de conventions proposés par l'Association ACTE INTERNATIONAL, la suppression dans le mois de la signification de la présente décision, de la clause fixant à un mois, après la date du retour, le délai de toute réclamation relative à un programme ;
Condamne l'Association ACTE INTERNATIONAL à payer à l'UFC QUE CHOISIR la somme de CINQ MILLE francs (5.000) à titre de dommages et intérêts et celle de HUIT MILLE francs (8.000) en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;
Déboute l'UFC QUE CHOISIR [minute page 9] du surplus de ses demandes ;
Condamne l'Association ACTE INTERNATIONAL aux dépens.
Fait et jugé à PARIS, le 6 janvier 1997.
- 5777 - Code de la consommation - Régime de la protection - Association de consommateurs - Effets de l’action - Suppression des clauses - Astreinte
- 5780 - Code de la consommation - Régime de la protection - Association de consommateurs - Effets de l’action - Réparation des préjudices - Préjudice collectif des consommateurs - Éléments d’appréciation
- 5848 - Code de la consommation - Domaine d’application - Personne soumise à la protection - Notion de professionnel - Principes
- 6031 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Appréciation du déséquilibre - Déséquilibre injustifié - Nature du contrat - Economie du contrat
- 6043 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Appréciation du déséquilibre - Déséquilibre injustifié - Exécution du contrat - Contraintes d’exécution - Professionnel - Contraintes juridiques
- 6047 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Appréciation du déséquilibre - Déséquilibre injustifié - Exécution du contrat - Contraintes d’exécution - Consommateur - Délais de réclamation
- 6059 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Appréciation du déséquilibre - Déséquilibre injustifié - Respect des droits et libertés du consommateur - Liberté contractuelle
- 6075 - Code de la consommation - Notion de clause abusive - Présentation par clause - Consentement - Existence du Consentement - Consentement forcé du consommateur
- 6086 - Code de la consommation - Notion de clause abusive - Présentation par clause - Contenu initial du contrat - Opposabilité des conditions générales - Clauses inconnues du consommateur
- 6139 - Code de la consommation - Notion de clause abusive - Présentation par clause - Délai pour agir - Délai de réclamation
- 6140 - Code de la consommation - Notion de clause abusive - Présentation par clause - Délai pour agir - Délai de prescription
- 6437 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Séjours linguistiques