TGI GRENOBLE (4e ch. civ.), 2 décembre 2002
CERCLAB - DOCUMENT N° 3169
TGI GRENOBLE (4e ch. civ.), 2 décembre 2002 : RG n° 2001/03310 ; jugement n° 223
(sur appel CA Grenoble (2e ch. civ.), 19 octobre 2004 : RG n° 03/00333 ; arrêt n° 844)
Extrait : 1/ « Il s'ensuit que les demandes ont été valablement dirigées contre la SARL SAS IMMOBILIER qui exerce son activité de mandataire salarié pour le compte de bailleurs offrant des locations de locaux à usage d'habitation principale ou à usage mixte professionnel et d'habitation principale à GRENOBLE dans le département de l'Isère. »
2/ « ORDONNE à la SARL SAS IMMOBILIER DIFFUSION de supprimer, sous peine d'une astreinte de 800 euros (huit cents euros) par jour de retard passé un délai de trois mois à compter de la signification du présent jugement les clauses et mentions déclarées illicites et/ou abusives :
- la clause insérée à l'acte intitulé engagement de location et proposée à tout candidat locataire qui autorise la SARL SAS IMMOBILIER DIFFUSION, mandataire chargé de la gestion des locaux à usage d'habitation offert à la location à conserver à titre de dédommagement à son profit le chèque de réservation déposé entre ses mains par un candidat- locataire oublieux de son engagement de régularisation un contrat de location dans le délai convenu ;
- la mention insérée à l'article XII des conditions du contrat de location proposé par la SARL SAS IMMOBILIER DIFFUSION à tout locataire qui prévoit le partage par moitié des honoraires de négociation entre le bailleur et le preneur ;
- la clause insérée dans l'acte intitulé « Fiche annexe à la location » qui organise le partage par moitié entre les propriétaires et le locataire des frais afférents aux états des lieux effectués par le Régisseur ou par toute personne physique ou morale qu'il aura mandatée ;
- la clause annexe au bail relative au recouvrement de frais de procédure au préjudice du locataire défaillant ;
- la clause relative au remboursement systématique par le locataire défaillant du coût d'installation des plaques nominatives sur la boîte aux lettres et la porte palière à l'initiative du Régisseur à l'expiration du délai de un mois à compter de son entrée dans les lieux ;
- la mention relative à la sanction du défaut de production d'une attestation annuelle d'assurance des risques locatifs ».
TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE GRENOBLE
QUATRIÈME CHAMBRE CIVILE
JUGEMENT DU 2 DÉCEMBRE 2002
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 2001/03310. Jugement n° 223.
DEMANDEUR(S) :
ASSOCIATION UFC 38 QUE CHOISIR Union Fédérale Des Consommateurs QUE CHOISIR
dont le siège social est situé [adresse], représentée par la SCP BRASSEUR CHAPUIS, avocats associés inscrits au Barreau de GRENOBLE et plaidant par Maître BRASSEUR
CNL Confédération Nationale du Logement
dont le siège social est situé [adresse], représentée PAR SES REPRÉSENTANTS LÉGAUX, représentée par la SCP BRASSEUR BOIS, avocats associés inscrits au Barreau de GRENOBLE et plaidant par Maître BRASSEUR, D'UNE PART
DÉFENDEUR(S) :
SARL SAS IMMOBILIER DIFFUSION
dont le siège social est situé [adresse], représentée PAR SES REPRÉSENTANTS LÉGAUX, [minute page 2] représentée par la SCP EISLER FICHTER, avocats associés inscrits au Barreau de GRENOBLE et plaidant par Maître EISLER, D'AUTRE PART
LE TRIBUNAL : A l'audience publique du 14 octobre 2002, tenue par F.R. LACROIX, Vice-Président Juge Rapporteur, assisté de Mme AM CHAMBRON, Greffier, après avoir entendu les avocats en leur plaidoirie, l'affaire a été mise en délibéré, et le prononcé de la décision renvoyé au 18 novembre 2002 puis prorogé au 2 décembre 2002.
Sur le rapport du Juge Rapporteur, conformément aux dispositions de l'article 786 du nouveau Code de procédure civile, le Tribunal composé de : F.R. LACROIX, Vïce-Président D. COMTE-BELLOT, Juge B. DEMARCHE, Juge, assistés lors des débats de Mme AM CHAMBRON, Greffier,
Après en avoir délibéré, a rendu la décision dont la teneur suit PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :
Par acte d'huissier délivré le 29 juin 2001 les associations l'Union Fédérale des Consommateurs QUE CHOISIR de l'Isère (UFC 38) et la CONFÉDÉRATION NATIONALE DU LOGEMENT (CNL) ont fait assigner la SARL SAS IMMOBILIER DIFFUSION pour obtenir, sous astreinte de 5.000 Francs par jour de retard passé un délai de un mois et avec le bénéfice de l'exécution provisoire, la suppression de clauses qui sont insérées dans les contrats de location et les annexes proposés aux locataires mis en relation avec cette agence immobilière et que les associations demanderesses considéraient comme illicites ou abusives au regard des articles L. 421-1 et suivants du Code de la Consommation :
- les clauses reprises dans l'engagement de location souscrit par les candidats locataires, qui imposent un dédommagement de l'agence en l'absence de bail contrairement à l'article 6 de la Loi du 2 janvier 1970 d'une part et qui permettent un refus de bail sans motif, ni notification ;
- la clause insérée dans les conditions générales du contrat de location type utilisé par l'agence qui prévoit le paiement par moitié des honoraires de négociation, en méconnaissance des dispositions de l'article 5 de la Loi du 6 juillet 1989 et de l'article L. 111-1 du Code de la Consommation ;
[minute page 3] - les clauses figurant en annexe au bail :
* celle qui impose le paiement de l'état des lieux amiable, contrairement à l'article 3 de la Loi du 6 juillet 1989 ;
* celle qui impose la délivrance de la quittance sur demande écrite et pour une seule période, en infraction à l'article 21 de la Loi du 6 Juillet 1989 ;
* celle qui met à la charge du locataire des frais de procédure ou de recouvrement, en violation de l'article 32 de la Loi du 9 juillet 1991 ;
* celle qui prévoit la mise en place d'office des plaques sur les boites aux lettres dans des conditions et pour un coût arbitraires ;
* celle qui prévoit la résiliation du bail de plein droit à défaut de production d'un justificatif d'assurance chaque année, sans référence à la procédure organisée par l'article 7 de la Loi du 6 Juillet 1989.
Les associations UFC 38 et CNL ont encore demandé, avec le bénéfice de l'exécution provisoire :
- le paiement d'une indemnité de 60.000 Francs, en dédommagement du préjudice collectif direct ou indirect occasionné à chacune des associations par l'utilisation de clauses dont plusieurs ont des incidences financières et d'une indemnité de 10.000 Francs, compensatrice du préjudice associatif subi par chacune d'elles à la mesure du travail important réalisé sur le dossier ;
- la publication du jugement à intervenir dans les journaux DAUPHINÉ LIBÉRÉ, LES AFFICHES DE GRENOBLE et l'ESSENTIEL et ce à la charge de la défenderesse et à concurrence de 10.000 Francs par insertion ;
- un défraiement de 12.000 Francs au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile pour chacune des associations.
La SARL SAS IMMOBILIER s'est défendue d'être responsable de l'éventuelle illicéité de clauses comprises dans des documents édités par la société TISSOT et utilisés par tous les professionnels de l'immobilier pour faire déclarer les demandes formées par les associations UFC 38 et CNL irrecevable en premier lieu. Sur le fond, elle a objecté à ces prétentions :
- que le montant de ses honoraires de négociation était mentionné clairement et affiché avec chaque offre de location ;
- [minute page 4] que le versement d'une indemnité de réservation constitue la contrepartie de l'immobilisation du bien visité pendant le délai imparti au candidat locataire pour régulariser le bail et que la perte de cette indemnité sanctionne normalement la carence de l'intéressé ;
- que le chèque de réservation est intégralement restitué au candidat locataire qui ne reçoit pas l'agrément du propriétaire dont la SARL SAS IMMOBILIER n'est que le mandataire ;
- que la fiche annexe au bail est régulièrement affichée dans l'agence et communiquée à tout candidat locataire, avec un exposé clair et précis des obligations réciproques et une information complète sur le coût des produits et services fournis par l'agence.
La SARL SAS IMMOBILIER a contesté l'existence d'abus ou déséquilibres préjudiciables aux consommateurs dans les différentes clauses dénoncées par les associations demanderesses pour conclure au débouté de leurs' prétentions et solliciter un défrayament de 915 euros en application de l'article 700 du Nouveau Code de 'Procédure civile.
La clôture de la mise en état est intervenue le 16 septembre 2002.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
DISCUSSION :
Sur la recevabilité des demandes dirigées contre la SARL SAS IMMOBILIER
Dans la mesure où la SARL SAS IMMOBILIER, en qualité mandataire de bailleurs privés et d'agent immobilier, se trouve personnellement tenue d'observer des prescriptions d'ordre public ou pénalement punissables issues de la Loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 ou de la Loi n° 70-9 du 92 janvier 1970 et où notamment, aux termes des deux derniers alinéas de l'article 3 de la Loi du 6 juillet 1989, la violation des dispositions de cet article ne peut être invoquée par le bailleur et l'obligation d'établir un contrat conforme aux exigences énoncées aux alinéas précédents s'impose à tout moment à l'une ou l'autre des parties, la défenderesse ne saurait se retrancher derrière le rédacteur ou l'éditeur des imprimés servant de supports aux actes de location à l'établissement desquels son concours effectif est apporté, en contrepartie d'une rémunération partagée par moitié entre bailleurs et locataires, dans les conditions définies par l'article 5 de la Loi du 6 juillet 1989, de telle sorte que le droit d`agir pour obtenir la suppression, dans le contrat ou le type de contrat proposé aux consommateurs, de clauses suspectée d'illicéité, suivant la procédure organisée par l'article L. 421-2 du Code de la Consommation, ne peut être dénié aux associations UFC 38 et CNL.
[minute page 5] Par ailleurs, l'article L. 421-6 du Code de la Consommation confère aux mêmes associations une habilitation légale pour demander à la juridiction civile d'ordonner le cas échéant, sous astreinte, la suppression de clauses considérées par elles comme abusives dans les modèles de convention habituellement proposés par les professionnels aux consommateurs et dans ceux destinés aux consommateurs et proposés par les organisations professionnelles à leurs membres. Or, les dispositions de l'article L. 132-1 du Code de la Consommation, contenant une définition des clauses abusives, sont applicables, quel que soient la forme ou le support du contrat et déclarées d'ordre public.
Il s'ensuit que les demandes ont été valablement dirigées contre la SARL SAS IMMOBILIER qui exerce son activité de mandataire salarié pour le compte de bailleurs offrant des locations de locaux à usage d'habitation principale ou à usage mixte professionnel et d'habitation principale à GRENOBLE dans le département de l'Isère.
Sur le caractère illicite ou abusif des clauses dénoncées.
I - Au sein de l'acte intitulé « engagement de location » :
La clause qui autorise la SARL IMMOBILIER DIFFUSION mandataire chargée de la gestion de locaux à usage d'habitation offerts à la location, à conserver à titre de dédommagement à son seul profit le chèque de réservation déposé entre ses mains par un candidat locataire d'un montant au moins égal à la quote part des honoraires dus par ce dernier au mandataire en rémunération de ses diligences ne s'inscrit nullement dans le cadre d'un contrat de location effectivement établi dans les conditions impératives définies par l'article 3 de la Loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 et ne vise pas davantage à l'indemnisation personnelle et directe d'un propriétaire qui aurait vainement immobilisé son bien et se trouverait lésé par la désinvolture d'un candidat locataire oublieux de ses engagements de régulariser un contrat de location et de prendre possession du logement dans le délai convenu.
Le schéma organisé par cette clause contrevient en premier lieu aux dispositions d'ordre public de l'article 5 de la Loi du 6 juillet 1989, lesquelles subordonnent le paiement de la rémunération de l'intermédiaire à l'établissement d'un acte de location autant qu'aux dispositions de l'article 6 de la Loi n° 70-9 du 2 janvier 1970, pénalement sanctionnées par l'article 18-2 de la même Loi. Pour avoir accepté la réservation d'un logement par un candidat locataire, en qualité de mandataire du bailleur qu'il représente, sans contracter lui-même d'obligations qui soient susceptibles d'engager sa responsabilité sur un autre fondement que celui des articles 1382 ou 1383 du Code Civil, la SARL SAS IMMOBILIER DIFFUSION n'était nullement en droit de proposer une stipulation équivalente à une clause pénale qu'elle ne [minute page 6] pourrait négocier qu'avec son véritable co-contractant, le propriétaire mandant, seul débiteur direct d'une rémunération, exigible par principe en vertu de l'article 1999 du Code Civil et partageable par moitié entre le bailleur et le locataire en cas de conclusion effective d'un contrat de location exclusivement.
Une clause ainsi conçue pour obvier aux aléas d'une procédure judiciaire, sans fondement possible sur les dispositions de l'article 1134 du Code Civil dans les rapports mandataire-candidat locataire et en contravention avec des prohibitions édictées par des textes spéciaux d'ordre public ne peut qu'être déclarée illicite et supprimée purement et simplement.
En revanche la clause qui autorise le mandataire à signifier au candidat locataire, après étude de son dossier, à rejeter sa candidature dans un délai de huit jours à dater de la réservation du logement, sans avoir à justifier sa décision participe de l'accomplissement normal de la mission confiée par le bailleur en vue de la bonne gestion des locaux: proposés à la location et dont le mandataire est essentiellement tenu de rendre compte au mandant, suivant les dispositions de l'article 1993 du Code Civil. Alors que le candidat locataire reste lui-même libre de ne pas donner suite à la réservation du logement visité passé un délai de quinze jours sans avoir à redouter la rétention illicite de paiements indus, et qu'il s'agit pour le mandataire de gestion qu'est la SARL SAS IMMOBILIER de s'assurer de la solvabilité réelle de l'intéressé par des vérifications suffisamment sérieuses pour ne pas voir engager sa responsabilité dans les conditions définies par l'article 1992 du Code Civil, sans être assujetti, à des contraintes qui alourdiraient démesurément une gestion nécessairement tributaire des aléas du marché locatif, le choix discrétionnaire exercé par le professionnel dans un délai qui laisse au candidat locataire la possibilité de poursuivre utilement ses recherches ne crée aucun déséquilibre significatif, au sens de l'article L. 132-1 du Code de la Consommation, au détriment du non professionnel.
II - Au sein des conditions générales du contrat de location :
Alors que les dispositions d'ordre public de l'article 5 de la Loi du 6 juillet 1989 limitent la possibilité de partager la rémunération de l'intermédiaire par moitié entre le bailleur et le locataire aux honoraires afférents à l'établissement d'un acte de location qui correspond à la présentation d'un contrat écrit conforme aux exigences de l'article 3 de la même Loi et quand bien même l'information du candidat locataire doit suffisamment assurée par un affichage des honoraires pratiqués par le mandataire dans les locaux de l'agence, pour satisfaire aux prescriptions de l'article L. 113-3 du Code de la Consommation, l'adjonction d'honoraires de négociation à la rémunération partiellement répétible du mandataire ne peut qu'être qualifiée d'illicite, ce qui impose une modification de l'article XII des conditions générales du contrat de location proposées par la SARL SAS IMMOBILIER aux candidats locataires pour rendre cette clause conforme au texte précité.
[minute page 7]
III - Au sein de l'acte intitulé « fiche annexe à un bail » :
1 - le partage des frais afférents aux états des lieux effectué par le régisseur ou par toute personne physique ou morale qu'il aura mandatée ajoute au texte du huitième alinéa de l'article 3 de la Loi du 6 juillet 1989, qui est d'interprétation stricte, une possibilité que le législateur n'avait pas prévue en organisant exclusivement les modalités de partage de la rémunération de l'huissier de justice appelé à pallier la carence des parties ou à leur permettre de surmonter leurs divergences. Il n'est pas sans intérêt d'observer que les émoluments de cet officier ministériel restent tarifés, sans pouvoir excéder le montant d'un droit fixe exprimé en taux de base suivant les dispositions de l'article 6 du décret n° 96-1080 du 12 décembre 1996, complétées par le numéro 104 du tableau 1 annexé à ce décret, soit une somme de 82,40 euros H.T. (1,6 euros X 51,5) sans pouvoir être multipliés par un coefficient majorateur, en l'absence d'obligation pécuniaire déterminée dans l'acte, (article 7 du tarif) et sans pouvoir être complété par la perception des honoraires visés à l'article 16-1 du même tarif, alors que la SARL. SAS IMMOBILIER DIFFUSION ou son mandataire substitué prétend obtenir le paiement des frais calculés à raison de 20 % H.T. du loyer net mensuel courant, pour un local non meublé et de 40 % H.T. du loyer net mensuel courant pour un local meublé.
Cette clause particulière annexe s'avère non seulement illicite mais également abusive en ce qu'elle introduit un déséquilibre significatif au détriment du locataire qui n'est pas soumis aux dispositions de l'article 1999 du Code Civil vis à vis de la SARL SAS IMMOBILIER, mandataire de son bailleur et qui ne se voit pas offrir la possibilité équivalente, dans l'hypothèse habituelle de l'établissement d'un état des lieux contradictoire, de répéter partiellement auprès de son co-contractant la rémunération d'un technicien commis à son initiative pour l'assister et discuter à armes égales avec le mandataire du bailleur sur l'importance et/ou l'imputation des réparations et dégradations.
2 - Les conditions de délivrance des quittances de loyers ne contreviennent pas aux dispositions de l'article 21 de la Loi du 6 juillet 1989, lesquelles n'excluent nullement de formuler la demande émanant du locataire par une lettre écrite susceptible d'être remise ou déposée à l'agence, sans que la voie de l'acheminement postal ne soit imposée une telle précision a pour mérite d'assurer la conservation, au bénéfice du locataire autant que du mandataire du bailleur, de la demande et le cas échéant, de la date d'accomplissement de cette démarche.
Par ailleurs, l’économie de la clause dénoncée comme abusive par les associations demanderesses, ne comporte pourtant ni ne suggère aucune restriction anormale quant au nombre de quittances susceptibles d'être délivrées au locataire et répond à une exigence de clarté et de précision énoncée par les dispositions du premier alinéa in fine de l'article 21 de la Loi du 6 juillet 1989, dans la mesure où le locataire, comme les tiers vis à vis desquels ces documents font foi, doivent pouvoir distinguer immédiatement à quelles sommes se rapportent les quittances.
[minute page 8]
3 - La stipulation relative aux frais de procédure mise à la charge du locataire en cas d'incident de paiement et de recours à un huissier de justice et/ou un avocat dont les émoluments s'ajouteraient à ces frais méconnait les dispositions du troisième alinéa de l'article 32 de la Loi n° 91-650 du 9 juillet 1991 et revient à reporter sur le locataire débiteur des frais exclusivement exigibles du bailleur créancier avant l'obtention d'un titre exécutoire, abstraction faite au surplus des dispositions de l'article 1999 du Code Civil. Une telle stipulation est réputée non écrite.
4 - La clause relative à la facturation au préjudice du locataire du coût d'installation des plaques nominatives sur la boîte aux lettres et la porte palière s'analyse comme une clause abusive, dans la mesure où les dispositions combinées des articles 1142 et 1144 du Code civil imposent normalement au créancier d'une obligation inexécutée d'être préalablement autorisé à faire exécuter lui-même cette obligation aux dépens du débiteur, où le locataire ne dispose pas contractuellement de droits identiques pour aboutir à la délivrance d'un logement conforme au décret, nonobstant les prescriptions de l'article 6 de la Loi du 6 juillet 1989, ou à l'exécution de travaux d'entretien ou nécessaire à la présentation d'une jouissance paisible du logement et où, surabondamment, le bailleur peut recourir, tout comme le locataire, a la procédure simplifiée de l'injonction de faire, organisée par les dispositions des articles 1425-1 et suivants du Nouveau Code de Procédure Civile.
5 - La clause relative à la sanction du défaut de production d'une attestation d'assurance multirisques habitation chaque année méconnaît les dispositions de l'article 4 g de la Loi du 6 juillet 1989 comme celle de l'article 7 g dernier alinéa de la même Loi qui ne permettent d'envisager la résiliation de plein droit du contrat de location qu'en cas de carence avérée de la part du locataire dans l'exécution de son obligation fondamentale de souscrire une assurance des risques locatifs, à l'expiration d'un délai d'un mois imparti à compter de la signification d'un commandement visant la clause résolutoire.
Sur la suppression des clauses déclarées illicites ou abusives et sur la prescription d'une astreinte :
Un délai de trois mois à compter de la signification du présent jugement semble raisonnable pour permettre à la SARL SAS IMMOBILIER DIFFUSION de supprimer les clauses ou mentions insérées dans les différents actes examinés et déclarés illicites ou abusives. Passé ce délai et pour favoriser de manière efficiente une régularisation indispensable à l'assainissement du marché locatif, la fixation d'une astreinte que le Tribunal se réservera le pouvoir de liquider s'avère d'ores et déjà nécessaire.
[minute page 9]
Sur l'indemnisation des préjudices :
Ainsi que les associations demanderesses ont pu le souligner elles-mêmes, plusieurs clauses prévoient des conditions de rémunération ou de défraiement relativement avantageuses pour le professionnel comportant ipso facto des incidences préjudiciables collectivement pour les locataires : en considération du chiffre d'affaires réalisé par la SARL SAS IMMOBILIER DIFFUSION, justement pondéré en tenant compte de ses autres activités d'agent immobilier, d'une part et des perspectives de gains indus offerte par les clauses litigieuses d'autre part, une indemnité de 6.000 euros peut être allouée à chacune des associations sur le fondement des dispositions de l'article L. 421-1 du Code de la Consommation.
L'inertie dont la SARL SAS IMMOBILIER DIFFUSION a fait preuve face aux légitimes réclamations d'associations de consommateurs qui ont normalement rempli leur mission et tenté de négocier avant de lancer leur assignation est assimilable à une légèreté blâmable, sanctionnable comme telle sur le terrain de l'article 1382 du Code Civil : un dédommagement supplémentaire des dépenses nécessaires à la préparation d' un dossier opposable à la partie adverse s'avère ainsi justifié et peut être fixé à la somme de 1.000 euros pour chaque association.
Sur la publication du jugement :
L'information du public sur le sort des clauses de contrats de locations encore actuellement diffusées et utilisés par la défenderesse ne peut être valablement et efficacement assurée, dans une perspective de prévention de la perpétuation de pratiques pernicieuses, que par la publication du présent jugement, dans les conditions définies au dispositif.
Sur l'exécution provisoire :
La nature et l'ancienneté des demandes justifient particulièrement que la décision soit assortie de l'exécution provisoire, de manière à restaurer immédiatement le respect du principe de légalité dans un domaine intéressant particulièrement la vie quotidienne d'une partie importante de la population.
Sur les frais de représentation des associations :
Le suivi d'une procédure qui s'est prolongé sur plus d'une année, dans le cadre d'un débat judiciaire d'une relative complexité justifie un défrayement fixé à 1.800 euros.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
[minute page 10] PAR CES MOTIFS :
Le tribunal, statuant publiquement, par jugement contradictoire et en premier ressort,
DÉCLARE recevable les demandes formées par les associations UFC 38 et CNL et dirigées contre la SARL SAS IMMOBILIER DIFFUSION ;
ORDONNE à la SARL SAS IMMOBILIER DIFFUSION de supprimer, sous peine d'une astreinte de 800 euros (huit cents euros) par jour de retard passé un délai de trois mois à compter de la signification du présent jugement les clauses et mentions déclarées illicites et/ou abusives :
- la clause insérée à l'acte intitulé engagement de location et proposée à tout candidat locataire qui autorise la SARL SAS IMMOBILIER DIFFUSION, mandataire chargé de la gestion des locaux à usage d'habitation offert à la location à conserver à titre de dédommagement à son profit le chèque de réservation déposé entre ses mains par un candidat- locataire oublieux de son engagement de régularisation un contrat de location dans le délai convenu ;
- la mention insérée à l'article XII des conditions du contrat de location proposé par la SARL SAS IMMOBILIER DIFFUSION à tout locataire qui prévoit le partage par moitié des honoraires de négociation entre le bailleur et le preneur ;
- la clause insérée dans l'acte intitulé « Fiche annexe à la location » qui organise le partage par moitié entre les propriétaires et le locataire des frais afférents aux états des lieux effectués par le Régisseur ou par toute personne physique ou morale qu'il aura mandatée ;
- la clause annexe au bail relative au recouvrement de frais de procédure au préjudice du locataire défaillant ;
- la clause relative au remboursement systématique par le locataire défaillant du coût d'installation des plaques nominatives sur la boîte aux lettres et la porte palière à l'initiative du Régisseur à l'expiration du délai de un mois à compter de son entrée dans les lieux ;
- la mention relative à la sanction du défaut de production d'une attestation annuelle d'assurance des risques locatifs.
Se réserve le pouvoir de liquider l'astreinte.
DIT que la SARL SAS IMMOBILIER DIFFUSION doit verser à [minute page 11] l'association UNION FÉDÉRALE DES CONSOMMATEURS QUE CHOISIR de I'ISÈRE (UFC 38) et à l'association CONFÉDÉRATION NATIONALE DU LOGEMENT, une indemnité de 6.000 euros (six mille euros) en dédommagement du préjudice collectivement occasionné aux consommateurs locataires représentés par chacune de ces associations et une indemnité supplémentaire de 1.000 euros (mille euros), compensatrice des pertes occasionnées à chacune de ces associations par la légèreté blâmable de la défenderesse ;
ORDONNE la publication du présent jugement dans les journaux LE DAUPHINÉ LIBÉRÉ, LES AFFICHES DE GRENOBLE et l'ESSENTIEL, à la charge de la SARL SAS IMMOBILIER DIFFUSION à concurrence de 1.500 euros (mille cinq cents euros) par insertion ;
DIT que la SARL SAS IMMOBILIER DIFFUSION doit supporter les dépens et les frais de représentation de l'association UFC 38 et de l'association CNL fixés à la somme de 900 euros (neuf cents euros) pour chacune d'elle ;
AUTORISE la SCP d'avocats BRASSEUR-BOIS à recouvrer directement contre la SARL SAS IMMOBILIER DIFFUSION les dépens par elle avancées, sans avoir reçu de provision.
La présente décision a été rédigée par Monsieur F.R. LACROIX.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
AM CHAMBRON F.R. LACROIX
- 5849 - Code de la consommation - Domaine d’application - Personne soumise à la protection - Notion de professionnel - Principes
- 5990 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Cadre général - Normes de référence - Lois et règlements - Clause non conformes
- 5991 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Cadre général - Normes de référence - Lois et règlements - Conformité au régime légal : illustrations - Code civil
- 6076 - Code de la consommation - Notion de clause abusive - Présentation par clause - Consentement - Consentement du professionnel postérieur à celui du consommateur
- 6144 - Code de la consommation - Notion de clause abusive - Présentation par clause - Clauses sur les frais de recouvrement
- 6393 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Location (bail) - Location d’immeuble - Bail d’habitation (1) - Présentation générale
- 6394 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Location (bail) - Location d’immeuble - Bail d’habitation (2) - Conclusion du contrat et entrée dans les lieux
- 6396 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Location (bail) - Location d’immeuble - Bail d’habitation (4) - Obligations du locataire : garanties accordées au bailleur
- 6398 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Location (bail) - Location d’immeuble - Bail d’habitation (6) - Responsabilité du locataire
- 6399 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Location (bail) - Location d’immeuble - Bail d’habitation (7) - Obligations du bailleur
- 6401 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Location (bail) - Location d’immeuble - Bail d’habitation (9) - Suites de la fin du contrat
- 6402 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Location (bail) - Location d’immeuble - Bail d’habitation (10) - Litiges