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CA PARIS (25e ch. sect. A), 19 décembre 2003

Nature : Décision
Titre : CA PARIS (25e ch. sect. A), 19 décembre 2003
Pays : France
Juridiction : Paris (CA), 25e ch. sect. A
Demande : 2002/20297
Date : 19/12/2003
Nature de la décision : Confirmation
Mode de publication : Juris Data
Décision antérieure : TGI PARIS (1re ch. sect. soc.), 13 février 2002
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CERCLAB/CRDP - DOCUMENT N° 868

CA PARIS (25e ch. sect. A), 19 décembre 2003 : RG n° 2002/20297

Publication : Juris-Data n° 230702

 

Extraits : 1/ « Considérant que sans lien contractuel avec la SA BIOTONIC, L'ASSOCIATION FAMILLES DE FRANCE introduit une action de nature quasi délictuelle à son encontre, ce qui ne fait nullement obstacle au caractère contractuel des documents publicitaires et des règlements des jeux adressés par la SA BIOTONIC à des consommateurs. Que l'engagement n'existe qu'entre la SA BIOTONIC et les consommateurs qui réceptionnent les publipostages. Considérant que fondée sur les articles L. 421-1 - L. 421-2 et L. 421-6 du code de la consommation, l'action de L'ASSOCIATION FAMILLES DE FRANCE a par ailleurs, pour objet l'obtention de mesures destinées à faire cessez des agissements illicites de la SA BIOTONIC dans les publipostages adressés à des consommateurs comme Monsieur X. et à faire constater le caractère abusif, au regard de l'article L. 132-1 du code de la consommation, de clauses figurant dans les règlements des jeux organisés par la SA. BIOTONIC. Considérant qu'en matière délictuelle ou quasi délictuelle, peut être compétente territorialement la juridiction du lieu du fait dommageable ou celle dans le ressort de laquelle est subi le dommage. »

2/ « Considérant, en outre, que l'action de L'ASSOCIATION FAMILLES DE FRANCE n'était pas devenue sans objet à la date de l'assignation, dans la mesure où, comme le précise l'intimée les clauses critiquées étaient habituellement utilisées dans les modèles de convention en cours au jour de la saisine du Tribunal et même à la date où il a statué et où il est établi que la SA BIOTONIC a poursuivi l'envoi de publipostages comportant une mention sanctionnée par le jugement entrepris. »

3/ « Considérant que la SA BIOTONIC, entreprise de vente par correspondance, est engagée par quasi contrat envers les clients auxquels elle adresse des documents publicitaires concernant une loterie. Qu'elle s'oblige en effet à délivrer le gain annoncé au gagnant du jeu ou à un client dénommé, qui a pu croire avoir gagné, si l'existence d'un aléa n'a pas été mis en évidence. Qu'ainsi, les documents publicitaires et le règlement qui détermine les conditions de participation au jeu rentrent dans le champ contractuel entre l'organisateur et le client qui ne contracte lui-même que lorsqu'il renvoie le bon de participation. »

4/ « Considérant, ensuite, que l'article 10 du règlement précité apparaît bien être une clause abusive pour les motifs pertinents retenus par le Tribunal et que la Cour adopte.

Que concernant l'article 12 du règlement, lequel stipule que « le simple fait de participer implique l'acceptation pure et simple du règlement et des instructions figurant sur les documents », il convient de relever que dans le jeu « 100.000 francs par chèque bancaire », le règlement est placé sous l'attestation certifiée de versement garanti, au recto des bons de participation et de commande. Que le règlement se présente sous forme d'un bloc compact de 15 articles imprimés en petits caractères comparés à la taille de l'annonce publicitaire qui le précède, difficilement lisibles ; Qu'une telle présentation ne peut que décourager le consommateur moyennement avisé de lire le règlement et donc d'en prendre connaissance même si cette lecture lui est conseillée après l'article 15 ainsi que par un document publicitaire séparé. Que de même les documents publicitaires sont nombreux, personnalisés, affirmatifs et attractifs. Que le consommateur normalement diligent et doté d'une capacité moyenne de compréhension ne peut distinguer dans ces écrits colorés, aux caractères de grande taille, les stipulations valant instruction de celles qui n'ont qu'un caractère d'information voire d'incitation.

Que dans de telles conditions, le règlement du jeu et les instructions figurant sur les documents publicitaires ne peuvent être opposables au consommateur qui les a reçus mais qu'il n'a pu ratifier faute de pouvoir en prendre sérieusement connaissance au moment de la conclusion du contrat. Que le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu'il a qualifié l'article 12 de clause abusive, étant indiqué que ce règlement et les documents qui l'accompagnent demeurent en revanche opposables au professionnel qui les a rédigés.

Que l'article 15 du règlement constitue aussi une clause abusive pour les motifs énoncés par le Tribunal et que la Cour adopte. Qu'il sera simplement précisé que les événements, cités en exemples de cas de force majeure par la SA BIOTONIC dans l'article 15, n'ont pas les caractères d'imprévisibilité, d'irrésistibilité voire d'extériorité de la force majeure et qu'il est ainsi vrai qu'au visa d'un tel texte, la SA BIOTONIC peut se libérer de ses engagements selon son bon vouloir et sans possibilité pour le consommateur de solliciter une réparation. ».

 

COUR D’APPEL DE PARIS

VINGT CINQUIÈME CHAMBRE SECTION A

ARRÊT DU 19 DÉCEMBRE 2003

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION                                      (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Numéro d'inscription au répertoire général 2002/04822. Décision déférée à la Cour ; Jugement rendu le 13 février 2002 par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE de PARIS - RG 2000/20297.

 

APPELANTE :

SA BIOTONIC

prise en la personne de ses représentants légaux, ayant son siège [adresse], représenté par Maître COUTURIER, avoué à la Cour, assisté de Maître CHAS, Avocat au Barreau de NICE, [adresse] [minute page 2]

 

INTIMÉE :

ASSOCIATION FAMILLES DE FRANCE

prise en la personne de ses représentants légaux ayant son siège [adresse], représenté par Maître BODIN-CASALIS, avoué assisté de Maître FRANCK JEROME,

 

COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le : 23 octobre 2003, en audience publique, devant la Cour composée de : Monsieur BETCH, président Madame JAUBERT, conseiller Madame BERNARD, conseiller, qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Madame GOUGE.

ARRÊT : - contradictoire - prononcé publiquement par Monsieur BETCH président - signé par Monsieur BETCH, président et par Madame GOUGE, greffière présente lors du prononcé.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                                                         (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

[minute page 3] Invoquant le caractère abusif des clauses insérées dans le règlement de jeux promotionnels organisés par le SA BIOTONIC et la violation de règles d'ordre public dans les publipostages personnalisés contenant ces jeux et adressés à des consommateurs comme Monsieur X. et Madame Y. par la même société, L'ASSOCIATION FAMILLES DE FRANCE a assigné le 26 septembre 2000 cette dernière devant le Tribunal de Grande Instance de PARIS.

La demanderesse a sollicité, au titre des articles L. 411-1 et L. 421-1 et 2 du Code de la Consommation et de l'article 1382 du Code Civil, l'interdiction de la diffusion des publipostages litigieux, la suppression des clauses abusives dans les règlements des jeux en cause, la diffusion d'un communiqué judiciaire, le tout sous astreinte ainsi que la condamnation de la SA BIOTONIC à lui payer 100.000 francs à titre de dommages et intérêts.

La SA BIOTONIC a soulevé l'incompétence territoriale du Tribunal de Grande Instance de PARIS au profit du Tribunal de Grande Instance de GRASSE, l'irrecevabilité des demandes et subsidiairement a conclu au débouté des prétentions de L'ASSOCIATION FAMILLES DE FRANCE et à la condamnation de cette dernière à lui payer 10.000 francs à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive.

Par jugement rendu le 13 février 2002, le Tribunal de Grande Instance de Paris s'est reconnu compétent, a déclaré l'ASSOCIATION FAMILLES DE FRANCE recevable à poursuivre la SA BIOTONIC et a constaté que les documents publicitaires valant engagement contractuel de la SA BIOTONIC envers les consommateurs qui les réceptionnent, comportaient des mentions illicites et des clauses abusives.

Le Tribunal a constaté le caractère illicite de la mention relative à un traitement prioritaire de la participation au jeu en cas de commande et le caractère abusif des articles 10 - 12 et 15 du règlement du jeu réceptionné par un consommateur Monsieur X. courant 2000.

Le Tribunal a donc ordonné à la société BIOTONIC de supprimer ces mentions et articles du règlement de l'ensemble de ses envois publicitaires et d'en justifier auprès de la demanderesse, sous astreinte de 152,45 euros par infraction constatée.

Il a, en outre, ordonné la publication des extraits du jugement dans deux journaux de consommateurs aux frais de la société BIOTONIC, sans toutefois qu'une publication puisse excéder le prix de 3.000 euros.

[minute page 4] Enfin le Tribunal a condamné la société BIOTONIC à payer à L'ASSOCIATION FAMILLES DE FRANCE 5.000 Euros à titre de dommages et intérêts ainsi que 2.250 Euros en application de l'article 700 du NCPC.

L'exécution provisoire du jugement a été au surplus ordonnée. La SA BIOTONIC a relevé appel de cette décision.

Par ordonnance du 24 mai 2002 le délégataire du Premier Président de la Cour d'Appel de Paris a arrêté l'exécution provisoire du seul chef des mesures de publication.

Par ailleurs la SA BIOTONIC a justifié avoir demandé à La société O.C.D.I. à VALLAURIS par courrier du 26 mars 2002 de modifier les articles 10-12 et 15 des règlements de ses jeux en exécution du jugement entrepris.

Elle a produit les textes nouveaux de ces articles, dépourvus des clauses incriminées. La société O.C.D.I a pris acte de ces modifications par lettre du 14 mai 2002.

Dans ses dernières conclusions signifiées le 5 juin 2003 et auxquelles il est renvoyé, la SA BIOTONIC maintient principalement, d'une part, que le Tribunal de Grande Instance de PARIS aurait du se déclarer initialement incompétent au profit du Tribunal de Grande Instance de GRASSE.

Elle estime que l'option offerte par l'alinéa 3 de l'article 46 du N.C.P.C. sur le fondement duquel le Tribunal a retenu sa compétence territoriale, ne joue pas lorsque la responsabilité est contractuelle. Or elle soutient que le Tribunal a statué au fond en visant le caractère contractuel de son envoi destiné à Monsieur X., l'action en justice initiée l'étant d'ailleurs sur le seul fondement contractuel.

Elle demande ainsi de renvoyer l'espèce devant la Cour d'Appel D'AIX­-EN-PROVENCE, juridiction d'appel du Tribunal de Grande Instance de GRASSE, compétent en première instance.

Pour le cas où la cour retiendrait néanmoins sa compétence territoriale, la SA BIOTONIC excipe d'autre part, de l'irrecevabilité de l’action de L'ASSOCIATION FAMILLES DE FRANCE en l'absence d'infraction pénale. Subsidiairement, au fond, la SA BIOTONIC fait valoir que le règlement du jeu promotionnel, intitulé « 100.000 francs au gagnant » et essentiellement visé par L'ASSOCIATION FAMILLES DE FRANCE, n'est pas un contrat mais un simple document faisant partie d'un message publicitaire. Elle en déduit que l'on ne peut rechercher de prétendues clauses abusives dans ce règlement. La SA BIOTONIC allègue, par ailleurs, avoir respecté l'obligation de gratuité inhérente aux jeux promotionnels, jeux gratuits sans obligation d'achat comme

[minute page 5] le précisent le règlement du jeu et le bon de participation.

Toutefois, dans la mesure où l'existence d'un contrat serait admise, la SA BIOTONIC fait observer, en premier lieu, que la demande de L'ASSOCIATION FAMILLES DE FRANCE était devenue sans objet à la date de l'assignation, le jeu litigieux n'étant plus à cette date proposé aux consommateurs.

En second lieu, elle affirme que les articles du règlement visés par l'intimée ne correspondent pas à la définition de la clause abusive, le consommateur normalement intelligent et avisé, doté d'une capacité de compréhension moyenne devant, avant de participer à une loterie publicitaire, lire les documents qui lui sont adressés et en particulier le règlement.

La SA BIOTONIC ajoute encore que s'agissant des hypothèses de force majeure visées par l'article 15, il s'agit bien de faits entrant dans la définition de la force majeure au sens de l'article 1148 du code civil et de la jurisprudence.

Elle sollicite ainsi le débouté des prétentions de L'ASSOCIATION FAMILLES DE FRANCE, laquelle au surplus, n'aurait droit, en cas de succès de son action, qu'à des dommages et intérêts symboliques pour le préjudice porté à l'intérêt collectif des consommateurs.

L'appelante réclame par contre la condamnation de L'ASSOCIATION FAMILLES DE FRANCE à lui payer 1.500 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et 3.000 euros en application de l'article 700 du NCPC.

Dans ses dernières écritures signifiées le 5 décembre 2002 et auxquelles il est renvoyé, L'ASSOCIATION FAMILLES DE FRANCE fait valoir que son action est de nature délictuelle ou quasi délictuelle et que c'est à bon droit que le Tribunal s'est déclaré compétent, en application de l'article 46 alinéa 3 du NCPC, la publicité litigieuse ayant été reçue par Monsieur X. à son domicile […] à PARIS […], soit dans le ressort du tribunal, juridiction du lieu du fait dommageable.

Elle soutient également qu'elle est recevable à agir, en qualité d'association agréée pour représenter les intérêts collectifs des consommateurs, pour demander à la juridiction civile d'ordonner la cessation d'agissements illicites et suppression des clauses illicites dans les modèles de conventions, habituellement utilisées par les professionnels et destinées aux consommateurs, toujours en cours au jour de la saisine du tribunal ainsi que de réparer les préjudices causés à l'intérêt collectif des consommateurs.

[minute page 6] Au fond, L'ASSOCIATION FAMILLES DE FRANCE met en cause, d’abord, le caractère illicite et trompeur du message diffusé par la société BIOTONIC dans la lettre adressée à Monsieur X.. Elle précise en effet que dans ce document, la société BIOTONIC viole délibérément l'interdiction de toute contrepartie à la participation à un jeu, sanctionnée pénalement par l'article L. 121-41 du code de la consommation, en incitant les consommateurs à passer une commande pour accroître leurs chances de succès au jeu.

L'intimée stigmatise ensuite les clauses abusives figurant aux articles 10 - 12 et 15 du règlement du jeu adressé à Monsieur X., ces clauses figurant aussi dans les règlements d'autres jeux comme « la cagnotte de la chance » ou « une chance pour vous » ou encore « le millionnaire de l'an 2000 » dont la date de validité est fixée au 31 décembre 2000 soit postérieurement à l'assignation.

Elle qualifie de contrat, le règlement qui détermine les conditions de participation et affirme que les clauses critiquées sont abusives au sens de l'article L. 132-1 du code de la consommation et pour les motifs retenus par le tribunal.

Enfin L'ASSOCIATION FAMILLES DE FRANCE fait valoir qu'elle est recevable à demander réparation des préjudices subis par la collectivité des consommateurs du fait des agissements illicites de la SA BIOTONIC et de l'insertion de clauses abusives dans les règlements des jeux promotionnels que cette dernière organise.

Elle est appelante incidente toutefois sur le montant de la somme allouée par le Tribunal qu'elle voudrait voir porter à 15.245 euros compte tenu notamment de l'ampleur de l'agissement illicite et de la poursuite par la SA BIOTONIC de ces agissements illicites au mépris du jugement entrepris assorti de l'exécution provisoire.

Elle réclame donc la condamnation de la S.A BIOTONIC à lui payer 15.245 euros à titre de dommages et intérêts ainsi que 2.500 euros en application de l'article 700 du NCPC en cause d'appel et conclut au débouté de la demande d'indemnisation formée reconventionnellement par la SA BIOTONIC qui se plaint, à tort, selon l'intimée, d'un abus de procédure et d'une publicité dommageable qu'elle aurait faite au jugement entrepris.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                                                 (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

SUR QUOI :

Quant à la compétence du Tribunal de Grande Instance de Paris :

Considérant que L'ASSOCIATION FAMILLES DE FRANCE, qui verse aux débats les statuts datés du 7 juin 1997 de la Fédération Nationale Familles de France dont elle est membre ainsi que la copie de l'arrêté du 25 [minute page 7] août 2000 portant renouvellement de son agrément pour 5 ans à compter du 12 septembre 2000 (JO. 2 septembre 2000), est une association agréée pour exercer sur le plan national les droits reconnus aux associations agréées de consommateurs par le code de la consommation.

Considérant que sans lien contractuel avec la SA BIOTONIC, L'ASSOCIATION FAMILLES DE FRANCE introduit une action de nature quasi délictuelle à son encontre, ce qui ne fait nullement obstacle au caractère contractuel des documents publicitaires et des règlements des jeux adressés par la SA BIOTONIC à des consommateurs. Que l'engagement n'existe qu'entre la SA BIOTONIC et les consommateurs qui réceptionnent les publipostages. Considérant que fondée sur les articles L. 421-1 - L. 421-2 et L. 421-6 du code de la consommation, l'action de L'ASSOCIATION FAMILLES DE FRANCE a par ailleurs, pour objet l'obtention de mesures destinées à faire cessez des agissements illicites de la SA BIOTONIC dans les publipostages adressés à des consommateurs comme Monsieur X. et à faire constater le caractère abusif, au regard de l'article L. 132-1 du code de la consommation, de clauses figurant dans les règlements des jeux organisés par la SA. BIOTONIC

Considérant qu'en matière délictuelle ou quasi délictuelle, peut être compétente territorialement la juridiction du lieu du fait dommageable ou celle dans le ressort de laquelle est subi le dommage.

Que le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a écarté l'exception d'incompétence territoriale soulevée par la SA BIOTONIC et retenu la compétence du Tribunal de Grande Instance de PARIS

Qu'il est établi, par les pièces versées aux débats, que le dommage allégué, résultant de la diffusion de publipostages critiqués par la SABIOTONIC, a été subi dans le ressort du Tribunal de Grande Instance de PARTS, la diffusion étant intervenue dans le ressort puisque les consommateurs destinataires parmi lesquels Monsieur X. et Madame Y. ont reçu, les publipostages à leurs domiciles situés respectivement […] à PARIS […] et […] à PARIS […].

Qu'il importe peu, sur le plan de la compétence, que le fait dommageable se soit également produit dans le ressort d'autres tribunaux, l'option pouvant jouer en l'espèce au profit du Tribunal de Grande Instance de PARIS.

[minute page 8]

Quant à la recevabilité à agir de l’association familles de France :

Considérant qu'il est constant qu'une association agréée de défense des consommateurs est en droit de demander devant les juridictions civiles la réparation, notamment par l'octroi de dommages et intérêts de tout préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif des consommateurs.

Que L'ASSOCIATION FAMILLES DE FRANCE est donc recevable à agir, comme 1'a estimé le Tribunal pour faire cesser ou interdire tout agissement illicite de la SA BIOTONIC et faire supprimer des clauses abusives dans un contrat ou type de contrat proposé ou destiné au consommateur par la même société, indépendamment de toute action individuelle d'un consommateur et de la signature effective d'un contrat.

Considérant, en outre, que l'action de L'ASSOCIATION FAMILLES DE FRANCE n'était pas devenue sans objet à la date de l'assignation, dans la mesure où, comme le précise l'intimée les clauses critiquées étaient habituellement utilisées dans les modèles de convention en cours au jour de la saisine du Tribunal et même à la date où il a statué et où il est établi que la SA BIOTONIC a poursuivi l'envoi de publipostages comportant une mention sanctionnée par le jugement entrepris.

 

QUANT AU FOND :

Considérant que la SA BIOTONIC, entreprise de vente par correspondance, est engagée par quasi contrat envers les clients auxquels elle adresse des documents publicitaires concernant une loterie. Qu'elle s'oblige en effet à délivrer le gain annoncé au gagnant du jeu ou à un client dénommé, qui a pu croire avoir gagné, si l'existence d'un aléa n'a pas été mis en évidence.

Qu'ainsi, les documents publicitaires et le règlement qui détermine les conditions de participation au jeu rentrent dans le champ contractuel entre l'organisateur et le client qui ne contracte lui-même que lorsqu'il renvoie le bon de participation.

Considérant sur ce que c'est à juste titre que le Tribunal a ordonné à la société BIOTONIC de supprimer dans le règlement du jeu « 100.000 francs par chèque bancaire » les articles 10 - 12 et 15 qu'il a qualifié de clauses abusives et sur le bon de commande, les mentions relatives au traitement prioritaire de la participation au jeu en cas de commande.

[minute page 9] Qu’il est vérifié liminairement que la société BIOTONIC insérait habituellement les clauses jugées abusives dans les règlements de jeux postérieurs au jeu « 100.000 francs par chèque bancaire », comme « la cagnotte de la chance », « une chance pour tous », « le millionnaire de l'an 2000 », et qu'elle a dans un jeu récent, intitulé « remise de la somme de 9.750 euros » maintenu un service prioritaire pour bénéficier de ce gain au clients, qui passaient en même temps une commande.

Qu'ainsi le présent arrêt garde tout son intérêt au regard de l'action intentée par L'ASSOCIATION FAMILLES DE FRANCE.

Considérant, ensuite, que l'article 10 du règlement précité apparaît bien être une clause abusive pour les motifs pertinents retenus par le Tribunal et que la Cour adopte.

Que concernant l'article 12 du règlement, lequel stipule que « le simple fait de participer implique l'acceptation pure et simple du règlement et des instructions figurant sur les documents », il convient de relever que dans le jeu « 100.000 francs par chèque bancaire », le règlement est placé sous l'attestation certifiée de versement garanti, au recto des bons de participation et de commande.

Que le règlement se présente sous forme d'un bloc compact de 15 articles imprimés en petits caractères comparés à la taille de l'annonce publicitaire qui le précède, difficilement lisibles ;

Qu'une telle présentation ne peut que décourager le consommateur moyennement avisé de lire le règlement et donc d'en prendre connaissance même si cette lecture lui est conseillée après l'article 15 ainsi que par un document publicitaire séparé.

Que de même les documents publicitaires sont nombreux, personnalisés, affirmatifs et attractifs. Que le consommateur normalement diligent et doté d'une capacité moyenne de compréhension ne peut distinguer dans ces écrits colorés, aux caractères de grande taille, les stipulations valant instruction de celles qui n'ont qu'un caractère d'information voire d'incitation.

Que dans de telles conditions, le règlement du jeu et les instructions figurant sur les documents publicitaires ne peuvent être opposables au consommateur qui les a reçus mais qu'il n'a pu ratifier faute de pouvoir en prendre sérieusement connaissance au moment de la conclusion du contrat. Que le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu'il a qualifié l'article 12 de clause abusive, étant indiqué que ce règlement et les documents qui l'accompagnent demeurent en revanche opposables au professionnel qui les a rédigés.

[minute page 10] Que l'article 15 du règlement constitue aussi une clause abusive pour les motifs énoncés par le Tribunal et que la Cour adopte.

Qu'il sera simplement précisé que les événements, cités en exemples de cas de force majeure par la SA BIOTONIC dans l'article 15, n'ont pas les caractères d'imprévisibilité, d'irrésistibilité voire d'extériorité de la force majeure et qu'il est ainsi vrai qu'au visa d'un tel texte, la SA BIOTONIC peut se libérer de ses engagements selon son bon vouloir et sans possibilité pour le consommateur de solliciter une réparation.

Considérant par ailleurs, que c'est à bon droit que le Tribunal a ordonné la suppression sur le bon de commande de la mention relative au traitement prioritaire de la participation au jeu en cas de commande.

Que la loterie n'impose aucune participation financière ni dépense sous quelque forme que ce soit. Que le message publicitaire : « je commande pour accélérer le cas échéant la remise du chèque » doit effectivement être ainsi analysée comme une incitation à passer commande, prohibée par l'article L. 121-36 du code de la consommation.

Considérant que le préjudice causé à la collectivité des consommateurs par les agissements de la société BIOTONIC sera réparé par des dommages et intérêts portés à 10.000 euros pour tenir compte du maintien par la société BIOTONIC de la mention relative au traitement provisoire de la participation au jeu si une commande y est jointe.

Considérant en revanche, qu'il n'y a plus lieu d'ordonner la publication du présent arrêt ou du jugement entrepris par extraits dans deux journaux de consommateurs puisque malgré l'arrêt de l'exécution provisoire concernant cette mesure, L'ASSOCIATION FAMILLES DE FRANCE a relaté le jugement entrepris dans la lettre « FAMILLES DE France » et dans « L'INC HEBDO ».

Considérant qu'il sera alloué 1 euro à titre de dommages et intérêts à la SA BIOTONIC pour cette publicité prématurée, la procédure introduite par L'ASSOCIATION FAMILLES DE FRANCE et qui fait l'objet de la présente instance n'ayant quant à elle aucun caractère abusif.

Considérant qu'il y a lieu de condamner la SA BIOTONIC à payer à L'ASSOCIATION FAMILLES DE FRANCE 3.000 euros supplémentaires en application de l'article 700 du NCPC.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                                                            (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

[minute page 11] PAR CES MOTIFS,

Statuant contradictoirement,

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions hormis des chefs de la publication par extraits du jugement entrepris dans deux journaux de consommateurs aux frais de la SA BIOTONIC et du montant des dommages et intérêts alloués à L'ASSOCIATION FAMILLES DE FRANCE.

STATUANT A NOUVEAU,

Dit les publications devenues sans objet,

Condamne la SA BIOTONIC à payer à L'ASSOCIATION FAMILLES DE FRANCE 10.000 euros à titre de dommages et intérêts.

Y AJOUTANT,

Condamne L'ASSOCIATION FAMILLES DE FRANCE à payer à la SA BIOTONIC 1 euro à titre de dommages et intérêts

Condamne la SA BIOTONIC à verser à L'ASSOCIATION FAMILLES DE FRANCE 3.000 euros en application de l'article 700 du NCPC en cause d'appel.

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

Condamne la SA BIOTONIC aux entiers dépens,

Admet Maître BODIN-CASALIS, avoué, au bénéfice de l'article 699 du NCPC.

 

 

 

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