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CA VERSAILLES (1re ch. B), 2 novembre 2001

Nature : Décision
Titre : CA VERSAILLES (1re ch. B), 2 novembre 2001
Pays : France
Juridiction : Versailles (CA), 1re ch. sect. B
Demande : 2000/418
Date : 2/11/2001
Nature de la décision : Infirmation
Date de la demande : 17/12/1999
Décision antérieure : TI PONTOISE, 9 novembre 1999
Décision antérieure :
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CERCLAB - DOCUMENT N° 1728

CA VERSAILLES (1re ch. B), 2 novembre 2001 : RG n° 2000/418

Publication : Juridice

 

Extrait  : « Considérant que le contrat dont s'agit est un document pré-rédigé par la Société CIPE et que, s'agissant d'un contrat d'adhésion qui ici concerne un consommateur non-professionnel des installations de télésurveillance, ce contrat doit respecter les dispositions d'ordre public de l'article L. 132-1 du code de la consommation (et des diverses recommandations de la commission des clauses abusives dite CCA, et notamment celle n° 97-01 du 24 avril 1997 concernant les télésurveillances), ainsi que celles, s'il y a lieu, de l'article 1152 alinéa 2 du Code Civil d'application générale.

Considérant que le litige porte sur la validité et sur le calcul de l'indemnité prévue par l'article 10 du contrat, en cas de résiliation, qui en son avant-dernier alinéa comprend la stipulation suivante : « A titre d'indemnité contractuelle de résiliation anticipée et pour compensation du préjudice en résultant, le solde des loyers de la période contractuelle en cours deviendra immédiatement et de plein droit exigible. »

Considérant ainsi que cette indemnité forfaitaire est mise à la seule charge du consommateur, alors que d'éventuels manquements de la Société CIPE, professionnelle, ne sont pas assortis de semblables clauses pénales, et qu'il est donc patent que cette absence de réciprocité crée un déséquilibre contractuel au détriment de la consommatrice ; que de plus, la résiliation anticipée voulue par Madame X. pour de légitimes soucis d'économies liés à ses difficultés financières n'était pas fautive et que l'application de cette clause conduit à un abus puisque l'intéressée se voit obligée de continuer à s'acquitter d'une somme d'argent correspondant à une prestation qui ne lui est plus fournie ; qu'il est donc manifeste que cette clause litigieuse méconnaît les dispositions de l'article L. 132-1 d'ordre public du code de la consommation et celles de la recommandation CCA n° 97-01 du 24 avril 1997 concernant les télésurveillances ; qu'elle est donc déclarée abusive et qu'elle est réputée non écrite ;

Considérant, en outre, que cet article 10 du contrat impose à l'évidence à Madame X. une indemnité d'un montant dû proportionnellement élevé (annexe-1-point e) de l'article L. 132-1) et que la durée du contrat de 48 mois, fixée d'autorité par la Société CIPE (clause 12 du contrat), est trop longue et excessive, alors que, dans le même temps ainsi qu'il l'a été ci-dessus analysé, la consommatrice se voyait imposer une lourde indemnité de résiliation qui a été déclarée abusive par la Cour ; que cette clause 12 du contrat est donc elle aussi déclarée abusive et non écrite ;

Considérant afin que ces conditions de résiliation du contrat et cette indemnité à caractère de clause pénale, prévues, n'ont pas fait l'objet d'un article distinct qui devait permettre d'attirer spécialement l'attention du consommateur sur ces points importants, et qu'elles se trouvent en fait placées dans les 3 derniers paragraphe de l'article 10 du contrat qui ne comporte que l'intitulé trop général et trop vague de : « MODALITES de PAIEMENT ».

Considérant que cette présentation matérielle est de nature à créer une équivoque dans l'esprit de cette consommatrice qui a pu ainsi ne pas être effectivement et suffisamment informée de ces stipulations contractuelles importantes, et que cette clause du contrat est donc contraire aux recommandations de synthèse n° 91-02 du 23 mars 1990 de la CCA et à l'article L. 133-2 ; que de ce chef, cette clause 10, doit par conséquent être déclarée abusive et être réputée non écrite »

 

COUR D’APPEL DE VERSAILLES

PREMIÈRE CHAMBRE B

ARRÊT DU 2 NOVEMBRE 2001

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION                                      (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

RG n° 2000-418. Appel d’un jugement rendu le 9 novembre 1999 par le Tribunal d'Instance de PONTOISE.

COMPOSITION DE LA COUR : Présidence : M. A. CHAIX - Conseillers : Mme M.C. LE BOURSSICOT, M. D. CLOUET

 

APPELANT :

SA CIPE France

SA PREFI ?

 

INTIMÉ :

Madame X.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                                                         (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

La société SA CIPE France, prestataire de télésurveillance, a signé avec Madame X. un contrat du 07 juin 1994, contenant un abonnement de télésurveillance, aux termes duquel cette société s'engageait à installer le matériel nécessaire dans les locaux de sa cliente, à lui louer et à en assurer la maintenance pour une durée de 48 mois, de juillet 1994 à juin 1998, moyennant un loyer mensuel de 387,85 F HT. La livraison et l'installation du matériel ont eu lieu le 15 juin 1994, et Madame X. a interrompu le paiement des loyers en avril 1996.

Par Lettre recommandée avec AR en date du 17 juin 1998, la Société CIPE FRANCE a mis Madame X. en demeure de régler sa dette, le contrat étant résilié et la dette des loyers devenant exigible étant selon elle d'un montant de 12.629,25 F. (Indemnité de résiliation prévue par la clause 10 du contrat).

Par acte d'huissier en date du 10 septembre 1998, la Société CIPE a assigné Madame X. pour obtenir paiement de la somme réclamée, que la défenderesse ayant répondu par observations écrites, le Tribunal a ordonné la réouverture des débats par jugement du 16 février 1999.

 

Par une décision contradictoire en date du 09 novembre 1999, le Tribunal d'Instance de PONTOISE a rendu la décision suivante :

- Constate la résiliation du contrat le 15 mai 1996 ;

- Condamne Madame X. à payer à la Société CIPE FRANCE la somme de (deux mille cinq cents francs) 2.500 francs (381,13 Euros) au titre de l'indemnité de résiliation ;

- Ordonne l'exécution provisoire de ce jugement ;

- Condamne Madame X. aux dépens ;

 

Le 17 décembre 1999, la société CIPE FRANCE a interjeté appel.

Elle invoque la durée de 48 mois pour laquelle était conclu le contrat litigieux, et fait valoir que l'article 10 du contrat précisait qu'à défaut de paiement de l'un des loyers et 8 jours après mise en demeure, le contrat serait résilié de plein droit et que le solde des loyers dus deviendrait immédiatement exigible, et encore qu'à défaut de notification trois mois avant son terme par l'une ou l'autre partie, le contrat se poursuivait par tacite reconduction pour des périodes successives d'un an, sauf résiliation par l'une ou l'autre partie signifiées dans des formes déterminées (article 12 du contrat) ; qu'ainsi, selon elle, Madame X. était irrévocablement engagée pour 48 mois, que peu importait donc que la société CIPE France n'ait pas invoqué de la résiliation du contrat au mois de mai 1996, la cessation de paiement des loyers obligeant la locataire à payer le solde des montants dus jusqu'à la fin du contrat, en cas de résiliation anticipée ; elle soutient de plus, qu'en tout état de cause, l'action tardive de la société CIPE France ne pouvait être considérée, en droit, comme l'acceptation tacite de la résiliation unilatérale du contrat à durée déterminée liant les parties.

L'appelante demande en dernier à la Cour de :

- Recevoir la Société CIPE FRANCE en son appel.

- Le déclarer bien fondé, et y faisant droit,

- Infirmer la décision entreprise.

- Constater que le contrat en litige était souscrit pour une durée irrévocable de 48 mois et que Madame X. a laissés impayés 27 mois de loyers.

- Dire que l'indemnité de résiliation anticipée, prévue à l'article 10 du contrat, ne saurait être inférieure à 10.000 francs.

Condamner Madame X. à payer cette somme à la concluante, ainsi qu'une somme de 8.000 francs sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

La condamner aux entiers dépens lesquels seront recouvrés par la SCP DEBRAY et CHEMIN, Avoué près la Cour d'Appel de VERSAILLES, conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.

 

Madame X. réplique qu'elle a, par deux lettres recommandées avec AR en date des 20 mars et 01 avril 1996, notifié à la société CIPE France sa volonté de résilier le contrat à la suite de difficultés financières, que l'absence de toute manifestation pendant deux ans de la société CIPE France et de la société PREFI met en évidence leur tacite accord de la résiliation conventionnelle du contrat initialement passé. Subsidiairement, elle invoque le caractère abusif de ces clauses du contrat et cite expressément l'article L. 132-1 du Code de la Consommation.

Elle demande en dernier à la Cour de :

- Déclarer recevable mais mal fondé l'appel principal interjeté par la SA CIPE FRANCE.

- Déclarer recevable et fondé l'appel incident formé par Madame X.

Y faisant droit,

Réformant la décision entreprise,

- Débouter la Société CIPE FRANCE de toutes ses demandes, fins et conclusions.

- A titre principal, constater la résiliation conventionnelle du contrat conclu le 7 Juin 1994.

- A titre subsidiaire, constater le caractère abusif de la clause 12 alinéa 1 du contrat,

- Dire qu'elle est réputée non écrite.

- Condamner la Société CIPE FRANCE à porter et payer à Madame X. la somme de 10.000 francs (1.524,49 Euros) en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,

- Condamner la Société CIPE FRANCE en tous les dépens.

- Dire que ceux d'appel pourront être recouvrés directement par la SCP LISSARRAGUE et DUPUIS et Associés, titulaire d'un Office d'Avoué, conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.

 

L'ordonnance de clôture a été signée le 07 juin 2001 et l'affaire appelée à l'audience du 04 octobre 2001 où elle a été plaidée pour les parties.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                                                 (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

SUR CE, LA COUR,

Considérant que le contrat dont s'agit est un document pré-rédigé par la Société CIPE et que, s'agissant d'un contrat d'adhésion qui ici concerne un consommateur non-professionnel des installations de télésurveillance, ce contrat doit respecter les dispositions d'ordre public de l'article L. 132-1 du code de la consommation (et des diverses recommandations de la commission des clauses abusives dite C.C.A., et notamment celle n° 97-01 du 24 avril 1997 concernant les télésurveillances), ainsi que celles, s'il y a lieu, de l'article 1152 alinéa 2 du Code Civil d'application générale.

Considérant que le litige porte sur la validité et sur le calcul de l'indemnité prévue par l'article 10 du contrat, en cas de résiliation, qui en son avant-dernier alinéa comprend la stipulation suivante :

« A titre d'indemnité contractuelle de résiliation anticipée et pour compensation du préjudice en résultant, le solde des loyers de la période contractuelle en cours deviendra immédiatement et de plein droit exigible. »

Considérant ainsi que cette indemnité forfaitaire est mise à la seule charge du consommateur, alors que d'éventuels manquements de la Société CIPE, professionnelle, ne sont pas assortis de semblables clauses pénales, et qu'il est donc patent que cette absence de réciprocité crée un déséquilibre contractuel au détriment de la consommatrice ; que de plus, la résiliation anticipée voulue par Madame X. pour de légitimes soucis d'économies liés à ses difficultés financières n'était pas fautive et que l'application de cette clause conduit à un abus puisque l'intéressée se voit obligée de continuer à s'acquitter d'une somme d'argent correspondant à une prestation qui ne lui est plus fournie ; qu'il est donc manifeste que cette clause litigieuse méconnaît les dispositions de l'article L. 132-1 d'ordre public du code de la consommation et celles de la recommandation CCA n° 97-01 du 24 avril 1997 concernant les télésurveillances ; qu'elle est donc déclarée abusive et qu'elle est réputée non écrite ;

Considérant, en outre, que cet article 10 du contrat impose à l'évidence à Madame X. une indemnité d'un montant dû proportionnellement élevé (annexe-1-point e) de l'article L. 132-1) et que la durée du contrat de 48 mois, fixée d'autorité par la Société CIPE (clause 12 du contrat), est trop longue et excessive, alors que, dans le même temps ainsi qu'il l'a été ci-dessus analysé, la consommatrice se voyait imposer une lourde indemnité de résiliation qui a été déclarée abusive par la Cour ; que cette clause 12 du contrat est donc elle aussi déclarée abusive et non écrite ;

Considérant afin que ces conditions de résiliation du contrat et cette indemnité à caractère de clause pénale, prévues, n'ont pas fait l'objet d'un article distinct qui devait permettre d'attirer spécialement l'attention du consommateur sur ces points importants, et qu'elles se trouvent en fait placées dans les 3 derniers paragraphe de l'article 10 du contrat qui ne comporte que l'intitulé trop général et trop vague de : « MODALITES de PAIEMENT ».

Considérant que cette présentation matérielle est de nature à créer une équivoque dans l'esprit de cette consommatrice qui a pu ainsi ne pas être effectivement et suffisamment informée de ces stipulations contractuelles importantes, et que cette clause du contrat est donc contraire aux recommandations de synthèse n° 91-02 du 23 mars 1990 de la CCA et à l'article L. 133-2 ; que de ce chef, cette clause 10, doit par conséquent être déclarée abusive et être réputée non écrite ;

Considérant qu'il n'y a donc plus lieu d'entrer dans l'analyse des autres argumentations proposées à titre subsidiaires par l'intimée et que l'application de l'article 1152 alinéa 2 du Code Civil n'est plus nécessaire, puisque cette clause 10, en ses dispositions relatives à l'indemnité de résiliation réclamée à Madame X., est abusive et est déclarée non-écrite ; que le jugement déféré est par conséquent infirmé en ce qu'il a condamné Madame X. à payer une indemnité de 2.500 francs ; que l'appelante est donc déboutée des fins de toutes ses demandes ;

 

II) Considérant que, compte-tenu de l'équité, la Société CIPE est déboutée de sa demande en paiement fondée sur l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, et que par contre, elle est condamnée à payer à Madame X. la somme de 6.000 francs en vertu de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                                                            (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS,

LA COUR, statuant publiquement et contradictoirement ;

Vu les articles L. 132-1 et L. 133-2 du code de la consommation :

Prononce la nullité des clauses relatives à l'indemnité de résiliation de l'article 10 du contrat du 7 juin 1994 et la clause 12 dudit contrat ; déclarer ces clauses réputées non écrites ;

Par conséquent :

Infirme le jugement déféré et déboute la SA CIPE FRANCE des fins de toutes ses demandes;

La condamne à payer 6.000 francs (914,69 Euros) à Madame X. en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

Condamne la SA CIPE FRANCE à tous les dépens de 1ère Instance et d'appel qui seront recouvrés directement contre elle par la SCP d'Avoués, LISSARRAGUE-DUPUIS et associés, conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Et ont signé le présent arrêt : Monsieur Alban CHAIX, Président, Madame Caroline DE GUINAUMONT, qui a assisté à son prononcé,

Le GREFFIER,           Le PRÉSIDENT,


 

Est cité par :