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TGI PARIS (1re ch. sect. soc.), 13 février 2002

Nature : Décision
Titre : TGI PARIS (1re ch. sect. soc.), 13 février 2002
Pays : France
Juridiction : TGI Paris. 1re ch. sect. soc.
Demande : 00/20297
Décision : 02/16
Date : 13/02/2002
Nature de la décision : Admission
Date de la demande : 26/09/2000
Décision antérieure : CA PARIS (25e ch. sect. A), 19 décembre 2003
Numéro de la décision : 16
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CERCLAB/CRDP - FICHE N° 3327

TGI PARIS (1re ch. sect. soc.), 13 février 2002 : RG n° 00/20297 ; jugement n° 16

(sur appel CA paris (25e ch. A), 19 décembre 2003 : RG n° 2002/04822)

 

Extraits : 1/ « Attendu que la demanderesse invoquant l'existence d'un dommage subi dans le ressort du tribunal de céans par suite de la diffusion et de la réception du publipostage litigieux par Monsieur X. demeurant à Paris, l'association demanderesse a pu saisir valablement notre juridiction sur le fondement de l'article 46 alinéa 3 du nouveau Code de procédure civile ».

2/ « Attendu que comme le soutient à juste titre l'association demanderesse, cette clause constitue un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties puisqu'elle impose au gagnant de renoncer à la protection qui lui est reconnue par l'article 9 du Code civil en échange de la remise du prix, cette obligation de renonciation aux dispositions de l'article 9 précité revêtant à l'évidence un caractère illicite »

3/ « Attendu que l'article 12 du même règlement stipule que : « le simple fait de participer implique l’acceptation pure et simple du règlement et des instructions figurant sur les documents » ; Or attendu qu'une telle clause, dont au surplus la lecture est volontairement rendue difficile, rend opposable au consommateur des conditions qu'il ne connaît pas et qu'il n'a pas ratifiées ;

4/ « Attendu enfin que l'article 15 dispose : « qu'en cas de force majeure, la société organisatrice se réserve le droit d'annuler le présent jeu et sans un quelconque dédommagement pour les participants. Est notamment considérée comme cas de force majeure l’erreur matérielle commise de bonne foi par un prestataire extérieur à la société ou par un membre du personnel de BIOTONIC » ; Attendu qu'au visa d'une telle clause renvoyant à la notion de force majeure dans des hypothèses qui ne relèvent pas de celle-ci telle l'erreur d'un membre du personnel ou d'un prestataire extérieur dont la réalité ne pourra jamais être utilement vérifiée, la société BIOTONIC se réserve la possibilité de se libérer selon son bon vouloir de tous ses engagements envers le consommateur ».

 

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE PARIS

PREMIÈRE CHAMBRE SECTION SOCIALE

JUGEMENT DU 13 FÉVRIER 2002

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION                                      (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 00/20297. Jugement n° 16. Assignation du 16 septembre 2000.

 

DEMANDERESSE :

Association FAMILLES DE FRANCE,

[adresse], représentée par Maître Jérôme FRANCK, avocat au barreau de PARIS, vestiaire M1815

 

DÉFENDERESSE :

SA BIOTONIC

[adresse], représentée par Maître Pierre LUMBROSO, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant, vestiaire E0950, assisté de Maître Claude-André CHAS, avocat au barreau de NICE, avocat plaidant

 

COMPOSITION DU TRIBUNAL : M. GOMEZ, Premier Vice-Président Président de la formation, Mme TAILLANDIER, Vice-Président Mme GRIVEL, Juge Assesseurs, assistés de Christelle DANDURAND, Greffier

[minute page 2] DÉBATS : A l'audience du 05 décembre 2001 tenue publiquement.

JUGEMENT : Prononcé en audience publique, Contradictoire, En premier ressort.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                                                         (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Vu, à la suite de l'assignation introductive de la présente instance, les dernières écritures développées en demande aux termes desquelles l'Association des Familles de France, association agréée pour représenter les intérêts collectifs du consommateur au sens des articles L. 411-1 et suivants du Code de la consommation, fait grief à la société BIOTONIC, société de vente par correspondance, qui organise des jeux consistant en des loteries et qui adresse pour ce faire des millions de publipostages dont certains sont reçus dans le ressort du Tribunal de céans en particulier par Monsieur X. demeurant à Paris, d'une part de violer délibérément l'interdiction de lier la participation à une telle loterie à une commande, sanctionnée par l'article L. 121-41 du Code de la consommation et, d'autre part, d'inclure aux articles 10, 12, 15 du règlement de la loterie des clauses contrevenant aux dispositions de l'article L. 132-1 du même Code et sollicite en conséquence avec exécution provisoire, au visa des articles L. 411-1., L. 421-1 et suivants du Code de la consommation et 1382 du Code civil, outre l'interdiction, sous astreinte, de la diffusion de la publicité litigieuse et la suppression des clauses abusives dans le règlement du jeu et la diffusion d'un communiqué judiciaire tel que libellé au dispositif de ses écritures, la condamnation de ladite société au paiement de la somme de 100.000 Francs à titre de dommages-intérêts et celle de 15.000 Francs sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,

Vu les dernières écritures développées en défense aux termes desquelles la société BIOTONIC, après avoir soulevé l'incompétence du tribunal de céans pour connaître de la demande aux motifs qu'elle a son siège social dans le ressort du tribunal de grande instance de Grasse et que la demanderesse est irrecevable en l'espèce à exciper des dispositions de l'article 46 alinéa 2 du nouveau Code de procédure civile, en l'absence d'infraction pénale fondant une action introduite au visa de l'article L. 421-2 du Code de la consommation, conclut, à titre subsidiaire, sur le fond, au débouté de la demande et reconventionnellement à la condamnation de la demanderesse au paiement de la somme de 10.000 Francs à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive et de celle de 15.000 Francs sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, en faisant valoir pour l'essentiel que le jeu publicitaire [minute page 3] invoqué en demande est parfaitement licite et que le règlement ne contient aucune clause abusive, insistant en tout état de cause sur le fait qu'il n'est pas possible d'invoquer l'existence de telles clauses en l'absence de tout contrat liant les parties ;

 

MOTIFS (justification de la décision)                                                                 (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

VU POUR LE SURPLUS ENSEMBLE LES ÉCRITURES DES PARTIES ET LES PIÈCES PRODUITES AUX DÉBATS

 

Sur l'exception d'incompétence :

Attendu que la demanderesse invoquant l'existence d'un dommage subi dans le ressort du tribunal de céans par suite de la diffusion et de la réception du publipostage litigieux par Monsieur X. demeurant à Paris, l'association demanderesse a pu saisir valablement notre juridiction sur le fondement de l'article 46 alinéa 3 du nouveau Code de procédure civile ;

Que dès lors l'exception d'incompétence ne saurait prospérer ;

 

Sur la recevabilité à agir de la demanderesse :

Attendu que la demanderesse, association agréée au sens de l'article L. 411 et de l'article L. 421-1 du Code de la consommation, poursuit la sanction de clauses abusives ;

Attendu que l'article L. 421-6 du même Code dispose qu'une association agréée peut demander à la juridiction civile la suppression d'une clause illicite ou abusive ;

Attendu que 1’association demanderesse a donc qualité pour agir ;

 

Sur le fond du litige :

Attendu que Monsieur X. a reçu un courrier publicitaire de 1a société BIOTONIC l'informant de la mise en attente à son profit du « règlement de 100.000 Francs par chèque bancaire », montant du prix mis en jeu ;

Attendu qu'à cet avis était joint un bon de commande BIOTONIC comportant au verso le règlement du jeu qui constitue de par la volonté non équivoque de BIOTONIC un engagement contractuel de cette société vis-à-vis de tout consommateur ayant réceptionné le message publicitaire :

Attendu que l'article 10 de ce règlement dispose que :

« le gagnant ne pourra s’opposer à une éventuelle utilisation publicitaire gratuite notamment dans d'autres documents et supports de BIOTONIC de ses nom, adresse et photographie sauf s'il renonce à son prix » ;

[minute page 4] Attendu que comme le soutient à juste titre l'association demanderesse, cette clause constitue un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties puisqu'elle impose au gagnant de renoncer à la protection qui lui est reconnue par l'article 9 du Code civil en échange de la remise du prix, cette obligation de renonciation aux dispositions de l'article 9 précité revêtant à l'évidence un caractère illicite ;

Attendu que l'article 12 du même règlement stipule que :

« le simple fait de participer implique l’acceptation pure et simple du règlement et des instructions figurant sur les documents » ;

Or attendu qu'une telle clause, dont au surplus la lecture est volontairement rendue difficile, rend opposable au consommateur des conditions qu'il ne connaît pas et qu'il n'a pas ratifiées ;

Attendu enfin que l'article 15 dispose :

« qu'en cas de force majeure, la société organisatrice se réserve le droit d'annuler le présent jeu et sans un quelconque dédommagement pour les participants. Est notamment considérée comme cas de force majeure l’erreur matérielle commise de bonne foi par un prestataire extérieur à la société ou par un membre du personnel de BIOTONIC » ;

Attendu qu'au visa d'une telle clause renvoyant à la notion de force majeure dans des hypothèses qui ne relèvent pas de celle-ci telle l'erreur d'un membre du personnel ou d'un prestataire extérieur dont la réalité ne pourra jamais être utilement vérifiée, la société BIOTONIC se réserve la possibilité de se libérer selon son bon vouloir de tous ses engagements envers le consommateur ;

Attendu que ces trois articles du règlement du jeu constituent des clauses illicites et abusives ;

Attendu, par ailleurs, que la rédaction du message publicitaire en particulier de la phrase suivante « Je commande pour accélérer le cas échéant la remise du chèque » figurant sur le bon de commande est de nature à faire croire au consommateur que le fait de commander est susceptible d'avoir un impact sur sa participation au jeu et doit en outre être analysée comme une incitation à passer commande prohibée par l'article L. 121-36 du Code de la consommation ;

Attendu qu'en conséquence, il y a lieu d'ordonner à BIOTONIC de supprimer dans le règlement du jeu les articles 10, 12 et 15 et sur le bon de commande les mentions relatives au traitement prioritaire de la participation au jeu en cas de commande, ce sous astreinte ;

[minute page 5] Attendu qu'il y a lieu d'ordonner la publication de la décision par extraits dans deux journaux de consommateurs aux frais de la défenderesse dans les conditions précisées ci-dessous ;

Attendu, enfin, qu'il est justifié d'allouer à la demanderesse la somme de 5.000 euros en réparation du préjudice causé à la collectivité des consommateurs qu'elle a vocation à représenter, outre celle de 2.250 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

Attendu que l'exécution provisoire est nécessaire et compatible avec la nature de l'affaire ; qu'elle sera donc ordonnée :

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                                                            (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

Le Tribunal, statuant publiquement, contradictoirement et en premier ressort,

Constate que les documents publicitaires valant engagement contractuel de BIOTONIC envers les consommateurs qui les réceptionnent comportent des mentions et des clauses illicites et abusives :

Constate en particulier le caractère illicite de la mention relative à un traitement prioritaire de la participation au jeu en cas de commande et le caractère illicite et abusif des articles 10, 12 et 15 du règlement du jeu réceptionné par un consommateur Monsieur X. courant 2000 ;

Ordonne à la société BIOTONIC de supprimer ces mentions et articles du règlement de l'ensemble de ses envois publicitaires et d'en justifier auprès de la demanderesse sous astreinte de 152,45 € (1.000 Francs) par infraction constatée ;

Ordonne la publication par extraits de la présente décision dans deux journaux de consommateurs aux frais de BIOTONIC sans toutefois qu'une publication puisse excéder le prix de 3.000 euros ;

Condamne BIOTONIC à payer à l'association demanderesse la somme de CINQ MILLE EUROS (5.000 €) (32.797 Francs) à titre de dommages-intérêts et de celle de DEUX MILLE DEUX CENT CINQUANTE EUROS (2.250 €) (14.759,03 Francs) sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile :

Ordonne l'exécution provisoire du jugement ; Rejette toutes autres demandes.

Condamne la société B aux entiers dépens. Fait et jugé à Paris le 13 février 2002.

 

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