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TGI BOURGOIN-JALLIEU, 12 avril 2000

Nature : Décision
Titre : TGI BOURGOIN-JALLIEU, 12 avril 2000
Pays : France
Juridiction : Bourgoin-Jallieu (TGI)
Demande : 1999/00069
Date : 12/04/2000
Nature de la décision : Admission
Date de la demande : 17/12/1998
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CERCLAB/CRDP - DOCUMENT N° 338

TGI BOURGOIN-JALLIEU, 12 avril 2000 : RG n° 1999/00069

Publication : Site CCAB

 

Extrait : « Dit abusives les dispositions contenues dans les contrats de dépôt-vente proposés par Madame X. née Y. à ses clients et ainsi rédigées :

1° « tout objet non récupéré au bout de quatre mois à dater du jour du contrat devient la propriété de Z. PUCES qui pourra en disposer comme il l'entend »,

2° « Z. PUCES ne prévient pas les déposants en cas de vente de leurs objets. Les règlements des ventes du mois en cours se font uniquement la dernière semaine du mois »,

mais uniquement lorsque cette clause est associée à une clause autorisant le dépositaire à disposer du bien déposé à l'expiration d'un certain délai

3° « le client qui effectue le dépôt est propriétaire et responsable de ses biens » ;

Ordonne la suppression desdites clauses dans les contrats dépôt-vente proposés par Madame X. née Y.

Donne acte à Madame X. née Y. de ce qu'elle a, à compter du mois d'avril 1999, régularisé ses contrats de dépôt-vente selon les demandes de l’UFC 38 ».

 

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE BOURGOIN-JALLIEU

JUGEMENT DU 12 AVRIL 2000

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION                                      (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° : 199900069.

Le Tribunal de Grande Instance de BOURGOIN-JALLIEU a, dans l'affaire opposant :

- ASSOCIATION UNION FEDERALE DES CONSOMMATEURS (U.F.C.) - QUE CHOISIR - DE L'ISERE

[adresse] Demanderesse comparante par la SCP TARDY-CHARVET, Avocat postulant inscrit au Barreau de BOURGOIN-JALLIEU, plaidant la SCP BRASSEUR-CHAPUIS, avocat inscrit au Barreau de GRENOBLE,

d'une part,

à :

- Madame Y. épouse X., exploitant un commerce sous l'enseigne « Z. PUCES »

née le […] à Z. [adresse] Défenderesse comparante par la SCP HERNANDEZ BOUSEKSOU-FRANCES MAGUET, Avocat inscrit au Barreau de BOURGOIN-JALLIEU,

d'autre part,

 

rendu le jugement dont la teneur suit après que la cause ait été débattue à l'audience publique tenue le 16 février 2000 par Madame de la SALLE, Président, Monsieur HOLLINGER et Madame VERN, Juges, assistés de M. MARTZOLFF, Greffier.

Il en a été délibéré par les Magistrats du siège ayant assisté aux débats et au délibéré.

[minute page 2]

EXPOSÉ DU LITIGE                                                                                         (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PROCÉDURE :

Par acte d'huissier en date du 17 décembre 1998, l’UNION FEDERALE DES CONSOMMATEURS - QUE CHOISIR - DE L'ISERE (UFC 38) fait assigner Madame X. née Y., commerçante à l'enseigne [Z. PUCES], devant le Tribunal de grande instance de BOURGOIN-JALLIEU afin de voir, par application des articles 421-2 et 421-6 du Code de la consommation et selon le dernier état de ses prétentions :

* constater que sont abusives les clauses suivantes figurant dans les contrats d'adhésion proposés par la défenderesse aux consommateurs déposants de biens meubles aux fins de vente :

- article relatif aux conditions de dépôt,

- article relatif au règlement des ventes,

- article relatif à la responsabilité des biens déposés ;

* ordonner en conséquence la suppression de ces clauses dans le contrat litigieux, dans le délai d'un mois de la décision à intervenir et sous astreinte définitive d'un montant de 1.000 francs par jour de retard à l'expiration du délai imparti,

Subsidiairement, si la défenderesse n'utilise plus le contrat critiqué, lui donner acte de la modification de son contrat,

* en toutes hypothèses, condamner Madame X. née Y. à lui verser la somme de 40.000 francs à titre de dommages et intérêts et la somme de 10.000 francs en vertu de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile,

* ordonner la publication du jugement dans les journaux « Dauphiné Libéré », « Petites Affiches » et « 38 », à la charge de la défenderesse, et ce à concurrence de 10.000 francs par insertion,

mais lui donner acte de ce qu'elle renonce à cette demande s’il est justifié de l'utilisation effective d'un nouveau contrat.

l'exécution provisoire de la décision étant également sollicitée.

 

Madame X. née Y. expose que, malgré des difficultés de communication avec l'UFC 38, ayant entraîné certaines lenteurs, elle s'est efforcée de se mettre en règles, qu'elle a ainsi établi quatre exemplaires successifs du contrat litigieux et que sa bonne foi ne peut être mise en doute.

[minute page 3] Elle souligne que seule la clause relative à la dépossession de l'objet déposé était susceptible d'être considérée comme abusive et fait valoir que, modeste commerçante imposée sur la base d'un forfait de 50.000 francs en 1998, elle ne pourrait supporter les sanctions financières demandées.

Elle demande en conséquence qu'il lui soit donné acte de ce qu'elle a régularisé les contrats de dépôt-vente selon les exigences de l'UFC 38 et sollicite le rejet de l'intégralité des demandes formées à son encontre.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                                                 (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS DE LA DÉCISION :

1° L’UFC 38 demande, en premier lieu, que soit déclarée abusive au sens de l’article L. 132-1 du Code de la consommation la clause selon laquelle, s'agissant des conditions de dépôt de biens mobiliers d’occasion remis par des particuliers à un professionnel en vue de leur vente, « tout objet non récupéré au bout de quatre mois à dater du jour du contrat devient la propriété de Z. PUCES qui pourra en disposer comme il l'entend ».

Madame X. née Y. ne conteste pas le caractère abusif de cette clause qui permet au professionnel, au terme du contrat et sans information préalable du déposant, de disposer du bien remis.

L'élimination de cette clause des contrats proposés aux non-professionnels par les professionnels exerçant une activité de dépôt-vente a d'ailleurs été préconisée par la Commission des clauses abusives dans sa Recommandation du 18 février 1999.

Une telle clause est, en effet, de nature à permettre une appropriation par le professionnel du bien déposé en dehors de toute manifestation de volonté du consommateur et en l'absence de toute information de celui-ci, crée ainsi un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties et sa suppression a donc été demandée à bon droit par l'UFC 38.

2° En second lieu, la demande de l'UFC 38 est relative à la clause "REGLEMENT DES VENTES" selon laquelle « Z. PUCES ne prévient pas les déposants en cas de vente de leurs objets. Les règlements des ventes du mois en cours se font uniquement la dernière semaine du mois ».

Si la Commission des clauses abusives a pu considérer, dans la recommandation précitée, qu'une telle disposition pouvait avoir pour effet d'empêcher le déposant de s'assurer de la réalité de la vente et du prix payé, il n'apparaît pas pour autant que, comme le soutient la demanderesse, la clause litigieuse puisse s'analyser [minute page 4] comme une dispense pour le dépositaire de son obligation de restitution de la chose ou du prix reçu en échange, ou comme un moyen de ne pas exécuter son obligation de paiement.

En effet, le paiement différé en fin de mois permet au déposant d'avoir connaissance des conditions de la vente et il n'est pas établi que cette information différée soit de nature a déséquilibrer le contrat.

En revanche, la clause litigieuse crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties lorsqu'elle est associée à la clause examinée au l° dès lors que le consommateur ne peut, dans cette hypothèse, exercer aucun contrôle sur la réalité d'une vente dans le délai à l'expiration duquel l'objet non vendu devient la propriété du déposant.

Il y a donc lieu de dire abusive ladite clause mais uniquement lorsqu'elle est associée à une clause autorisant le dépositaire à disposer du bien déposé à l'expiration d'un certain délai.

3° Enfin, l’UFC 38 critique la clause intitulée « RESPONSABILITE DES BIENS DEPOSES » selon la quelle « le client qui effectue le dépôt est propriétaire et responsable de ses biens : il devra les mettre en place, les démonter ou les remonter si nécessaire ».

Si Madame Marie-Thérèse X. née Y. a fait valoir que cette clause, maladroitement formulée, n'avait vocation à s'appliquer qu'aux manœuvres d'installation ou d'enlèvement des objets, il n'en demeure pas moins que cette disposition tend, en réalité, à une exonération totale de responsabilité du professionnel dépositaire dans la garde ou la conservation des biens déposés, qu'une telle exonération, non conforme aux obligations qui s'imposent en général à un dépositaire selon les règles du droit civil, crée un avantage injustifié au profit du professionnel au détriment du non professionnel et doit être considérée comme abusive, ainsi que l'a d'ailleurs retenu la Commission des clauses abusives dans la recommandation n° 99-01.

4° Avant même l'issue de la présente instance, Madame Marie-Thérèse X. née Y. a procédé à la modification des contrats proposés à ses clients afin de satisfaire à toutes les demandes formulées par l'UFC 38 et elle justifie l'utilisation de contrats ainsi mis en conformité depuis le mois d'avril 1999.

La suppression des clauses litigieuses sera toutefois ordonnée tout au moins pour les contrats signés avant cette date.

[minute page 5] Conformément à la demande subsidiaire de l'UFC 38, n'y a pas lieu, du fait de la régularisation opérée, d'ordonner la publication du jugement.

La défenderesse a produit des documents faisant apparaître que son activité est modeste et que, en conséquence, le nombre de contrats illicites qu'elle a pu faire signer à ses clients est nécessairement limité.

Par ailleurs, la régularisation des contrats à laquelle Madame X. née Y. a procédé en cours de procédure a mis fin à la situation préjudiciable dénoncée par l'UFC 38.

Il convient, en conséquence, de limiter à la somme de 10.000 francs les dommages intérêts qui seront alloués à l’UFC 38.

Il convient de faire droit à la demande formée par l’UFC 38 en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile dans la limite de 3.000,00 francs.

Aucune circonstance particulière de l'affaire n'impose d'ordonner l'exécution provisoire de la décision.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                                                            (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

DÉCISION

Le Tribunal, statuant publiquement, après en avoir délibéré conformément à la loi, par jugement contradictoire et en premier ressort,

Dit abusives les dispositions contenues dans les contrats de dépôt-vente proposés par Madame X. née Y. à ses clients et ainsi rédigées :

1° « tout objet non récupéré au bout de quatre mois à dater du jour du contrat devient la propriété de Z. PUCES qui pourra en disposer comme il l'entend »,

2° « Z. PUCES ne prévient pas les déposants en cas de vente de leurs objets. Les règlements des ventes du mois en cours se font uniquement la dernière semaine du mois »,

mais uniquement lorsque cette clause est associée à une clause autorisant le dépositaire à disposer du bien déposé à l'expiration d'un certain délai

3° « le client qui effectue le dépôt est propriétaire et responsable de ses biens » ;

[minute page 6] Ordonne la suppression desdites clauses dans les contrats dépôt-vente proposés par Madame X. née Y.

Donne acte à Madame X. née Y. de ce qu'elle a, à compter du mois d'avril 1999, régularisé ses contrats de dépôt-vente selon les demandes de l’UFC 38 ;

Condamne Madame X. née Y. à payer à 1'UFC 38 la somme de DIX MILLE francs (10.000) à titre de dommages et intérêts ;

Condamne Madame X. née Y. à payer à l'UFC 38 la somme de TROIS MILLE francs (3.000,00 F) en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

Dit n'y avoir lieu à exécution provisoire de la présente décision ;

Condamne Madame X. née Y. aux dépens.

Ainsi rendu en audience publique le douze avril deux mil et signé par Madame Marie Christine DE LA SALLE, Président, et par Madame Martine MARTZOLFF, Greffer.

 

Est cité par :