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CA PARIS (7e ch.), 11 septembre 1996

Nature : Décision
Titre : CA PARIS (7e ch.), 11 septembre 1996
Pays : France
Juridiction : Paris (CA), 7e ch.
Demande : 94/19285
Date : 11/09/1996
Nature de la décision : Confirmation
Date de la demande : 4/08/1994
Décision antérieure : T. COM. PARIS (7e ch.), 21 juin 1994, CASS. CIV. 1re, 23 février 1999
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CERCLAB/CRDP - DOCUMENT N° 1274

CA PARIS (7e ch.), 11 septembre 1996 : RG n° 94/19285

(sur pourvoi Cass. civ. 1re, 23 févr. 1999 : pourvoi n° 96-21744 ; arrêt n° 370 ; Bull. civ. I, n° 59)

 

Extraits : « Toutefois, la garantie qu'elle comporte est conditionnée à des « obligations du souscripteur », - notamment celles de la remise par le locataire non seulement d'une pièce d'identité mais également d'un permis de conduire et d'une quittance de loyer ou d'électricité et de présentation du chèque établi en paiement de l'acompte dans les 48 heures pour permettre de vérifier l'approvisionnement du compte - qui ne doivent s'analyser ni comme une « déchéance », ainsi que les qualifie le contrat, laquelle est la sanction de l'inobservation d'une formalité après la survenance du sinistre, ni comme une exclusion, qui est l'élimination contractuelle d'un événement du champ de la garantie, mais comme des conditions auxquelles est subordonnée la mise en jeu même de la garantie. Comme telles, ces obligations ne sont pas soumises aux impératifs des articles L. 112-4 et L. 113-1 du code des assurances.

Elles ne sauraient, non plus, être réputées non écrites pour créer un déséquilibre au détriment de l'assuré dès lors que, régulièrement portées à la connaissance de celui-ci, elles ne constituent que la contrepartie d'une extension de garantie, créatrice d'un risque supplémentaire pour l'assureur, que l'inefficacité prétendue à faire obstacle au détournement ne suffit pas à rendre abusive, et ce d'autant moins que le contrat de location lui-même comportait l'obligation de versement de deux acomptes dont la société SMB n'a pas exigé l'exécution, ni à créer un déséquilibre anormal entre les droits et obligations des parties. »

 

COUR D’APPEL DE PARIS

SEPTIÈME CHAMBRE

ARRÊT DU 11 SEPTEMBRE 1996

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION                                      (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 94/19285. Date de l’ordonnance de clôture : 10 juin 1996. Sur appel d’un jugement du Tribunal de commerce de Paris, 7ème ch., en date du 21 juin 1994.

 

PARTIES EN CAUSE :

1°) Société Sud Marine Bateau SMB

[adresse]

2°) Monsieur X.

[adresse]

Représentés par Maître HANINE, avoué, Assistés de Maître BENELLI, avocat, APPELANTS

3°) Société la banque La HENIN Marine

[adresse], Représentée par Maîtres FAURE et ARNAUDY, avoués associés, Assistée de Maître BEAUJARD suppléant Maître HERAN, avocat, INTIMÉE

4°) Société Compagnie d'assurances LA CONCORDE

[adresse], Représentée par Maîtres GIBOU PIGNOT GRAPOTTE BENETREAU, avoués associés, Assistée de Maître HASCOET JANTIN, avocat, INTIMÉE

[minute page 2]

5°) Le Crédit Agricole du Var

[adresse], Représenté par Maître CORDEAU, avoué Assisté de Maître FREAUD, avocat, INTIMÉ

 

COMPOSITION DE LA COUR Lors des débats et du délibéré : PRÉSIDENT : Monsieur Jean-Yves MARTIN - CONSEILLERS : Madame Claudie ALDIGE et Monsieur Michel GASTEBOIS.

GREFFIER : Dominique BONHOMME-AUCLERE.

DÉBATS : A l'audience publique du 11 juin 1996.

ARRÊT : contradictoire, prononcé publiquement par M. Jean-Yves MARTIN, président, qui a signé la minute avec D. BONHOMME-AUCLERE, greffier.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                                                         (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

FAITS et PROCÉDURE :

Suivant déclarations des 4 et 18 août 1994, la société Sud Marine Bateau SMB et M. X. ont interjeté appel d'un jugement contradictoire rendu le 21 juin par la 7ème chambre du tribunal de commerce de Paris qui a :

- [minute page 3] dit la demande de M. X. irrecevable ;

- dit la demande de la société Sud Marine Bateau à l'encontre de la compagnie LA CONCORDE en l'état mal fondée, l'en a déboutée quant à présent ;

- dit la demande de la société Sud Marine Bateau à l'égard du Crédit Agricole du Var mal fondée, l'en a déboutée ;

- condamné solidairement la société Sud Marine Bateau et M. X. en sa qualité de caution à payer à la banque La HENIN la somme de 547.403,35 Francs avec intérêts au taux légal à compter du 1er novembre 1992 ;

- condamné solidairement la société Sud Marine Bateau et M. X. en sa qualité de caution, à payer la somme de 3.000 Francs à chacune des sociétés LA CONCORDE, Banque LA HENIN et Crédit Agricole du Var au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;

- ordonné l'exécution provisoire ;

- condamné solidairement la société Sud Marine Bateau et M. X. aux dépens.

Les faits de la cause, les prétentions et moyens des parties sont exposés dans le jugement déféré, auquel la Cour se réfère expressément.

Il doit, néanmoins, être rappelé et précisé que, par acte sous-seing privé du 31 octobre 1990, la société la banque La HENIN Marine a loué avec promesse de vente à la société SMB un voilier « Mar'Svin VII » pour une durée de 8 ans ; M. X., gérant de cette société, s'est porté caution solidaire.

Le 10 juillet 1992, le bateau, assuré auprès de la compagnie LA CONCORDE par contrat Navigation de plaisance numéro […], a été loué pour 4 jours à un citoyen [minute page 4] britannique, M. Y., qui a. réglé le cautionnement de 12.000 Francs et le prix de location par chèques de la caisse régionale de crédit agricole mutuel du Var datés, l'un du 10 juin, l'autre du 10 d'un mois indéterminé.

Le voilier n'ayant pas été restitué et la compagnie LA CONCORDE ayant refusé sa garantie, la société SMB et M. X. ont, par assignations délivrées les 10 et 13 novembre 1992, saisi le tribunal, qui a rendu la décision critiquée.

 

Dans leurs écritures d'appel, la société SMB et M. X. demandent à la Cour de :

- les déclarer recevables en leur recours ;

Et y faisant droit,

- infirmer le jugement ;

En conséquence, statuant à nouveau,

- condamner la compagnie LA CONCORDE à verser à la société SMB la somme de 731.551,43 Francs en réparation des préjudices qu'elle a subis et ce, avec intérêts au taux légal ;

- condamner la compagnie LA CONCORDE à verser à la société SMB la somme de 30.000 Francs à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive ;

- condamner la compagnie LA CONCORDE au paiement de la somme de 30.000 Francs au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;

Subsidiairement,

- [minute page 5] condamner le Crédit Agricole du Var à payer à la société SMB, la même somme de 731.551,43 Francs, outre le paiement de la somme de 30.000 Francs à titre de dommages et intérêts supplémentaires, soit au total la somme de 761.551,34 Francs, le tout assorti d'intérêts au taux légal ;

- condamner le Crédit Agricole du Var au paiement d'une somme de 30.000 Francs au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;

- dans tous les cas juger que la décision à intervenir sera opposable à la banque LA HENIN Marine ;

- condamner la partie, qui sera jugée tenue à garantie à l'égard de la société SMB, aux entiers dépens de première instance et d'appel.

 

La banque La Henin prie la Cour de :

- dire la société SMB et M. X. irrecevables, subsidiairement mal fondés en leur appel, les en débouter ;

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement ;

- condamner conjointement et solidairement M. X., la société SMB et la compagnie LA CONCORDE à lui payer la somme de 547.403,55 Francs avec intérêts au taux légal à compter du 1er novembre 1992, ainsi que celle de 30.000 Francs en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;

- Le cas échéant, condamner conjointement et solidairement M. X., la société SMB et le Crédit Agricole du var à lui payer la somme de 647.403,55 Francs en principal avec intérêts au taux légal à compter du 1er novembre 1992, outre la somme de 30.000 Francs en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;

- condamner la partie qui succombera en tous les dépens.

[minute page 6]

La compagnie LA CONCORDE demande de :

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il déboute M. X. et la société Sud Marine Bateau de l'ensemble des demandes qu'ils formulent à son encontre ;

- la déclarer recevable en son appel incident ;

- condamner solidairement M. X. et la société Sud Marine Bateau au paiement de la somme de 200.000 Francs à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

- les condamner à lui verser la somme de 20.000 Francs au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;

- condamner la société SMB, M. X. en tous les dépens de première instance et d'appel.

 

La caisse régionale du crédit agricole du Var conclut pour voir :

- déclarer la société Sud Marine Bateau et M. X., mal fondés en leurs appels, les en débouter ;

- confirmer le jugement entrepris ;

- condamner solidairement ou in solidum la société Sud Marine Bateau et M. X. à lui payer la somme de 25.000 Francs en vertu des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;

- les condamner sous la même solidarité, aux entiers dépens de première instance et d'appel.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 10 juin 1996.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                                                 (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

[minute page 7] DISCUSSION :

Cet arrêt sera contradictoire.

 

Sur la recevabilité de l'appel principal :

La banque La Henin ne formule aucun argument à l'appui de son moyen d'irrecevabilité de l'appel principal ; celui-ci ayant été interjeté dans les formes et délai de la loi, le moyen inutile ne peut qu'être rejeté.

 

Sur la garantie de la compagnie LA CONCORDE :

La société SMB et M. X. font valoir que le vol du bateau n'est pas prouvé par le jugement du tribunal de grande instance de Draguignan en date du 19 avril 1993 n'ayant pas l'autorité de la chose jugée au pénal et que la clause, qui imposait des obligations abusives pour que la garantie détournement soit acquise, doit être de ce fait considérée comme non écrite et s'analyse, en tout état de cause, comme une clause d'exclusion de garantie, qui aux termes de l'article L. 113-1 du code des assurances, doit être formelle et limitée.

Mais, il appartient à l'assuré, qui réclame une indemnisation de rapporter la preuve de ce que le sinistre entre bien dans le champ d'application du contrat, à savoir l'objet de la garantie.

En l'espèce, il résulte du paragraphe A page 3 des conditions générales de la police souscrite par la société SMB, dont le signataire en son nom a reconnu avoir reçu un exemplaire, que sont garantis les dommages et pertes subis par le bateau assuré par suite de naufrage, échouement, abordage, incendie et explosions, tous accidents maritimes et terrestres, les fortunes de mer, les cataclysmes naturels ainsi que les frais d'assistance et de sauvetage du bateau et, aux termes de la clause D1, formellement spécifiée aux conditions particulières, le détournement défini comme « la non-restitution frauduleuse du bateau par le ou les locataires » ;

[minute page 8] Or, la société SMB et M. X. ne produisent aucun élément établissant que la perte du bateau ait été consécutive à l'un des événements limitativement énumérés dans la définition de la garantie A.

Par contre, sur plainte contre auteur connu pour « détournement de bateau de location » déposée par M. X. lui-même le 16 juillet 1992, le tribunal correctionnel de DRAGUIGNAN, devant lequel la société SMB s'est constituée partie civile, a, par jugement du 19 avril 1993, estimé que M. Y. a bien commis les faits qui lui sont reprochés, qualifiés d'abus de confiance, et est entré en voie de condamnation.

Certes, cette décision n'est pas définitive pour avoir été rendue par défaut, mais les constatations de fait qui en sont le support nécessaire doivent être retenues comme suffisamment démonstratives du détournement dans la mesure où elles s'inscrivent dans un contexte qui ne laisse aucun doute sur l'intention délictueuse du locataire du bateau.

C'est donc la clause D1 qui a vocation à s'appliquer.

Toutefois, la garantie qu'elle comporte est conditionnée à des « obligations du souscripteur », - notamment celles de la remise par le locataire non seulement d'une pièce d'identité mais également d'un permis de conduire et d'une quittance de loyer ou d'électricité et de présentation du chèque établi en paiement de l'acompte dans les 48 heures pour permettre de vérifier l'approvisionnement du compte - qui ne doivent s'analyser ni comme une « déchéance », ainsi que les qualifie le contrat, laquelle est la sanction de l'inobservation d'une formalité après la survenance du sinistre, ni comme une exclusion, qui est l'élimination contractuelle d'un événement du champ de la garantie, mais comme des conditions auxquelles est subordonnée la mise en jeu même de la garantie.

Comme telles, ces obligations ne sont pas soumises aux impératifs des articles L. 112-4 et L. 113-1 du code des assurances.

[minute page 9] Elles ne sauraient, non plus, être réputées non écrites pour créer un déséquilibre au détriment de l'assuré dès lors que, régulièrement portées à la connaissance de celui-ci, elles ne constituent que la contrepartie d'une extension de garantie, créatrice d'un risque supplémentaire pour l'assureur, que l'inefficacité prétendue à faire obstacle au détournement ne suffit pas à rendre abusive, et ce d'autant moins que le contrat de location lui-même comportait l'obligation de versement de deux acomptes dont la société SMB n'a pas exigé l'exécution, ni à créer un déséquilibre anormal entre les droits et obligations des parties.

Ainsi, ces conditions n'ayant pas été respectées par la société SMB, c'est à juste titre que les premiers juges l'ont déboutée de sa demande de garantie par la compagnie LA CONCORDE.

Leur décision sera confirmée de ce chef.

 

Sur la demande de condamnation du crédit agricole :

La société SMB et M. X. soutiennent que la caisse régionale de crédit agricole mutuelle du Var, non contente d'ouvrir un compte à un étranger insolvable sans se livrer à des investigations élémentaires sur son identité et son adresse, a fourni de faux renseignements sur sa qualité et sa capacité financière.

Cependant, par ses allégations, qui ne sont en rien démontrées par les attestations de trois employées liées, lors de leur rédaction, à la société SMB par une relation de subordination, qui ne font état, pour l'une, que d'une communication téléphonique, pour les deux autres des propos rapportés par le premier témoin et qui ne sont étayées par aucun autre élément de la procédure, les appelants ne rapportent pas la preuve que le crédit agricole ait commis une faute quelconque, sinon dans l'ouverture et la gestion du compte de M. Y. - alors qu'eux-mêmes ont accepté deux chèques antidatés et que M. X. a déclaré aux policiers enquêteurs qu'ils ont été émis sur le Crédit lyonnais - à tout le moins dans la communication, plus que douteuse dans la mesure où elle aurait été faite par téléphone, de renseignements sur sa solvabilité en relation causale suffisante avec le détournement du bateau.

[minute page 10] Le jugement du tribunal sera, également, confirmé en ce qu'il a débouté la société SMB de sa demande subsidiaire dirigée contre le crédit agricole, et ce bien qu'il l'ait fait sans motivation.

Les autres dispositions, à l'exception des dommages et intérêts, ne sont pas remises en question.

 

Sur la demande de dommages et intérêts, les frais non taxables et les dépens :

La défense en justice de ses intérêts légitimes constitue un droit, qui ne dégénère en abus de nature à justifier l'allocation de dommages et intérêts que dans l'hypothèse d'une attitude fautive génératrice d'un dommage.

La compagnie LA CONCORDE, qui ne démontre pas une telle attitude de la société SMB et de M. X. à son égard - bien que l'incompatibilité des fondements juridiques de leurs actions pénale et commerciale soit parfaitement déplaisante et que la première ait obtenu la condamnation de l'auteur du détournement au paiement de 1.018.340 Francs, dès lors que cette condamnation, dont elle a peu d'espoir d'obtenir l'exécution, ne lui interdisait pas de prétendre à la garantie de sa compagnie - doit être déboutée de sa demande de dommages et intérêts.

Par contre, eu égard aux circonstances, la société SMB et M. X., qui succombent en leur appel, seront condamnés à verser à chacune des sociétés La Henin, La Concorde et le crédit agricole la somme de 6.000 Francs sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile et déboutés de leurs demandes aux mêmes fins.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                                                            (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

et ceux non contraires à cet arrêt, qui ont déterminé les premiers juges ;

[minute page 11] La Cour

statuant publiquement, contradictoirement, en matière commerciale ;

Rejette le moyen d'irrecevabilité de l'appel principal ;

Reçoit les appels et les demandes additionnelles ;

Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 21 juin 1994 par la 7ème chambre du tribunal de commerce de Paris ;

Y ajoutant,

Condamne la société Sud Marine Bateau et M. X. à verser à chacune des sociétés la banque La HENIN Marine, compagnie d'assurance LA CONCORDE et le Crédit Agricole du Var la somme de 6.000 Francs sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;

Déboute les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires ;

Condamne la société SMB et M. X. aux dépens d'appel ;

Admet les avoués des autres parties au bénéfice des dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.


 

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