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TGI NANTES (1re ch.), 21 février 2001

Nature : Décision
Titre : TGI NANTES (1re ch.), 21 février 2001
Pays : France
Juridiction : TGI Nantes. 1re ch.
Demande : 99/03643
Date : 21/02/2001
Nature de la décision : Admission
Date de la demande : 22/06/1999
Décision antérieure : CA RENNES (1re ch. B), 18 janvier 2002
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CERCLAB/CRDP - DOCUMENT N° 387

TGI NANTES (1re ch.), 21 février 2001 : RG n° 99/03643

(sur appel CA Rennes (1re ch. B), 18 janvier 2002 : RG n° 01/03440 ; arrêt n° 47)

 

Extraits : 1/ « La Société CIPE FRANCE ne peut écarter l'application des dispositions du Code de la Consommation s'agissant du contrat qu'elle a fait souscrire à M. X. au prétexte qu'il s'agirait d'un contrat entre professionnels. L'objet du contrat est un matériel et un dispositif de services de télésurveillance et de protection du cabinet médical parfaitement étranger à l'activité technique de M. X. Mais surtout, l'examen des contrats CIPE FRANCE signés par M. X. le 24 décembre 1998 démontre que la Société CIPE a entendu se référer expressément au Code de la Consommation en reproduisant les dispositions des articles L. 121-23, 24 - 20 - 26 et en prévoyant un bordereau d'annulation de commande. Les dispositions protectrices du client du Code de la Consommation sont donc applicables à l'espèce et peuvent être invoquées par M. X. »

2/ « Dans sa recommandation n° 97-01, la Commission des clauses abusives a considéré s'agissant des contrats de télésurveillance conclus pour une durée irrévocable, généralement de plusieurs années, sauf application de pénalités de résiliation dissuasives et inéquitables, que ces stipulations étaient particulièrement défavorables au consommateur. S'il n'est pas contesté que ces recommandations n’ont pas de force obligatoire, le juge peut s'y référer pour apprécier les cas qui lui sont soumis.

Il faut considérer comme abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer au détriment du client, un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties au contrat. En l'espèce, la durée du contrat irrévocable de 48 mois (article 13 du contrat) est particulièrement défavorable au docteur X. et doit être réputée non écrite. De même, l'indemnité contractuelle prévue à l'article II du contrat en cas de résiliation anticipée par le client, constituée par le solde des loyers de la période contractuelle en cours, solde immédiatement et de plein droit exigible est abusive en raison de l'absence de réciprocité pour les éventuels manquements du professionnel non indemnisés et parce que le client est en réalité conduit à payer pour une prestation qui ne lui est plus fournie et alors que la rupture du lien contractuel n'est pas nécessairement fautive. Cette disposition doit également être annulée.

3/ « Sans ces clauses, le contrat conserve un objet et une cause et est susceptible d'exécution. Il n'y a donc pas lieu à annulation de l'entier contrat mais seulement des clauses de durée irrévocable et des pénalités contractuelles. En conséquence, il y a lieu de constater que le contrat litigieux s'est trouvé valablement résilié par le docteur X. par sa lettre du 1er mars 1999. »

 

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE NANTES

PREMIÈRE CHAMBRE

JUGEMENT DU 21 FÉVRIER 2001

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION                                      (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 99/03643. Demande en nullité d’un contrat.

Composition du Tribunal lors des débats et du délibéré : Président : Hervé BRIQUE, Vice-Président ; Assesseur : Anne Marie JOUANTE, Juge ; Assesseur : Pascale DOTE CHARGE, Juge.

GREFFIER : Aline LALLEMAND.

Débats à l'audience publique du 10 JANVIER 2001. Prononcé du jugement fixé au 21 FÉVRIER 2001. Jugement contradictoire rédigé par M. BRIQUE, Vice-Président, prononcé à l'audience publique par le Président.

[minute page 2]

ENTRE :

Monsieur X.

[adresse], Rep/assistant : Maître Antoine DE BROSSES (Avocat au barreau de NANTES), DEMANDEUR, D'UNE PART

 

ET :

Société CIPE FRANCE

dont le siège social est sis [adresse], Rep/assistant : Maître Alain LE THUAUT (Avocat au barreau de NANTES), DÉFENDERESSE, D'AUTRE PART

 

Vu l'ordonnance de clôture du 7 DÉCEMBRE 2000 ;

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                                                         (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

FAITS ET PROCÉDURE :

M. X., médecin généraliste exerçant à [ville] a été contacté à la fin de l'année 1998 par la Société CIPE FRANCE avec laquelle il a régularisé, par l'entreprise de son démarcheur, le 24 décembre 1998, un contrat d'abonnement de télésurveillance avec option de prestations de sécurité et location de matériel.

Estimant avoir été trompé par le démarcheur qui lui aurait proposé un essai gratuit de mise en place d'un système de sécurité, M. X. a dénoncé le contrat par courrier du 1er mars 1999. La Société CIPE FRANCE s'est opposée à toute résiliation des contrats conclus avec elle par M. X. par courriers des 8 mars et 15 avril 1999.

[minute page 3] Par acte du 22 juin 1999, M. X. a fait assigner la Société CIPE FRANCE pour que soit prononcée à titre principal la nullité des contrats. Après conclusions signifiées le 19 mai 2000, et par conclusions récapitulatives signifiées le 9 octobre 2000, M. X. demande finalement :

- que soient déclarés abusifs les contrats de télésurveillance conclus par le docteur X. au vu de l'article L. 132-1 du Code de la Consommation ;

- que soit constatée et prononcée la nullité desdits contrats ;

- qu'à titre subsidiaire, soit constatée et prononcée la nullité des clauses relatives à la durée du contrat et aux pénalités contractuelles contenues dans ledit contrat ;

- que le docteur X. soit dit bien fondé à résilier le contrat à compter du 1er mars 1999 ;

- qu'à titre très subsidiaire, il soit jugé que la Société CIPE FRANCE a engagé sa responsabilité à l'égard de M. X. en manquant à son obligation de conseil ;

- que la Société CIPE FRANCE soit condamnée à rembourser à M. X. l'ensemble des échéances mensuelles d'un montant unitaire de 690 francs du contrat de location payés par ce dernier à compter du 24 janvier 1999 ;

- qu'il soit jugé que la Société CIPE FRANCE soit tenue de garantir de toute demande M. X. de la Société FIRENT relativement aux échéances impayées ;

- que la Société CIPE FRANCE soit condamnée à lui payer 10.000 francs sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

- que la Société CIPE FRANCE soit déboutée de toutes ses demandes ;

- qu'il soit donné acte à M. X. de son offre de restituer le matériel de la Société CIPE FRANCE.

A l'appui de ses demandes, il fait valoir essentiellement que le contrat qu'il a signé est contraire à la recommandation n° 97-01 de la Commission des clauses abusives relative aux contrats de télésurveillance et, en conséquence, [minute page 4] que le contrat est nul ou qu’à tout le moins, les clauses abusives au sens de l'article 35 de la loi n° 78-23 du 10 janvier 1978 devenu l'article L. 132-1 du Code de la Consommation doivent être annulées.

M. X. serait bien fondé à exciper des dispositions du Code de la Consommation dans la mesure où la Société CIPE FRANCE s'y est contractuellement référée.

Or, la Société CIPE FRANCE ne contesterait pas avoir méconnu les recommandations de la Commission des clauses abusives ni le fait qu'elle n'aurait remis les exemplaires du contrat revenant à M. X. qu'après l'expiration du délai de rétractation de sept jours.

Enfin, aucune information préalable sérieuse n'aurait été donnée à M. X. la démarcheuse ayant présenté le produit entre deux consultations professionnelles du médecin et sous le couvert d'une démonstration gratuite.

La nullité du contrat pourrait encore résulter des dispositions du Code Civil, les pages du contrat ne comportant pas le paraphe de M. X. ce qui manifesterait l'absence de consentement formel du client.

Enfin, l'obligation de conseil n'aurait pas été remplie le médecin disposant déjà de matériel de sécurité et le coût de celui proposé étant prohibitif.

 

La Société CIPE FRANCE SA a constitué avocat et par conclusions du 1er décembre 1999, puis, par conclusions récapitulatives signifiées le 6 décembre 2000, a demandé :

- de constater que le contrat conclu entre M. X. et CIPE est un contrat à durée déterminée de 48 mois ;

- de dire que les dispositions de l'article L. 132-1 du Code de la Consommation sont inapplicables au contrat ;

- de constater que les clauses du contrat relatives à sa durée et aux pénalités contractuelles n'ont aucun caractère abusif et ne visent qu'à garantir l'équilibre et la stabilité juridique et économique de l'engagement souscrit ;

- de dire en conséquence qu'il n'y a pas lieu à annulation du contrat ni de certaines de ses clauses ;

- de constater que M. X. ne rapporte pas la preuve de l'absence de consentement ou d'un quelconque vice de celui-ci ;

- [minute page 5] de dire qu'aucun manquement de la Société CIPE n'est caractérisé quant à son obligation d'information ;

- de débouter M. X. de toutes ses demandes ;

- de prendre acte du fait que la Société CIPE propose à titre commercial de poursuivre l'exécution du contrat sous condition de la reprise par M. X. de ses engagements et du paiement de ses mensualités de retard ;

- de condamner M. X. à lui payer la somme de 8.000 francs par application des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

- de le condamner aux dépens.

A l'appui de ses prétentions, la Société CIPE explique que l'installation choisie par M. X. aurait été faite à son entière satisfaction suivant procès-verbal de réception contradictoire du 6 janvier 1999. M. X. ne serait pas fondé à invoquer les dispositions du Code de la Consommation s'agissant de contrat conclu à usage professionnel entre professionnels.

Le contrat serait donc bien souscrit pour 48 mois pour un loyer mensuel de 690 francs en date du 24 décembre 1998 sans que la durée du contrat ou les dispositions de résiliation puissent être qualifiées d'abusives. Il n'y aurait aucun déséquilibre économique au préjudice de M. X. des relations contractuelles.

Si des clauses devaient être déclarées abusives, elles n'affecteraient en rien la validité d'ensemble du contrat.

Enfin, M. X. ne rapporterait pas la preuve d'un vice du consentement laquelle ne pourrait découler du fait qu'il n'ait pas paraphé chaque page du contrat ou de l'affirmation du défendeur qui prétend n'avoir pas reçu à la signature un exemplaire du contrat.

Aucun manquement à l'obligation de conseil ne pourrait être démontré.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                                                 (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS :

1) Sur la nullité du contrat pour vice du consentement du droit commun :

Au vu des pièces produites aux débats et en présence des délégations de la Société CIPE, M. X. ne rapporte pas la preuve de ses [minute page 6] allégations suivant lesquelles il aurait été abusé par le démarcheur au point de se voir proposer du matériel de télésurveillance à titre gratuit, alors que le contrat conclu était à titre onéreux ou bien encore qu'aucun exemplaire du contrat revenant au client ne lui a été fourni. Le défaut de paraphe sur chaque page du contrat ne fait pas davantage preuve du défaut de consentement.

Il n'y a donc pas lieu à nullité du contrat sur ce point.

 

2) Sur l'application du Code de la Consommation et les dispositions sur les clauses abusives :

La Société CIPE FRANCE ne peut écarter l'application des dispositions du Code de la Consommation s'agissant du contrat qu'elle a fait souscrire à M. X. au prétexte qu'il s'agirait d'un contrat entre professionnels. L'objet du contrat est un matériel et un dispositif de services de télésurveillance et de protection du cabinet médical parfaitement étranger à l'activité technique de M. X.

Mais surtout, l'examen des contrats CIPE FRANCE signés par M. X. le 24 décembre 1998 démontre que la Société CIPE a entendu se référer expressément au Code de la Consommation en reproduisant les dispositions des articles L. 121-23, 24 - 20 - 26 et en prévoyant un bordereau d'annulation de commande.

Les dispositions protectrices du client du Code de la Consommation sont donc applicables à l'espèce et peuvent être invoquées par M. X.

Dans sa recommandation n° 97-01, la Commission des clauses abusives a considéré s'agissant des contrats de télésurveillance conclus pour une durée irrévocable, généralement de plusieurs années, sauf application de pénalités de résiliation dissuasives et inéquitables, que ces stipulations étaient particulièrement défavorables au consommateur.

S'il n'est pas contesté que ces recommandations n’ont pas de force obligatoire, le juge peut s'y référer pour apprécier les cas qui lui sont soumis.

Il faut considérer comme abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer au détriment du client, un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties au contrat.

En l'espèce, la durée du contrat irrévocable de 48 mois (article 13 du contrat) est particulièrement défavorable au docteur X. et doit être réputée non écrite. De même, l'indemnité contractuelle prévue à l'article II du [minute page 7] contrat en cas de résiliation anticipée par le client, constituée par le solde des loyers de la période contractuelle en cours, solde immédiatement et de plein droit exigible est abusive en raison de l'absence de réciprocité pour les éventuels manquements du professionnel non indemnisés et parce que le client est en réalité conduit à payer pour une prestation qui ne lui est plus fournie et alors que la rupture du lien contractuel n'est pas nécessairement fautive.

Cette disposition doit également être annulée.

Sans ces clauses, le contrat conserve un objet et une cause et est susceptible d'exécution. Il n'y a donc pas lieu à annulation de l'entier contrat mais seulement des clauses de durée irrévocable et des pénalités contractuelles. En conséquence, il y a lieu de constater que le contrat litigieux s'est trouvé valablement résilié par le docteur X. par sa lettre du 1er mars 1999.

La Société CIPE sera tenue de garantir le cas échéant M. X. des échéances impayées vis à vis de la Société FIRENT.

Il sera donné acte à M. X. de son offre de restituer le matériel.

Il serait particulièrement inéquitable de laisser à la charge de M. X. ses frais irrépétibles d'instance et la Société CIPE FRANCE qui supportera les entiers dépens devra lui verser une indemnité de 10.000 francs sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                                                            (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

Statuant en premier ressort,

- Déclare abusives les clauses du contrat en date du 24 décembre 1998 entre la Société CIPE FRANCE SA et M. X., relatives à la durée du contrat et aux pénalités contractuelles applicables à M. X. ;

- Prononce la nullité desdites clauses ;

- Dit que ledit contrat s'est trouvé valablement résilié par M. X. à la date du 1er mars 1999 ;

- Condamne en conséquence la SA CIPE FRANCE à rembourser à M. X. les échéances mensuelles de 690 francs du contrat de location qui auraient été payées par ce dernier pour la période postérieure au 1er mars 1999 ;

- [minute page 8] Dit que la Société CIPE FRANCE sera tenue de garantir M. X. de toute demande de la Société FIRENT relativement aux échéances postérieures à la période du 1er mars 1999 ;

- Donne acte à M. X. de son offre de restituer le matériel de la Société CIPE FRANCE ;

- Déboute M. X. de plus amples demandes d'une part et la Société CIPE FRANCE SA de l'ensemble de ses demandes ;

- Condamne la Société CIPE. FRANCE SA à payer à M. X. la somme de 10.000 francs sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

- Condamne la Société CIPE FRANCE SA en tous les dépens.

LE GREFFIER, Aline LALLEMAND.            LE PRÉSIDENT, Hervé BRIQUE.

 

 

 

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