CA PARIS (25e ch. sect. B), 28 mai 1999
CERCLAB/CRDP - DOCUMENT N° 938
CA PARIS (25e ch. sect. B), 28 mai 1999 : RG n° 1997/18167
Publication : Gaz. Pal. 1999. 2. Somm. p. 734
Extraits : 1/ « Que l'USCDSP CGT a pour objet, conformément aux dispositions du code du travail, notamment de coordonner l'action de tous les syndicats et sections syndicales adhérents pour la défense des intérêts matériaux et moraux et des revendications de tous leurs membres, de représenter et défendre les intérêts collectifs de la profession auprès des Chambres Patronales, des Pouvoirs Publics et de toutes autres instances ; Que n'exerçant aucune activité de nature économique, elle ne saurait être considérée comme un professionnel au sens de l'article L. 132-1 susvisé , de sorte qu'elle est recevable à invoquer ce texte »
2/ « Que la société GESTETNER SERVICES ayant acquis le matériel choisi par l'USCDSP CGT avant de le mettre à la disposition de celle-ci, la durée du contrat qui tient compte du coût d'amortissement de l'investissement financé par le bailleur ne saurait être considérée comme abusive ;
Qu'il en est de même, compte tenu des services fournis par l'intimée, du mode de calcul de la redevance trimestrielle laquelle inclut, tant le coût du matériel que celui des services contractuellement prévus, ce d'autant que l'USCDSP CGT a pu négocier, en fonction de ses besoins prévisibles, le nombre de copies incluses dans le forfait déterminant le coût des copies unitaires ; […]
Que cette clause type, habituellement insérée dans les contrats proposés par la société GESTETNER, impose au non-professionnel qui n'exécute pas ses obligations une indemnité d'un montant disproportionnellement élevé, dès lors qu'elle ne tient compte, ni de la valeur résiduelle du matériel restitué par le client, ni du montant des frais d'entretien et de fourniture des consommables dont le bailleur se trouve déchargé ».
COUR D’APPEL DE PARIS
VINGT CINQUIÈME CHAMBRE SECTION B
ARRÊT DU 28 MAI 1999
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Numéro d'inscription au répertoire général : 1997/18167. Pas de jonction. Décision dont appel : Jugement rendu le 26 mai 1997 par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE de PARIS 1ère Ch. RG n° : 1996/18076.
Date ordonnance de clôture : 18 mars 1999. Nature de la décision : CONTRADICTOIRE. Décision : CONFIRMATION PARTIELLE.
APPELANT :
UNION SYNDICALE CGT DES PERSONNELS DU COMMERCE DE LA DISTRIBUTION ET DES SERVICES
prise en la personne de ses représentants légaux, ayant son siège [adresse], représenté par Maître BODIN-CASALIS, avoué assisté de Maître BOUAZIZ, Avocat
INTIMÉ :
SA GESTETNER VENANT AUX DROITS DE LA SOCIÉTÉ GESTETNER SERVICES
prise en la personne de ses représentants légaux, ayant son siège [adresse], représenté par Maître MELUN, avoué assisté de Maître CECCARELLI, Avocat
COMPOSITION DE LA COUR : lors des débats et du délibéré : [minute page 2] Président : Monsieur MAIN ; Conseiller : Madame RADENNE ; Conseiller : Madame COLLOT.
DÉBATS : A l'audience publique du 31 mars 1999.
GREFFIER : lors des débats et du prononcé de l'arrêt : Madame BERTHOUD.
ARRÊT : CONTRADICTOIRE, Prononcé publiquement par Monsieur MAIN, Président, lequel a signé la minute avec Madame BERTHOUD, Greffier.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Selon contrat du 22 janvier 1993, intitulé « prix global copie » la société GESTETNER SERVICES, aux droits de laquelle se trouve la société GESTETNER a donné en location à l'Union Syndicale CGT des personnels du Commerce de la Distribution et des Services de Paris, ci-après l'USCDSP CGT, un copyprinter 5325 avec son meuble, quatre cylindres, un copicode et un relieur, livrés et mis en service le 16 février 1993, ce pour une durée de 72 mois, et, moyennant une rémunération trimestrielle, payable terme à échoir, calculée sur la base forfaitaire de 57.000 copies par trimestre au prix de 0,23 francs HT l'unité, les copies supplémentaires étant comptabilisées à la fin de chaque année et facturées séparément à ce même coût unitaire.
L'USCDSP CGT qui a rencontré à compter du début de l'année 1995 des difficultés financières ne lui permettant plus d'honorer ses engagements et qui réalisait un nombre de copies moindre que celui forfaitairement convenu, a sollicité la réduction des échéances contractuellement prévues.
Aucun accord n'ayant pu être trouvé et les échéances des mois d'avril, octobre 1995 et janvier 1996, ayant été laissées impayées, nonobstant les mises en demeure de la société GESTETNER, celle-ci a, par lettre recommandée du 22 janvier 1996, résilié le contrat, puis fait assigner l'USCDSP CGT en paiement des loyers arriérés et de l'indemnité contractuelle de résiliation, s'élevant respectivement à 49.015,56 francs et 171.580 francs, ainsi que d'une indemnité sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
L'USCDSP CGT s'est opposée à ces demandes en arguant du caractère abusif des clauses du contrat stipulant une durée irrévocable de 72 mois, une rémunération forfaitaire minimum quel que soit le nombre de copies réalisées, ainsi que de celle relative au calcul de l'indemnité de résiliation, et a sollicité le remboursement de la somme de 64.889,47 francs représentant la différence entre le prix par elle réglé au titre du forfait et celui des copies [minute page 3] effectivement réalisées.
Vu le jugement contradictoire, rendu le 26 mai 1997, par le tribunal de grande instance de PARIS qui, a condamné l'USCDSP CGT à payer à la société GESTETNER SERVICES les sommes de 49.015,56 francs en règlement des redevances impayées et de 80.000 francs au titre de l'indemnité contractuelle de résiliation, ce avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 25 mars 1995, outre une indemnité de 7.000 francs par application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,
motifs pris de ce que le bénéfice des dispositions de l'article L. 132-1 du code de la consommation, réservé à ceux qui contractent pour les besoins personnels, ne peut être invoqué par l'USCDSP CGT, laquelle a conclu le contrat litigieux pour les nécessités de son activité, en toute connaissance de cause, tandis que l'indemnité contractuelle de résiliation ayant pour effet d'imposer au débiteur une pénalité manifestement excessive en procurant au bailleur qui conserve la possibilité de revendre le matériel utilisé pour un temps inférieur de moitié à celui prévu, un avantage injustifié, devait par application de l'article 1152 du code civil être réduite,
Vu l'appel interjeté à l'encontre de cette décision, par l'USCDSP CGT,
VU LES CONCLUSIONS, en date des 10 novembre 1997 et 24 février 1999, par lesquelles l'USCDSP CGT, appelante, prie la Cour, par voie d'infirmation :
- à titre principal, de dire abusives et, en conséquence, non écrites les clauses figurant, à l'article 2 alinéa 2 du contrat stipulant une durée irrévocable de 72 mois prévue aux conditions particulières, à l'article 3 alinéa 3 fixant le montant des sommes dues quel que soit le nombre de copies réalisées durant la période considérée, à l'article 10 alinéa 2 déterminant les modalités de calcul de l'indemnité de résiliation, de débouter la société GESTETNER de l'intégralité de ses demandes, de la condamner à lui verser la somme de 64.889, 47 francs,
- à titre subsidiaire de réduire la clause pénale, manifestement excessive, à 0 franc,
aux motifs essentiels :
- qu'étant un non professionnel au sens de la loi, elle serait recevable à invoquer les dispositions de l'article L. 132-1 du code de la consommation,
- [minute page 4] que la clause fixant de manière irrévocable la durée du contrat à 72 mois serait abusive pour transformer le consommateur ou le non professionnel en clientèle captive et l'obliger à exécuter quelles que soient les difficultés par lui rencontrées le contrat, qu'il en serait de même de la clause fixant l'indemnité contractuelle sans tenir compte ni du prix de revente du matériel ni du coût de la maintenance, comme de la clause facturant un nombre de copies minimum par trimestre alors que le coût unitaire de la copie est composé, d'une part de la location du matériel, et, d'autre part du coût de son entretien fonction du nombre de copies utilisées,
- que ces clauses étant réputées non écrites, le contrat doit être considéré comme un contrat à durée indéterminée librement résiliable, le prix de location doit être fixé en fonction du nombre de copies effectivement réalisées soit à la somme de 112.791,53 francs TTC, et aucune indemnité de rupture ne peut être due,
VU LES CONCLUSIONS, en date du 5 mars 1999, par lesquelles la société GESTETNER venant, à la suite d'une opération de fusion absorption, aux droits de la société GESTETNER SERVICES, intimée et appelante incidente, demande à la cour de confirmer le jugement dont appel, sauf en ce qui concerne le montant de l'indemnité de résiliation, le réformant sur ce point et y ajoutant, de condamner l'USCDSP CGT à lui payer la somme de 171.580 francs avec intérêts au taux légal à compter du 25 mars 1996, ainsi que celle de 10.000 francs en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,
aux motifs principaux :
- que l'USCDSP CGT, qui, en tant que syndicat, a besoin tant pour sa gestion administrative que pour réaliser son activité d'un matériel de reprographie, se trouve dans la même situation qu'un professionnel, ce qui aboutit à exclure les dispositions dérogatoires de l'article L. 132-1 du code de la consommation,
- que le contrat serait dépourvu de clauses abusives puisque la durée de la convention a été librement discutée entre les parties, le minimum forfaitaire est justifié par les prestations d'entretien, la gestion du stock de pièces détachées et la fourniture de consommables, et, enfin, l'indemnité de rupture destinée à sanctionner la non-exécution du contrat, n'a aucun caractère excessif pour lui procurer uniquement les sommes auxquelles elle serait en droit de prétendre en l'absence de résiliation,
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
SUR QUOI, LA COUR,
[minute page 5] Considérant que l'article L. 132-1 du code de la consommation interdit, dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, les clauses abusives ayant pour effet de créer au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre entre les droits et obligations des parties au contrat ;
Que l'USCDSP CGT a pour objet, conformément aux dispositions du code du travail, notamment de coordonner l'action de tous les syndicats et sections syndicales adhérents pour la défense des intérêts matériaux et moraux et des revendications de tous leurs membres, de représenter et défendre les intérêts collectifs de la profession auprès des Chambres Patronales, des Pouvoirs Publics et de toutes autres instances ;
Que n'exerçant aucune activité de nature économique, elle ne saurait être considérée comme un professionnel au sens de l'article L. 132-1 susvisé, de sorte qu'elle est recevable à invoquer ce texte ;
Que c'est donc à tort que les premiers juges l'ont déclarée irrecevable à invoquer les dispositions de ce texte ;
Considérant que selon le contrat « Prix Global Copie », conclu entre les parties, la société GESTETNER SERVICES, bailleur, s'est engagée non seulement à mettre à disposition de l'USCDSP CGT le matériel par elle choisi, mais aussi, à en assurer l'entretien technique, les réparations (pièces, main d'œuvre et déplacements) et à fournir l'encre noire, ce pendant toute la durée du contrat fixée d'un commun accord à 72 mois ;
Qu'en contrepartie, l'USCDSP CGT s'est engagée à régler durant la durée du contrat une redevance trimestrielle forfaitaire calculée sur la base de 57.000 copies par trimestre, quand bien même ce nombre de copies ne serait pas atteint, les copies supplémentaires devant, par contre, être réglées au prix de 0, 23 francs la copie ;
Que la société GESTETNER SERVICES ayant acquis le matériel choisi par l'USCDSP CGT avant de le mettre à la disposition de celle-ci, la durée du contrat qui tient compte du coût d'amortissement de l'investissement financé par le bailleur ne saurait être considérée comme abusive ;
Qu'il en est de même, compte tenu des services fournis par l'intimée, du mode de calcul de la redevance trimestrielle laquelle inclut, tant le coût du matériel que celui des services contractuellement prévus, ce d'autant que l'USCDSP CGT a pu négocier, en fonction de ses besoins prévisibles, le nombre de copies incluses dans le forfait déterminant le coût des copies unitaires ;
[minute page 6] Considérant que l'article 10 alinéa 2 du contrat stipule que « suite à la résiliation du présent contrat, quelle qu'en soit la cause, le Client deviendra redevable envers le Prestataire, sans autre formalité ni mise en demeure, du total des redevances restant dues jusqu'à l'expiration de la durée irrévocable précisée au recto des présentes, majorée de tous frais et honoraires y compris tous frais et honoraires d'avocats et officiers de justice non répétibles, et de toutes taxes exposées ou dues par le Prestataire en rapport avec la résiliation et la reprise du matériel » ;
Que cette clause type, habituellement insérée dans les contrats proposés par la société GESTETNER, impose au non-professionnel qui n'exécute pas ses obligations une indemnité d'un montant disproportionnellement élevé, dès lors qu'elle ne tient compte, ni de la valeur résiduelle du matériel restitué par le client, ni du montant des frais d'entretien et de fourniture des consommables dont le bailleur se trouve déchargé ;
Que le fait que la société GESTETNER ait spontanément réduit le montant de l'indemnité de résiliation contractuellement prévue en déduisant les frais de maintenance, confirme le caractère abusif de la clause, qui, pour conférer à la société GESTETNER un avantage excessif, doit être réputée non écrite ;
Qu'il s'ensuit qu'aucune indemnité contractuelle n'est due par l'USCDSP CGT, laquelle est, en revanche, tenue de régler jusqu'à la résiliation du contrat l'intégralité des loyers contractuellement prévus et laissés impayés ;
Considérant que ni l'équité, ni la situation respective des parties ne justifient qu'il soit fait application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
Confirme le jugement dont appel en ce qu'il a condamné l'Union Syndicale CGT des personnels du Commerce de la Distribution et des Services de Paris à payer à la société GESTETNER la somme de 49.015,56 francs avec intérêts au taux légal à compter du 25 mars 19961 ainsi qu'en ce qui concerne les dépens,
L'infirmant pour le surplus,
Dit abusive et, en conséquence, non écrite la clause figurant au deuxième alinéa de l'article 10 du contrat conclu entre les parties le 22 janvier 1993,
[minute page 7] Déboute les parties du surplus de leurs demandes,
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,
Condamne l'USCDSP CGT, aux entiers dépens d'appel, lesquels pourront être directement recouvrés par Maître MELUN, avoué, conformément à l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.
- 5816 - Code de la consommation - Clauses abusives - Application dans le temps - Clauses abusives - Illustrations : Loi n° 95-96 du 1er février 1995
- 5825 - Code de la consommation - Clauses abusives - Nature de la protection - Législation d’exception
- 5859 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de non professionnel - Personnes morales (avant la loi du 17 mars 2014) - Clauses abusives - Protection explicite
- 5860 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de non professionnel - Personnes morales (avant la loi du 17 mars 2014) - Clauses abusives - Protection implicite
- 5885 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Critères - Clauses abusives - Critères combinés : rapport direct et compétence
- 5947 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Illustrations - Contrats conclus pendant l’activité - Activité administrative - Reprographie : présentation globale
- 5948 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Illustrations - Contrats conclus pendant l’activité - Activité administrative - Reprographie : présentation par type d’activité
- 6100 - Code de la consommation - Notion de clause abusive - Présentation par clause - Contenu initial du contrat - Détermination des obligations - Obligations monétaires - Détermination du prix
- 6122 - Code de la consommation - Notion de clause abusive - Présentation par clause - Inexécution du contrat - Responsabilité du consommateur - Clauses pénales ou d’indemnité forfaitaire - Droit antérieur au décret du 18 mars 2009 (indices)
- 6133 - Code de la consommation - Notion de clause abusive - Présentation par clause - Durée du contrat - Contrat à durée déterminée - Durée initiale
- 6979 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de non professionnel - Droit postérieur à la loi n° 2017-203 du 21 février 2017