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TI TOURCOING, 7 décembre 1994

Nature : Décision
Titre : TI TOURCOING, 7 décembre 1994
Pays : France
Juridiction : Tourcoing (TI)
Demande : 19300672
Date : 7/12/1994
Nature de la décision : Rejet
Date de la demande : 11/05/1993
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CERCLAB/CRDP - DOCUMENT N° 159

TI TOURCOING, 7 décembre 1994 : RG n° 19300672

 

Extrait (dispositif) : « Dit que sont abusives les clauses suivantes du contrat tel que proposé par la SARL AGERPA « LES BOISERIES » :

* ARTICLE I - 5 - Etat médical incompatible - L'établissement se réserve le droit de faire réexaminer le pensionnaire par un médecin de son choix si dans les jours suivants l'admission l'état de santé de ce dernier se révélait très différent de celui indiqué par son représentant lors de son entrée ou par la visite médicale obligatoire, engendrant ainsi une inadaptation ou une impossibilité d'assurer les soins. Dès la consultation, le représentant sera informé et devra prendre toutes mesures utiles en vue de faire admettre le pensionnaire déficient dans un établissement spécialisé, faute de quoi l'établissement se réserve le droit de se substituer. L'établissement s'engage à respecter un délai de huit jours maximum afin de permettre au représentant de trouver une structure plus adaptée à la santé de la personne. Au delà, le départ s'effectuerait dans les dix jours au plus tard du constat médical.

* ARTICLE II - 4 - Évolution des tarifs - Les tarifs résultent d'arrêtés et de régularisations modifiés par les pouvoirs publics fixant les revalorisations ou sont fixés par l'établissement dans le cadre de la liberté des prix

5 d - Présentation des factures - La pension est facturée soit au forfait, soit au tarif journalier, suivant les cas respectifs correspondant aux tarifs affichés

* ARTICLE IV - 1 - Mobilier et autres - Les pensionnaires qui bénéficient d'une chambre simple ou double; ont la possibilité de l'agrémenter de petits meubles et bibelots. La liste en est discutée avec la direction, laquelle dégagé totalement sa responsabilité en cas de perte, détérioration ou vol. Il est vivement conseillé de procéder à l'identification de tout le linge personnel. Le mobilier doit rester en bon état d'utilisation, en cas de réparation, celle-ci doit être sollicitée auprès du service technique. Cette prestation sera facturée.

Ordonne la suppression de ces clauses abusives des modèles de contrat habituellement proposés par la SARL AGERPA « LES BOISERIES », sous astreinte de TROIS CENTS FRANCS par jour de retard passé le délai d'un mois à [minute page 14] compter du' jour de la signification du présent jugement. »

 

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

 

TRIBUNAL D’INSTANCE DE TOURCOING

JUGEMENT DU 7 DÉCEMBRE 1994

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION                                      (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 19300672. Jugement réputé contradictoire. Premier ressort.

AUDIENCE PUBLIQUE DU TRIBUNAL D'INSTANCE DE TOURCOING, Tenue au Palais de Justice de TOURCOING, 65, rue de Gand, le mercredi sept décembre mil neuf cent quatre vingt quatorze à neuf heures.

Sous la présidence de Pierre NOUBEL, juge du Tribunal d'Instance, assisté de Carine DUTHOIT, faisant fonction de greffier.

 

ENTRE :

la SARL AGERPA « LES BOISERIES »

[adresse] PARTIE DEMANDERESSE, représenté par Maître CATTEAU Avocat au Barreau de Lille, d'une part

 

ET :

- Mme X.

- Mme Y.

[adresse]

PARTIE DÉFENDERESSE EN PRÉSENCE DE

- la CONFÉDÉRATION SYNDICALE DU CADRE DE VIE

[adresse], INTERVENANT VOLONTAIRE

Mme X. et la C.S.C.V. représenté par Maître BIHL Avocat au Barreau de Paris, Mme Louise Y. non comparante, d'autre part

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                                                         (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

[minute page 2] PROCÉDURE :

Par acte d'huissier en date du 11 mai 1993, la SARL AGERPA « LES BOISERIES » a fait assigner devant ce Tribunal pour l'audience du 09 juin 1993, Mme X. et Mme Y. à l'effet de :

- condamner Mme Y. au paiement de la somme principale de 3179 Francs 50

- condamner Mme X. au paiement de la même somme en sa qualité de caution

- condamner les défenderesses au paiement de la somme de 650 Francs à titre de dommages intérêts pour résistance abusive

- condamner les défenderesses au paiement de la somme de 2000 Francs H.T. soit 2372 `Francs TTC au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

La demanderesse expose qu'aux termes d'un contrat de séjour en date à TOURCOING du 10.09.92, signé par le biais de Mme X., fille de Mme Y. née Z., cette dernière est entrée comme pensionnaire au sein de la maison de retraite privée « LES BOISERIES », gérée par la SARL AGERPA.

Par courrier du 07 octobre 92, Mme X. a dénoncé le contrat liant sa mère à la SARL AGERPA alors même que le 06 octobre 92 deux ambulances sont venues chercher Mme Y. sans qu'aucune destination ne soit communiquée à la maison de retraite.

Par courrier du 23 novembre 92, la SARL AGERPA a adressé à Mme X. le solde du compte de sa mère qui s'établissait à 3179 Francs 50.

Malgré de multiples relances, le compte de Mme Y. n'a jamais été soldé.

En réponse Mme X., conclut au débouté de la demande et souligne que le contrat litigieux a été conclu par Mme Y. et par sa fille Mme X. laquelle se portait caution de sa mère.

Le 07 octobre 92, Mme X. a été dans l'obligation de résilier ce contrat pour raisons médicales et de faire transférer sa mère dans un autre établissement sur l'avis du médecin traitant de Mme Y., elle en a aussitôt informé la STE AGERPA.

La STE AGERPA, après avoir adressé une première facture « au forfait », adressait le 23 novembre 92 une nouvelle facture calculée cette fois en indemnité journalière et réclamant une pension de 30 jours. Mme X. ayant refusé de payer, la STE AGERPA l'assignait devant le Tribunal d'Instance de céans en paiement d'une solde de 3179 Francs plus 650 Francs à titre de dommages intérêts et 2000 Francs au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

[minute page 3] Cette demande n'est pas fondée.

Le contrat établi par la STE AGERPA elle-même prévoit en effet une période d'essai de trois semaines minimum et trois mois maximum. En l'espèce, aucune précision n'est fournie sur la période d'essai. Le contrat ayant été résilié moins d'un mois après sa conclusion et l'entrée de Mme Y. doit être considéré comme résilié en période d'essai. Les parties étaient donc libres d'y mettre fin dans les 48 heures. En tout état de cause, le contrat a été résilié pour motif médical.

Non seulement Mme X. ne doit aucune somme à la STE AGERPA, mais ayant acquitté dès le premier octobre la totalité du mois d'octobre, la STE AGERPA doit dès lors restituer les sommes trop perçues par elle.

Mme X. réclame la condamnation de la STE AGERPA à lui restituer la somme de 3000 Francs sauf à parfaire et à lui payer celle de 2000 Francs au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ainsi qu'en tous les dépens.

La CONFÉDÉRATION SYNDICALE DU CADRE DE VIE intervient à l'instance et expose qu'elle est une organisation nationale de consommateurs agréer, qu'elle est donc habilitée aux termes de la loi du 05 janvier 88 à demander aux Tribunaux la suppression des clauses abusives insérées dans les contrats habituellement proposés par les professionnels aux consommateurs.

La SARL AGERPA est un professionnel qui exploite une maison d'hébergement de personnes âgées, elle est bien un professionnel, ce professionnel fait conclure aux consommateurs un contrat établi par elle. Ce contrat détermine les obligations réciproques entre le professionnel AGERPA et les différents consommateurs qui le signent.

Le contrat ainsi établi par AGERPA et proposé par ce professionnel aux consommateurs est littéralement truffé de clauses abusives.

Les contrats entre maisons de retraite et consommateurs ont fait l'objet d'une recommandation de la commission des clauses abusives publiée le 09 novembre 85, un professionnel comme la STE AGERPA ne saurait avoir ignoré cette recommandation et c'est donc sciemment qu'elle a maintenu ses clauses.

En tout état de cause sont abusives :

- la clause 1.2 du contrat prévoyant que le consommateur devra lors de son entrée, passer une visite médicale effectuée par un médecin choisi par l'établissement

- la clause 1.5 du contrat prévoyant que, malgré cette visite, l'établissement peut faire réexaminer le consommateur par un médecin choisi par ledit [minute page 4] établissement « dans les jours suivants », résilier le contrat sur le champ et laisser un délai maximum de 8 jours au consommateur pour trouver un autre établissement

- la clause 2.4 prévoyant que les tarifs varient selon le bon vouloir du professionnel

- la clause 2.5 prévoyant un dépôt de garantie indéterminé

- la clause 2.5 g prévoyant qu'en cas de décès, les meubles du consommateur sont remis dans un délai de 8 jours à un notaire ou à une association humanitaire

- la clause 4.1 exonérant l'établissement de toute responsabilité en cas de perte, détérioration ou vol des meubles du consommateur

- la clause 4.1 prévoyant que les réparations sont à la charge du consommateur même en l'absence de preuve de sa responsabilité

- la clause 5.d prévoyant que la pension est fixée soit au forfait soit au tarif journalier selon la seule volonté de l'établissement.

Toutes ces clauses sont contraires soit aux principes généraux du Droit, soit à des textes précis, soit qu'elles constituent des clauses abusives au sens de la loi du 10 janvier 78. Elles doivent donc être supprimées de tous les contrats en cours ou à venir de la STE AGERPA.

Le préjudice collectif subi par les consommateurs est particulièrement important, des dizaines de contrats contenant jusqu'à huit clauses illégales ou abusives sont imposés depuis huit ans aux consommateurs en profitant de leur faiblesse.

Il est donc demandé :

- de recevoir la C.S.C.V. en son intervention et la dire bien fondée

- d'ordonner la suppression sous astreinte de 1.000 Francs par jour de retard, des clauses ci-dessus visées de tous les contrats conclus et des modèles de contrats proposés par la STE AGERPA

- de dire et juger que la STE AGERPA devra justifier de cette suppression dans le mois suivant le jugement à intervenir

- de condamner la STE AGERPA à payer à la CSCV la somme de 25.000 Francs de dommages et intérêts eh réparation du préjudice collectif subi par les consommateurs et celle de 5.000 Francs au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ainsi qu'en tous les dépens.

[minute page 5] En réplique, la demanderesse conclut au débouté de l'ensemble des demandes reconventionnelles et soutient que pour affirmer que diverses clauses du contrat de séjour signé entre les parties sont abusives, la CSCV fait valoir que n'ont pas été respectées les recommandations de la Commission des clauses abusives publiées le 09 novembre 85 qu'en tant que professionnel AGERPA devait connaître et appliquer.

Cette confédération méconnaît :

- la réglementation spécifique qui régit le domaine de l'hébergement des personnes âgées

- l'existence d'un groupe de travail qui étudie le contenu même de ce contrat, auquel, participe notamment le C.N.N. (Conseil National de la Consommation) et le Ministère des Affaires Sociales.

- le contrat de séjour est obligatoire en vertu de la loi du 06 juillet 90.

Son contenu a été rédigé selon les directives de la, Fédération Nationale des Établissements Privés de Gérontologie « F.N.E.P.G. » et soumis au Conseil d'Établissement en vertu du décret du 31 décembre 91 à la Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes en date du 12 juin 92.

Pour ce qui concerne les clauses incriminées :

- clauses 1.2 et 1.5 la visite médicale obligatoire par un médecin désormais reconnu par l'établissement s'impose par la nécessaire adéquation, entre l'état médical et la personne et l'équipement technique dont dispose la maison de retraite échaudée par des familles sans scrupules qui veulent placer rapidement leurs aînés aux moyens de certificats médicaux de complaisance. Il a fallu pallier à ces comportements en laissant la faculté de choix du médecin à la STE AGERPA et en lui faisant confirmer la première visite au cas où celle-ci n'aurait pas pu déceler certains éléments d'incompatibles avec les soins pouvant être dispensés dans l'établissement conformément aux recommandations de la DDASS.

- clause 2.4 les tarifs, loin de varier selon le bon vouloir de la maison de retraite, sont également contrôlés par la direction générale de la concurrence de la consommation et de la répression des fraudes et sont affichés dans l'établissements, une copie est également annexée au contrat de séjour et remise au représentant de la personne hébergée.

- clause 2.5 le dépôt de garantie n'est pas indéterminé mais déterminable en fonction de la catégorie choisie, il est donc tarifé et affiché dans les mêmes conditions que ci-dessus.

- [minute page 6] clause 2.5 g cette clause sur le sort des meubles en cas de décès a fait l'objet d'une nouvelle rédaction en raison de la loi n° 92-615 du 06 juillet 90 et du décret du 27 mars 93 n° 93-350. L'ancienne rédaction précisait un délai de 7 jours et non pas de huit jours, comme une lecture en survol du contrat peut le faire et précise également « sauf convention écrite des deux parties » ce qui laisse la possibilité de prévoir des arrangements lorsque la famille le demande expressément.

- clauses 4.1 et 4.2 ces clauses ont été, redéfinies en fonction des mêmes textes référencés ci-dessus et prévoient désormais des formalités spéciales de dépôts des objets et meubles ainsi qu'une responsabilité objective limitée aux objets déposés, laissant la place à l'exercice du droit commun dans les autres cas.

L'ancienne clause prévoyait une responsabilité limitée aux objets déposés au coffre et ayant fait l'objet d'un reçu

La démonstration de la preuve de la faute de la personne âgée envers un meuble détérioré est un défi au bon sens dans un milieu de personne âgées, désorientées à la mémoire défaillante.

- clause II-5-d et non pas 5-d (mauvaise lecture) : loin d'être une clause léonine, les modalités du calcul de la pension varient en fonction de la durée de la période d'essai. Celle-ci prend effet à la date d'entrée du résident pour une durée minimale de trois semaines et maximale de trois mois sauf convention contraire, cette élasticité de terme est commandée par l'état de santé et le comportement du nouveau résident.

Si aucune incompatibilité n'est décelable, le tarif forfaitaire est appliqué afin que le résident puisse bénéficier d'un tarif plus avantageux.

Ce tarif a été appliqué dès septembre sur l'insistance de Mme X. qui y voyait un avantage financier évident.

En l'espèce la SARL AGERPA a agi dans un cadre légal bien défini et a subi le contrôle de la Direction Générale de la Concurrence de la Consommation et de la Répression des Fraudes (12 juin 92) qui n'a pas observé de clauses dites abusives

De même il faut savoir que l'actuel contrat de séjour est réactualisé constamment en fonction des observations qui pourraient être faites par la Direction sus-citée et des dispositions des nouvelle£ législations notamment sur les dépôts des meubles et objets des résidents (Loi du 06 juillet 90 et décret du 27 mars 93).

Dès lors la C.S.C.V. ne pourra qu'être déboutée de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions.

Sur les observations de Mme HOLLEBECQUE :

[minute page 7] Antérieurement à la signature du contrat de séjour du 10 septembre 92 auquel sont annexés les tarifs de l'établissement, Mme Y. a signé un contrat de réservation en date du 08 septembre 92.

Mme HOLLEBECQUE a versé la somme de 3.612 Francs 30 correspondant à 15 jours X 240 Francs 82, tarif journalier pour chambre à deux lits (cf conditions de réservations -a- du contrat de réservation), désirant payer plus tard les frais d'inscription d'un montant de 950 Francs (acceptation par paraphes sur les deux contrats à deux dates différentes), cette facilité lui a été accordée.

La facture du mois de septembre n° 1004 pour la période du 10 au 30 septembre 1992 lui indique

- les frais d'inscription

- les frais de séjour ventilés entre le prix journalier et le forfait, sous déduction de l'acompte versé soit un montant total de 1654 Francs 92 sur lesquels. Mme X. a versé 1.204 Francs 10

La facture du mois d'octobre n° 1021 pour la période du 1er au 31 octobre 1992 indique quant à elle :

- les frais de séjour au forfait

- les soins supplémentaires dispensés dans l'attente de la prise en charge et nécessités par sa surcharge pondérale

- les frais de couches

pour un montant de 7.038 Francs 44 sur lesquels Mme X. a réglé la somme de 6.243 Francs 90

Dès réception de la facture le 05 octobre 92, Mme X. s'est rendue dans les locaux de la maison de retraite et a refusé de régler les soins qui ont été donnés à sa mère pendant le mois de septembre, soins donnés avant la prescription prenant en charge les soins donnés par un infirmier et remboursé par la sécurité sociale.

Le 06 octobre à 9 H 50, deux ambulanciers se présente et souhaitent retirer Mme Y. de l'établissement sans qu'aucune destination ne soit communiquée.

La SARL AGEPA a été prévenue la veille en fin d'après midi par Mme X. que sa mère quittait l'établissement, AGERPA n'a pu contacter l'infirmier chargé des soins avant qu'il ne passe pour sa tournée soit le lendemain matin, pour ce dernier jour une toilette a donc été facturée.

Le 07 octobre 92, la STE AGERPA recevait le courrier de Mme X. concernant la résiliation du contrat en date du 7 octobre.

Sans attestation médicale justifiant le départ, AGERPA a appliqué l'article II-5-f (fin de contrat, départ volontaire), étant au tarif forfaitaire le préavis se trouvait de 30 jours.

[minute page 8] Les termes du contrat prévoient une période d'essai de 3 semaines minimum, face à l'insistance de la fille et à la bonne adaptation de Mme Y. la maison de retraite s'est pliée à ces facilités financières engendrées par le forfait. Elle s'en remet donc à l'interprétation des juges en vertu de l'article 1156 du code civil pour traduire le passage du tarif journalier au tarif forfaitaire comme un avantage pour les deux parties (financier pour le débiteur, de sécurité. pour le créancier en tarit que long séjour).

Le solde de compte du mois de novembre (facture n° 1084) tient compte de ce tarif forfaitaire et y ajoute le préavis de trente jours qui lui correspond.

Il s'en suit que la demande de la SARL AGERPA est parfaitement fondée et doit être accueillie.

Les débats étant clos, le Président a annoncé qu'il renvoyait le prononcé du jugement pour plus ample délibéré à l'audience du 06.04.94 conformément à l'article 450 du Nouveau Code de Procédure Civile, prorogé à ce jour.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                                                 (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIVATION DU JUGEMENT :

Sur la demande principale :

Attendu qu'il ressort des pièces versées au dossier que suivant acte sous seing privé du 10 septembre 92, Mme Y. représentée par Mme X. a signé un contrat de séjour aux termes duquel il était prévu une période d'essai prenant effet à la date d'entrée du pensionnaire pour une durée minimale de trois semaines, le délai ne pouvant excéder trois mois ;

Que cette clause permet aux parties de se libérer de leur lien contractuel immédiatement, sans formalité particulière ;

Attendu que la défenderesse a exercé son droit à résiliation dans le cadre du préavis susvisé, le départ de Mme Y. ayant eu lieu moins d'un mois après son entrée dans l'établissement ;

Attendu cependant qu'il est réclamé la somme de 3.179 Francs 50 comprenant un préavis pour la période du 08 octobre 92 au 06 novembre 92 ;

Que toutefois, la SARL AGERPA ne saurait réclamer une telle somme dès lors que la résiliation se situe dans le cadre de l'article 3 de la convention, par dérogation au régime contractuel prévu postérieurement ;

Attendu qu'il ressort des factures produites que Mme Y. était redevable d'un solde de 450 Francs 82 pour septembre 1992, outre les soins et les couches supplémentaires à hauteur de 812 Francs 24 ;

Que la présence de la pensionnaire pour octobre 1992 dans l'établissement, il est évalué à 1.685 Francs 74 ;

[minute page 9] Attendu que dès lors la créance de la demanderesse s'élève à 2.948 Francs 80 ;

Attendu que par conséquent, le trop perçu s'élève à 6.243 Francs 90 – 2.948 Francs 80 = 3.295 Francs 10 ;

Que dans la mesure où il est réclamé le remboursement de la somme de 3.000 Francs à parfaire, il convient de condamner la SARL AGERPA « LES BOISERIES » à payer à Mme X. la somme susvisée ;

 

Sur le caractère abusif de certaines clauses contractuelles :

Sur l'article 1.2 :

Attendu qu'aux termes de l'article 3 de la loi du 05 janvier 88, les associations de consommateurs peuvent demander à la juridiction civile d'ordonner aux défendeurs le cas échéant sous astreinte, toute mesure destinée à faire cesser les agissements illicites ou à supprimer dans le contrat ou le type de contrat proposé aux consommateurs une clause illicite ;

Attendu qu'il convient de constater l'intervention volontaire de la C.S.C.V. ;

Attendu que l'article 1.2 du contrat stipule que dans l'intérêt du pensionnaire, ce dernier devra passer une visite médicale effectuée par un médecin choisi par l'établissement. Par la suite, il aura la faculté d'appeler tout autre médecin de son choix ;

Attendu qu'en l'espèce, la clause en question ne vise aucune sanction particulière à cette obligation ;

Que par la suite, le pensionnaire a la possibilité d'avoir recours à son propre médecin traitant ;

Que cette disposition permet à l'établissement de juger de l'état de l'intéressé ce qui n'est contraire à ses intérêts ;

Que dans ces conditions, la clause susvisée en elle-même ne saurait être considérée comme abusive.

 

Sur l'article 1.5 :

Attendu que l'article 1.5 du contrat dispose que l'établissement se réserve le droit de faire examiner le pensionnaire par un médecin de son choix si dans les jours suivants l'admission, l'état de santé de ce dernier se révélant très différent de celui indiqué par son représentant légal lors de son entrée ou par la visite médicale obligatoire engendrant ainsi une inadaptation ou une impossibilité d'assurer les soins ;

Dès la consultation le représentant sera informé et devra prendre toutes mesures utiles en vue de faire admettre le pensionnaire déficient dans un établissement spécialisé faute de quoi l'établissement [minute page 10] se réserve le droit de se substituer. L'établissement s'engage à respecter un délai de 8 jours maximum afin de permettre au représentant de trouver une structure plus adaptée à la santé de la personne. Au delà, le départ s'effectuerait dans les dix jours au plus tard du constat médical ;

Attendu qu'une telle disposition ne laisse aucune place à la possibilité pour le pensionnaire de contester l'avis du médecin choisi par l'établissement en faisant état de conclusions d'un praticien choisi par ses soins ;

Que dès lors, la clause litigieuse ayant pour conséquence de permettre à l'établissement de rompre unilatéralement le contrat sans débat contradictoire doit être considérée comme abusive ce d'autant que le délai de préavis de 8 jours est particulièrement court.

 

Sur l'article 2.4 :

Attendu qu'au terme de l'article 2.4 du contrat, les tarifs résultent d'arrêtés et de régularisation modifiés par les pouvoirs publics fixant les revalorisations ou sont fixés par l'établissement dans le cadre de la liberté des prix ;

Attendu que si le prix de séjour est évalué en fonction de la réglementation en vigueur, l'évaluation de la tarification est en définitive réglée de façon parfaitement unilatérale, sans que la convention ne règle de base objective ou de critère de majoration extérieur aux parties ;

Que de ce fait, la clause doit être considérée comme abusive par application de l'article 1129 du code civil.

 

Sur l'article 2.5 :

Attendu que l'article 2.5 de la convention dispose qu'un dépôt de garantie fixé forfaitairement figure sur les tarifs en fonction de la catégorie choisie, le dépôt n'est pas réajustable en cas de changement de catégorie de tarification. Cette somme versée ne sera productive d'aucun intérêt dans les trois mois suivant le départ du pensionnaire déduction faite des sommes qui lui resterait devoir et ce compte tenu des arrhes éventuelles ;

Que dès lors que le dépôt de garantie est fixé préalablement sur les tarifs en vigueur et que celui-ci n'est pas l'objet d'une modification ultérieure, le pensionnaire est suffisamment informé de son montant de sorte que la clause ne saurait être considérée comme abusive.

 

Sur l'article 2.5 g :

Attendu qu'il ressort de l'article 2.5 g du contrat qu'en cas de décès du pensionnaire, les volontés du défunt sont « scrupuleusement respectées » ;

[minute page 11] Que la famille dispose d'un délai de 7 jours pour prendre ses dispositions, faute de quoi l'établissement remet les effets au notaire chargé de la succession ou à une association

Attendu que la volonté des pensionnaires est respectée ;

Qu'à défaut les héritiers disposent d'un délai de 7 jours à compter du décès pour se manifester

Que dans la mesure où les droits de chacun sont respectés, on ne saurait considérer que la clause en question à un caractère abusif.

 

Sur l'article 4.1 :

Attendu que l'article 4.1 du contrat stipule que pour ce qui concerne la liste des meubles et bibelots restés à disposition du pensionnaire, la direction dégage totalement sa responsabilité en cas de perte de détérioration ou de vol ;

Attendu que si l'article 4 de la loi du 7 juillet 92 prévoit l'exonération de la responsabilité des établissements pour ce type de cas sus-mentionné, le caractère général de la clause conduit la demanderesse a être exonérée de sa responsabilité y compris en cas de faute de sa part ou lorsque le pensionnaire est amené à se prévaloir des articles 1382 et suivants du code civil, d'ordre public ;

Que par conséquent, la caractère trop général de la rédaction de la clause conduit à la considérer comme abusive (par application de l'article 1133 du code civil et par violation des dispositions d'ordre public) ;

Qu'il en est de même pour la réparation du mobilier qui dans tous les cas de figure reste à la charge du pensionnaire.

 

Sur l'article 5-d :

Attendu que l'article 5-d du contrat prévoit que la pension est facturée soit au forfait soit au tarif journalier suivant les cas respectifs correspondant aux tarifs affichés ;

Que cette clause est particulièrement ambiguë, puisque sa rédaction laconique ne permet pas de déterminer clairement si le pensionnaire est assujetti à un tarif journalier ou forfaitaire et ce sur une base de « tarif affiché » dont les modalités et la définition reste en suspend de sorte qu'on ne saurait considérer que le prix de la prestation est contractuellement consentie et convenue au sens de l'article 1129 alinéa 1 du code civil ;

Que dès lors, force est de constater le caractère abusif de cette disposition.

 

[minute page 12] Attendu qu"il est demandé la suppression des contrats conclus par la STE AGERPA des clauses considérées comme abusives ;

Que cependant, la C.S.C.V. ne saurait solliciter la modification des conventions en cours au nom et pour le compte des particuliers et ce sans qu'ils soient mis en cause dans la présente instance ;

Que la demande doit être considérée comme irrecevable ;

Attendu qu'en revanche par application de l'article 8 de la loi du 05 janvier 88, il convient d'ordonner la suppression des clauses 1-5, 2-4, II-5 et 5d, et 4-1 tel que rédigées dans le contrat, proposé par la STE AGERPA et ce sous astreinte de 300 Francs par jour de retard passé le délai d'un mois à compter du jour de la signification du présent jugement et de dire que la STE AGERPA devra en justifier dans les deux mois suivant signification de la décision

 

Sur la demande de dommages et intérêts de la C.S.C.V. :

Attendu que la collectivité des usagers a subi un préjudice constitué par la présentation par la SARL AGERPA de contrats type contenant des clauses à caractère abusif ;

Qu'il sera donc alloué à la C.S.C.V. la somme de 2.000 Francs à titre de dédommagement de principe.

 

Sur la demande de la C.S.C.V. fondée sur l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile :

Attendu qu'il serait inéquitable de laisser à la charge de la C.S.C.V. les frais irrépétibles qu'elle a pu exposer que ce Tribunal accorde à hauteur de 3.000 Francs.

 

Sur la demande de Mme X. fondée sur l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile :

Attendu qu'il serait inéquitable de laisser à la charge de Mme X. les frais irrépétibles qu'elle a pu exposer que ce Tribunal accorde à hauteur de 2.000 Francs

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                                                            (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

Statuant publiquement, par jugement répute contradictoire, en premier ressort.

Constate l'intervention volontaire de la CONFEDERATION SYNDICALE DU CADRE DE VIE (C.S.C.V.).

Déboute la S.A.R.L. AGERPA « LES BOISERIES » de ses demandes.

Condamne la SARL AGERPA « LES BOISERIES » à rembourser à Mme X. la somme de TROIS MILLE DEUX CENT QUATRE VINGT QUINZE FRANCS 10 CENTIMES

[minute page 13] Dit que sont abusives les clauses suivantes du contrat tel que proposé par la SARL AGERPA « LES BOISERIES » :

* ARTICLE I

5 - Etat médical incompatible

L'établissement se réserve le droit de faire réexaminer le pensionnaire par un médecin de son choix si dans les jours suivants l'admission l'état de santé de ce dernier se révélait très différent de celui indiqué par son représentant lors de son entrée ou par la visite médicale obligatoire, engendrant ainsi une inadaptation ou une impossibilité d'assurer les soins

Dès la consultation, le représentant sera informé et devra prendre toutes mesures utiles en vue de faire admettre le pensionnaire déficient dans un établissement spécialisé, faute de quoi l'établissement se réserve le droit de se substituer. L'établissement s'engage à respecter un délai de huit jours maximum afin de permettre au représentant de trouver une structure plus adaptée à la santé de la personne. Au delà, le départ s'effectuerait dans les dix jours au plus tard du constat médical

* ARTICLE II

4 - Évolution des tarifs

Les tarifs résultent d'arrêtés et de régularisations modifiés par les pouvoirs publics fixant les revalorisations ou sont fixés par l'établissement dans le cadre de la liberté des prix

5 d - Présentation des factures

La pension est facturée soit au forfait, soit au tarif journalier, suivant les cas respectifs correspondant aux tarifs affichés

* ARTICLE IV

1 - Mobilier et autres

Les pensionnaires qui bénéficient d'une chambre simple ou double; ont la possibilité de l'agrémenter de petits meubles et bibelots. La liste en est discutée avec la direction, laquelle dégagé totalement sa responsabilité en cas de perte, détérioration ou vol

Il est vivement conseillé de procéder à l'identification de tout le linge personnel

Le mobilier doit rester en bon état d'utilisation, en cas de réparation, celle-ci doit être sollicitée auprès du service technique. Cette prestation sera facturée

Ordonne la suppression de ces clauses abusives des modèles de contrat habituellement proposés par la SARL AGERPA « LES BOISERIES », sous astreinte de TROIS CENTS FRANCS par jour de retard passé le délai d'un mois à [minute page 14] compter du' jour de la signification du présent jugement.

Dit que la SARL AGERPA devra en justifier dans les deux mois suivant signification de la présente décision.

Déboute la C.S.C.V. de ses plus amples demandes tendant à la suppression de clauses abusives.

Déclare la demande tendant à voir appliquer le jugement aux contrats en cours irrecevable.

Condamne la SARL AGERPA « LES BOISERIES » à verser :

* à Mme X. la somme de DEUX MILLE FRANCS au titre, de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile

* à la C.S.C.V. la somme de DEUX MILLE FRANCS à titre de dommages et intérêts et celle de TROIS MILLE FRANCS au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Condamne la SARL AGERPA « LES BOISERIES » aux dépens.

Ainsi jugé et prononcé en audience publique, les jour, mois et an que dessus.

 

 

 

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