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CA METZ (1re ch. civ.), 27 avril 2017

Nature : Décision
Titre : CA METZ (1re ch. civ.), 27 avril 2017
Pays : France
Juridiction : Metz (CA), 1re ch.
Demande : 15/00410
Date : 27/04/2017
Nature de la décision : Réformation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 9/02/2015
Décision antérieure : CASS. CIV. 1re, 13 mars 2019
Décision antérieure :
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CERCLAB - DOCUMENT N° 6846

CA METZ (1re ch. civ.), 27 avril 2017 : RG n° 15/00410 ; arrêt n° 17/00171

Publication : Jurica

 

Extraits : 1/ « En l'espèce, la demande des intimés visant à dire que certaines clauses des prêts sont abusives tend seulement à les faire déclarer inopposables. Il s'agit donc de l'action destinée à voir déclarer lesdites clauses réputées non écrites conformément au texte susvisé. Or, les clauses réputées non écrites en application de ce texte étant non avenues par le seul effet de la loi, c'est à tort que le Crédit Agricole prétend que la demande s'analyse en une action en nullité soumise en tant que telle au délai de prescription de cinq ans. En conséquence, il convient de rejeter la fin de non-recevoir tirée de la prescription, ce d'autant plus que les intimés précisent que si la Cour devait estimer que seule la nullité pourrait sanctionner le caractère abusif des clauses, ils abandonneraient cette demande, ce qui démontre en tout état de cause que leur intention n'est pas d'obtenir la nullité des contrats de prêt.

Le Crédit Agricole invoque en second lieu le caractère nouveau de la demande en application des articles 564 et suivants du code de procédure civile. Cependant, aux termes d'un arrêt du 4 juin 2009 rendu dans l'affaire C-243/08, la Cour de Justice de l'Union Européenne a dit pour droit que le juge national est tenu d'examiner d'office le caractère abusif d'une clause contractuelle dès qu'il dispose des éléments de droit et de fait nécessaires à cet effet. Lorsqu'il considère une telle clause comme étant abusive, il ne l'applique pas, sauf si le consommateur s'y oppose. En l'espèce, la Cour disposant des éléments suffisants pour y procéder, elle est tenue d'examiner d'office, nonobstant l'éventuelle irrecevabilité des demandes en raison de leur nouveauté en appel, le caractère abusif des clauses contractuelles. Il n'y a dès lors pas lieu de statuer sur la fin de non-recevoir tirée du caractère nouveau des demandes. »

2/ « Si ces dispositions n'excluent donc pas par principe les personnes morales de la protection des clauses abusives, elles ne sont toutefois pas applicables en cas d'existence d'un rapport direct entre l'activité professionnelle de la personne morale et le contrat litigieux.

En l'espèce, il résulte des statuts versés aux débats que la SARL LC Immobilier a pour objet l'activité de loueur en meublé et toutes activités annexes, l'exploitation directe et indirecte des biens appartenant à la société, la création de toutes résidences ou hôtels de tourisme et généralement toutes opérations financières, mobilières ou immobilières, pouvant se rattacher directement ou indirectement à l'objet social ou susceptibles d'en favoriser l'exploitation ou le développement. Il s'agit d'une activité professionnelle. Les contrats de prêts conclus entre le Crédit Agricole et la SARL LC Immobilier mentionnent qu'ils ont pour objet de financer « résidence principale appartement achat ancien locatif ». Le financement fait donc état d'un usage au moins pour partie locatif et les intimés reconnaissent dans leurs écritures que l'immeuble est parfois loué en meublé. Il existe ainsi un lien direct entre les contrats de prêt consentis à la SARL LC Immobilier et l'activité professionnelle de celle-ci, ce qui exclut l'application de l'article L. 132-1 susvisé à ces prêts. Il y a donc lieu de débouter la SARL LC Immobilier de sa demande visant à dire que certaines clauses des contrats conclus par elle sont abusives.

En revanche, il n'est pas discuté que les époux X. étaient des consommateurs de sorte que le prêt souscrit par eux est bien soumis à l'article L. 132-1 susvisé. »

3/ « Mais, outre que l'offre ne mentionne précisément cet indice sous cette désignation dans aucune de ses clauses et que la combinaison des différentes clauses n'aboutisse pas clairement au taux invoqué par le prêteur, les consorts X. font valoir que ce taux ne peut être vérifié avec certitude à défaut de publication et que l'offre ne mentionne pas davantage ni l'heure, ni même la date de cours retenu. Or, force est de constater que le Crédit Agricole ne fournit aucune explication de nature à contredire l'absence de publication du taux et que l'offre ne mentionne en tout état de cause aucune information à ce sujet. Par ailleurs, il est exact que l'offre n'indique ni l'heure, ni la date de cours retenu alors qu'il résulte des propres explications du Crédit Agricole que le taux eurodevise CHF à 3 mois invoqué évolue chaque jour ainsi qu'à l'intérieur d'une même journée, puisque, selon les indications de l'appelant, il est déterminé de manière continue tout au long de la journée contrairement au taux Libor CHF fixé chaque jour à 11 H.

Il en résulte un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties, au détriment des emprunteurs, dans la mesure où la contradiction des clauses de l'offre et l'absence de données précises dans l'offre accorde en réalité au seul professionnel le droit d'appliquer un taux fixe ou variable et de choisir dans cette dernière hypothèse l'indice de référence et la date ainsi que l'heure du taux faisant évoluer la charge de remboursement des emprunteurs, sans contrepartie pour ces derniers. La stipulation du taux est donc abusive et réputée non écrite. »

4/ « Le fait que la clause prévoit la perception de telles commissions de change sans que les barèmes en vigueur à la date de l'offre ne soient contenus dans l'offre ou annexés ou joints à celle-ci et sans que l'offre ne détermine les modalités suivant lesquelles les emprunteurs sont avisés des barèmes en vigueur ou peuvent y avoir accès pendant toute la durée du prêt caractérise un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties au détriment des emprunteurs en ce que ceux-ci sont privés des informations leur permettant d'exercer en toute connaissance de cause leur choix quant à l'intermédiaire requis pour les opérations de change, étant observé que le niveau des commissions effectivement pratiquées par le Crédit Agricole est indifférent et que les pièces invoquées par le Crédit Agricole ne justifient pas qu'il ait réellement avisé les emprunteurs de ses barèmes de commissions de change. Ainsi, la clause sur les commissions de change est également abusive et réputée non écrite. »

5/ « Contrairement à ce que soutient le Crédit Agricole, le contrat peut subsister sans les clauses déclarées abusives. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE METZ

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 27 AVRIL 2017

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 15/00410. Arrêt n° 17/00171.

 

APPELANTE :

CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL DE LORRAINE

Représentée par Maître Gilles R., avocat au barreau de METZ, avocat postulant ; Maître Olivier H. et Maître Dominique L., avocats au barreau de PARIS, avocats plaidants

 

INTIMÉS :

Monsieur X. agissant en qualité d'ayant-droit de Ch. X. - APPEL INCIDENT

Représenté par Maître Jacques B., avocat au barreau de METZ, avocat postulant ; Maître Arnaud M.-M. et Maître Gersende C., avocats au barreau de PARIS, avocats plaidants

Madame Y. épouse X. - APPEL INCIDENT

Représentée par Maître Jacques B., avocat au barreau de METZ, avocat postulant ; Maître Arnaud M.-M. et Maître Gersende C., avocats au barreau de PARIS, avocats plaidants

Madame Cl. X., agissant en qualité d'ayant-droit de Ch. X. - APPEL INCIDENT

Représentée par Maître Jacques B., avocat au barreau de METZ, avocat postulant ; Maître Arnaud M.-M. et Maître Gersende C., avocats au barreau de PARIS, avocats plaidants

SARL LC IMMOBILIER représentée par son gérant - APPEL INCIDENT

Représentée par Maître Jacques B., avocat au barreau de METZ, avocat postulant ; Maître Arnaud M.-M. et Maître Gersende C., avocats au barreau de PARIS, avocats plaidants

 

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

PRÉSIDENT : M. HITTINGER, Président de Chambre

ASSESSEURS : Madame STAECHELE, Conseiller, Madame BOU, Conseiller entendu en son rapport

GREFFIER PRÉSENT AUX DÉBATS : Madame Camille SAHLI

DATE DES DÉBATS : Audience publique du 24 janvier 2017 ; L'affaire a été mise en délibéré pour l'arrêt être rendu le 6 avril 2017. A cette date, le délibéré a été prorogé au 27 avril 2017.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

EXPOSÉ DU LITIGE :

Suivant une offre émise le 18 juillet 2008 et acceptée le 13 août 2008, la Caisse Régionale de Crédit Agricole de Lorraine, ci-après le Crédit Agricole, a consenti le prêt suivant à Ch. X. et à son épouse, Mme Y. : prêt financement n° AE4111 référence 86XX514 ayant pour objet de financer l'achat de parts d'une SCI dont les actifs se situaient à Saint-Martin permettant une défiscalisation par un investissement outre-mer, in fine, portant sur la contre-valeur en francs suisses de la somme de 465.000 euros, d'une durée de 120 mois au taux d'intérêt révisable égal au taux du CHF à 3 mois en vigueur au jour de la mise à disposition augmenté de la marge, remboursable en 40 échéances trimestrielles comprenant pour les intérêts 39 échéances de la contre-valeur en francs suisses de la somme de 4.231,50 euros et pour les intérêts et le capital, 1 échéance de la contre-valeur en francs suisses de la somme de 469.231,50 euros, le montant des échéances étant indicatif.

Le Crédit Agricole a en outre consenti les prêts suivants à la SARL LC Immobilier, société constituée par les époux X. et leurs deux enfants Cl. et L. X., :

- contrat de prêt passé par acte authentique du 8 juillet 2008 référence 864YY50 ayant pour objet de financer « résidence principale appartement achat ancien usage locatif », in fine, portant sur la contre-valeur en francs suisses de la somme de 200.000 euros, soit à titre indicatif 321.260,01 francs suisses selon le cours de l'eurodevise au 1er janvier 2008, d'une durée de 180 mois au taux d'intérêt révisable égal au taux du CHF à 3 mois en vigueur au jour de la mise à disposition augmenté de la marge, remboursable en 60 échéances trimestrielles comprenant pour les intérêts 59 échéances de la contre-valeur en francs suisses de la somme de 1.965 euros et pour les intérêts et le capital, 1 échéance de la contre-valeur en francs suisses de la somme de 201.965 euros, le montant des échéances étant indicatif ;

- contrat de prêt passé par acte authentique du 8 juillet 2008 référence 864ZZ661 ayant le même objet, amortissable, portant sur la contre-valeur en francs suisses de la somme de 380.000 euros, soit à titre indicatif 610.394,01 francs suisses selon le cours de l'eurodevise au 1er janvier 2008, d'une durée de 180 mois au taux d'intérêt révisable égal au taux du CHF à 3 mois en vigueur au jour de la mise à disposition augmenté de la marge, remboursable en 60 échéances trimestrielles comprenant pour les intérêts 59 échéances de la contre-valeur en francs suisses de la somme de 8.412,62 euros et pour les intérêts et le capital, 1 échéance de la contre-valeur en francs suisses de la somme de 8.412,60 euros, le montant des échéances étant indicatif ;

ces prêts ayant fait l'objet d'une offre n° AE0931 émise le 1er juillet 2008.

 

A la suite de la dépréciation de l'euro par rapport au franc suisse qui a débuté en 2010, les époux X. et la SARL LC Immobilier, prétendant avoir été démarchés pour réaliser cet investissement et arguant que le financement s'est révélé ruineux, ont, par acte d'huissier du 20 janvier 2012, fait assigner le Crédit Agricole devant le tribunal de grande instance de Metz.

Dans le dernier état de leurs prétentions, les époux X. et la SARL LC Immobilier ont demandé au tribunal de :

- à titre principal :

* prononcer la nullité des prêts et de tous leurs accessoires pour violation des règles sur le démarchage et en raison de l'irrégularité résultant de l'obligation de remboursement en francs suisses ;

* déchoir le Crédit Agricole de son droit à obtenir le remboursement du capital en vertu du principe selon lequel nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude ;

* condamner sinon le Crédit Agricole à leur verser une indemnité égale au capital emprunté ;

* dire qu'ils ne sont plus débiteurs ni du capital emprunté, ni des intérêts ou commissions de change ;

* ordonner en conséquence la restitution en leur faveur de la totalité des sommes versées, à savoir la somme de 171.877 euros au profit de la SARL LC Immobilier et celle de 30.769 euros pour les époux X., la prise en charge par le Crédit Agricole de la perte de change et la perte par le Crédit Agricole du droit à restitution des sommes prêtées ;

- à titre subsidiaire : si après restitution réciproque, il existe un solde en faveur du Crédit Agricole, leur accorder un délai de paiement de 2 ans ;

- à titre plus subsidiaire, faute de nullité des contrats,

* dire que le Crédit Agricole a commis des fautes qui ont causé la perte de change et condamner le Crédit Agricole à leur verser une indemnité au titre de celle-ci ;

* prononcer la déchéance du droit aux intérêts pour violation des dispositions du code de la consommation et condamner en conséquence le Crédit Agricole à payer à la SARL LC Immobilier la somme de 171 877 euros et aux époux X. celle de 30.769 euros représentant les intérêts conventionnels versés ;

- en toute hypothèse,

* condamner le Crédit Agricole à leur verser la somme de 15.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens et ordonner l'exécution provisoire.

Le Crédit Agricole a demandé au tribunal de :

ordonner le retrait des débats des pièces adverses communes sauf pour certaines d'entre elles et des conclusions adverses notifiées à compter de mai 2013 en ce qu'elles se réfèrent auxdites pièces et, à titre subsidiaire, ordonner le retrait des pièces susvisées ;

sur les demandes de nullité :

- rejeter les demandes de nullité pour démarchage ;

- à titre principal, déclarer prescrites les demandes de nullité pour clause imposant le remboursement en francs suisses et, à titre subsidiaire, les rejeter ;

- en cas de prononcé de la nullité : rejeter la demande de dommages et intérêts, dire que les époux X. et la SARL LC Immobilier doivent restituer l'intégralité des sommes prêtées, soit respectivement les sommes en principal de 732.214,50 francs suisses et de 323.740 ainsi que 615.106 francs suisses (dont à déduire les sommes déjà remboursées pour le dernier prêt) au cours euro franc suisse du jour de la restitution avec intérêts légaux à compter du jugement, dire que le risque de change pèsera sur les emprunteurs et rejeter la demande de délai ;

- rejeter les demandes fondées sur l'action en responsabilité ;

- rejeter la demande de déchéance du droit aux intérêts ;

-déclarer prescrites les demandes adverses additionnelles relatives au taux d'intérêt contractuel et, à titre subsidiaire, les rejeter ;

- condamner in solidum les époux X. et la SARL LC Immobilier aux dépens et à la somme de 25.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

 

Par jugement du 20 novembre 2014, le tribunal de grande instance de Metz a statué comme suit :

« Prononce la nullité des contrats de prêts immobiliers consentis par le CRÉDIT AGRICOLE

- à M. Ch. X. et à Mme S. X. sous le nº Financement nº AE4111- Nº Client WWW - Contrat nº 86XX514 en ce, y compris le contrat d'assurance-décès ;

- à la SARL LC IMMOBILIER représentée par M. Ch. X., son gérant, sous le numéro Financement nº AE0931 - Nº de client ZZZ - Contrat nº 864YY50 en ce, y compris le contrat d'assurance-décès ;

- à la SARL LC IMMOBILIER représentée par M. Ch. X., son gérant, sous le numéro Financement nº AE0931 - 1er juillet 2008 - Contrat n° 864ZZ661 en ce, y compris le contrat d'assurance-décès ;

En conséquence,

Condamne solidairement M. Ch. X. et Mme S. X. à payer à la société coopérative à capital variable CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL DE LORRAINE prise en la personne de son représentant légal la contre-valeur en euros de la somme de 723.214,50 francs suisses au cours de l'euro à la date du 17 octobre 2008 outre intérêts légaux à compter du prononcé du présent jugement ;

Condamne la SARL LC IMMOBILIER prise en la personne de son gérant M. Ch. X. à payer à la société coopérative à capital variable CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL DE LORRAINE prise en la personne de son représentant légal la contre-valeur en euros de la somme de 323.740,00 francs suisses au cours de l'euro à la date du 10 juillet 2008 ainsi que la contre-valeur en euros de la somme de 615.106,00 francs suisses au cours de l'euro à la date du 10 juillet 2008 outre intérêts légaux pour chacune des sommes à compter du prononcé du présent jugement ;

Condamne la société coopérative à capital variable CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL DE LORRAINE à payer :

1º) à M. Ch. X. et Mme S. X. la somme de 30.769,79 euros arrêtée au 11 avril 2014 outre intérêts légaux à compter du prononcé du présent jugement ;

2º) à la SARL LC IMMOBILIER prise en la personne de son gérant M. Ch. X. la somme de 171.877,00 euros arrêtée au 11 avril 2014 outre intérêts légaux à compter du prononcé du présent jugement ;

Condamne le CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL DE LORRAINE à supporter le coût des frais de nantissement résultant de l'annulation des contrats suivants :

- nº Financement nº AE4111 - Nº Client WWW - Contrat nº 86XX514 ; - numéro Financement nºAE0931 - Nº de client ZZZ - Contrat nº 864YY50 ;

- numéro Financement nº AE0931 - 1er juillet 2008 - Contrat nº 864ZZ661 ;

Déboute M. et Mme X. et la SARL LC IMMOBILIER du surplus de leurs demandes ;

Ordonne la compensation partielle des créances réciproques des parties ;

Condamne la société coopérative à capital variable CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL DE LORRAINE prise en la personne de son représentant légal à payer :

- à M. Ch. X. et Mme S. X. la somme de 12.000 euros à titre de dommages-intérêts outre intérêts légaux à compter du prononcé du présent jugement ;

- à la SARL LC IMMOBILIER représentée par son gérant, M. X., la somme de 15.000 euros à titre de dommages-intérêts outre intérêts légaux à compter du prononcé du présent jugement ;

Rejette la demande de délais de paiement présentée par M. et Mme X. ainsi que par la SARL LC IMMOBILIER ;

Condamne la société coopérative à capital variable CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL DE LORRAINE prise en la personne de son représentant légal à régler :

- à M. et Mme X. la somme de 3.500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- à la SARL LC IMMOBILIER prise en la personne de son gérant M. X. une somme de 3.500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Rejette la demande formée par la société coopérative à capital variable CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL DE LORRAINE au même titre ;

Condamne la société coopérative à capital variable CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL DE LORRAINE prise en la personne de son représentant légal aux dépens ;

Dit n'y avoir lieu à exécution provisoire du présent jugement ».

Le tribunal a relevé que pour démontrer l'existence d'un démarchage qui aurait été effectué par le biais de sociétés de conseil de gestion de patrimoine, ci-après CGP, les époux X. et la SARL LC Immobilier produisaient différentes pièces, production à laquelle s'opposait le Crédit Agricole au motif du secret professionnel, du secret des correspondances et du secret médical.

S'agissant du secret bancaire, le tribunal a, au visa des articles L. 511-33 et L. 571-4, dans sa version applicable au litige, du CMF, distingué :

- les informations concernant les demandeurs : le tribunal a considéré que le client peut relever le banquier du secret bancaire, ce qui était le cas des demandeurs ;

- les informations concernant des tiers : le tribunal a indiqué que la banque n'est pas autorisée à révéler une information confidentielle intéressant un tiers au procès mais que l'interdiction de divulgation du secret professionnel concernant les tiers a été érigée dans le but de les protéger et obéit à une appréciation de proportionnalité dans la mesure où l'interdiction faite à une partie de prouver un élément essentiel au succès de sa prétention est une atteinte au principe de l'égalité des armes résultant de l'article 6 de la CEDH. Or, en l'espèce, il a relevé que différentes personnes physiques ou morales ont établi une autorisation de levée du secret bancaire et estimé que les informations financières résultant d'échanges entre les tiers ayant délivré une telle autorisation et la banque étaient recevables puisque, à défaut, les demandeurs se trouvaient dans l'impossibilité d'asseoir leurs prétentions ;

- les pièces relatives aux relations d'affaires entre la banque et la société Financière Européenne d'Investissement (FEI), société de CGP : le tribunal a considéré que l'article L. 511-33 du CMF invoqué par le Crédit Agricole, issu de la loi du 4 août 2008 relatif au secret bancaire partagé, n'était pas applicable au litige car l'intervention de la société de CGP était antérieure à l'offre de financement. Ainsi, il a estimé qu'avant cette loi, cette société n'était pas légalement tenue au secret professionnel. En toute hypothèse, il a relevé que ce texte n'interdit pas au client concerné de permettre la communication d'informations couvertes par le secret professionnel le concernant directement quand il en fait la demande, ce qui était le cas en l'espèce. En outre, il a estimé que le Crédit Agricole n'avait pas négocié, conclu ou exécuté des opérations de banque avec la société FEI au sens de l'article L. 511-33 invoqué. Par ailleurs, pour répondre au moyen tiré de la clause de la convention de partenariat souscrite entre la banque et cette société prévoyant que celle-ci était tenue au secret professionnel, il a retenu qu'une partie ne peut contractuellement ériger un secret professionnel que seuls la loi ou le règlement peuvent prévoir.

S'agissant du secret des correspondances, le tribunal a, au visa de l'article 226-15 du code pénal, considéré :

- que pour les correspondances entre la banque et les demandeurs, il n'existait pas de faute des demandeurs en vertu du droit à la preuve qui devait prévaloir sur le secret des correspondances ;

- que pour les correspondances relatives aux clients de la banque non demandeurs au litige, le moyen tiré de ce secret devait être écarté compte tenu des attestations délivrées par eux autorisant la levée du secret ;

- que pour les échanges de mails entre la banque et la société de CGP ACP, leur production pouvait être admise puisque les demandeurs n'étaient pas entrés irrégulièrement en possession de ces pièces mais via la société de CGP et que le recours à cette correspondance apparaissait nécessaire et indispensable à l'exercice du droit de la preuve et proportionné aux intérêts antinomiques en présence.

Le tribunal a encore noté que les preuves produites par les demandeurs ont été soumises à la discussion contradictoire des parties, en déduisant qu'elles étaient recevables.

Le tribunal a enfin écarté le moyen tiré du secret médical en retenant notamment que la production de trois pages de son activité par le Docteur Z. poursuivait un but légitime et que l'ingérence dans la vie privée des patients concernés caractérisait un rapport raisonnable de proportionnalité entre cette production et les intérêts protégés.

Au visa de l'article L. 341-1 du CMF relatif au démarchage bancaire ou financier, le tribunal a considéré au vu en particulier du témoignage de M. A. que la banque avait confié le soin à celui-ci de contacter des clients susceptibles d'être intéressés par les produits financiers litigieux et que l'opération avait été présentée par M. A. et un conseiller du Crédit Agricole au domicile des demandeurs, puis signée en ce même lieu, sans que les demandeurs aient spontanément sollicité des prêts libellés en francs suisses. Il en a déduit qu'un démarchage au sens de l'article L. 341-1 précité était caractérisé.

Le tribunal a préalablement considéré qu'il n'avait pas à examiner si la FEI avait qualité pour procéder à une activité de démarchage puisqu'il n'était saisi d'aucune demande contre celle-ci, non partie au litige.

Le tribunal a d'abord vérifié si le grief invoqué par les demandeurs de l'interdiction des démarchages au regard des produits en cause était fondé.

Au visa des articles L. 313-1 du code de la consommation et L. 341-40 du CMF, il a relevé qu'une telle interdiction concerne les produits dont le risque maximum n'est pas connu lors de la souscription et ceux dont le risque de perte est supérieur au montant de l'apport financier initial. Or, il a considéré que le risque non connu au moment de la souscription est celui qui est indéterminé ou indéterminable, qu'en l'espèce, le risque maximum relatif au taux de change entre les monnaies que les emprunteurs supportaient était connu dès l'origine, l'emprunteur ayant accepté qu'il soit celui du rapport entre les monnaies, et que, même en cas de taux de change défavorable aux emprunteurs, ceux-ci ne pouvaient perdre le montant de leur apport ou de leurs droits puisqu'ils demeuraient propriétaires des actifs financés. Il a en conséquence retenu que le prêt litigieux, n'intégrant aucune opération sur produits dérivés, n'encourait pas la nullité en vertu de l'article L. 341-10 susvisé.

Le tribunal a ensuite examiné si le grief du non-respect de l'obligation d'information et du droit de repentir invoqué était fondé. Or, il a relevé au visa des articles L. 341-11 et L. 341-12 du CMF que la banque ne justifiait pas avoir communiqué le numéro de ses chargés de clientèle qui ne figurait pas sur tous les documents du démarcheur puisque la remise d'un écrit informatif faisait défaut. Il a en outre retenu que le droit de rétractation prévu par l'article L. 341-16 du même code s'applique à tous les démarchages bancaires ou financiers, y compris pour des crédits, et que la banque ne justifiait pas non plus avoir fourni l'information relative à l'existence ou non de ce droit conformément à l'article L. 341-12, ni avoir inclus un formulaire de rétraction dans le contrat de prêt.

Sur le fondement de la loi de sécurité financière du 1er août 2003 dont il a considéré qu'elle a un caractère mixte, visant à la fois à garantir le consentement des épargnants et assurés mais également à sanctionner la violation de l'ordre public économique et financier, le tribunal a énoncé que la nullité encourue du fait des manquements ci-dessus était absolue, atteignant les contrats de prêt et tous leurs accessoires, dont les contrats d'assurance-décès.

Le tribunal a estimé au vu des pièces produites que le Crédit Agricole avait libéré au bénéfice des époux X. la somme en capital représentant la contre-valeur en francs suisses de la somme de 465.000 euros, soit 723.214,50 CHF, tandis que ceux-ci avaient versé au titre du contrat la somme de 30.769,79 euros et que le Crédit Agricole avait libéré au bénéfice de la SARL LC Immobilier une première somme représentant la contre-valeur en francs suisses de la somme de 200.000 euros, soit 323.740 CHF, ainsi qu'une seconde représentant la contre-valeur en francs suisses de la somme de 380.000 euros, soit 615.106 CHF, tandis que celle-ci avait versé au titre des deux contrats la somme de 171.877 euros. Il a déduit de l'anéantissement rétroactif du contrat que les emprunteurs devaient restituer des euros, une solution contraire impliquant à tort de leur faire supporter le risque de change comme si le contrat se maintenait dans certains de ses effets, et a écarté la demande de la banque tendant au remboursement selon la parité des monnaies au jour du jugement ou de la restitution, faute de quoi elle obtiendrait plus que la somme effectivement versée. Il a donc estimé que les emprunteurs devaient restituer la contre-valeur en euros de la somme en francs suisses remise lors de la libération des fonds au cours de l'euro à cette date.

Le tribunal a par ailleurs retenu n'y avoir lieu à application de l'adage nemo auditur et à déchéance du droit pour la banque d'obtenir restitution du capital prêté aux motifs que cet adage n'était pas de nature à assurer mieux que la nullité l'efficacité de la sanction, que la nullité n'offrait aucun avantage à la banque et alors que la non restitution du capital prêté serait de nature à créer pour les emprunteurs un enrichissement exorbitant et sans rapport avec le bénéfice attendu du contrat.

Au visa de l'article 1382 du code civil, le tribunal a estimé que l'exercice d'un démarchage illicite entraîne pour celui qui le subit un préjudice réparable, distinct des conséquences de l'annulation, et qu'en l'espèce, les demandeurs avaient subi un préjudice financier et moral découlant du démarchage irrégulier sans lequel ils n'auraient pas été convaincus d'acquérir des parts de la SCI en cause ou de procéder à l'acquisition de biens immobiliers et de l'indisponibilité des fonds versés en exécution du contrat annulé.

Le tribunal a écarté la demande de délais de grâce, faute pour les demandeurs de justifier de leur situation et des démarches effectuées pour solliciter le financement permettant la restitution, à supposer celui-ci nécessaire.

 

Par déclaration de son avocat faite le 9 février 2015 au greffe de la cour d'appel de Metz, le Crédit Agricole a interjeté appel de ce jugement.

Ch. X. est décédé le 30 juillet 2015. A la suite de cet événement, des remboursements partiels des sommes restant dues au titre des trois prêts sont intervenus en exécution des contrats d'assurances décès invalidité souscrits.

 

Par conclusions de son avocat du 9 décembre 2016, le Crédit Agricole demande à la Cour de :

« I.- Sur l'incident de retrait de pièces soulevé par le CAL

Infirmer le jugement attaqué et statuant à nouveau,

Ordonner le retrait des débats des pièces adverses dites communes à l'exception des pièces n° 17, 18, 19, 20, 21, 22, 23, 24, 26, 27, 28, 42 et 44, conformément à la numérotation des bordereaux de pièces adverses annexés aux conclusions S. de mai et de novembre 2013 ;

Ordonner le retrait des débats des conclusions adverses notifiées à compter de mai 2013 en ce qu'elles se réfèrent aux pièces précitées et notamment dans leur section préliminaire intitulée Sur le rôle du Crédit Agricole dans la commercialisation des prêts en franc suisse » ;

Ordonner le retrait de la pièce adverse dénommée « Liste des clients du Crédit Agricole (numérotée 89 dans le bordereau de G.).

I bis.- Sur l'incident de retrait de pièces soulevées par les emprunteurs

Rejeter la demande de retrait.

II. Sur l'action en nullité de clauses dites abusives

- constater le désistement des époux X. de leurs demandes en nullité et déchéance des intérêts contractuels liées aux clauses sur les intérêts ;

- à titre principal, la déclarer irrecevable en raison de la prescription et comme demande nouvelle en appel ;

- à titre subsidiaire pour les 1er et 2e prêts à la SARL LCI, dire que l'article L. 132-1 du Code de la Consommation ne s'applique pas à la SARL LCI ;

- à titre plus subsidiaire pour les 1er et 2e prêts et subsidiaire pour le 3e prêt, sur les clauses autres que la clause relative aux commissions de change, rejeter les demandes adverses au motif que ces clauses relèvent de l'objet principal des contrats de prêt et qu'elles sont claires et compréhensibles ;

- à titre encore plus subsidiaire sur ces mêmes clauses, rejeter les demandes adverses en raison de l'absence de déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties ;

- à titre plus subsidiaire pour les 1er et 2e prêts et subsidiaire pour le 3e prêt, sur la clause relative aux commissions de change, rejeter la demande adverse en raison de l'absence de déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties ;

- à titre encore plus subsidiaire sur la clause relative aux commissions de change, dire que la nullité est limitée à la clause « Frais » des contrats de prêt.

- à titre encore plus subsidiaire sur les clauses autres que la clause relative aux commissions de change, dire que la nullité doit être étendue à l'intégralité des contrats de prêt.

- et en conséquence donner acte au CAL du désistement de leurs demandes par les consorts X. et la société LCI au cas où la Cour d'appel prononcerait la nullité des contrats de prêt ;

- rejeter toute demande adverse selon laquelle les consorts X. et la société LCI ne seraient plus débiteurs d'aucune somme au-delà des sommes remboursées par l'assureur ;

- et en tout état de cause, dire que les consorts X. et la société LCI restent débiteurs :

* de la somme de 200.000 euros pour le troisième prêt, soit la contrevaleur en euros de la somme due en franc suisse selon le cours EUR/CHF au 30 juillet 2015 ;

* des sommes de 99.000 euros pour le premier prêt et de 114.000 pour le deuxième prêt soit la contrevaleur en euros de la somme due en franc suisse selon le cours EUR/CHF au 30 juillet 2015 ;

* les sommes précitées restent à parfaire, comme indiqué ci-dessous.

- dire que les sommes dues par les consorts X. et la société LCI seront calculées si elles sont payées en euros selon le cours EUR/CHF du jour du remboursement complémentaire ou du jour de la restitution du solde des sommes prêtées en franc suisse et non remboursées par l'assureur ;

- dire qu'en tout état de cause, le risque de change pèsera sur les emprunteurs et non sur le CAL ;

- dire que les parties arrêteront le décompte des sommes à restituer par le CAL, en particulier le décompte des intérêts ;

- dire que les primes d'assurance n'auront pas à être restituées par le CAL.

- dire que les sûretés réelles ou personnelles garantissant les contrats de prêt annulés subsisteront jusqu'à l'extinction de l'obligation de restitution des emprunteurs ;

III. Sur l'action relative au caractère potestatif et indéterminé de certaines clauses

- à titre principal,

la déclarer irrecevable comme demande nouvelle en appel pour les cours de change ;

la déclarer irrecevable en raison de la prescription pour les cours de change et les taux d'intérêt ;

la déclarer irrecevable pour les taux d'intérêt en raison du désistement ;

- à titre subsidiaire, rejeter les demandes adverses.

IV. Sur les demandes en dommages intérêts liées au démarchage

- à titre principal les déclarer irrecevables en raison de la prescription ;

- à titre subsidiaire, les rejeter ;

- confirmer le jugement attaqué :

* en ce qu'il a rejeté la demande fondée sur l'article L. 341-10 du CMF au motif qu'il ne s'applique pas aux prêts ;

* en ce qu'il a rejeté la demande fondée sur l'article L. 341-3-3° du CMF ;

- Infirmer le jugement attaqué en ce qu'il a annulé les prêts pour démarchage illicite, et statuant à nouveau :

* à titre principal, juger que les articles L. 341-11 CMF, L. 341-12 CMF, L. 341-16 CMF ne s'appliquent pas à des contrats de prêt ;

* à titre subsidiaire, en ce qui concerne l'article L. 341-16 du CMF, juger qu'il ne s'applique pas aux prêts visés par les articles L. 312-1 et suivants du Code de la consommation, selon l'article L. 341-16 III 2° du CMF ;

* à titre subsidiaire, juger que le CAL n'a pas violé les articles L. 341-11 CMF, L. 341-12 CMF et L. 341-16 CMF ;

* à titre plus subsidiaire, juger qu'il n'y a pas eu démarchage des époux X. en ce qui concerne les prêts litigieux ;

* à titre encore plus subsidiaire, juger que la sanction de la nullité n'est que facultative dans le cas d'une violation des articles L. 341-11 CMF, L. 341-12 CMF et L. 341-16 CMF ;

- dire qu'il n'y a pas eu démarchage des époux X. et de la société LCI en ce qui concerne les prêts litigieux ;

- dire que le CAL n'a commis aucune faute et n'est pas responsable du chef de la Financière Européenne d'Investissement ;

V. Sur les demandes en dommages intérêts liées à l'impossibilité d'investir et au préjudice moral

- Infirmer le jugement attaqué en ce qu'il a condamné le CAL à des dommages et intérêts complémentaires d'un montant total de 27.000 euros pour préjudice financier résultant de l'indisponibilité des fonds et préjudice moral subi par les demandeurs,

- et statuant à nouveau, rejeter la demande adverse ;

VI. Sur les demandes en nullité des prêts pour démarchage illicite et pour clause imposant à l'emprunteur de payer en franc suisse

- constater le désistement de leurs demandes par les consorts X. et la société LCI ;

- en conséquence dire que le jugement attaqué est caduc et n'a plus d'effet en ce qu'il a annulé les trois contrats de prêt aux consorts X. et à la société LCI et la nullité des contrats d'assurance-décès ;

VII - Sur l'action en responsabilité contre le CAL du chef de ses obligations pré-contractuelles de banquier prêteur

- juger que le CAL n'est intervenu qu'en qualité de banquier prêteur,

- juger que le CAL n'était tenu d'aucune obligation d'information ni sur le risque de change, ni sur le risque de taux ;

- juger que les époux X. et la SARL LCI sont des emprunteurs avertis,

- à titre subsidiaire, juger qu'il n'y avait aucun risque de surendettement ;

- à titre plus subsidiaire, juger que les époux X. et la SARL LCI ont été mis en garde sur le risque de surendettement, en l'espèce sur le seul risque de change ;

- juger, en conséquence, que le CAL n'a commis aucune faute ;

- à titre encore plus subsidiaire, juger que les époux X. et la SARL LCI n'ont subi aucun préjudice, même fondé sur une perte de chance, ni sur le risque de change, ni sur le risque de taux ;

- juger que l'action en responsabilité est non fondée et rejeter toutes les demandes liées à cette action.

VIII.- Sur l'action en responsabilité liée à l'ADI

- à titre principal, la déclarer irrecevable comme demande nouvelle en appel et en vertu de la prescription ;

- à titre subsidiaire, la rejeter.

IX - Sur la demande de déchéance du CAL de son droit aux intérêts

- juger que les prêts à la société LCI ne sont pas soumis aux articles L. 312-1 et suiv. C. Cons. ;

- juger qu'aucun des griefs relatifs au prêt aux époux X. n'est fondé ni en droit ni en fait ;

- rejeter la demande en déchéance du droit aux intérêts du CAL, au titre des trois prêts.

X. Sur la demande en mainelvée des contrats d'assurance-vie garantissant les trois prêts litigieux

- la rejeter.

XI. Article 700CPC et dépens

- infirmer le jugement attaqué en ce qu'il a condamné le CAL au titre de l'article 700CPC et aux dépens ;

- condamner in solidum les époux X. et la SARL LCI à 50.000 euros au titre de l'article 700CPC,

- condamner in solidum les époux X. et la SARL LCI aux dépens de première instance et d'appel ».

S'agissant de la demande de retrait de pièces et de conclusions qu'il forme, le Crédit Agricole se prévaut d'abord du secret bancaire et du secret des entreprises d'investissement et fait valoir :

- qu'ACP est tenue au secret bancaire en vertu de l'article L. 511-33 du CMF et au secret professionnel en vertu de l'article L. 531-12 du même code ; l'article L. 511-33 précité est applicable immédiatement, pour les informations acquises avant l'entrée en vigueur de la loi du 4 août 2008, et s'applique aux CGP qui rentrent dans le champ d'application de l'article L. 511-33 précité ;

- que les conventions de partenariat pouvaient stipuler une extension du secret bancaire ayant une valeur contractuelle ;

- que le secret bancaire est opposable par une banque dans une instance civile lorsqu'elle n'est pas une partie opposée au client bénéficiaire du secret, ce qui exclut qu'une preuve puisse être tirée de pièces couvertes par ledit secret qui constitue un motif ou empêchement légitime au sens des articles 10 et 11 du code de procédure civile ; la production de pièces en violation du secret bancaire est également censurée par l'article 9 du code de procédure civile ;

- que la jurisprudence relative au droit de la preuve à laquelle le tribunal s'est référé, rendue en matière de secret des correspondances, ne saurait être étendue en matière de secret professionnel, celui-ci prévalant en cas de conflit avec la demande d'une partie de disposer de pièces couvertes par ce secret ;

- que les autorisations de levée du secret bancaire sont doublement limitées, subjectivement en ce qu'elles excluent les banques tierces, les tiers non demandeurs et les salariés ou anciens salariés de la banque et objectivement en ce qu'elles ne peuvent viser que des pièces relatives à l'objet du litige ;

- qu'il ne suffit pas de dissimuler un nom d'un tiers pour supprimer la violation du secret bancaire.

Le Crédit Agricole invoque ensuite le secret des correspondances résultant de l'article 8 CEDH et de l'article 2 de la déclaration des droits de l'homme et réprimé par l'article 226-15 alinéa premier du code pénal. Il fait valoir :

- que la jurisprudence relative au droit de la preuve ne peut être appliquée aux pièces également couvertes par le secret bancaire et, en toute hypothèse, a été mal appliquée par le tribunal qui s'est contenté d'une motivation stéréotypée ;

- que les autorisations de levée du secret sont sans portée à l'égard des tiers non demandeurs ;

- que la remise volontaire par ACP et l'autorisation donnée par cette société sont illégales ;

- que la discussion contradictoire ne saurait couvrir l'illicéité flagrante de la production des pièces adverses.

Ainsi, le Crédit Agricole estime :

- que la communication des courriels entre ACP et lui-même relatifs à des opérations concernant d'autres caisses régionales est illicite au regard des règles concernant les correspondances confidentielles sans que les demandeurs puissent invoquer leur droit à la preuve, faute de démontrer le caractère indispensable de ces éléments et en quoi leur droit à la preuve devrait l'emporter, et alors que les autorisations de levée du secret bancaire sont sans portée ;

- que la communication des courriels entre ACP et lui-même relatifs à des prêts en francs suisses en général est illicite au regard du secret bancaire auquel ACP est tenu par la loi et par les conventions de partenariat, au regard des règles concernant les correspondances confidentielles et de celles sur la production des pièces, les autorisations de levée du secret bancaire étant sans effet ;

- que la communication de courriels entre ACP et lui-même relatifs à des particuliers non demandeurs est illicite pour les mêmes raisons, la cancellation du nom des tiers ne supprimant pas l'illicéité et les autorisations de levée du secret étant sans effet ;

- que les courriels entre ACP et lui-même relatifs à des particuliers demandeurs doivent être retirés quand ils visent également des tiers non demandeurs ;

- que la lettre d'ACP à M. C. du 24 septembre 2007 est couverte par le secret bancaire de la Banque Patrimoine Immobilier et que sa communication est illicite au regard du secret bancaire partagé par ACP avec cette banque ainsi que des règles concernant les correspondances confidentielles, sans que le droit à la preuve puisse être opposé par les demandeurs autres que les époux C. et sans que l'autorisation de M. C. ait un quelconque effet ;

- que les sommations interpellatives faites à ses salariés sont une incitation illicite à faire commettre le délit de violation du secret professionnel, l'invocation du droit à la preuve et les autorisations de levée du secret bancaire étant inopérantes.

S'agissant de la demande de retrait de pièces faite à son encontre, le Crédit Agricole s'y oppose en objectant qu'elle n'est pas motivée et que ces pièces ont fait l'objet d'autorisations de levée du secret bancaire ou de renonciations à la confidentialité.

A titre subsidiaire, le Crédit Agricole fait valoir que les pièces adverses communes sont inutiles à la solution du litige et ont été utilisées pour l'énoncé de contre-vérités.

Sur le fond, à titre préalable, le Crédit Agricole relève notamment que le risque de change lié à la parité euro/franc suisse s'était concrètement manifesté avant la conclusion des prêts et que la hausse du franc suisse depuis 2010 était imprévisible au moment de la conclusion des prêts tout en s'inscrivant dans le risque de change parfaitement connu des emprunteurs. Il note aussi que les taux variables d'intérêt des prêts litigieux en franc suisse ont toujours été substantiellement inférieurs aux taux variables des prêts en euro.

En ce qui concerne la nature juridique des prêts et ses conséquences, le Crédit Agricole soutient que la jurisprudence admet la validité des clauses définissant l'objet du prêt en devise étrangère dès lors que des paiements en euro sont également possibles et que tant le droit positif français récent que le droit récent de l'Union européenne confirment cette licéité.

Or, il fait valoir qu'il résulte des clauses des prêts litigieux (montant du crédit, montant mis à disposition, montants à rembourser, intérêts) qu'il s'agit de prêts en devises, le franc suisse, et non de prêts en euros indexé sur le franc suisse et que l'exécution des contrats de prêt corrobore cette qualification de prêt en devises. Il prétend aussi que le prêt prévoit la possibilité d'effectuer des paiements en euro tout en stipulant des clauses de paiement en monnaie étrangère et réfute la thèse adverse de l'impossibilité de payer en euro, en faisant notamment valoir que le remboursement réalisé par l'emprunteur grâce au débit de son compte en euro est libératoire pour lui.

A titre surabondant, il conclut à la validité d'une indexation sur une devise d'un prêt en euro conclu avec une banque en vertu de l'article L. 112-2 du CMF.

Il déduit de la qualification de prêt en devises qu'en cas d'annulation, l'emprunteur doit restituer le montant en francs suisses mis à sa disposition, l'opération de change en vertu de laquelle les emprunteurs ont reçu les fonds en euro étant indifférente quant à la nature de l'obligation. Il fait valoir que le recours par le tribunal à l'enrichissement sans cause est erroné et que l'application du cours euro/franc suisse du jour de la mise à disposition aboutirait à son appauvrissement. Il conteste la thèse adverse reposant sur l'indivisibilité suivant laquelle même en cas de prêt en francs suisses, l'obligation de remboursement porterait sur un montant en euro au cours du jour de la mise à disposition.

Il s'oppose aussi à la requalification en contrat financier en raison des opérations de change, invoquant qu'elle a été écartée par un arrêt de la CJUE du 3 décembre 2015, que le contrat litigieux est bien un prêt, sans échanges de devises, et non un contrat financier au sens de la directive n° 2004/39/CE, les opérations de change n'étant qu'accessoires et connexes à des opérations de banque.

En ce qui concerne le démarchage, le Crédit Agricole observe que la demande est fondée sur l'article L. 341-1 alinéa 2 du CMF qui, selon lui, exige comme l'alinéa premier une prise de contact. Il en déduit que lorsqu'une réunion se tient au domicile ou sur le lieu de travail des personnes clientes ayant auparavant signé un contrat en vertu duquel se tient la réunion, il n'y a pas de démarchage. Il affirme aussi que la qualification de démarchage ne peut être retenue que pour la convention qui a fait l'objet de négociations détaillées lors de la réunion.

Or, en l'espèce, il soutient que les emprunteurs ont d'abord conclu avec leurs CGP une convention de type mandat de recherche, lesquels leur ont proposé un investissement défiscalisant, et lui ont alors fait connaître, par l'intermédiaire de ces conseils, leur souhait d'obtenir un prêt pour financer l'investissement. Il estime que la prise de contact initiale, à supposer qu'elle soit prouvée, n'a pu avoir pour but que la conclusion de la convention de conseil et non de prêt, à défaut de tous documents précontractuels ou contractuels relatifs aux prêts à ce stade, et que les négociations menées ensuite, y compris au domicile ou sur le lieu de travail des personnes, sont des actes d'exécution des conventions de conseil. Il soutient que les éventuelles conventions de partenariat signées avec les CGP, en vertu desquelles ceux-ci sont des courtiers agréés par le Crédit Agricole, ne remettent pas en cause les conventions de conseil et ne constituent qu'une modalité d'exécution de l'obligation de rechercher un financement.

Il souligne l'indépendance des CGP et l'absence de convention de conseil entre les emprunteurs et lui-même. Il soutient que les conventions de partenariat excluent toute représentation de sa part par les CGP et tout démarchage pour son compte par ceux-ci. Il invoque à cet égard la jurisprudence qui, selon lui, distinguait les intermédiaires en opérations de banque, IOB, mandataires de la banque de ceux agissant pour le compte de leurs clients, distinction maintenue par loi du 22 octobre 2010.

Contestant que les conseils en gestion de patrimoine soient ses mandataires, il en déduit que l'affirmation suivant laquelle il serait responsable des actes fautifs des CGP est infondée, ajoutant qu'elle est contraire à la législation qui a écarté toute responsabilité civile pour autrui d'une banque du chef des IOB.

Il soutient que les demandeurs ne peuvent avoir recours à des présomptions pour établir le démarchage. Il prétend que l'allégation d'un démarchage systématique par les sociétés de CGP et d'une information de sa part des réunions entre les CGP et les emprunteurs est erronée. Il fait valoir que la preuve d'un démarchage doit résulter de pièces propres à chaque dossier. Il critique la motivation du jugement ayant retenu le démarchage en ce qu'elle a dénaturé ses relations avec les CGP et méconnu la finalité des actes de démarchage qui, à les supposer établis, tendaient à la conclusion des conventions de conseil, les documents relatifs aux prêts n'ayant pas été discutés avant la signature desdites conventions.

Le Crédit Agricole fait valoir que par leurs conclusions de novembre 2016, les consorts X. et la SARL LC Immobilier se sont désistés de leurs demandes en nullité pour démarchage illicite pour y substituer des demandes de dommages et intérêts.

Il s'oppose au moyen tiré de l'article L. 341-10 du CMF aux motifs que le législateur a édicté de façon constante la licéité du démarchage par les banques en vue de conclure des opérations de crédit, que l'article précité exclut les prêts bancaires de son champ d'application, qu'en l'espèce, le risque de change ne crée aucune incertitude sur le montant en francs suisses à rembourser et que la requalification en contrat financier est exclue.

Il s'oppose également au moyen tiré de l'article L. 341-3 3° du CMF en faisant valoir que les conseils en investissements financiers peuvent démarcher pour les opérations de banque visées à l'article L. 541-1-I 2° du CMF dans sa version de la loi du 1er août 2003. A titre subsidiaire, invoquant à nouveau que les CGP n'étaient pas ses représentants et que les conventions de partenariat excluaient le démarchage pour ses crédits, il en déduit qu'un éventuel démarchage des CGP au sujet du prêt litigieux ne saurait entraîner sa responsabilité.

Il conclut à l'absence de violation des articles L. 341-4, 6 et 8 du CMF en faisant valoir que ses salariés ont été enregistrés auprès de la Banque de France sous un certain numéro, sont titulaires d'une carte de démarcheur et n'ont pas fourni de conseils en investissement. Il ajoute qu'il n'avait pas à enregistrer, ni à faire délivrer une carte de démarcheur aux CGP puisqu'ils n'étaient pas ses mandataires.

S'agissant des règles de bonne conduite (L. 341-11, 12 et 16 du CMF), il prétend que ces dispositions ne sont pas applicables aux prêts et qu'à titre subsidiaire, il a donné des informations sur le droit de rétractation ainsi que sur l'objet des prêts et qu'il n'est pas exigé que les informations sur le démarcheur soient mentionnées par écrit.

Il conclut à la prescription de la demande de dommages et intérêts pour perte de chance fondée sur le démarchage illicite en application de l'article L. 110-4 du code de commerce, le délai ayant couru à compter des prêts alors que la demande a été présentée le 14 novembre 2016, et prétend que les demandeurs ne sauraient se prévaloir de leur action en nullité puisqu'ils s'en sont désistés. Sur le fond de cette demande, il conteste toute faute de sa part et toute responsabilité pour les actes des CGP. Il conteste également l'existence d'une perte de chance de ne pas contracter et, à titre subsidiaire, estime que le pourcentage de perte de chance devrait être fixé à un niveau extrêmement bas compte tenu notamment de la connaissance du risque de change par les emprunteurs et du caractère imprévisible de la hausse substantielle du franc suisse lors de la conclusion des contrats.

Il conclut au rejet de la demande de dommages et intérêts liée à l'impossibilité d'investir et pour préjudice moral en arguant à nouveau de son absence de faute et en contestant les préjudices invoqués.

Le Crédit Agricole soutient que les attestations de M. A. sont suspectes et en définitive mensongères et fait valoir en toute hypothèse que la preuve d'un démarchage n'est pas rapportée car une convention de conseil a été conclue entre les époux X./la SARL LC Immobilier et la FEI portant à la fois sur les investissements et leur financement et que cette société a agi exclusivement au nom des demandeurs, la transmission des demandes de prêt et les réunions sur le lieu de travail des époux X. étant des actes d'exécution de la convention de conseil et non des prises de contact.

En ce qui concerne la contestation de clauses qui seraient abusives, le Crédit Agricole conclut d'abord à l'irrecevabilité de la demande en raison :

- de la prescription, s'agissant d'une action s'apparentant à une action en nullité relevant d'un ordre public de protection qui se prescrit par 5 ans avant comme après la loi du 17 juin 2008 de telle sorte que le délai a expiré les 8 juillet et 13 août 2013 alors que les demandes ont été formulées par des conclusions du 6 juillet 2015 ; la prescription n'a pas été interrompue par les demandes en nullité puisque les consorts X. et la SARL LC Immobilier s'en sont désistés ;

- du caractère nouveau de la demande en appel en ce qu'elle ne tend qu'à la nullité de certaines clauses et non des contrats de prêt, ce d'autant plus du fait du désistement des demandes en nullité. Le moyen tiré du fait nouveau résultant du décès de Ch. X. est inopérant, la contestation des clauses abusives étant antérieure à cet événement.

A titre subsidiaire, il soutient que la SARL LC Immobilier n'est pas un non professionnel au sens de l'article L. 132-1 du code de la consommation, au regard de son objet social et du but du financement des contrats.

A titre également subsidiaire, il considère qu'il n'existe pas de clause d'indexation et que la quasi-totalité des clauses contestées relèvent de l'objet principal du contrat au sens de l'article L. 132-1 alinéa 7 du code de la consommation ainsi que des prestations essentielles des contrats de prêt au sens de la jurisprudence de la CJUE et qu'elles sont rédigées de façon claire et compréhensible, la clause sur le risque de change ne portant pas sur les droits et obligations des parties. Il en déduit qu'elles ne sauraient donner lieu au contrôle du caractère abusif. A titre plus subsidiaire, il dénie l'existence d'un déséquilibre significatif en faisant valoir :

- que l'emprunteur restitue le montant en francs suisses prêté, même s'il le fait en euros, et que lui-même perçoit la somme en francs suisses ou euros lui permettant de rembourser le prêt contracté afin d'assurer la mise à disposition des fonds et son maintien pendant toute la durée du contrat ;

- qu'il n'a pas de pouvoir unilatéral de fixation dans la détermination du taux d'intérêt ;

- qu'il est de notoriété que toute opération de change donne lieu à des prestations sur le marché des changes justifiant une rémunération, que le montant de ces commissions est très modeste, que l'emprunteur peut réaliser lui-même les opérations de change, que le barème des commissions a été adressé aux emprunteurs et qu'une banque peut fixer le montant de ses commissions d'intervention ;

- qu'il n'a pas de pouvoir de fixation du cours euro/franc suisse et que la faculté pour les emprunteurs d'effectuer eux-mêmes les opérations de change exclut tout déséquilibre significatif.

A titre encore plus subsidiaire, il soutient que mise à part la clause frais relative aux commissions de change, le contrat ne pourrait subsister sans les autres clauses critiquées de telle sorte que sa nullité serait alors encourue.

Le Crédit Agricole soutient que le tribunal a statué ultra petita et à tort, faute de présence de l'assureur, en prononçant la nullité des contrats d'assurance décès. Il ajoute que les sûretés personnelles et réelles garantissant les prêts annulés subsistent jusqu'à l'extinction de l'obligation de restitution des emprunteurs.

En ce qui concerne les demandes relatives au caractère indéterminé et potestatif de certaines clauses, demandes formées en 2014 et 2016, le Crédit Agricole conclut d'abord à leur irrecevabilité :

- en raison de la nouveauté de la demande pour le cours de change puisque aucune demande relative au cours euro/CHF appliqué aux opérations de change n'a été présentée en première instance ; les intimés ne peuvent se prévaloir des demandes en nullité dans la mesure où ils s'en sont désistés et le décès de Ch. X. ne justifie pas cette nouvelle demande ;

- en raison de la prescription pour le taux d'intérêt et le cours de change aux motifs que l'action en nullité de la stipulation d'intérêt fondée sur l'article 1907 du code civil se prescrit par 5 ans à compter du prêt et que celles en nullité de la stipulation du taux fondée sur son caractère potestatif ainsi qu'en nullité de la stipulation relative aux cours de change se prescrivaient par 10 ans en vertu de l'article L. 110-4 du code de commerce mais que ce délai a été réduit à 5 ans par la loi du 17 juin 2008 et a donc expiré le 8 juillet 2013 pour les prêts à la SARL LC Immobilier et le 13 août 2013 pour le prêt aux époux X. ;

- en raison du désistement pour les actions relatives au taux d'intérêt, le désistement résultant du fait que les demandes adverses ont été remplacées par les actions fondées sur le caractère abusif des clauses par les conclusions du 6 juillet 2015.

Sur le fond, il s'oppose aux demandes relatives au taux d'intérêt aux motifs que le taux a été fixé par écrit conformément à l'article 1907 du code civil, que l'application de l'article 1174 du code civil est exclue, en l'absence de condition, de potestativité de la part du débiteur et de pouvoir ou d'influence de la banque sur le taux de l'eurodevise CHF à 3 mois. Il fait encore valoir qu'aucune clause du contrat ne l'autorise à modifier le taux d'intérêt. De même, il s'oppose aux demandes relatives au cours de change en contestant l'application de l'article 1174 du code civil, le cours de change n'étant pas une condition et le Crédit Agricole étant sans influence sur celui-ci. Il conteste aussi avoir pu modifier unilatéralement les opérations de change.

En ce qui concerne l'action en responsabilité, le Crédit Agricole fait valoir que la législation sur les prestations de services d'investissement est inapplicable, le prêt n'étant pas un contrat financier et lui-même n'ayant eu qu'une activité de prêteur, et estime que le seul droit applicable est celui de la responsabilité du banquier dispensateur de crédit en vertu duquel le banquier doit vérifier si l'emprunteur est averti et si tel n'est pas le cas, vérifier l'existence d'un risque de surendettement et mettre en garde l'emprunteur en cas de risque, à défaut de toute autre obligation précontractuelle.

Or, il soutient que les emprunteurs étaient avertis, au regard notamment de leur conseil par un CGP professionnel, de leur expérience en matière immobilière et du but recherché, ce qui exclut toute obligation de mise en garde à sa charge. A titre subsidiaire, il invoque l'absence de risque de surendettement et, à titre plus subsidiaire, allègue avoir procédé à une mise en garde suffisante en avertissant les emprunteurs sur le risque de change par les clauses des contrats de prêt et par une notice distincte. A titre subsidiaire, il conteste l'existence d'une perte de chance au regard du risque de change et considère en toute hypothèse que le pourcentage devrait être fixé à un niveau particulièrement bas en raison notamment du fait que la hausse du franc suisse n'était pas prévisible. Il conteste fermement toute perte de chance du chef d'intérêts à taux variable au motif essentiel que les taux variables des prêts en cause ont considérablement baissé.

Il conclut à l'irrecevabilité de la demande de dommages et intérêts relative à la non couverture de l'évolution du cours de change après la mise à disposition des fonds par l'assurance décès-invalidité en raison de son caractère nouveau. Il conteste l'existence d'un fait nouveau au sens de l'article 564 du code de procédure civile et estime que les demandes antérieures ne peuvent être invoquées dès lors qu'elles concernaient les prêts et non l'assurance. Il invoque subsidiairement la prescription. Il prétend que s'agissant d'une action en responsabilité pour perte de chance, le délai a couru à compter des prêts et expiré avant la demande faite par des conclusions du 15 mars 2016 et qu'en tout état de cause, l'emprunteur a eu connaissance du défaut d'assurance d'une éventuelle différence de change au plus tard en 2009/2010, époque de hausse du franc suisse. Sur le fond, il conclut au rejet aux motifs que les époux X. ont été informés de l'absence de couverture de l'éventuelle perte de change, notamment par l'offre de prêt qui leur a été faite, et que le défaut de couverture lors du décès de Ch. X. résulte de la propre faute des époux X. et de la SARL LC Immobilier. A titre encore plus subsidiaire, il prétend que la perte de chance est extrêmement faible, du fait du manque de probabilité d'une hausse du franc suisse lors de la conclusion des contrats de prêt.

En ce qui concerne la demande de déchéance du droit aux intérêts fondée sur l'article L. 312-33 du code de la consommation, le Crédit Agricole soutient d'abord que les prêts à la SARL LC Immobilier ne sont pas soumis aux articles L. 312-1 et suivants du code de la consommation car destinés à financer une activité professionnelle. En tout état de cause, il estime qu'un certain nombre des griefs invoqués sont inapplicables aux prêts litigieux (coût total du crédit, notice sur la variation du taux d'intérêt) et que d'autres ne sont pas sanctionnés par la déchéance du droit aux intérêts. Il fait valoir que le grief relatif au délai de réflexion de 10 jours manque en fait, de même que celui sur l'objet du crédit. Le grief fondé sur la mention des frais de dossier lui semble manquer en droit, l'offre n'ayant pas à mentionner le détail des frais de dossier. Il conteste le caractère erroné du TEG tiré de la non prise en compte des commissions de change au motif que celles-ci, non perçues systématiquement, ne sont pas une condition d'octroi du prêt et qu'elles correspondent à un service de change distinct du prêt. Il conteste également le grief du caractère erroné du TEG en ce qu'il est calculé sur 360 jours en invoquant notamment la fluctuation de la jurisprudence sur ce point. Il fait valoir en tout état de cause que les moyens adverses se cantonnent à des griefs non significatifs, rendant toute sanction de déchéance totale ou partielle disproportionnée et donc illégale.

 

Par conclusions de leur avocat du 14 novembre 2016, Y. veuve X., la SARL LC Immobilier et Cl. X. ainsi que L. X., en qualité d'ayants-droit de Ch. X. demandent à la Cour de :

« I - Sur l'incident

- DEBOUTER le Crédit Agricole de ses demandes de rejet de pièces ;

- ORDONNER en revanche le retrait des débats des pièces du Crédit Agricole dénommées PJ Appel - exPJ13, pièces appels 3, 4, 9-1 à 9-5, 10, 22, 23-2 et 23-4 ;

II - Sur les demandes au fond

- CONFIRMER le jugement en ce qu'il a :

* reconnu que les époux X. et la société LC Immobilier ont fait l'objet d'un démarchage illicite ;

* condamné le Crédit Agricole à payer aux époux X. et à LC Immobilier des dommages-intérêts ;

* condamné le Crédit Agricole au paiement des frais irrépétibles et dépens ;

- INFIRMER le jugement en ce qu'il a :

* débouté les époux X. et la LC Immobilier du surplus de leurs demandes.

Ce faisant, statuant à nouveau :

A titre principal :

- DIRE et JUGER que la clause des prêts stipulant une indexation de la dette du débiteur selon le cours de change euro/franc suisse ainsi que celle mettant le risque de change à la charge exclusive de l'emprunteur et enfin celle portant intérêt conventionnel sont abusives ;

A titre subsidiaire,

- DIRE et JUGER que la clause des prêts stipulant une indexation de la dette du débiteur selon le cours de change euro/franc suisse ainsi que celle portant intérêt conventionnel sont indéterminées et purement potestatives ;

En toute hypothèse, si les clauses sont jugées inopposables :

- CONDAMNER en conséquence le CRÉDIT AGRICOLE à rembourser l'intégralité des sommes versées par les époux X. et la LC Immobilier ;

- DIRE et JUGER que les consorts X. ne sont plus débiteurs d'aucune somme du fait de la prise en charge par l'assurance décès-invalidité du capital emprunté en euro ;

A titre plus subsidiaire si l'inopposabilité des clauses d'indexation ou d'intérêt n'était pas retenue par la Cour :

- DIRE et JUGER que les époux X. et la société LC Immobilier ont été illégalement démarchés en raison des fautes de la banque ;

- DIRE et JUGER en outre que le Crédit Agricole est responsable du défaut d'information, de classification du client, de proposition d'opérations adaptées, de défaut d'information sur les risques liés à un emprunt en devise étrangère et sur la variabilité du taux, et de mise en garde des époux X. et la société LC Immobilier lors de la souscription de leurs emprunts et de l'assurance décès-invalidité

- DIRE et JUGER en conséquence que toutes ses fautes ont concouru individuellement et collectivement à la signature des contrats litigieux ;

- DIRE et JUGER en conséquence que le Crédit Agricole supportera seul la perte de change ;

- CONDAMNER en conséquence le Crédit Agricole au paiement de la somme de :

* 200.000 euros au profit des époux X. au titre de la perte de change ;

* 213.000 euros au profit de LC Immobilier, au titre de la perte de change.

- DIRE et JUGER en outre que les crédits violent les dispositions légales impératives du Code de la consommation ;

- PRONONCER en conséquence la déchéance du droit aux intérêts et aux commissions de change du Crédit Agricole pour les prêts ci-avant énoncés ;

- CONDAMNER en conséquence le Crédit Agricole à rembourser aux consorts X. et à la société LC Immobilier la somme correspondant aux intérêts conventionnels indûment versés, à savoir notamment :

* au profit de la société LC Immobilier la somme de 171.877 euros selon décompte arrêté au 10 avril 2014 ;

* au profit des consorts X. la somme de 39.597,40 euros selon décompte arrêté au 15 décembre 2015 ;

En toute hypothèse :

- ORDONNER la mainlevée des nantissements des trois contrats assurance-vie Crédit Agricole Predica Contrat Floriane M. nº 86UU940 nanti au profit du prêt nº 86XX514 ; assurance-vie Crédit Agricole Predica Contrat Floriane Mme nº 864TT7173 nanti au profit des prêts nº 864YY50 et nº 864ZZ661 ; assurance-vie Crédit Foncier Arcalis UBS Contrat UBS Trio Sélection Vie nº 94600432 nanti au profit du prêt nº 86XX514 ;

- CONDAMNER le Crédit Agricole à verser à chacun des demandeurs la somme de 20.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- CONDAMNER le Crédit Agricole aux entiers dépens. »

A titre liminaire, les intimés affirment que la banque, véritable partenaire du promoteur et du CGP, a fait signer des conventions de partenariat exclusif à ce dernier auquel elle a adressé ses propositions de crédit comprenant une formule de prêt en francs suisses ; les CGP contactaient les clients qui étaient alors souvent invités à des réunions dont le principe était connu du Crédit Agricole et auquel il était susceptible de participer ; le CGP se déplaçait ensuite au domicile ou sur le lieu de travail du client pour le convaincre sans mentionner de risque de perte de change et en cas d'écho favorable, adressait une fiche de liaison au Crédit Agricole, ensuite de quoi une nouvelle visite chez le prospect était fixée au cours de laquelle le CGP était souvent accompagné d'un membre du Crédit Agricole ; une fois le prêt signé, la banque versait des commissions au CGP ou percevait des rétro-commissions quand elle désignait le client à approcher au CGP.

En ce qui concerne la demande visant à ordonner le retrait de pièces et de conclusions, les intimés font valoir sur le secret bancaire :

- que les articles L. 511-33 et L. 511-12 du CMF issus de la loi du 6 août 2008 ne sont applicables qu'aux informations transmises ou recueillies après son entrée en vigueur et qu'antérieurement à cette loi, seuls la banque et ses salariés étaient débiteurs du secret professionnel ;

- que même à appliquer rétroactivement cette loi, la banque n'a ni conclu, ni exécuté, ni négocié d'opérations de crédit avec les CGP si bien qu'elle ne peut invoquer le secret bancaire partagé ;

- qu'au surplus, le bénéficiaire du partage d'informations n'est soumis qu'à une obligation civile de confidentialité ;

- qu'en vertu du dernier alinéa de l'article L. 511-33 du CMF, la banque aurait dû obtenir le consentement exprès de ses clients pour partager avec une société de CGP des informations les concernant. A défaut, elle a violé le secret professionnel et les CGP ne peuvent alors être considérés comme dépositaires de ce secret ;

- que le secret professionnel du banquier a été institué aux seules fins de protéger le client de sorte que celui-ci peut le lever non seulement pour les procédures auxquelles il est partie mais pour celles auxquelles il n'est pas partie. En l'espèce, l'ensemble des demandeurs dont les noms sont cités dans les pièces dites communes ont expressément levé le secret bancaire les concernant et autorisé l'utilisation des pièces les intéressant par les autres demandeurs ;

- que ne peuvent être considérées comme confidentielles que des informations présentant un caractère suffisamment précis de nature à porter atteinte au secret des affaires ou à l'intimité de la vie privée. Tel n'est pas le cas d'un certain nombre de mails versés aux débats et en tout état de cause, le fait d'avoir supprimé tout élément d'identification des personnes concernées protège celles-ci contre tout grief de violation du secret.

Ils relèvent sur le secret des correspondances que la violation de celui-ci suppose la démonstration de l'obtention frauduleuse des pièces alors qu'en l'espèce, les correspondances produites ont été obtenues de façon licite.

Ils observent qu'une seule des sommations interpellatives versées a été fructueuse et qu'elle ne contient aucune information couverte par le secret bancaire concernant un tiers autre que le requérant, lequel a levé le secret.

Ils se prévalent de l'existence d'atteintes licites aux secrets en ce :

- que le secret bancaire n'est pas absolu et qu'une atteinte au secret professionnel, dont fait partie le secret bancaire, et à la vie privée peut être justifiée par l'exigence de la protection d'autres intérêts, dont celle des droits de la défense si l'atteinte reste proportionnée au but recherché, le secret professionnel, hormis celui du notaire ou de l'avocat, s'éclipsant en vertu du droit à la preuve ;

- que de même, le droit à la preuve justifie une atteinte aux droits de la personnalité et, plus particulièrement, une atteinte à la vie privée et au secret des correspondances sous réserve de la proportionnalité et que les preuves n'aient pas été obtenues au moyen d'une infraction pénale ;

- que les pièces litigieuses s'avèrent essentielles au triomphe de leurs prétentions en ce qu'elles démontrent que les IOB du Crédit Agricole s'adonnaient de manière systématique à du démarchage, que le Crédit Agricole n'ignorait pas les actes de démarchage illicites réalisés par ses IOB, était en étroite relation avec ces derniers et y participait activement.

Ainsi ils s'opposent à la demande de retrait en reprochant au Crédit Agricole d'avoir lui-même versé des pièces relatives à des emprunteurs non parties aux procédures pendantes devant la Cour ou tiers au présent litige.

A titre principal, les intimés arguent du caractère abusif de certaines clauses des prêts en ce :

- que plusieurs clauses sont abusives faute d'être intelligibles, c'est-à-dire présentées de manière claire et compréhensible (objet du crédit, clause d'indexation déguisée, durée du prêt, nature du taux, taux appliqué) ;

- qu'elles créent un déséquilibre significatif par le pouvoir unilatéral de la banque (taux d'intérêt appliqué, commissions de change) ;

- qu'elles créent un déséquilibre significatif à raison du caractère illicite de la clause obligeant l'emprunteur à un remboursement en francs suisses ;

- qu'elles créent un déséquilibre significatif sur le risque de change.

Ils font valoir que la clause d'indexation, de même que celles relatives à la fixation de l'intérêt et du risque de change ne constituent pas l'objet principal du contrat.

Ils considèrent que les clauses d'indexation et d'intérêt leur sont dès lors inopposables sans rendre le contrat nul, ce dont il résulte qu'ils ne sont plus débiteurs que du capital emprunté et doivent être déchargés de l'intérêt conventionnel, sans que l'intérêt légal puisse s'y substituer, sauf à priver d'effet la sanction car il est supérieur à l'intérêt conventionnel. Ils en déduisent que le Crédit Agricole doit leur rembourser l'intégralité des échéances payées et qu'eux-même ne sont tenus que du paiement du capital emprunté en euro, lequel a déjà été remboursé au Crédit Agricole par l'assureur.

Ils s'opposent à l'irrecevabilité de la demande pour cause de prescription en arguant qu'une demande tendant à faire constater le caractère abusif d'une clause n'est soumise à aucun délai de prescription. Ils contestent également le caractère nouveau de la demande. Ils précisent préalablement à ce titre qu'ils entendent désormais poursuivre l'inopposabilité des clauses litigieuses en lieu et place de la nullité du fait du remboursement du capital restant dû en euros consécutif au décès de Ch. X. au titre de l'assurance décès. Ils font valoir que la finalité de leur demande actuelle est la même que celles des demandes de première instance qui visaient à laisser à la charge de la banque la perte de change et à écarter les intérêts conventionnels. Ils soutiennent en outre que le décès de Ch. X. constitue un fait nouveau au sens de l'article 564 du code de procédure civile.

A titre subsidiaire, les intimés invoquent le caractère indéterminé et purement potestatif de certaines clauses : la clause relative au taux d'intérêt qui ne précise pas l'indice de référence et s'avère confuse sur le caractère variable ou fixe du taux et celle sur l'indexation liée au franc suisse faute d'indication sur le cours de change pris en référence lors du déblocage et à chaque échéance de remboursement. Cette indétermination heurte l'exigence de prévisibilité contractuelle résultant de l'article 1907 du code civil et laisse la banque compléter les clauses lacunaires selon sa seule volonté, en contravention de l'article 1174 du code civil, qui s'applique même si l'obligation n'est pas affectée d'une condition ou si elle est au pouvoir du créancier, et du principe de bonne foi contractuelle fondé sur l'article 1134 du code civil. Ils en déduisent que ces clauses sont inopposables, ajoutant que la prétention n'est pas nouvelle puisque liée à la survenance d'un fait nouveau.

A titre plus subsidiaire, en ce qui concerne les liens juridiques unissant les différentes personnes intervenues dans la souscription des crédits, les intimés font d'abord valoir que les crédits ont été souscrit via la FEI, société de CGP, qui est intervenue en qualité d'IOB. Ils prétendent qu'avant la loi du 22 octobre 2010, postérieure à l'espèce, l'IOB agissait exclusivement en qualité de mandataire de l'établissement de crédit, ce mandat ne s'appréciant pas au sens de l'article 1984 du code civil mais étant un mandat imparfait correspondant à l'accomplissement d'actes matériels, et qu'en l'occurrence, le Crédit Agricole était bien lié à FEI par un contrat de mandat comme en témoigne la convention versée aux débats. Ils ajoutent que dans les rares cas où une convention a été signée entre le CGP et l'investisseur, elle n'a porté que sur la recherche d'un investissement et non d'un financement de sorte que lorsque le CGP proposait des crédits, il agissait comme mandataire de la banque.

Ils déduisent du mandat liant la banque et l'IOB le fait que la banque est responsable comme mandante des fautes commises par le mandataire, qu'elle a l'obligation de contrôler l'IOB en application du règlement 97-02 du 21 février 1997 s'agissant d'une prestation externalisée et qu'elle est responsable en vertu de l'article 1384 alinéa premier du code civil des fautes commises par ce dernier. Ils prétendent que cette responsabilité est confirmée par l'article L. 519-3-4 du CMF issu de la réforme de 2010 et invoquent encore l'article L. 311-51 du code de la consommation.

En ce qui concerne le démarchage, les intimés indiquent se fonder sur l'article L. 341-1 alinéa 7 du code de la consommation dont ils soulignent qu'il n'exige pas l'absence de sollicitation, le critère du lieu de réalisation de l'acte étant suffisant, ni que le démarcheur obtienne ou non un accord, la simple intention permettant de soumettre le démarcheur à la législation.

Ils relèvent que l'existence d'une convention antérieurement conclue entre le CGP et l'investisseur est sans incidence sur la qualification de démarchage bancaire dès lors que, notamment, l'article L. 341-2 du CMF énonçant exclusivement les cas où les règles sur le démarchage ne s'appliquent pas n'évoque pas l'hypothèse de l'existence d'une convention signée en amont entre le démarcheur et le démarché et que l'article L. 341-1 alinéa 7 susvisé prévoit qu'il importe peu que la personne démarchée ait sollicité le démarchage. Ils affirment d'ailleurs que les époux X. n'ont jamais conclu expressément ou tacitement une convention préalablement au démarchage dont ils ont été l'objet.

Ils soutiennent que le démarchage est avéré en ce que la FEI et le Crédit Agricole ont spontanément appelé les époux X. pour leur proposer un crédit en francs suisses sans que ces derniers n'en aient fait la demande. Ils ajoutent que la prise de contact s'est faite sur le lieu de travail des époux X. Ils en veulent notamment pour preuves les attestations de M. A., dont ils estiment qu'elles sont corroborées par de nombreux éléments.

Ils prétendent que les règles applicables au démarchage ont été violées en ce :

- que la personne qui a procédé au démarchage n'était pas habilitée à y procéder par application des articles L. 341-3 et L. 341-1 du CMF dès lors qu'il en résulte que le conseiller en investissement financier, CIF, ne peut réaliser un démarchage que pour une prestation de conseil et investissement ;

- que cette personne n'avait pas de mandat alors qu'en application des articles L. 519-5 et L. 341-4 du CMF, le Crédit Agricole avait l'obligation de lui faire signer un mandat nominatif autorisant le démarchage ;

- que l'IOB n'avait pas de carte contrairement aux articles L. 353-1, 1° et L. 341-8 du CMF ;

- que l'IOB n'a pas été enregistré en qualité de démarcheur en violation de l'article L. 341-6 du CMF alors en vigueur ;

- qu'il n'y a pas eu de communication par les salariés du Crédit Agricole de leur carte et numéro de démarchage, les intimés soutenant que le Crédit Agricole ne produit pas de document probant justifiant de l'enregistrement des démarcheurs ;

- qu'il y a eu non-respect de l'obligation d'informer l'investisseur et de le mettre en garde résultant de l'article L. 341-11 du CMF ;

- qu'il n'y a pas eu non plus d'écrit informatif comportant les données prévues aux articles L. 341-12 et R 341-16 du CMF qui sont applicables aux prêts ;

- que le démarchage était interdit en vertu de l'article L. 341-10 du CMF : il s'agit d'abord d'un produit dont le risque n'est pas connu au moment de la souscription : un prêt est un produit, la perte de change entre l'euro et le franc suisse est indéterminée à l'avance à défaut de couverture de change et le risque de taux n'est pas déterminable non plus à défaut de plafond. Il s'agit ensuite d'un produit pour lequel le risque de perte peut être supérieur au montant de l'apport initial : le risque de change maximum étant inconnu, il est potentiellement supérieur à l'apport en fonds propres et au montant de l'emprunt.

Ils se prévalent des manquements suivants du Crédit Agricole :

- il a laissé ses IOB démarcher illicitement les investisseurs, la convention de partenariat n'interdisant pas toute forme de démarchage, étant inopposable à l'emprunteur et ne dispensant la banque de veiller à son application ;

- il ne contrôlait pas suffisamment ses IOB ;

- il répond des fautes de son IOB en sa qualité de mandant et au titre de la responsabilité pour autrui ;

- il répond du fait de ses démarcheurs en vertu de l'article L. 341-4 du CMF ;

- il s'est livré lui-même à des actes de démarchage illicites ;

- il a agi comme partenaire économique des CGP.

Ils font valoir que ces fautes sont la cause directe des actes de démarchage à l'issue desquels les contrats litigieux ont été signés mettant à leur charge la perte de change. Ils se prévalent d'une perte de chance de ne pas contracter de 100 % en arguant que tout organisme financier avait le devoir de ne pas prêter son concours à une opération aussi dangereuse. Ils en déduisent que le préjudice doit être réparé en leur octroyant des dommages et intérêts égaux au montant de la perte de change. Ils invoquent avoir subi un préjudice moral et financier lié à l'inquiétude d'être livré aux mouvements de change des devises.

A titre encore plus subsidiaire, les intimés se prévalent d'un défaut d'information et de mise en garde imputable à la banque qui justifie que la perte de change soit supportée par le Crédit Agricole.

Ils font valoir à cet égard que l'emprunt en cause est hautement spéculatif car son coût est imprévisible et comporte de multiples risques.

Ils soutiennent que ce faisant, le Crédit Agricole a fourni un service relatif à un instrument financier au sens de l'article L. 321-1 du CMF. Ils déduisent de la directive 2004/39 CE, des articles L. 211-1 du CMF et D. 211-1 A du code que les instruments financiers comprennent les contrats à terme ferme et les contrats d'échange relatif à des devises. Et ils prétendent que le crédit constitue un contrat à terme ferme car il existe un décalage temporel entre la date de réalisation de l'opération et les dates successives de son exécution ainsi qu'un contrat d'échange car le Crédit Agricole a remis un capital en euros qui est remboursé en francs suisses. Ils soutiennent en outre que la banque a bien exécuté un service financier en exécutant une opération de change initiale suivie d'autres.

Ils arguent de la violation par le Crédit Agricole des règles de conduite du prestataire de services financiers :

- en ne classifiant pas ses clients ;

- en ne s'enquérant pas de la connaissance de ses clients ;

- en ne leur proposant pas une opération adaptée à leurs besoins.

Ils reprochent également au Crédit Agricole des manquements aux obligations à la charge des organismes dispensateurs de crédit, à savoir : l'obligation d'information prévue par l'article L. 533-4, 5° du CMF et l'article L. 314-11 du règlement général AMF et celle à la charge de tout dispensateur de crédit, que l'emprunteur soit profane ou averti ; l'obligation de mise en garde due par tout prestataire de service d'investissement et le devoir de mise en garde du banquier en vertu desquels un crédit en francs impose un devoir d'alerte sans qu'il importe que l'emprunteur soit profane ou averti.

Ils invoquent que les manquements de la banque sont d'autant plus graves que les époux X. et la SARL LC Immobilier ne sont pas des emprunteurs avertis, cette qualité ne pouvant se déduire ni de la profession ou du patrimoine des époux X., ni de la nature de l'opération, ni de l'intervention de M. A. alors que le Crédit Agricole n'a pas proposé de crédit en euros et n'a pas dispensé d'informations sur les risques. Ils estiment que les informations délivrées dans l'offre ne constituent pas l'information personnalisée et le conseil adapté requis, ni les mises en garde nécessaires. La notice invoquée par le Crédit Agricole leur apparaît sans portée car elle déroule une information standardisée sans évoquer les risques propres à un crédit en francs suisses. Ils soutiennent en tout état de cause que la notice adressée à LC Immobilier n'a été remise qu'après la conclusion des prêts et que les époux X. ne se sont vus fournir aucune notice.

Ils font également grief au Crédit Agricole de leur avoir proposé une assurance groupe décès invalidité ne couvrant pas le risque de change sans les informer à ce titre. Ils contestent le caractère nouveau de la demande faite de ce chef aux motifs qu'elle tend aux mêmes fins que celles soumises au premier juge qui visaient à obtenir la réparation intégrale du préjudice lié au défaut de mise en garde et qu'elle est liée à un fait nouveau.

Ils font valoir que si les fautes n'avaient pas été commises, ils n'auraient pas souscrit un crédit en francs suisses et en déduisent que leur préjudice correspond à la différence entre le capital à rembourser au terme des prêts et celui remboursé par l'assurance.

Toujours à titre plus subsidiaire, les intimés font valoir que les crédits relèvent des dispositions des articles L. 312-1 et suivants du code de la consommation en ce que ceux souscrits par la SARL LC Immobilier concernaient le financement d'un immeuble ayant pour objet de satisfaire les besoins personnels des époux X. et de leur famille, peu important qu'il soit parfois loué. Or, ils soutiennent qu'en violation de celles-ci, les époux X. n'ont pas accepté leur offre par voie postale et que le délai de réflexion de 10 jours n'a pas été respecté concernant les époux X. Ils prétendent aussi que le maintien des conditions de l'offre pendant 30 jours n'a pas été respecté pour le crédit AE0931. Ils relèvent que l'une des offres ne comprend pas un objet du crédit intelligible, que les offres mentionnent une somme due au titre des frais de dossier sans permettre à l'emprunteur d'en déterminer l'objet, indiquent un TEG n'intégrant pas les commissions de change, ni les frais de tenue de compte et calculé sur la base d'une année de 360 jours au lieu de 365. Ils arguent encore que le coût total du crédit a été minoré, que les offres auraient dû être accompagnées d'une notice présentant les conditions et modalités de variations du taux et que la banque a manqué à son obligation d'information annuelle sur le montant du capital à rembourser. Ils soutiennent que la non-conformité de l'offre est sanctionnée par la déchéance du droit aux intérêts et qu'en l'espèce, chacun des manquements justifie à lui seul la déchéance des intérêts contractuels et des commissions de change.

 

L'ordonnance de clôture a été rendue le 13 décembre 2016.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS DE L'ARRÊT :

Sur le désistement :

Le désistement correspond à une renonciation. Il suppose une manifestation de volonté non équivoque de son auteur, de manière expresse ou tacite.

En l'espèce, alors que le jugement a prononcé la nullité des prêts ainsi que des contrats d'assurance afférents en condamnant les parties aux restitutions réciproques dues en conséquence de cette nullité et le Crédit Agricole à supporter le coût des frais de nantissement résultant de l'annulation, les consorts X. et la SARL LC Immobilier, aux termes du dispositif de leurs dernières conclusions, ne sollicitent pas la confirmation du jugement de ces chefs, ni ne forment des demandes en ce sens et précisent dans le corps de leurs écritures qu'ils n'entendent plus poursuivre la nullité des prêts car elle s'avère, du fait du remboursement du capital restant dû par l'assureur à la suite du décès de Ch. X., contraire à leurs intérêts. Il s'en déduit que les consorts X. et la SARL LC Immobilier renoncent à leurs demandes en nullité des prêts et des contrats d'assurance afférents ainsi qu'à leurs demandes subséquentes et renoncent au jugement en ce qu'il a accueilli ces demandes.

Cette renonciation caractérise un désistement d'action relativement auxdites prétentions.

Il est parfait dès la manifestation de volonté de son auteur et n'a donc pas besoin d'être accepté par l'autre partie.

Ce désistement d'action ne rend pas le jugement caduc, la caducité correspondant à l'anéantissement le plus souvent rétroactif des effets d'un acte de procédure initialement régulier en raison d'un événement postérieur et se distinguant du désistement qui procède d'une manifestation de volonté de renoncer.

Il convient simplement de constater ce désistement d'action en conséquence de la renonciation par les intimés à leurs demandes et au jugement qui les a accueillies.

 

Sur les fins de non-recevoir opposées aux demandes relatives aux clauses abusives :

Le Crédit Agricole invoque en premier lieu la prescription des demandes.

L'article L. 132-1 du code de la consommation applicable à la date de conclusion des contrats dispose en ses alinéas 6 et 8 que les clauses abusives sont réputées non écrites et que le contrat restera applicable dans toutes ses dispositions autres que celles jugées abusives s'il peut subsister sans lesdites clauses.

En l'espèce, la demande des intimés visant à dire que certaines clauses des prêts sont abusives tend seulement à les faire déclarer inopposables. Il s'agit donc de l'action destinée à voir déclarer lesdites clauses réputées non écrites conformément au texte susvisé. Or, les clauses réputées non écrites en application de ce texte étant non avenues par le seul effet de la loi, c'est à tort que le Crédit Agricole prétend que la demande s'analyse en une action en nullité soumise en tant que telle au délai de prescription de cinq ans.

En conséquence, il convient de rejeter la fin de non-recevoir tirée de la prescription, ce d'autant plus que les intimés précisent que si la Cour devait estimer que seule la nullité pourrait sanctionner le caractère abusif des clauses, ils abandonneraient cette demande, ce qui démontre en tout état de cause que leur intention n'est pas d'obtenir la nullité des contrats de prêt.

Le Crédit Agricole invoque en second lieu le caractère nouveau de la demande en application des articles 564 et suivants du code de procédure civile.

Cependant, aux termes d'un arrêt du 4 juin 2009 rendu dans l'affaire C-243/08, la Cour de Justice de l'Union Européenne a dit pour droit que le juge national est tenu d'examiner d'office le caractère abusif d'une clause contractuelle dès qu'il dispose des éléments de droit et de fait nécessaires à cet effet. Lorsqu'il considère une telle clause comme étant abusive, il ne l'applique pas, sauf si le consommateur s'y oppose.

En l'espèce, la Cour disposant des éléments suffisants pour y procéder, elle est tenue d'examiner d'office, nonobstant l'éventuelle irrecevabilité des demandes en raison de leur nouveauté en appel, le caractère abusif des clauses contractuelles. Il n'y a dès lors pas lieu de statuer sur la fin de non-recevoir tirée du caractère nouveau des demandes.

 

Sur les clauses abusives :

Selon l'article L. 132-1 alinéa premier du code de la consommation dans sa version applicable à la date de conclusion des prêts, dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.

Si ces dispositions n'excluent donc pas par principe les personnes morales de la protection des clauses abusives, elles ne sont toutefois pas applicables en cas d'existence d'un rapport direct entre l'activité professionnelle de la personne morale et le contrat litigieux.

En l'espèce, il résulte des statuts versés aux débats que la SARL LC Immobilier a pour objet l'activité de loueur en meublé et toutes activités annexes, l'exploitation directe et indirecte des biens appartenant à la société, la création de toutes résidences ou hôtels de tourisme et généralement toutes opérations financières, mobilières ou immobilières, pouvant se rattacher directement ou indirectement à l'objet social ou susceptibles d'en favoriser l'exploitation ou le développement. Il s'agit d'une activité professionnelle.

Les contrats de prêts conclus entre le Crédit Agricole et la SARL LC Immobilier mentionnent qu'ils ont pour objet de financer « résidence principale appartement achat ancien locatif ». Le financement fait donc état d'un usage au moins pour partie locatif et les intimés reconnaissent dans leurs écritures que l'immeuble est parfois loué en meublé. Il existe ainsi un lien direct entre les contrats de prêt consentis à la SARL LC Immobilier et l'activité professionnelle de celle-ci, ce qui exclut l'application de l'article L. 132-1 susvisé à ces prêts. Il y a donc lieu de débouter la SARL LC Immobilier de sa demande visant à dire que certaines clauses des contrats conclus par elle sont abusives.

En revanche, il n'est pas discuté que les époux X. étaient des consommateurs de sorte que le prêt souscrit par eux est bien soumis à l'article L. 132-1 susvisé.

L'article L. 132-1 du code de la consommation dans sa version applicable précise en ses alinéas 5 et 7 que sans préjudice des règles d'interprétation prévues aux articles 1156 à 1161, 1163 et 1164 du code civil, le caractère abusif d'une clause s'apprécie en se référant, au moment de la conclusion du contrat, à toutes les circonstances qui entourent sa conclusion, de même qu'à toutes les autres clauses du contrat. Il s'apprécie également au regard de celles contenues dans un autre contrat lorsque la conclusion ou l'exécution de ces deux contrats dépendent juridiquement l'une de l'autre. L'appréciation du caractère abusif des clauses au sens du premier alinéa ne porte ni sur la définition de l'objet principal du contrat ni sur l'adéquation du prix ou de la rémunération au bien vendu ou au service offert pour autant que les clauses soient rédigées de façon claire et compréhensible.

Il résulte de l'arrêt du 30 avril 2014 rendu dans l'affaire C-26/13 de la Cour de Justice de l'Union Européenne que l'article 4, paragraphe 2, de la directive 93/13/CEE du Conseil du 5 avril 1993 doit être interprété en ce sens que les termes « objet principal du contrat » ne recouvrent une clause que pour autant qu'il est constaté eu égard à la nature, à l'économie générale et aux stipulations du contrat ainsi qu'à son contexte juridique et factuel que ladite clause fixe une prestation essentielle de ce contrat qui, comme telle, caractérise celui-ci et que l'exigence selon laquelle une clause contractuelle doit être rédigée de manière claire et compréhensible doit s'entendre comme imposant non seulement que la clause concernée soit intelligible pour le consommateur sur le plan grammatical mais également que le contrat expose de manière transparente le fonctionnement concret du mécanisme auquel se réfère la clause concernée ainsi que la relation entre ce mécanisme et celui prescrit par d'autres clauses de sorte que le consommateur soit en mesure d'évaluer, sur le fondement de critères précis et intelligibles, les conséquences économiques qui en découlent pour lui.

Les consorts X. prétendent que le contrat contiendrait une clause d'indexation déguisée en faisant évoluer la dette en fonction de l'évolution du franc suisse, laquelle clause serait abusive, alors que le Crédit Agricole conteste l'existence d'une indexation au motif qu'il s'agit d'un prêt en devises et que l'exécution de l'obligation de l'emprunteur donne lieu à un paiement dans cette devise.

La monnaie étrangère peut être utilisée comme monnaie de compte, c'est-à-dire de référence afin de déterminer le quantum de l'obligation au moment du paiement, ou comme monnaie de paiement, pour le règlement de la dette. La monnaie étrangère peut servir uniquement d'instrument de compte mais elle peut aussi être utilisée comme instrument de compte et de paiement.

Il est de principe que s'agissant d'un contrat de droit interne, la fixation d'une créance en monnaie étrangère constitue une indexation déguisée.

En l'espèce, il est constant que le contrat litigieux est un contrat interne, s'agissant d'un prêt conclu entre des parties toutes domiciliées en France, destiné à financer l'acquisition de parts de SCI dont les actifs étaient situés en France, dont le capital prêté était mis à disposition en France et dont les remboursements devaient s'effectuer également dans ce pays.

Selon l'offre, le crédit, désigné sous l'intitulé « opération devise MLT », portait sur la contre-valeur en francs suisses de 465.000 euros, remboursable pour les intérêts en 39 échéances de la contre-valeur en francs suisses de la somme de 4.231,50 euros, soit à titre indicatif 6.829,64 francs suisses selon le cours de l'eurodevise au 17 juillet 2008, et 1 échéance de la contre-valeur en francs suisses de la somme de 469.231,50 euros, soit à titre indicatif 757.339,75 francs suisses selon le cours de l'eurodevise à la même date, les montants des échéances étant indicatifs puisque dépendant du taux d'intérêt révisable.

L'offre stipulait aussi :

* au titre de la réalisation : le montant de la devise figurant dans l'offre sera vendu sur le marché des changes au cours du jour de la réalisation. Sa contre-valeur en euros sera portée au crédit du compte en euros de l'emprunteur ou au nom du notaire chargé d'authentifier le présent acte, deux jours ouvrés après cette cession conformément aux usages bancaires ;

* au titre du remboursement : les remboursements s'effectueront dans la devise figurant dans l'offre :

- par utilisation de devises préalablement disponibles sur le compte en devises de l'emprunteur.

L'approvisionnement du compte en devises devra être effectué au plus tard trois jours ouvrés avant la date d'échéance.

- ou à défaut, par achat de devises au comptant ou à terme par débit du compte en euros de l'emprunteur.

Il supportera donc intégralement en cas d'achat de devises au comptant ou à terme le risque de change.

Si le compte en euros n'est pas suffisamment approvisionné pour permettre l'achat de devises, le prêteur transformera le montant de l'échéance en euros au cours du jour de l'échéance. Cette créance en euros produira un intérêt de retard au taux contractuel majoré de trois points, jusqu'à complet remboursement.

Il en résulte que l'objet du crédit est représenté par la contre-valeur en francs suisses d'une certaine somme en euros et que le montant des mensualités de remboursement est également déterminé par la contre-valeur en francs suisses, ce dont il suit que le franc suisse détermine le quantum de l'obligation des emprunteurs et qui équivaut, s'agissant d'un contrat de droit interne, à une indexation déguisée, les remboursements devant s'effectuer en outre en devises, donc en francs suisses.

Compte tenu de la nature du prêt utilisant la monnaie étrangère, ce mécanisme d'indexation constitue une prestation essentielle du contrat qui le caractérise.

Comme il vient d'être énoncé, il s'agit d'une indexation déguisée.

Cependant, outre la mention susvisée « il supportera intégralement en cas d'achat de devises au comptant ou à terme le risque de change », l'offre contient une disposition particulière relative au risque de change ainsi libellée : « Il est expressément convenu que le risque de change sera supporté en totalité par l'emprunteur, conformément aux dispositions de la réglementation des changes… Il reconnaît à cet égard avoir été informé par le prêteur l'avisant du risque particulier lié à ce type de prêt notamment par la notice d'information sur le prêt en devises, ci-annexée ».

Cette notice établie par le prêteur que les emprunteurs ont signée le 13 août 2008, soit en même temps qu'ils ont accepté l'offre, mentionne : « Les prêts en devises sont destinés principalement aux clients disposant de revenus dans cette devise. Dans tous les autres cas, le risque de taux et de change sont réels et cumulatifs. Ils portent sur la totalité du crédit. Au regard de ces risques, vous déclarez disposer des connaissances et de l'expérience nécessaires pour évaluer les caractéristiques de ce financement et en accepter tous les risques ». La notice contient ensuite un paragraphe sur la variabilité du cours de change qui indique : « Selon que, au moment des paiements d'intérêts et du remboursement en capital, la devise a monté ou baissé sur le marché des changes par rapport à l'euro, la perte ou le gain éventuels sont intégralement à la charge ou au profit de l'emprunteur. En effet, si vous ne disposez pas de revenus dans la devise concernée, le prêteur devra à chaque échéance et pour votre compte emprunter des devises à un cours pouvant fluctuer. Deux cas peuvent se présenter : la devise concernée est dépréciée par rapport à l'euro, l'emprunteur enregistre alors un gain de change qui lui revient intégralement ; la devise concernée s'est appréciée par rapport à l'euro, l'emprunteur subit alors une perte de change intégralement à sa charge. L'emprunteur a la possibilité, s'il l'estime opportun et si la réglementation des changes en vigueur l'y autorise, de demander une couverture du risque de change par achat à terme des devises nécessaires au remboursement des échéances du prêt. Le coût de cette couverture est à ajouter au coût du prêt ». La notice comporte également un exemple chiffré décrivant de manière précise l'effet de l'appréciation de la devise sur la contre-valeur en euros du capital restant dû en francs suisses.

Au regard de l'ensemble de ces éléments, il apparaît que se trouve exposé de manière transparente le fonctionnement concret du mécanisme résultant de l'indexation ainsi que du risque de change et que les consommateurs ont été en mesure d'évaluer, sur le fondement de critères précis et intelligibles, les conséquences économiques en découlant pour eux.

Certes, les consorts X. se plaignent que l'offre ne mentionne pas le cours de change retenu.

Toutefois, cette question du cours de change retenu ne relève pas de l'indexation déguisée en cause qui résulte du seul fait que la créance soit fixée en monnaie étrangère dans un contrat de droit interne.

En effet, selon les explications du Crédit Agricole, les échéances d'intérêts sont calculées en appliquant le taux d'intérêt sur le capital en francs suisses, ce qui détermine l'échéance d'intérêts en francs suisses, et le remboursement du capital équivaut au montant de francs suisses prêté. Le rapport d'expertise amiable de Mme P. produit par les intimés confirme ce mode de calcul, notamment pour les échéances d'intérêt (page 9 du rapport d'expertise).

Dès lors, le cours de change incriminé par les intimés ne concerne que celui lié à l'achat de devises effectué pour le remboursement, dans l'hypothèse où le compte en devises des emprunteurs n'est pas suffisamment approvisionné. Il s'agit donc du cours de change auquel le Crédit Agricole achète les devises lorsque les emprunteurs ont recours à lui pour acquérir les devises nécessaires au paiement, étant observé que comme le fait par ailleurs valoir le Crédit Agricole, rien n'interdit aux emprunteurs de procéder par eux-mêmes à l'achat de devises pour payer le prêt en ayant recours à un autre intermédiaire. L'absence de détermination du cours de change invoquée par les intimés concerne ainsi seulement le service d'achat de devises proposé par le Crédit Agricole pour le règlement des échéances, ce qui est sans effet au regard du caractère clair et compréhensible de la clause d'indexation, laquelle existe indépendamment de l'obligation pour les emprunteurs de rembourser en devises.

Dès lors, il ne saurait y avoir lieu à appréciation du caractère abusif sur ce point.

Les consorts X. prétendent aussi que la clause portant intérêt conventionnel est abusive en ce qu'elle n'indique pas de manière claire et précise la nature du taux et le taux d'intérêt appliqué.

Comme le fait valoir le Crédit Agricole, cette clause, s'agissant d'un prêt à intérêt, porte sur la définition de l'objet principal, en ce qu'elle fixe une prestation essentielle de ce contrat qui, comme telle, le caractérise.

Cependant, une telle clause est soumise au contrôle des clauses abusives si elle n'est pas rédigée de manière claire et compréhensible.

En l'espèce, l'offre de prêt mentionne dans la partie désignation du crédit : « le taux d'intérêt du prêt sera révisable ; il sera celui du taux du CHF à 3 mois en vigueur au jour de la mise à disposition des fonds augmenté de la marge ». Ces deux phrases sont indépendantes l'une de l'autre, ce qui signifie que le taux est révisable et qu'au jour de la mise à disposition des fonds, il s'agit du taux du CHF à 3 mois alors en vigueur. Le paragraphe taux précise : « Le taux est celui de la devise sur le marché des changes à Paris, majoré d'une marge. Ce taux est révisable à chaque échéance en fonction des conditions en vigueur ». Le caractère révisable du taux est encore confirmé par le paragraphe sur les conditions de remboursement qui indique « Les montants d'échéances ne sont qu'indicatifs. Ils ont été calculés sur la base du taux d'intérêt indiqué ci-dessus. Chaque révision d'intérêt aura une incidence sur les montants théoriques des échéances. Ce montant n'est qu'indicatif. Il a été calculé sur la base du taux d'intérêt initial précisé ci-dessus».

Néanmoins, l'offre indique également sur les conditions de remboursement : « le montant de l'échéance constante définitive sera déterminé sur la base du taux du CHF à 3 mois en vigueur au jour de la mise à disposition des fonds », ce qui signifie que le taux d'intérêt est définitivement arrêté au jour de la mise en disposition des fonds qui n'a lieu qu'une seule fois et qu'il est donc fixe. Il convient au demeurant d'observer que le Crédit Agricole ne s'explique pas sur le sens de cette dernière phrase.

Il résulte de ce seul constat que la stipulation du taux n'est pas rédigée de manière claire et compréhensible. Il convient donc d'apprécier si elle a un caractère abusif ou non.

La marge est fixée dans l'offre.

Cependant, comme déjà indiqué, il existe une contrariété entre les clauses sur le caractère fixe ou variable du taux.

En outre, concernant le taux variable, le Crédit Agricole prétend avoir appliqué le taux dénommé « Eurodevise CHF à 3 mois » conformément à la clause du contrat sur le taux du prêt.

Mais, outre que l'offre ne mentionne précisément cet indice sous cette désignation dans aucune de ses clauses et que la combinaison des différentes clauses n'aboutisse pas clairement au taux invoqué par le prêteur, les consorts X. font valoir que ce taux ne peut être vérifié avec certitude à défaut de publication et que l'offre ne mentionne pas davantage ni l'heure, ni même la date de cours retenu.

Or, force est de constater que le Crédit Agricole ne fournit aucune explication de nature à contredire l'absence de publication du taux et que l'offre ne mentionne en tout état de cause aucune information à ce sujet. Par ailleurs, il est exact que l'offre n'indique ni l'heure, ni la date de cours retenu alors qu'il résulte des propres explications du Crédit Agricole que le taux eurodevise CHF à 3 mois invoqué évolue chaque jour ainsi qu'à l'intérieur d'une même journée, puisque, selon les indications de l'appelant, il est déterminé de manière continue tout au long de la journée contrairement au taux Libor CHF fixé chaque jour à 11 H.

Il en résulte un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties, au détriment des emprunteurs, dans la mesure où la contradiction des clauses de l'offre et l'absence de données précises dans l'offre accorde en réalité au seul professionnel le droit d'appliquer un taux fixe ou variable et de choisir dans cette dernière hypothèse l'indice de référence et la date ainsi que l'heure du taux faisant évoluer la charge de remboursement des emprunteurs, sans contrepartie pour ces derniers.

La stipulation du taux est donc abusive et réputée non écrite.

Les consorts X. se plaignent également du caractère abusif de la clause frais sur les commissions de change.

Il n'est pas contesté que cette clause ne porte ni sur la définition de l'objet principal du contrat, ni sur l'adéquation du prix ou de la rémunération au bien vendu ou au service offert.

La clause litigieuse est ainsi rédigée : « Toute opération en devises donnera lieu à la perception par le prêteur de la commission de change, selon les barèmes en vigueur le jour de l'opération ».

Les consorts X. font pour l'essentiel valoir qu'aucun barème de frais n'a été fourni aux emprunteurs et que les commissions sont fixées unilatéralement et discrétionnairement par la banque alors que le Crédit Agricole invoque que comme toute banque et pour toute opération de change, il perçoit des commissions de change qu'il est en droit de fixer lui-même, que les barèmes, disponibles sur internet, ont été adressés aux emprunteurs chaque année et que ceux-ci avaient la possibilité d'effectuer par eux-mêmes les opérations de change.

Le fait que la clause prévoit la perception de telles commissions de change sans que les barèmes en vigueur à la date de l'offre ne soient contenus dans l'offre ou annexés ou joints à celle-ci et sans que l'offre ne détermine les modalités suivant lesquelles les emprunteurs sont avisés des barèmes en vigueur ou peuvent y avoir accès pendant toute la durée du prêt caractérise un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties au détriment des emprunteurs en ce que ceux-ci sont privés des informations leur permettant d'exercer en toute connaissance de cause leur choix quant à l'intermédiaire requis pour les opérations de change, étant observé que le niveau des commissions effectivement pratiquées par le Crédit Agricole est indifférent et que les pièces invoquées par le Crédit Agricole ne justifient pas qu'il ait réellement avisé les emprunteurs de ses barèmes de commissions de change.

Ainsi, la clause sur les commissions de change est également abusive et réputée non écrite.

Contrairement à ce que soutient le Crédit Agricole, le contrat peut subsister sans les clauses déclarées abusives.

La stipulation du taux étant réputée non écrite, le taux légal doit être substitué en application de l'article 1907 du code civil.

Les consorts X. s'y opposent en considérant que cela priverait d'effet la sanction, le taux d'intérêt légal étant actuellement supérieur à l'intérêt conventionnel, et en se prévalant d'un arrêt rendu le 27 mars 2014 par la Cour de Justice de l'Union Européenne dans l'affaire C-565/12.

Toutefois, cette décision concerne la directive 2008/48/CE relative aux contrats de crédit aux consommateurs et le régime de sanction applicable en vertu duquel en cas de violation par le prêteur de son obligation précontractuelle d'évaluer la solvabilité du débiteur, le prêteur est déchu des intérêts conventionnels mais bénéficie de plein droit des intérêts au taux légal sur le montant des condamnations, lesquels sont en outre majorés au-delà d'un certain délai. Or, ce texte et ce mécanisme ne sont pas en cause dans le présent litige. En outre la substitution du taux légal en cas de stipulation de taux conventionnel réputée non écrite correspondant à l'espèce découle de la nature du contrat conclu qui est un prêt à intérêt et non gratuit, le caractère abusif du taux conventionnel n'étant pas de nature à remettre en cause la qualification du prêt. Enfin, la circonstance suivant laquelle le taux légal serait actuellement supérieur à l'intérêt conventionnel ne suffit pas à établir l'absence d'effet de la sanction telle qu'invoquée par les consorts X. puisque le taux légal qui doit être substitué n'est pas le taux actuel mais celui en vigueur au moment où l'intérêt a été acquis suivant les modifications successives que la loi lui a apportées.

En conséquence, il convient de dire que le taux légal est substitué à l'intérêt conventionnel sur toute la durée du prêt suivant ses modifications successives.

En l'absence de clause abusive concernant l'indexation liée au prêt consenti aux époux X. et pour les contrats conclus par la SARL LC immobilier, il y a lieu d'examiner à ces titres la demande subsidiaire relatives aux clauses indéterminées et purement potestatives, ce qui implique de statuer avant tout sur les fins de non-recevoir opposées par le Crédit Agricole.

 

Sur les fins de non-recevoir opposées aux demandes visant à dire que les clauses d'indexation et d'intérêt conventionnel sont indéterminées et purement potestatives :

Le Crédit Agricole invoque, au visa de l'article 564 du code de procédure civile, le caractère nouveau de la demande pour le cours de change, c'est-à-dire pour la demande relative à la clause d'indexation.

La demande visant à dire que la clause d'indexation est indéterminée et purement potestative fondée sur l'article 1174 du code civil s'analyse en une demande de nullité en application de cette disposition.

Il s'agit d'une demande nouvelle au sens de l'article 564 susvisé dès lors que, contrairement à ce que soutiennent les intimés, la question de la validité de cette clause n'est pas née du décès de Ch. X. En effet, la clause et son caractère éventuellement illicite préexistaient à cet événement.

La demande ne tend pas aux mêmes fins que celles soumises au premier juge puisque, d'une part, les consorts X. et SARL LC immobilier se sont désistés de leur demande en nullité des prêts qui aboutissait à l'anéantissement de toutes les clauses, dont la clause litigieuse. D'autre part, si la présente demande vise pour les emprunteurs à ne pas payer de somme au titre de l'évolution du cours de change et si, devant le tribunal, les époux X. et la SARL LC Immobilier sollicitaient une indemnité équivalente à la perte de change, les prétentions ne tendent pas aux mêmes fins dès lors que la demande nouvelle tend à l'anéantissement d'une clause alors que la demande faite en première instance procédait d'une action en responsabilité laissant subsister ladite clause.

Les conditions de l'article 566 du code de procédure civile ne sont pas non plus réunies, la demande n'étant pas virtuellement comprise dans celles soumises au premier juge telles qu'elles se présentent du fait du désistement d'action et n'en étant pas non plus l'accessoire, la conséquence ou le complément.

En conséquence, la demande relative à la clause d'indexation doit être déclarée irrecevable.

Le Crédit Agricole invoque la prescription et le désistement pour la clause d'intérêt conventionnel.

La demande relative à la clause portant intérêt conventionnel s'analyse aussi en une demande de nullité de la clause en application des articles 1174 et 1907 du code civil invoqués par la SARL LC Immobilier.

Conformément à l'article 1304 du code civil, le délai de prescription applicable est de cinq ans. Il a couru à compter de la date de conclusion des contrats, le 8 juillet 2008, puisque les vices dont se plaint la SARL LC Immobilier, à savoir l'absence d'indice de référence et le caractère confus du taux variable ou fixe, apparaissaient au seul examen du contenu des prêts. La demande devait donc être formée au plus tard le 8 juillet 2013 alors qu'elle n'a été présentée que postérieurement, le 3 avril 2014.

Selon l'article 2241 alinéa premier du code civil, la demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription ainsi que le délai de forclusion.

L'effet interruptif de prescription attaché à une demande en justice ne s'étend pas à une seconde demande différente de la première par son objet. Si, en principe, l'interruption de la prescription ne peut s'étendre d'une action à une autre, il en est autrement lorsque les deux actions, bien qu'ayant une cause distincte, tendent à un seul et même but.

Aux termes de l'article 2243 du code civil, l'interruption est non avenue si le demandeur se désiste de sa demande ou laisse périmer l'instance, ou si sa demande est définitivement rejetée.

En l'espèce, la SARL LC Immobilier a assigné le Crédit Agricole en nullité des prêts, en responsabilité et en déchéance des intérêts contractuels le 20 janvier 2012. La demande en nullité des prêts est dépourvue d'effet interruptif dès lors que la SARL LC Immobilier s'en est désistée. La demande en responsabilité qui visait à dire que le Crédit Agricole avait commis des fautes à l'origine de la perte de change ne tend pas au même but que la demande en nullité de la clause portant intérêt conventionnel. En revanche, celle-ci a le même but que la demande de déchéance des intérêts conventionnels dont la SARL LC Immobilier ne s'est jamais désistée, à savoir la décharge des intérêts conventionnels.

En effet, le désistement suppose une manifestation de volonté non équivoque. La circonstance invoquée par le Crédit Agricole selon laquelle la demande de déchéance des intérêts aurait été remplacée par la demande fondée sur les clauses abusives dans les conclusions du 6 juillet 2015 ne caractérise pas un désistement alors que les dernières conclusions des intimés contiennent bien la prétention de déchéance des intérêts conventionnels.

Par suite, l'assignation du 20 janvier 2012 a interrompu la prescription de la demande visant à dire que la clause portant intérêt conventionnel est indéterminée et purement potestative.

En conséquence, il convient de rejeter la fin de non-recevoir tirée de la prescription de cette demande et d'un prétendu désistement.

 

Sur le fond de la demande visant à dire que la clause portant intérêt conventionnel est indéterminée et purement potestative :

Aux termes de l'article 1907 alinéa 2 du code civil invoqué au soutien de cette demande, le taux de l'intérêt conventionnel doit être fixé par écrit.

La SARL LC Immobilier prétend que les prêts ne précisent pas l'indice de référence et s'avèrent au surplus confus sur le caractère variable ou fixe du taux.

Suivant les explications concordantes des parties, les contrats sont rédigés exactement de la même manière que l'offre de prêt faite aux époux X.

Comme déjà indiqué, il existe une contrariété entre les clauses sur le caractère fixe ou variable du taux.

En outre, concernant le taux variable, le Crédit Agricole prétend avoir appliqué le taux dénommé « Eurodevise CHF à 3 mois » conformément à la clause du contrat sur le taux du prêt.

Mais, outre que les contrats ne mentionnent précisément cet indice sous cette désignation dans aucune de leurs clauses et que la combinaison des différentes clauses n'aboutisse pas clairement au taux invoqué par le prêteur, la SARL LC IMMOBILIER fait valoir que ce taux ne peut être vérifié avec certitude à défaut de publication et que les contrats ne mentionnent pas davantage ni l'heure, ni même la date de cours retenu.

Or, force est de constater que le Crédit Agricole ne fournit aucune explication de nature à contredire l'absence de publication du taux et que les contrats ne mentionnent en tout état de cause aucune information à ce sujet. Par ailleurs, il est exact que les contrats n'indiquent ni l'heure, ni même la date de cours retenu alors qu'il résulte des propres explications du Crédit Agricole que le taux eurodevise CHF à 3 mois invoqué évolue chaque jour ainsi qu'à l'intérieur d'une même journée, puisque, selon les indications de l'appelant, il est déterminé de manière continue tout au long de la journée contrairement au taux Libor CHF fixé chaque jour à 11 h.

Il en résulte que les contrats de prêt ne déterminent pas clairement le caractère variable ou fixe du taux, ni en tout état de cause de manière précise un indice objectif de référence en violation des dispositions de l'article 1907 alinéa 2 du code civil, ce qui rend nulle la stipulation du taux et conduit à y substituer le taux légal en application de l'article 1907 susvisé comme le réclame le Crédit Agricole.

Les demandes relatives à l'indexation ayant été rejetées, il convient d'examiner les demandes subsidiaires en responsabilité.

Au soutien de cette action, les intimés invoquent diverses fautes de la banque, démarchage illicite, manquements aux règles du droit des marchés financiers, manquements aux obligations du banquier dispensateur de crédit et absence d'information sur le défaut de couverture par l'assurance du risque de change. Ils prétendent que ces manquements sont à l'origine d'une perte de chance de ne pas contracter les prêts, ou d'une perte de chance de contracter une autre assurance, qui doit être réparée par l'octroi de dommages et intérêts égaux à la perte de change.

Le Crédit Agricole oppose d'abord l'irrecevabilité de la demande de dommages et intérêts pour perte de chance de ne pas contracter fondée sur le démarchage illicite en raison de la prescription.

 

Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription de la demande de dommages et intérêts pour perte de chance de ne pas contracter fondée sur le démarchage illicite :

En application de l'article L. 110-4 I du code de commerce, le délai de prescription applicable est de cinq ans.

Le dommage consistant en une perte de chance de ne pas contracter du fait du démarchage illicite s'est manifesté dès la conclusion du contrat de prêt comme le fait valoir le Crédit Agricole alors qu'il n'est ni invoqué, ni établi que les emprunteurs aient pu légitimement ignorer ce dommage. Ainsi, le point de départ du délai de prescription doit être fixé au 8 juillet 2008 pour la SARL LC Immobilier et au 13 août 2008 pour les époux X. de sorte que la demande devait être formée au plus tard le 8 juillet 2013 pour la SARL LC Immobilier et le 13 août 2013 pour les époux X.

L'assignation date du 20 janvier 2012. Outre la demande en nullité des prêts et les demandes subséquentes, les emprunteurs demandaient, à titre subsidiaire, que la perte de change soit supportée par le Crédit Agricole en raison des manquements commis par lui aux règles du droit des marchés financiers et aux obligations du banquier dispensateur de crédit. Les emprunteurs ne se sont jamais désistés de cette demande qui tend au même but que la prétention de dommages et intérêts fondée sur le démarchage illicite en ce qu'il s'agit dans l'un et l'autre cas d'obtenir la réparation de la perte de chance de ne pas contracter les prêts. Même si les demandes ont une cause distincte, dès lors qu'elles tendent à un seul et même but, la première demande a interrompu la prescription de sorte que la fin de non-recevoir doit être rejetée.

 

Sur le fond de la demande de dommages et intérêts liée au démarchage illicite :

Les intimés invoquent que du fait du démarchage dont ils ont fait l'objet, ils ont subi une perte de chance de ne pas contracter les contrats litigieux mettant à leur charge la perte de change. Ils prétendent également éprouver un préjudice d'investissement et un préjudice moral qui doivent être réparés par une indemnité égale à la perte de change.

A supposer qu'un démarchage illicite soit constitué, il appartient aux consorts X. et à la SARL LC Immobilier d'établir le lien de causalité entre les manquements imputés à la banque et le dommage invoqué.

Or, la perte de change dont se plaignent les consorts X. et la SARL LC Immobilier n'est pas en relation de causalité nécessaire avec les fautes alléguées quant au démarchage puisque le risque lié à l'évolution de la parité des monnaies résulte du fait que les contrats utilisent une monnaie étrangère et que, comme le note le Crédit Agricole, les emprunteurs ont en tout état de cause été avertis par la banque du risque pour eux d'une évolution défavorable du cours de la devise dès avant la conclusion des contrats par une notice d'information. En effet, la notice signée le 3 juillet 2008 par la SARL LC Immobilier, soit avant les contrats de prêt qui datent du 8 juillet 2008, et celle signée par les époux X. le 13 août 2008, soit en même temps que l'acceptation de l'offre faite à ces derniers, sont parfaitement explicites à ce sujet, ledit avertissement ne les ayant pas dissuadés de contracter.

En effet, les notices mentionnent tant pour le prêt consenti pour les époux X. que pour ceux accordés à la SARL LC Immobilier : « Les prêts en devises sont destinés principalement aux clients disposant de revenus dans cette devise. Dans tous les autres cas, le risque de taux et de change sont réels et cumulatifs. Ils portent sur la totalité du crédit. Au regard de ces risques, vous déclarez disposer des connaissances et de l'expérience nécessaires pour évaluer les caractéristiques de ce financement et en accepter tous les risques ». La notice contient ensuite un paragraphe sur la variabilité du cours de change qui indique : « Selon que, au moment des paiements d'intérêts et du remboursement en capital, la devise a monté ou baissé sur le marché des changes par rapport à l'euro, la perte ou le gain éventuels sont intégralement à la charge ou au profit de l'emprunteur. En effet, si vous ne disposez pas de revenus dans la devise concernée, le prêteur devra à chaque échéance et pour votre compte emprunter des devises à un cours pouvant fluctuer. Deux cas peuvent se présenter : la devise concernée est dépréciée par rapport à l'euro, l'emprunteur enregistre alors un gain de change qui lui revient intégralement ; la devise concernée s'est appréciée par rapport à l'euro, l'emprunteur subit alors une perte de change intégralement à sa charge. L'emprunteur a la possibilité, s'il l'estime opportun et si la réglementation des changes en vigueur l'y autorise, de demander une couverture du risque de change par achat à terme des devises nécessaires au remboursement des échéances du prêt. Le coût de cette couverture est à ajouter au coût du prêt ». Les contrats et l'offre stipulent aussi expressément que le risque de change sera supporté en totalité par l'emprunteur. Dès lors, le préjudice invoqué n'est que la conséquence du choix fait en toute connaissance de cause par les emprunteurs de recourir à un prêt utilisant le franc suisse, lequel présentait un avantage incontesté en termes de niveau de taux d'intérêt.

Il incombe également aux consorts X. et à la SARL LC Immobilier de prouver les préjudices invoqués.

Or, s'agissant du préjudice d'investissement également allégué, force est de constater qu'ils se bornent à prétendre que le risque de change leur a interdit « tout autre investissement » sans précision sur la nature de ces investissements éventuels, le capital dont ils disposaient à cet effet et ses gains attendus.

En outre, qu'il s'agisse de la perte de change ou du préjudice d'investissement, il conviendrait de prendre en compte les profits tirés par les emprunteurs des contrats résultant prétendument du démarchage irrégulier. En effet, ces derniers ont bénéficié des fruits de parts de la SCI et de loyers grâce aux opérations invoquées comme illicites, outre que celles-ci ont permis une défiscalisation qui a entraîné une économie d'impôts. Or, il n'est pas justifié que la perte de change ou le gain manqué au titre des autres investissements serait supérieur au montant des gains ou des économies procurés au moyen des prêts en cause.

Quant bien même les emprunteurs auraient fait l'objet d'un démarchage illicite, cette circonstance ne suffit pas à justifier de la réalité d'un préjudice moral résultant de cette seule irrégularité. Or, il n'est produit aucun élément de nature à établir que ceux-ci auraient subi un préjudice moral de ce fait.

Le préjudice moral dont se plaignent en réalité également les consorts X. et la SARL LC Immobilier est un préjudice d'angoisse constitué par l'inquiétude portant sur le quantum des sommes à rembourser de manière effective du fait de l'évolution de la parité entre l'euro et le franc suisse. Or, il a déjà été relevé qu'un tel préjudice était la conséquence du choix fait en toute connaissance de cause par les emprunteurs de recourir à un prêt utilisant le franc suisse et non en soi du démarchage irrégulier.

Ainsi, les consorts X. et société LC Immobilier doivent être déboutés de toute demande de dommages et intérêts pour démarchage illicite.

 

Sur les dommages et intérêts pour manquements aux règles du droit des marchés financiers :

Les intimés prétendent qu'il convient d'appliquer les règles spécifiques des marchés financiers au motif que la banque lui a fourni des services d'investissement au sens de l'article L. 321-1 du CMF ainsi rédigé :

Les services d'investissement portent sur les instruments financiers énumérés à l'article L. 211-1 et comprennent les services et activités suivants :

1. La réception et la transmission d'ordres pour le compte de tiers ;

2. L'exécution d'ordres pour le compte de tiers ;

3. La négociation pour compte propre ;

4. La gestion de portefeuille pour le compte de tiers ;

5. Le conseil en investissement ;

6-1. La prise ferme ;

6-2. Le placement garanti ;

7. Le placement non garanti ;

8. L'exploitation d'un système multilatéral de négociation au sens de l'article L. 424-1.

Selon l'article L 211-1 du CMF dans sa version applicable,

I. - Les instruments financiers comprennent :

1. Les actions et autres titres donnant ou pouvant donner accès, directement ou indirectement, au capital ou aux droits de vote, transmissibles par inscription en compte ou tradition ;

2. Les titres de créance qui représentent chacun un droit de créance sur la personne morale ou le fonds commun de titrisation qui les émet, transmissibles par inscription en compte ou tradition, à l'exclusion des effets de commerce et des bons de caisse ;

3. Les parts ou actions d'organismes de placements collectifs ;

4. Les instruments financiers à terme figurant sur une liste fixée par décret ;

5. Et tous instruments financiers équivalents à ceux mentionnés aux précédents alinéas, ainsi que les droits représentatifs d'un placement financier dans une entité, émis sur le fondement de droits étrangers.

II.- Les instruments financiers mentionnés aux 1 à 3 du I ne peuvent être émis que par l'Etat, une personne morale, un fonds commun de placement, un fonds de placement immobilier ou un fonds commun de créances.

L'article D. 211-1 A du même code prévoit que les instruments financiers à terme mentionnés au 4 du I de l'article L. 211-1 sont :

1. Les contrats d'option, contrats à terme fermes, contrats d'échange, accords de taux futurs et tous autres contrats à terme relatifs à des instruments financiers, des devises, des taux d'intérêt, des rendements, des indices financiers ou des mesures financières qui peuvent être réglés par une livraison physique ou en espèces.

Or, en l'espèce, les contrats litigieux sont des contrats de prêt en ce qu'ils prévoient la mise à disposition de fonds en contrepartie de l'obligation de rembourser le capital ainsi que de payer des intérêts. La circonstance que les paiements doivent être faits à certaines échéances et qu'il s'agisse de prêts utilisant une monnaie étrangère ne saurait permettre de les qualifier de contrat à terme ferme relatif à des devises au sens de la disposition susvisée. Il ne s'agit pas non plus de contrats d'échange de devises, les opérations de change prévues sous forme de vente et d'acquisition de devises n'étant que des modalités d'exécution des obligations essentielles de paiement du contrat de prêt, à savoir la mise à disposition des fonds par le prêteur et le remboursement des échéances par l'emprunteur.

En conséquence, les règles invoquées n'ont pas lieu d'être appliquées et le manquements allégués sont inopérants.

En outre, il s'évince des énonciations précédentes que le préjudice allégué n'est pas prouvé.

La demande de dommages et intérêts fondée sur ce motif doit donc être rejetée.

 

Sur les dommages et intérêts pour manquements aux obligations du banquier dispensateur de crédit :

Les intimés ne sauraient d'abord se plaindre d'un manquement à l'obligation d'information à laquelle serait tenue la banque sur le risque de change puisque les notices d'information ci-dessus rappelées ont parfaitement renseigné les emprunteurs sur ce point. Ceux-ci ne sauraient non plus se prévaloir d'un défaut d'information sur le taux variable dès lors que la stipulation du taux est déclarée abusive ou annulée.

Les intimés invoquent également un manquement au devoir de mise en garde.

Or, ce devoir n'est dû en tout état de cause que s'il apparaît que le crédit a fait courir à l'emprunteur un risque d'endettement excessif. En l'espèce, la circonstance que les emprunteurs aient remboursé de manière régulière et sans difficulté les échéances des prêts de 2008 jusqu'en 2015, date du décès de Ch. X. qui a entraîné la mise en œuvre de l'assurance décès, démontre que les prêts étaient adaptés aux capacités financières des époux X. d'une part et de la SARL LC Immobilier d'autre part, nonobstant la hausse du franc suisse qui s'est produite dès 2010.

Les manquements invoqués ne sont donc pas fondés et la demande de dommages et intérêts présentée sur ce fondement doit être rejetée.

 

Sur les fins de non-recevoir opposées à la demande de dommages et intérêts pour absence d'information relative à l'assurance décès :

Le Crédit Agricole invoque en premier lieu le caractère nouveau de la demande. Les intimés s'y opposent en arguant d'un fait nouveau résultant du décès de Ch. X. et en se prévalant de l'article 565 du code de procédure civile.

La demande des intimés est fondée sur un défaut d'information imputable au Crédit Agricole qui n'aurait pas alerté les emprunteurs sur la nécessité de vérifier si la souscription de l'assurance emprunteur les exposaient au risque de change. Un tel manquement, à le supposer établi, est à l'origine d'une perte de chance de contracter une autre assurance couvrant l'écart de change éventuel, les intimés soutenant que s'ils avaient été avertis, ils auraient opté pour une autre assurance.

Or, le défaut d'information ainsi reproché au Crédit Agricole et la perte de chance en découlant ne sont pas nés du décès de Ch. X. mais préexistaient à cet événement. Les intimés ne sauraient donc se prévaloir d'un fait nouveau.

En outre, la demande ne tend pas aux mêmes fins que celles soumises au premier juge dans la mesure où la demande litigieuse vise à obtenir la réparation de la perte de chance de contracter une autre assurance alors qu'en première instance, les demandes tendaient à obtenir la réparation de la perte de chance de ne pas contracter les prêts ou de contracter les prêts à d'autres conditions financières.

La demande apparaît donc bien nouvelle.

Le Crédit Agricole invoque de surcroît la prescription de cinq ans prévue à l'article L. 110-4 I du code de commerce et son cours à compter des contrats de prêt alors que la demande date du 15 mars 2016.

La demande est bien soumise à la prescription quinquennale susvisée.

La prescription d'une action en responsabilité court à compter de la réalisation du dommage ou de la de la date à laquelle il s'est révélé à la victime si celle-ci établit qu'elle n'en avait pas eu précédemment connaissance.

En l'espèce, le dommage invoqué résulte d'un manquement au devoir d'information du prêteur en matière d'assurance lors des prêts et des adhésions à l'assurance groupe consistant en une perte de chance de contracter une autre assurance garantissant l'écart de change éventuel. Ce dommage s'est manifesté dès la souscription des prêts et de l'assurance, qui ont eu lieu en juillet/août 2008 alors que la demande n'a été faite qu'en 2016. En outre, il n'est pas établi que les emprunteurs aient pu légitimement ignorer le dommage. En effet, l'offre de prêt aux époux X. mentionnait expressément que le cours de change appliqué à tout règlement de sinistre serait celui en vigueur le jour de la réalisation du crédit. Par ailleurs, comme cela a déjà été relevé, les emprunteurs, dont la SARL LC Information, ont été clairement et explicitement informés par la notice d'information remise par le prêteur sur l'importance du risque de change propre aux prêts en cause, ce qui a nécessairement alerté un emprunteur normalement raisonnable et diligent sur la question de l'étendue de la garantie de l'assureur au regard de ce risque.

La demande se trouve donc également prescrite.

Il y a lieu dès lors de la déclarer irrecevable.

 

Sur la déchéance des intérêts conventionnels et des commissions de change :

La demande est sans objet en ce qui concerne le prêt accordé aux époux X. puisque la stipulation du taux et la clause sur les commissions sont déclarées abusives.

La demande de déchéance des intérêts conventionnels est sans objet également s'agissant des prêts de la SARL LC Immobilier dès lors que la stipulation du taux est annulée pour chacun de ces financements.

La demande de déchéance des commissions de change est fondée sur l'article L. 312-33 du code de la consommation dans sa version alors applicable. Or cette disposition ne prévoit que la déchéance des intérêts, à l'exclusion de toute autre déchéance de frais ou commissions. Ainsi, la demande de déchéance des commissions doit être rejetée sans qu'il soit nécessaire d'examiner les griefs allégués au soutien de celle-ci.

 

Sur les sommes restant dues au titre des prêts et la demande de mainlevée des nantissements :

Les consorts X. et la SARL LC Immobilier sollicitent le remboursement de l'intégralité des sommes versées par eux au titre des prêts et la mainlevée des nantissements garantissant les prêts.

Cependant, ces demandes ne sauraient être accueillies dès lors que leurs demandes relatives à l'indexation n'ayant pas été accueillies, ils restent débiteurs de la différence de change par rapport à la somme remboursée par l'assureur, que le taux légal est substitué à l'intérêt conventionnel et qu'en outre, comme le relève le Crédit Agricole, les primes d'assurance qui ont été versées ne sauraient être restituées à défaut de nullité des contrats d'assurance.

 

Sur les autres demandes :

Le Crédit Agricole a en outre demandé le retrait des débats de diverses pièces ainsi que des conclusions adverses notifiées à compter de mai 2013 en ce qu'elles font référence à ces pièces, les intimés ayant pour leur part sollicité le retrait de certaines pièces du Crédit Agricole.

Les pièces incriminées ont été produites uniquement dans le cadre du débat opposant les parties sur le démarchage. Or, l'issue du litige ne rend pas nécessaire l'examen du moyen tiré de l'existence d'un démarchage et de son irrégularité. Par suite, les pièces produites à ce titre et les conclusions s'y référant étant sans effet au regard du succès ou du rejet des prétentions au fond, il n'y a pas lieu de statuer sur les demandes visant à écarter du débat lesdites pièces et conclusions qui deviennent sans objet.

 

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :

Le Crédit Agricole qui succombe au moins pour partie doit être condamné aux dépens de première instance et d'appel, débouté de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile et condamné à payer aux époux X. et à la SARL LC Immobilier chacun la somme de 7.000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel, le jugement étant confirmé sur les frais irrépétibles de première instance.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La Cour statuant par arrêt contradictoire et publiquement par mise à disposition au greffe :

CONSTATE que Y. veuve X., Cl. X., L. X. et la SARL LC Immobilier renoncent aux demandes en nullité des prêts et des contrats d'assurance décès invalidité ainsi qu'aux demandes subséquentes et au jugement en ses dispositions relatives à la nullité des trois prêts et des contrats d'assurance afférents, aux restitutions réciproques dues en conséquence de la nullité et au coût des frais de nantissement ;

CONSTATE en conséquence que Y. veuve X., Cl. X., L. X. et la SARL LC Immobilier se désistent de leur action relative aux demandes susvisées en nullité des prêts et des contrats d'assurance ainsi qu'aux demandes subséquentes ;

Pour le surplus,

INFIRME le jugement en ce qu'il a alloué à Ch. X. et à Y. épouse X. la somme de 12.000 euros à titre de dommages et intérêts et à la SARL LC Immobilier la somme de 15.000 euros à titre de dommages et intérêts ;

STATUANT à nouveau dans cette limite et ajoutant :

DÉCLARE irrecevable la demande visant à dire que la clause d'indexation des prêts accordés à la SARL LC Immobilier est indéterminée et purement potestative ;

DÉCLARE irrecevable la demande de dommages et intérêts pour manquement au devoir d'information du prêteur en matière d'assurance ;

DIT n'y avoir lieu à statuer sur la fin de non-recevoir tirée du caractère nouveau des demandes relatives aux clauses abusives ;

REJETTE les autres fins de non-recevoir ;

DÉCLARE abusives la stipulation du taux conventionnel et la clause sur les commissions de change figurant dans le prêt consenti à Ch. X. et à Y. épouse X. ;

DÉCLARE nulle la stipulation du taux conventionnel figurant dans les prêts consentis à la SARL LC Immobilier ;

DIT que pour chacun des prêts, le taux légal est substitué à l'intérêt conventionnel sur toute la durée du prêt suivant ses modifications successives ;

DIT que Y. veuve X., Cl. X. et L. X. et la SARL LC Immobilier restent respectivement débiteurs pour chacun des prêts concernés de la différence de change au regard de la somme remboursée au titre de chaque prêt par l'assureur ;

DIT que les primes d'assurance n'ont pas à être restituées ;

DÉCLARE sans objet les demandes de retrait du débat de pièces et de conclusions en ce qu'elles se réfèrent auxdites pièces ;

CONDAMNE la Caisse Régionale de Crédit Agricole de Lorraine à payer à Y. veuve X., Cl. X. et L. X. la somme de 7.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la Caisse Régionale de Crédit Agricole de Lorraine à payer à la SARL LC Immobilier la somme de 7.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

DÉBOUTE les parties de toute autre demande ;

CONDAMNE la Caisse Régionale de Crédit Agricole de Lorraine aux dépens d'appel.

Le présent arrêt a été prononcé par sa mise à disposition publique le 27 avril 2017, par M. HITTINGER, Président de Chambre, assisté de Madame SAHLI, Greffier, et signé par eux.

 

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