CA NÎMES (2e ch.), 15 décembre 1983
CERCLAB/CRDP - DOCUMENT N° 1078
CA NÎMES (2e ch.), 15 décembre 1983 : RG n° 81-812 ; arrêt n° 666
Extrait : « ATTENDU en droit que dans les contrats synallagmatiques si aux termes de l'article 1134 du Code Civil les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites, c'est à la condition que l'inéquivalence entre les prestations respectives des parties ne soit pas telle qu'offensant la justice et mettant en péril l'ordre public, elle ne révèle par elle-même un vice du consentement de la part de celle des parties au détriment de laquelle le contrat a été conclu ;
Or ATTENDU que la plupart des clauses contenues dans le contrat sont tellement et unilatéralement en faveur du preneur qu'il est manifeste que ce n'est pas en toute liberté et en pleine connaissance de cause que Monsieur X., le bailleur, a adhéré aux termes de la convention qu'il a signée et qui avait été préalablement rédigée par R. M. ;
QUE c'est ainsi que Publirama se réserve l'exclusivité de la publicité sur la totalité des emplacements dont dépend la partie louée ; QUE dans le cas où l’emplacement loué s’avérerait inutilisable, invisible, à distnace insuffisante pour une raison quelconque, le bailleur s’engage à mettre à disposition du public un autre emplacement publicitairement valable ; QUE le bailleur s'interdit, pendant 3 ans à compter de la fin du bail, d'autoriser par une location ou autrement une publicité quelle qu'elle soit, sur les emplacements loués ;Qu'au cas où le preneur ne met pas en exploitation l'emplacement dans le délai, le bailleur peut reprendre la libre disposition de son emplacement, le contrat devenant nul et non avenu ;Qu'il est interdit au bailleur de donner en location à des tiers d'autres parties de ses propriétés ;
ATTENDU que toutes ces clauses, dont la Commission des clauses abusives dans sa séance du 4 février 1980 a recommandé qu'elles soient éliminées des contrats conclus entre bailleurs, non professionnels d'une part et professionnels locataires d'emplacements-publicitaires d'autre part, sont tellement défavorables au bailleur, Monsieur X., qu'heurtant manifestement l'équité leur acceptation ne peut avoir été de la part de ce dernier que le fruit d'une erreur ou de tout autre vice du consentement ;
ATTENDU que c'est donc à juste titre que le jugement attaqué a déclaré nul un tel contrat et a en conséquence rejeté la demande de son exécution comme le réclame R. M ».
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE NÎMES
DEUXIÈME CHAMBRE
ARRÊT DU 15 DÉCEMBRE 1983
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 81-812. Arrêt n° 666.
Ce jour, QUINZE DÉCEMBRE MIL NEUF CENT QUATRE VINGT TROIS,
A l'audience publique de la DEUXIÈME CHAMBRE de la COUR D'APPEL de NÎMES, M. le Président suppléant RAMBAUD a prononcé l'arrêt suivant, rendu contradictoirement, dans l’instance opposant :
D'UNE PART :
APPELANT :
Monsieur R. M.,
né le […] à […], faisant commerce sous le nom de PUBLIRAMA MÉDITERRANÉE, demeurant et domicilié […], ayant pour avoué constitué Maître POMIES RICHAUD, assistée de la SCP d'avocats DELRAN, APPELANT
INTIMÉ :
Monsieur X.,
né le […] à […], demeurant et domicilié […], ayant pour avoué constitué Maître d'EVERLANGE, assisté de Maître DREYFUS, avocat ; INTIMÉ
Après que l'instruction ait été clôturée par ordonnance de Mme le Conseiller de la mise en état en date du 4 novembre 1903 ;
Après que les débats aient eu lieu à l'audience publique du 1er décembre 1983 où siégeaient et assistaient : - M. RAMBAUD, Conseiller, Chevalier de l'Ordre National du Mérite, présidant conformément à l'ordonnance de Mme le Premier Président en date du 8 Février 1983,
- M. PERE, Conseiller, Chevalier de l'Ordre National du Mérite ; - M. JULIEN, Conseiller,
- Mme POLVEREL, Commis-Greffier assermenté ;
qui ont entendu les avoués des parties et l'avocat de l’intimé en leurs conclusions et plaidoiries, et renvoyé le prononcé pour plus ample délibéré à ce jour ; les magistrats du siège ont ensuite délibéré en secret conformément à la loi ;
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
[minute page 2] Statuant sur l'appel régulièrement interjeté le 9 [avril ?] 1981 par R. M. d'un jugement du Tribunal d'Instance d'AVIGNON du 9 janvier 1981 qui l'a débouté de sa demande en exécution de bail et a prononcé la nullité de ce contrat ;
AU FOND ET EN FAIT
Le 21 juin 1979 Monsieur X. a consenti à R. M. exploitant de supports publicitaires sous l'enseigne « Publirama » un bail d'emplacement publicitaire moyennant le versement d'une somme annuelle de 3.000 Francs et pour une durée de 1, 3, 6, 9 ou 12 ans renouvelable par tacite reconduction à la volonté du preneur sauf préavis de 6 mois ;
Ayant par la suite refusé d'exécuter ce contrat, il a été attrait par R. M. en exécution du contrat devant le Tribunal d'Instance d'AVIGNON, qui a rendu le jugement dont le dispositif est reproduit ci-dessus ;
R. M. a interjeté appel de ce jugement ;
Il demande que Monsieur X. soit condamné à exécuter le contrat conclu le 21 juin 1979 sous astreinte de 200 Francs par jour de retard, à payer la somme de 10.000 Francs à titre de dommages-intérêts, ainsi que celle de 2.500 Francs sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;
Monsieur X. conclut à la confirmation du jugement attaqué qui a annulé le contrat en cause au motif que les clauses constituant l'essentiel de son économie contenaient des dispositions léonines au détriment de Monsieur X. ;
Il réclame en outre la somme de 3.000 Francs sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
SUR QUOI :
ATTENDU en droit que dans les contrats synallagmatiques si aux termes de l'article 1134 du Code Civil les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites, c'est à la condition que l'inéquivalence entre les prestations respectives des parties ne soit pas telle qu'offensant la justice et mettant en péril l'ordre public, elle ne révèle par elle-même un vice du consentement de la part de celle des parties au détriment de laquelle le contrat a été conclu ;
Or ATTENDU que la plupart des clauses contenues dans le contrat sont tellement et unilatéralement en faveur du preneur qu'il est manifeste que ce n'est pas en toute liberté et en pleine connaissance de cause que Monsieur X., le bailleur, a adhéré aux termes de la convention qu'il a signée et qui avait été préalablement rédigée par R. M. ;
QUE c'est ainsi que Publirama se réserve l'exclusivité de la publicité sur la totalité des emplacements dont dépend la partie louée ;
[minute page 3] QUE dans le cas où l’emplacement loué s’avérerait inutilisable, invisible, à distance insuffisante pour une raison quelconque, le bailleur s’engage à mettre à disposition du public un autre emplacement publicitairement valable ;
QUE le bailleur s'interdit, pendant 3 ans à compter de la fin du bail, d'autoriser par une location ou autrement une publicité quelle qu'elle soit, sur les emplacements loués ;
Qu'au cas où le preneur ne met pas en exploitation l'emplacement dans le délai, le bailleur peut reprendre la libre disposition de son emplacement, le contrat devenant nul et non avenu ;
Qu'il est interdit au bailleur de donner en location à des tiers d'autres parties de ses propriétés ;
ATTENDU que toutes ces clauses, dont la Commission des clauses abusives dans sa séance du 4 février 1980 a recommandé qu'elles soient éliminées des contrats conclus entre bailleurs, non professionnels d'une part et professionnels locataires d'emplacements-publicitaires d'autre part, sont tellement défavorables au bailleur, Monsieur X., qu'heurtant manifestement l'équité leur acceptation ne peut avoir été de la part de ce dernier que le fruit d'une erreur ou de tout autre vice du consentement ;
ATTENDU que c'est donc à juste titre que le jugement attaqué a déclaré nul un tel contrat et a en conséquence rejeté la demande de son exécution comme le réclame R. M. ;
QUE ce dernier doit donc être débouté de son appel ;
ATTENDU cependant qu'il ne parait pas inéquitable de laisser à la charge de chacune des parties les frais assumés par elle indépendamment des dépens ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS,
La COUR,
Statuant publiquement et contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort ;
Reçoit l'appel en la forme ;
Le dit mal fondé au fond ;
Confirme le jugement déféré ;
Dit n'y avoir lieu à indemnité sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;
Condamne R. M. aux dépens de première instance et d'appel dont distraction au profit de Maître d'EVERLANGE, avoué.
Arrêt qui a été signé par M. RAMBAUD, Président suppléant, Mme POLVEREL, Commis-Greffier assermenté.
- 5748 - Code de la consommation - Régime de la protection - Consommateur - Effets - Suppression de la clause - Sort du contrat - Impossibilité de maintenir le contrat
- 5802 - Code de la consommation - Clauses abusives - Évolution de la protection (2) - Cass. civ. 1re, 14 mai 1991 - Application directe de la loi n° 78-23 du 10 janvier 1978 : principe
- 5838 - Code de la consommation - Domaine d’application - Contrat - Nature du contrat : contrat synallagmatique inversé (consommateur créancier du prix)
- 5998 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Cadre général - Normes de référence - Recommandations de la Commission des clauses abusives - Influence effective
- 6021 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Appréciation du déséquilibre - Réciprocité - Réciprocité des contreparties : obligations secondaires
- 6060 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Appréciation du déséquilibre - Déséquilibre injustifié - Respect des droits et libertés du consommateur - Droit de propriété
- 6110 - Code de la consommation - Notion de clause abusive - Présentation par clause - Modification du contenu du contrat - Modification unilatérale - Droit antérieur au décret du 18 mars 2009 - Prix
- 6125 - Code de la consommation - Notion de clause abusive - Présentation par clause - Inexécution du contrat - Suspension du contrat - Exception d’inexécution du professionnel
- 6149 - Code de la consommation - Notion de clause abusive - Présentation par clause - Clauses sur l’accès au juge - Clauses attributives de compétence - Compétence territoriale
- 6154 - Code civil et Droit commun - Sanction directe des déséquilibres significatifs - Droit antérieur à l’ordonnance du 10 février 2016 - Ancien art. 1134 C. civ.
- 6411 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Location (bail) - Location d’emplacement publicitaire