TGI GRASSE (1re ch. civ. sect. A), 22 mai 2000
CERCLAB/CRDP - DOCUMENT N° 366
TGI GRASSE (1re ch. civ. sect. A), 22 mai 2000 : RG n° 96/08664 ; jugement n° 00/759
(sur appel CA Aix-en-Provence (1re ch. D), 25 septembre 2003 : RG n° 00/14211 ; arrêt n° 263)
Extraits 1/ : « Le défendeur soutient que le contrat est soumis aux dispositions d'ordre public du code de la consommation ; que l'action n'a pas été formée dans les deux années suivant l'évènement qui lui a donné naissance ; qu'en application des dispositions de l'article L. 311-1 du code de la consommation, la société est forclose. Les contrats litigieux portent toutefois la mention du « cabinet X. » et le tampon professionnel de l'intéressé « AVOCAT ». Il n'est en outre pas sérieusement contesté que le matériel informatique a été loué afin d'être installé et utilisé au sein du cabinet professionnel du contractant. En conséquence, seule la loi n° 66-455 du 02 juillet 1966 s'applique à l'exclusion de la loi du 10 janvier 1978 (qui en son article 3 exclut expressément du bénéfice de ses dispositions les opérations de crédit destinées à financer les besoins d'une activité professionnelle). Ce moyen de défense ne peut donc prospérer. »
2/ « En application des dispositions de l'article L. 132-1 du code de la consommation les clauses abusives sont réputées non écrites. Il s'agit des clauses qui, dans les contrats conclus entre professionnel et non professionnel, ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non professionnel, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat. En l'espèce s'agissant de matériel informatique Monsieur X., avocat, doit être considéré comme un non professionnel. Il ne peut être contesté que la SA IFF est un professionnel du crédit-bail ; qu'elle a en outre un lien étroit avec le producteur du matériel acheté en vue d'être loué. »
3/ « La clause litigieuse est critiquée en ce qu'elle permet à la société IFF d'obtenir à la fois la restitution du matériel (en privant le loueur de la possibilité de rechercher lui-même un acquéreur ou de contrôler les conditions de vente), et le paiement de la totalité des loyers. Il apparaît toutefois que dans le contrat de crédit-bail, la fonction du bailleur est purement financière. Le matériel est acheté par le locataire au nom et pour le compte du bailleur, qui est un organisme financier. De sorte que le préjudice en cas de rupture anticipée du contrat est constitué non seulement par l'absence des gains escomptés, mais également par la nécessité que la société de financement a eu quant à elle de régler la facture d'achat du bien, et par la difficulté de revendre un matériel qui a été choisi dans le but exclusif de satisfaire aux besoins spécifiques du contractant. Ceci est d'autant plus remarquable en ce qui concerne le matériel informatique. En outre, il s'agit bien d'un contrat de location. L'obligation la plus évidente du locataire, est bien celle de rendre le bien en cas de défaillance de sa part... L'existence d'un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat n'est donc pas établie. La clause ne sera pas qualifiée d'abusive, sans que le recours à l'avis de la commission apparaisse nécessaire. » »
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE GRASSE
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE SECTION A
JUGEMENT DU 22 MAI 2000
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 96/08664. Jugement n° 00/759.
DEMANDERESSE :
SA IBM FRANCE FINANCEMENT AGISSANT PAR SES REPRÉSENTANTS LÉGAUX
[adresse], représentée par Maître JOLIVET MAIYE HÉLÈNE, avocat au barreau de Grasse, avocat postulant, Plaidant par Maître Jean-Michel PEPIN, avocat au barreau de Paris
DÉFENDEUR :
Monsieur X.
[adresse], représenté par Maître ROSSANINO BERNARD, avocat au barreau de Grasse, avocat postulant et plaidant,
[minute page 2]
COMPOSITION DU TRIBUNAL : JUGE UNIQUE
Président : Madame PISTRE, Juge
Greffier : Madame VICTORIA
En présence de Mademoiselle CHARLES, auditrice de justice,
Vu les articles 801 à 805 du Nouveau Code de Procédure Civile, et sans demande de renvoi devant la formation collégiale.
DÉBATS : Vu l'ordonnance de clôture en date du 9 mars 2000, A l'audience publique du 3 avril 2000 après débats l'affaire a été mise en délibéré au 15 mai 2000. Le prononcé du jugement a été reporté au 22 mai 2000.
PRONONCÉ : A l'audience publique du 22 mai 2000, Présidée par Madame PISTRE Présidente, assistée de Madame VICTORIA, Greffier.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
[minute page 3] EXPOSÉ DU LITIGE :
Vu l'exploit introductif d'instance signifié le 19 août 1996, portant assignation de Monsieur X. par la SA IBM France FINANCEMENT ;
Vu les conclusions signifiées le 22 juin 1999 par Monsieur X. ;
Vu les conclusions signifiées le 8 mars 2000 par la SA IBM France FINANCEMENT (ci après désignée la SA IFF) ;
Vu l'ordonnance de clôture en date du 9 mars 2000.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS :
1 - Sur la procédure :
La SA IFF a conclu en réponse la veille de la clôture, rendant impossible toute réplique.
Il y a lieu en conséquence de rejeter ces écritures tardives, d'ailleurs non conformes aux nouvelles dispositions de l'article 753 du nouveau code de procédure civile.
2 - Sur la demande principale en paiement et en restitution :
Par actes des 30 novembre et 29 décembre 1993, Monsieur X. a souscrit auprès de la SA IFF un contrat de crédit bail portant sur du matériel informatique et un contrat d'ouverture de crédit portant sur une licence d'utilisation du progiciel NICEPHORE.
La SA IFF invoque la défaillance du preneur dès février 94, malgré différentes mises en demeure et sommations de restituer.
Monsieur X. conclut au débouté et invoque différents moyens.
- sur la forclusion :
Le défendeur soutient que le contrat est soumis aux dispositions d'ordre public du code de la consommation ; que l'action n'a pas été formée dans les deux [minute page 4] années suivant l'évènement qui lui a donné naissance ; qu'en application des dispositions de l'article L. 311-1 du code de la consommation, la société est forclose.
Les contrats litigieux portent toutefois la mention du « cabinet X. » et le tampon professionnel de l'intéressé « AVOCAT ».
Il n'est en outre pas sérieusement contesté que le matériel informatique a été loué afin d'être installé et utilisé au sein du cabinet professionnel du contractant.
En conséquence, seule la loi n° 66-455 du 02 juillet 1966 s'applique à l'exclusion de la loi du 10 janvier 1978 (qui en son article 3 exclut expressément du bénéfice de ses dispositions les opérations de crédit destinées à financer les besoins d'une activité professionnelle).
Ce moyen de défense ne peut donc prospérer.
- sur la demande tendant à voir juger que la clause de résiliation est une clause abusive et doit être réputée non écrite :
En application des dispositions de l'article L. 132-1 du code de la consommation les clauses abusives sont réputées non écrites. Il s'agit des clauses qui, dans les contrats conclus entre professionnel et non professionnel, ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non professionnel, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.
En l'espèce s'agissant de matériel informatique Monsieur X., avocat, doit être considéré comme un non professionnel.
Il ne peut être contesté que la SA IFF est un professionnel du crédit bail ; qu'elle a en outre un lien étroit avec le producteur du matériel acheté en vue d'être loué.
La clause litigieuse est critiquée en ce qu'elle permet à la société IFF d'obtenir à la fois la restitution du matériel (en privant le loueur de la possibilité de rechercher lui-même un acquéreur ou de contrôler les conditions de vente), et le paiement de la totalité des loyers.
Il apparaît toutefois que dans le contrat de crédit bail, la fonction du bailleur est purement financière. Le matériel est acheté par le locataire au nom et pour le compte du bailleur, qui est un organisme financier.
De sorte que le préjudice en cas de rupture anticipée du contrat est constitué non seulement par l'absence des gains escomptés, mais également par la nécessité que la société de financement a eu quant à elle de régler la facture d'achat du bien, et par la difficulté de revendre un matériel qui a été choisi dans le but [minute page 5] exclusif de satisfaire aux besoins spécifiques du contractant. Ceci est d'autant plus remarquable en ce qui concerne le matériel informatique.
En outre, il s'agit bien d'un contrat de location. L'obligation la plus évidente du locataire, est bien celle de rendre le bien en cas de défaillance de sa part...
L'existence d'un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat n'est donc pas établie.
La clause ne sera pas qualifiée d'abusive, sans que le recours à l'avis de la commission apparaisse nécessaire.
- sur le moyen tendant à voir juger que la clause de résiliation a été mise en œuvre de mauvaise foi :
Monsieur X. soutient que la Sté IFF connaissait ses besoins et ses problèmes ; que le matériel est inutilisable.
Monsieur X. ne soutient pas toutefois que le matériel était atteint de vices.
Il affirme seulement que le matériel acquis se révèle « très vite » ne pas correspondre à ses besoins. Il n'apporte toutefois aucune précision.
Monsieur X. ne produit pas la moindre pièce à l'appui de ses affirmations ; il ne justifie pas plus être entré en contact avec son organisme de crédit ou le producteur du matériel, pas plus qu'avec l'organisme chargé de la maintenance.
Il ne peut reprocher dans ces conditions une quelconque mauvaise foi de la part de la bailleresse.
Ce moyen ne peut prospérer.
- sur le caractère manifestement excessif du montant de la clause pénale :
La clause pénale fixe par avance dans le contrat le montant des dommages et intérêts dus en cas d'inexécution.
En application des dispositions de l'article 1152 du code civil, le juge peut en réduire le montant s'il apparaît manifestement excessif.
[minute page 6] Le juge pour apprécier le caractère « manifestement excessif » doit rechercher le montant préjudice réel causé au cocontractant par la rupture anticipée.
En l'espèce, Monsieur X. a manqué à ses obligations dès le début de l'exécution de la convention. Il ne justifie pas avoir à quelconque moment tenté de reprendre les paiements. Il n'a pas restitué le matériel dont il ne pouvait ignorer, en qualité de professionnel du droit, qu'il n'en été pas propriétaire et qu'il était de nature à se déprécier très rapidement.
Le préjudice causé est donc important. Le montant de la clause pénale n'apparaît pas excessif.
La demande principale en paiement sera donc accueillie. Il y a lieu en outre d'accueillir la demande en restitution. Cette condamnation sera assortie d'une astreinte afin d'en garantir l'exécution.
3 - Sur la demande tendant à voir octroyer un délai de paiement :
En application des dispositions de l'article 1244-1 du code civil, le juge peut, en considération notamment de la situation du débiteur, accorder des délais de paiement.
Force est de constater en l'espèce que le débiteur ne produit aucun élément sur sa situation financière ; qu'en outre, il a déjà bénéficié du fait de la longueur de la procédure des plus larges délais de paiement (l'intéressé ayant cessé tous paiements depuis quelques six années).
La demande ne peut qu'être rejetée.
4 - Sur la demande tendant à voir ordonner l'exécution provisoire :
Compte tenu de l'ancienneté du litige et de la compatibilité avec la nature de la procédure, l'exécution provisoire sera ordonnée.
5 - Sur la demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile :
Il serait inéquitable de laisser supporter à la demanderesse la charge des frais irrépétibles par elle exposée. Monsieur X. devra verser la somme de 2.000 francs sur le fondement des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile. Il supportera en outre les entiers dépens.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
[minute page 7] PAR CES MOTIFS,
Le Tribunal, Publiquement, par jugement contradictoire et en premier ressort
Vu les dispositions des articles 15, 16 et 782 et suivants du nouveau code de procédure civile,
DÉCLARE IRRECEVABLES les conclusions signifiées le 8 mars 2000 par la SA IFF,
Sur le fond,
CONDAMNE Monsieur X. à verser à la SA IBM France FINANCEMENT la somme de 170.165,59 francs avec intérêts au taux légal à compter du 18 novembre 1994,
ORDONNE la restitution des matériels crédits baillés par contrat des 30 novembre et 29 décembre 1993, à savoir un ordinateur AS 400 9402 A02, trois écrans, un adaptateur V4, une imprimante 4029-30, entre les mains de IBM France FINANCEMENT ou de tous mandataires dûment habilités par elle, aux frais de Monsieur X., sous astreinte de 500 francs par jour de retard passé un délai de QUINZE JOURS suivant la notification du présent jugement,
ORDONNE l'exécution provisoire,
CONDAMNE Monsieur X. à verser à la SA IBM France FINANCEMENT la somme de 2.000 francs sur le fondement des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,
CONDAMNE Monsieur X. aux entiers dépens avec application des dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile au profit de l'avocat demandeur.
LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE.
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