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TGI PARIS (1/4 soc.), 15 mai 2012

Nature : Décision
Titre : TGI PARIS (1/4 soc.), 15 mai 2012
Pays : France
Juridiction : TGI Paris 1/4 soc.
Demande : 10/03470
Date : 15/05/2012
Nature de la décision : Rejet
Mode de publication : Site Com. cl. abusives (CCA)
Date de la demande : 25/02/2010
Décision antérieure : CA PARIS (pôle 2 ch. 2), 6 décembre 2013
Numéro de la décision : 12
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CERCLAB - DOCUMENT N° 4026

TGI PARIS (1/4 soc.), 15 mai 2012 : RG n° 10/03470 ; jugt n° 12

Publication : site CCA

 

Extraits : 1/ « Attendu que la société S. soutient que la demande serait irrecevable comme portant sur l'objet principal du contrat ; que cependant ce moyen relève du fond en ce qu'il conduit à apprécier le contenu de la clause critiquée et sa portée au regard de l'ensemble contractuel en cause ».

2/ « Que les critiques formulées par l'UFC Que Choisir, portant d'une part sur la durée de validité des cartes prépayées et celle du crédit de consommation et d'autre part, sur la rédaction de ces clauses en ce qu'elles font référence à des documents distincts dans des conditions contrevenant aux règles prescrites par le code de la consommation, ne peuvent contrairement à ce que prétend la société S. s'analyser en une remise en cause de [minute page 9] l'objet principal du contrat ou de l'adéquation du prix au service offert au sens de l'article L. 132-1 précité, cet objet principal étant en effet celui de permettre d'accéder au réseau GSM/GPSR de S. aux fins d'émettre et recevoir des appels, moyennant le règlement par avance d'un coût de communication ; Que par ailleurs si sur la base des arguments qu'elle développe en défense la société S. affirme que les critiques émises remettent en cause l'équilibre économique de l'offre intitulée « S. Carte » et de ce fait son existence, cette conséquence alléguée ne peut être assimilée à l'objet de la demande principale ; Que l'action de l’UFC Que Choisir ne peut s'analyser comme portant sur un champ exclu du contrôle de la validité des clauses en application de l'article L. 132-1 alinéa 7 précité et qu'il convient par conséquent d'en examiner le bien-fondé ».

3/ « Qu'il résulte de ces observations que la clause 1 des conditions générales d'utilisation de l'offre S. La Carte ne peut être déclarée abusive en raison de la référence faite à un autre document insuffisamment identifiable ou de son manque de clarté ».

4/ « Qu'enfin s'agissant des durées d'utilisation applicables à chacun des crédits disponibles proposés et du terme extinctif de 6 mois attaché à l'utilisation du réseau, justifiés selon les opérateurs par les contraintes économiques de gestion des lignes et de mobilisation de numéros que la présente juridiction n'a pas vocation à apprécier, la critique porte sur l'adéquation entre le prix et le service offert, ce qui échappe au champ d'application des dispositions relatives aux clauses abusives ; qu'au demeurant l'UFC Que Choisir ne fait aucune demande précise quant à la durée raisonnable de ces délais d'utilisation et du terme extinctif de la carte, sauf à souligner qu'elle déplore « la durée trop brève de la limitation imposée au consommateur en ce qui concerne la mise à disposition de la ligne avec un numéro dédié » et « le laps de temps extrêmement court au-delà duquel le crédit prépayé est définitivement perdu » ».

5/ « Sur les autres arguments, V. les motifs du jugement ».

 

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE PARIS

CHAMBRE 1/4 SOCIAL

JUGEMENT DU 15 MAI 2012

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R. G. n° 10/03470.

 

DEMANDERESSE :

UFC QUE CHOISIR

[adresse], représentée par Maître Erkia NASRY, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #C1284

 

DÉFENDERESSE :

SOCIÉTÉ S. [N.B. SFR ?]

représentée par Maître Jean-Pierre GRANDJEAN (CLIFFORD CHANCE EUROPE LLP) avocat au barreau de PARIS, vestiaire #K0112

[minute page 2]

COMPOSITION DU TRIBUNAL : Madame Anne LACQUEMANT, Vice-Président Président de la formation, Madame Florence BUTIN, Vice-Président, Madame Juliette LANÇON, Juge, Assesseurs

assistées de Élisabeth AUBERT, Greffier

DÉBATS : A l'audience du 6 mars 2012 tenue en audience publique

JUGEMENT : Prononcé en audience publique, Contradictoire, En premier ressort, Sous la rédaction de Madame Florence BUTIN

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

A la suite d'une assignation délivrée le 25 février 2010 à la Société S. (« S ») et aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 15 mars 2011, l'association [UFC Que Choisir] (désigné « L'UFC Que Choisir » dans la présente décision) demande, au visa des articles L. 421-1, L. 421-6, L. 132-1 et suivants, R. 132-1 et suivants du code de la consommation, 1134, 1135, 1147, 1152 et 2224 du code civil et L. 34-2 du code des postes et télécommunications, au tribunal de :

- Dire et juger recevable l'action de l'association UFC Que Choisir à l'encontre de la société S.,

- déclarer abusives et/ou illicites les clauses limitant la durée de validité du crédit de consommation des cartes prépayées commercialisées par la société S.,

- déclarer abusives la clause dite « 1 CARTE PRÉPAYÉE » et la clause dite « 4 TARIFS DES SERVICES » figurant dans les conditions générales d'abonnement et d'utilisation des offres S en raison de leur insuffisance de clarté,

- déclarer ces clauses inopposables aux consommateurs ayant conclu un contrat avec la société S.,

en conséquence,

- ordonner la suppression des clauses critiquées par l’UFC Que Choisir sous astreinte de 150 euros par clause et par jour de retard, postérieurement à l'expiration d'un délai de 8 jours à compter de la signification du jugement à intervenir,

- [minute page 3] ordonner aux frais de la société S. dans un délai d'un mois à compter de la signification du jugement à intervenir et sous astreinte de 10.000 € par jour de retard, la diffusion du communiqué judiciaire dans trois quotidiens nationaux au choix de l'UFC Que Choisir sans que le coût de chaque insertion puisse être inférieur à 15.000 €, ce communiqué devant être publié sur le site exploité par la société S. dans un délai d'un mois à compter de la décision à intervenir, et devra y être accessible pendant un délai de 6 mois,

- dire que cette publication sera effectuée sous astreinte de 10.000 € par jour de retard après l'écoulement d'un délai d'un mois à compter de la signification du jugement à intervenir,

- dire et juger que cette publication sera précédée d'un titre en rouge « COMMUNIQUÉ JUDICIAIRE » le tout en caractères qui ne sauraient être inférieurs à 12,

- dire et juger que cette diffusion s'effectuera aux frais de la société S.,

- condamner la société S. à payer à l'UFC Que Choisir, la somme de 50.000 euros en réparation du préjudice causé à l'intérêt collectif des consommateurs,

- débouter la société S. de l'ensemble de ses demandes,

- condamner la société S. à payer à l'association UFC la somme de 10.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonner l'exécution provisoire du jugement à intervenir,

- condamner la société S. aux dépens dont application de l'article 699 du code de procédure civile,

exposant :

- qu'aux termes de l'article L. 132-1 du code de la consommation, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer au détriment du non-professionnel ou consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat, que les dispositions réglementaires prises en application de ce texte établissent deux listes de clauses présumées abusives et/ou illicites dans les contrats conclus entre un professionnel et un non-professionnel ou consommateur soit des clauses dites « noires » dont le caractère abusif fait l'objet d'une présomption irréfragable (article R. 132-1) et des clauses dites « grises » dont le caractère abusif découle d'une présomption simple (article R.132-2), que l'article L. 133-2 pose un principe d'obligation de clarté des clauses,

- que les clauses fixant une durée de validité ou d'utilisation d'un produit ou service intégralement prépayé entrent incontestablement dans le champ d'application visé par la clause 5 de l'article R. 132-1, qui présume de manière irréfragable le caractère abusif des clauses ayant pour effet de contraindre le non-professionnel ou le consommateur à exécuter ses obligations alors que réciproquement le professionnel n'exécuterait pas ses obligations de délivrance ou de garantie d'un bien ou son obligation de fourniture d'un service,

- [minute page 4] que de même les clauses précitées correspondent à la définition de la clause grise n° 2 de l'article R. 132-2 du code de la consommation visant les clauses ayant pour objet ou effet d'autoriser le professionnel à conserver des sommes versées par le non-professionnel ou consommateur lorsque celui-ci renonce à conclure ou à exécuter le contrat, sans prévoir réciproquement le droit pour le non-professionnel ou le consommateur de percevoir une indemnité d'un montant équivalent, ou égale au double en cas de versement d'arrhes au sens de L. 114-1 si c'est le professionnel qui renonce,

- que plus généralement les clauses limitant la durée de validité du crédit sont de nature à induire les consommateurs en erreur sur la portée de leurs droits et présentent de ce fait également un caractère abusif au sens de l'article L. 132-1 du code de la consommation, les consommateurs pouvant en effet croire qu'au terme des délais de validité, ils ne peuvent plus exercer de recours en justice en vue d'obtenir réparation des préjudices résultant des éventuels manquements,

- que les clauses litigieuses s'apparentent à une véritable clause pénale au sens de l'article 1152 du code civil puisqu'au cas d'espèce il s'agit d'utiliser le crédit de communication dans un laps de temps déterminé au-delà duquel il est perdu,

- que d'autre part les clauses critiquées revêtent un caractère abusif en ce qu'elles ne réservent pas le cas où le consommateur pourrait justifier d'un motif légitime l'ayant empêché d'utiliser son crédit de communication dans les délais imposés par le professionnel,

- que la société S. commercialise des cartes offrant au consommateur un crédit de temps de communication payable à l'avance et associé ou non à l'achat d'un téléphone mobile, avec une durée de validité du temps de communication acquitté préalablement e intégralement par le consommateur, ces durées étant exagérément courtes au regard notamment de la prescription légale fixée en matière de communications électroniques à un an par l'article L. 34-2 du code des postes et télécommunications,

- qu'en effet selon les conditions générales disponibles sur son site la société S. présente sa fiche d'information standardisée faisant état de durées de validité entre 5 jours et 120 jours, les consommateurs étant ainsi contraints d'exécuter leur obligation de paiement d'avance alors que l'opérateur se réserve le droit de ne pas mettre à disposition ce temps de communication prépayé jusqu'à son complet épuisement,

- que l'insertion dans des contrats de clauses abusives porte nécessairement atteinte à l'intérêt collectif des consommateurs représentés par l'association UFC Que Choisir laquelle se trouve fondée à solliciter une réparation appréciée au regard des frais qu'elle expose pour mener ses actions.

 

Aux termes de ses dernières conclusions signifiées le 3 novembre 2011, la société S contestant l'ensemble de ces arguments demande au tribunal de :

- dire et juger que l'UFC Que Choisir ne peut être admise à critiquer l'objet principal du contrat LA CARTE et en conséquence dire et juger irrecevables l'ensemble de ses demandes,

[minute page 5] et en tout état de cause,

- dire et juger que les stipulations du contrat LA CARTE prévoyant la durée de la validité du crédit de consommation ne sont pas contraires aux dispositions visées du code de la consommation,

- dire et juger qu'elles ne constituent pas davantage une clause pénale,

- dire et juger qu'au surplus UFC Que Choisir ne justifie pas d'un quelconque préjudice ni d'une quelconque atteinte à l'intérêt collectif des consommateurs,

- dire et juger que la demande tendant à la publication du dispositif de la décision dans trois quotidiens nationaux n'est pas justifiée,

- débouter en conséquence l'UFC Que Choisir de l'intégralité de ses demandes,

- condamner l'UFC Que Choisir à payer à S. la somme de 10.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner l'UFC Que Choisir aux entiers dépens de l'instance,

exposant :

- sur le contexte du litige, que la société S. diffuse et commercialise des offres parmi lesquelles « S. La Carte » mettant à disposition du client une ligne téléphonique à laquelle est associée un numéro pour une durée minimale de 6 mois, ce contrat donnant au client un crédit initial de communication et lui permettant ensuite de recharger sa carte en crédits en fonction de ses besoins, le client continuant à pouvoir recevoir librement des appels jusqu'à ce terme extinctif qui court à compter de la fin de la durée de validité du crédit initial de communication et se trouve automatiquement reconduit pour une nouvelle période de 6 mois par l'activation d'une nouvelle recharge, laquelle est elle-même assortie d'une durée de validité qui court à compter de sa validation, que la recharge est caduque à l'arrivée de son terme, le client pouvant néanmoins bénéficier d'un report de crédit en cas d'achat d'une nouvelle recharge, le crédit rechargé s'ajoutant à l'ancien solde avec la durée de validité du nouveau crédit s'appliquant à l'ensemble, que les conditions commerciales de ces offres sont justifiées par des contraintes économiques de gestion de ligne,

- en droit,

- que l'appréciation du caractère abusif des clauses ne peut porter sur la définition de l'objet principal du contrat, alors que la critique émise par l'UFC Que Choisir porte en réalité sur le contenu même de l'offre et son économie, à savoir la mise à disposition d'un crédit de consommation limité dans le temps, ce que ne permet pas l'article L. 132-1 du code de la consommation, lequel est la transposition de l'article 4-2 de la directive 93/13/CEE du 5 avril 1993, qu'il ne peut être pertinemment soutenu pour contourner cette difficulté qu'il s'agit de clauses définissant les modalités d'exécution du contrat,

- que s'agissant des clauses 1 et 4 des conditions générales d'utilisation critiquées, les stipulations prévoyant le terme extinctif de la recharge satisfont à l'obligation de clarté desdites clauses, la documentation commerciale de S. étant fournie au consommateur au moment de la souscription de l'offre et disponible à tout moment sur son site, et [minute page 6] l'adverbe « notamment » figurant dans la rédaction de la clause 1 n'étant pas critiquable en ce que chaque clause n'a pas vocation à énumérer l'ensemble des droits et obligations des parties,

- que les stipulations prévoyant le terme extinctif de la recharge ne peuvent être assimilées à certaines clauses-types prévues aux articles R. 132-1 et R. 132-2 du code de la consommation, en ce que le consommateur n'est pas engagé par des stipulations inconnues de lui lors de la souscription du contrat, que l'article R. 132-1-4° est respecté en ce que le client dispose des recours prévus aux articles 6 et 14 des CGU en cas de mauvaise exécution par S. de ses obligations, qu'elles ne contreviennent pas aux dispositions de l'article R. 132-1-5° en ce que ce terme ne libère pas S. de son obligation de fournir l'accès au réseau et la mise à disposition d'une ligne, que la seule obligation du client est le paiement du prix, celle d'utiliser le crédit acquis n'étant pas une obligation mais un droit dont il est possible de disposer pendant une durée contractuellement définie, ce qui correspond à un modèle très répandu de contrats, qu'aucune rupture d'égalité ne peut être constatée au regard des obligations nées du contrat de sorte que l'article L. 132-1-5° n'a pas vocation à s'appliquer, qu'enfin l'article R. 132-2-2° prohibe l'existence d'une faculté de dédit réservée au seul professionnel, ce qui n'est pas le cas en l'espèce dès lors que l'utilisation ou non du crédit dépend de la seule volonté du client, lequel reste au demeurant bénéficiaire d'une ouverture de ligne,

- que les stipulations prévoyant le terme extinctif de la recharge ne créent aucun déséquilibre significatif au détriment du consommateur ou du non-professionnel au sens de l'article L. 132-1 du code de la consommation, ce moyen résultant d'une assimilation injustifiée entre la stipulation du terme extinctif d'une durée d'utilisation et l'existence d'un délai de prescription applicable aux recours possibles à l'encontre de S., que la validité des crédits de consommation ne saurait être calquée sur la prescription quinquennale, qu'il n'existe aucune atteinte à la liberté du consommateur qui dispose d'une alternative à l'abonnement et a la faculté de choisir la recharge qui lui convient, avec une information à tous les stades de la relation contractuelle et une possibilité de report des crédits de consommation,

- que les stipulations prévoyant le terme extinctif de la recharge ne peuvent s'assimiler à une clause pénale, dès lors que la clause critiquée n'a pas pour objet de sanctionner l'inexécution d'une obligation, aucune obligation n'étant en l'espèce imposée au consommateur à l'exception de celle de payer le prix de sa recharge lors de l'achat,

- sur la non prise en compte du motif légitime du défaut d'utilisation du crédit de consommation, que c'est au débiteur d'une obligation et non à son créancier que l'article 1147 du code civil offre la possibilité d'invoquer une cause étrangère pour justifier de son inexécution, que les crédits de consommation n'étant pas nominatifs ils peuvent être cédés à un tiers, qu'en cas de non utilisation du crédit par le client S. conserve l'obligation de maintenir la ligne à sa disposition et enfin, que la durée possible d'utilisation du crédit réduit les hypothèses d'empêchement du consommateur d'en bénéficier, de sorte que les recommandations de la commission des clauses abusives dont se prévaut l'UFC Que Choisir ne sont pas transposables au cas d'espèce, s'agissant soit de formules d'abonnement, soit d'obligation faite au consommateur de respecter un délai d'annulation, soit enfin d'achat de titre de transport nominatif et non utilisé,

- [minute page 7] sur les autres demandes, que celle relative aux dommages et intérêts est infondée et détournée de sa finalité réparatrice pour tendre à une sanction pécuniaire et que la publication judiciaire sollicitée n'apparaît pas nécessaire.

Pour un plus ample exposé de l'argumentation des parties il est, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, renvoyé à leurs dernières conclusions précitées.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                   (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS :

1 - Sur l'objet de la demande et son possible examen au regard des conditions de l'article L. 132-1 alinéa 7 du code de la consommation :

Attendu que la société S. soutient que la demande serait irrecevable comme portant sur l'objet principal du contrat ; que cependant ce moyen relève du fond en ce qu'il conduit à apprécier le contenu de la clause critiquée et sa portée au regard de l'ensemble contractuel en cause ;

Attendu qu'aux termes de l'article L. 132-1 du code de la consommation, « dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.

Un décret en Conseil d'État, pris après avis de la commission instituée à l'article L. 534-1, détermine une liste de clauses présumées abusives ; en cas de litige concernant un contrat comportant une telle clause, le professionnel doit apporter la preuve du caractère non abusif de la clause litigieuse.

Un décret pris dans les mêmes conditions détermine des types de clauses qui, eu égard à la gravité des atteintes qu'elles portent à l'équilibre du contrat, doivent être regardées, de manière irréfragable, comme abusives au sens du premier alinéa.

Ces dispositions sont applicables quels que soient la forme ou le support du contrat. Il en est ainsi notamment des bons de commande, factures, bons de garantie, bordereaux ou bons de livraison, billets ou tickets, contenant des stipulations négociées librement ou non ou des références à des conditions générales préétablies.

Sans préjudice des règles d'interprétation prévues aux articles 1156 à 1161, 1163 et 1164 du code civil, le caractère abusif d'une clause s'apprécie en se référant, au moment de la conclusion du contrat, à toutes les circonstances qui entourent sa conclusion, de même qu'à toutes les autres clauses du contrat II s'apprécie également au regard de celles contenues dans un autre contrat lorsque la conclusion ou l'exécution .de ces deux contrats dépendent juridiquement l'une de l'autre.

Les clauses abusives sont réputées non écrites.

L'appréciation du caractère abusif des clauses au sens du premier alinéa ne porte ni sur la définition de l'objet principal du contrat ni sur l'adéquation du prix ou de la rémunération au bien vendu ou au service offert pour autant que les clauses soient rédigées de façon claire et compréhensible.

[minute page 8] Le contrat restera applicable dans toutes ses dispositions autres que celles jugées abusives s'il peut subsister sans lesdites clauses.

Les dispositions du présent article sont d'ordre public ».

Attendu que parmi ses offres destinées aux professionnels et grand public, S. propose une offre intitulée « S. La Carte » décrite aux termes du document intitulé « Conditions d'abonnement et d'utilisation des offres S. » ainsi qu'il suit :

1° au titre de la présentation du service : « La carte prépayée est une carte SIM à laquelle est associé un numéro d'appel attribué par S. et qui permet l'accès aux services de S. Selon l'offre souscrite, elle peut prévoir un crédit de communication initial. La carte doit être mise en service par le 1er appel émis ou reçu en France métropolitaine au plus tard avant la date inscrite au dos du kit d'accès, et utilisée aux périodes prévues aux articles I et 2 des conditions générales d'utilisation. Cette carte est valable 6 mois à compter de la fin de la durée de validité du dernier crédit de consommation. Au cours de ces 6 mois le client peut seulement recevoir des appels et consulter son répondeur en France métropolitaine. Au-delà de ce délai l'accès aux services sera résilié sans préavis. Le client ne pourra donc, en particulier, ni émettre des appels ni consulter son répondeur ».

2° au titre des conditions générales d'utilisation S. - La carte, lesquelles sont « complétées par les tarifs S. et les éventuelles conditions particulières rattachées à des offres spécifiques »

« I - CARTE PRÉPAYÉE

La carte prépayée, ci après « S - La Carte » est une carte SIM (identification) à microprocesseur à laquelle est associé un numéro d'appel attribué par S. et qui permet l'accès aux services de S.

Selon l'offre souscrite, elle peut prévoir un crédit de communication initial. La présence de ce crédit et les modalités de ce dernier sont alors indiquées dans la documentation commerciale établie par S.

Cette carte S. est valable durant 6 mois à compter de la fin de la durée de validité du dernier crédit de consommation. Au-delà de ce délai l'accès aux services sera résilié sans préavis. Le client ne pourra donc, en particulier, ni émettre des appels ni consulter son répondeur. Sous réserve du délai précité, elle permet notamment au client de recevoir et d'émettre des appels nationaux et internationaux dans la zone de couverture du réseau GSM/GPRS de S. » Par ailleurs le client peut se connecter dans les conditions figurant dans les tarifs de S. aux réseaux de radiotéléphonie publique numérique GSM fournis et exploités par d'autres opérateurs que S. (opérateurs tiers) avec lesquels S. a des accords d'itinérance » ;

« 4 - TARIFS DES SERVICES

Les tarifs des services et les frais de mise en service ainsi que leurs modalités d'application font l'objet d'une documentation établie et mise à jour par S. à l'intention de ses clients. Ces tarifs sont susceptibles d'évoluer »

Que les critiques formulées par l'UFC Que Choisir, portant d'une part sur la durée de validité des cartes prépayées et celle du crédit de consommation et d'autre part, sur la rédaction de ces clauses en ce qu'elles font référence à des documents distincts dans des conditions contrevenant aux règles prescrites par le code de la consommation, ne peuvent contrairement à ce que prétend la société S. s'analyser en une remise en cause de [minute page 9] l'objet principal du contrat ou de l'adéquation du prix au service offert au sens de l'article L. 132-1 précité, cet objet principal étant en effet celui de permettre d'accéder au réseau GSM/GPSR de S. aux fins d'émettre et recevoir des appels, moyennant le règlement par avance d'un coût de communication ;

Que par ailleurs si sur la base des arguments qu'elle développe en défense la société S. affirme que les critiques émises remettent en cause l'équilibre économique de l'offre intitulée « S. Carte » et de ce fait son existence, cette conséquence alléguée ne peut être assimilée à l'objet de la demande principale ;

Que l'action de l’UFC Que Choisir ne peut s'analyser comme portant sur un champ exclu du contrôle de la validité des clauses en application de l'article L. 132-1 alinéa 7 précité et qu'il convient par conséquent d'en examiner le bien-fondé ;

 

2 - Sur la conformité des clauses critiquées aux dispositions des articles R. 132-1-1° et L. 133-2 du code de la consommation :

Attendu qu'aux termes de l'article R. 132-1-1° « dans les contrats conclus entre des professionnels et des non-professionnels ou des consommateurs, sont de manière irréfragable présumées abusives, au sens des dispositions du premier et du troisième alinéas de l'article L. 132-1 et dès lors interdites, les clauses ayant pour objet ou pour effet de : 1° Constater l'adhésion du non-professionnel ou du consommateur à des clauses qui ne figurent pas dans l'écrit qu'il accepte ou qui sont reprises dans un autre document auquel il n'est pas fait expressément référence lors de la conclusion du contrat et dont il n'a pas eu connaissance avant sa conclusion » ;

Attendu que l'UFC Que Choisir considère que les clauses 1 et 4 précitées des conditions générales d'utilisation de l'offre S. La Carte contreviennent à cette disposition par le renvoi d'une part à « la documentation commerciale établie par S. » et d'autre part à sa documentation tarifaire ;

Que la référence expresse requise par ce texte suppose pour atteindre l'objectif d'information poursuivi par la loi que celle-ci vise un document clairement identifiable ; qu'en l'espèce, il ressort des éléments communiqués que ladite documentation commerciale de l'opérateur S. se compose du « le guide des offres », de la fiche d'information standardisée sur le produit et de la documentation tarifaire ; qu'il n'est pas allégué par l'UFC Que Choisir ni ne se déduit des pièces produites qu'au moyen de cette référence, le client pourrait se voir opposer d'autres supports d'information susceptibles de comporter des éléments dont il serait ainsi supposé avoir pris connaissance ; Qu'en conséquence cet intitulé de la source d'information à laquelle le consommateur est invité à se reporter apparaît suffisamment précise ;

Que de même s'agissant de la clause 4 le renvoi à la documentation tarifaire n'apparaît pas critiquable en ce que le document référencé est clairement identifiable sans confusion possible pour le consommateur ;

[minute page 10] Attendu qu'aux termes de l'article L. 133-2 du code de la consommation « Les clauses des contrats proposés par les professionnels aux consommateurs ou aux non-professionnels doivent être présentées et rédigées de façon claire et compréhensible.

Elles s'interprètent en cas de doute dans le sens le plus favorable au consommateur ou au non-professionnel. Le présent alinéa n'est toutefois pas applicable aux procédures engagées sur le fondement de l'article L. 421-6 ».

Attendu que l'UFC Que Choisir reproche également un manque de clarté des clauses 1 et 4 des conditions générales d'utilisation des offices S. en ce qu'en premier lieu, la clause 1 indique concernant le crédit de communication initial s'il existe dans l'offre que « la présence de ce crédit et les modalités de ce dernier sont alors indiquées dans la documentation commerciale établie par S. » sans préciser la définition ni la localisation du document auquel il convient de se référer ; que cette documentation est selon l'opérateur fournie au client au moment de la souscription de l'offre et est disponible sur le site internet de S. ;

Attendu que les documents permettant d'apprécier la durée de validité du crédit de consommation souscrit sont en premier lieu la fiche d'information standardisée « S. la Carte » présentant les différentes offres en formule dite « classique » au nombre de 8, allant de 5 à 95 €, le tarif de base étant précisé être de 0,55 €/minute ; qu'à ces différents montants correspondent un contenu défini comme « texto métropolitains » pour la première et « crédit de communication » pour les suivantes, et une « validité » en terme de durée variant de 5 à 120 jours ;

Qu'en page 16 de la documentation commerciale nommée « guide des offres » de S. figure par ailleurs une présentation de l'offre « S. La Carte » présentant de façon sommaire les formules de crédit de consommation disponibles précitées, dont la durée est mentionnée parallèlement au tarif, ce qui doit être compris par le consommateur comme le délai imparti pour l'utilisation du crédit ou son terme extinctif ; que si la durée mentionnée mériterait d'être plus explicite en précisant expressément qu'il s'agit du délai d'utilisation du crédit acquis, il n'apparaît toutefois pas possible de se méprendre sur le sens de cette mention ; que la fiche d'information standardisée fait référence à la durée de validité de la carte donc de la ligne, la documentation commerciale n'y faisant pas allusion alors qu'elle précise sur ce point « votre répondeur gratuit en accès illimité pendant toute la durée de validité de votre ligne en France métropolitaine »,

Que toutefois la fiche d'information standardisée fait partie de la documentation commerciale à laquelle il est expressément fait référence et qu'en application de l'avis du Conseil National de la Consommation du 15 mars 2006 ces fiches d'information standardisées « sont mises à disposition des consommateurs de la façon la plus large possible » et en particulier par les fournisseurs de services de communication électronique « sur leurs sites Internet, en étant accessibles par un lien direct dès la première page de présentation des offres, dans les points de vente à leur enseigne exclusive, selon des modalités qui permettent à tout consommateur d'en obtenir un exemplaire » ; que dans ces conditions dont il n'est pas allégué par [minute page 11] l'UFC Que Choisir qu'elles ne seraient pas réunies, ni la référence à cette documentation ni son contenu ne permettent de caractériser une insuffisance de clarté au sens de l'article L.133-2 du code de la consommation ;

Attendu que l'UFC Que Choisir critique en second lieu la clause 1 des conditions générales d'utilisation de l'offre au motif qu'elle précise s'agissant du délai de validité de la carte que « sous réserve du délai précité, elle permet notamment au client de recevoir et d'émettre des appels nationaux et internationaux dans la zone de couverture du réseau GSM/GPRS de S. », ce qui ne permet pas au consommateur d'avoir une vue exhaustive des services offerts et par conséquent d'apprécier l'étendue des engagements de l'opérateur ; qu'après cette mention il est ajouté que la carte « permet également de bénéficier de services complémentaires ou optionnels donnant accès aux prestations définies dans les tarifs de S. » ; que ces services étant susceptibles de varier ils ne peuvent être énumérés dans les conditions générales, ce qui n'est pas de nature à induire le consommateur en erreur ou le laisser dans l'ignorance des engagements contractuels souscrits tant par l'opérateur que par lui-même ; qu'à ce titre la clause n'apparaît donc pas critiquable ;

Qu'il résulte de ces observations que la clause 1 des conditions générales d'utilisation de l'offre S. La Carte ne peut être déclarée abusive en raison de la référence faite à un autre document insuffisamment identifiable ou de son manque de clarté ;

 

3 - Sur la validité des clauses critiquées au regard des articles R. 132-1-5° et R. 132-2-2° :

Attendu que l'article R. 132-I-5° du code de la consommation dispose que doivent de façon irréfragable être présumées abusives les clauses ayant pour objet ou pour effet de « contraindre le non-professionnel ou le consommateur à exécuter ses obligations alors que, réciproquement, le professionnel n'exécuterait pas ses obligations de délivrance ou de garantie d'un bien ou son obligation de fourniture d'un service »

Qu'en application de l'article R. 132-2-2° ce caractère abusif fait l'objet d'une présomption simple pour les clauses ayant pour objet ou effet d’« autoriser le professionnel à conserver des sommes versées par le non-professionnel ou le consommateur lorsque celui-ci renonce à conclure ou à exécuter le contrat, sans prévoir réciproquement le droit pour le non-professionnel ou le consommateur de percevoir une indemnité d'un montant équivalent, ou égale au double en cas de versement d'arrhes au sens de l'article L. 114-1, si c'est le professionnel qui renonce ».

Attendu que le fonctionnement de l'offre S. La carte peut se résumer de la façon suivante :

1° - le consommateur choisit au regard de son budget et de ses besoins un crédit de consommation, dont le coût varie entre 5 et 95 euros, en même temps qu'il acquiert une carte lui ouvrant pendant une durée de 6 mois à compter de la fin de validité de la recharge ou du crédit initial, l'accès à une ligne téléphonique associée à un numéro d'appel ;

[minute page 12] - au terme du délai d'utilisation du crédit de consommation, qui varie selon son montant entre 5 jours et 4 mois, le client perd le droit d'utiliser le solde éventuellement restant et ce, sans possibilité de remboursement ;

3° - pendant le délai de 6 mois courant à compter du terme extinctif du crédit de consommation, il peut soit continuer à bénéficier de la ligne mais sans émettre d'appels, soit acquérir une recharge de crédit dont le terme extinctif constitue le nouveau point de départ d'un délai de 6 mois qui s'applique au crédit de la recharge ainsi qu'au crédit précédent non épuisé, lequel s'ajoute alors au nouveau à condition, toutefois, que la recharge soit souscrite avant le terme du délai imparti pour utiliser le crédit précédent ;

4° - s'il n'acquiert pas de recharge pendant le délai de 6 mois précité, le client perd l'usage de la ligne et du numéro d'appel et n'a plus d'accès au réseau ;

Attendu que lors de la souscription à l'offre dite S. La Carte, le client bénéficie donc automatiquement de l'accès au réseau, de l'usage d'un numéro d'appel et de la possibilité d'être contacté pendant une durée minimale de 6 mois, outre le bénéfice d'un crédit de consommation qu'il peut ou non utiliser ; qu'ainsi indépendamment de l'utilisation du crédit qui reste à l'initiative du consommateur et se trouve encadré dans un délai pouvant être réduit à 5 jours, l'obligation de l'opérateur en contrepartie du paiement du crédit initial ou de la recharge consiste en tout état de cause dans la mise à disposition d'une ligne et d'un numéro pour une durée qui ne sera pas inférieure à 6 mois et sera le cas échéant reconduite ;

Qu'il ne peut donc être considéré qu'en l'absence d'utilisation du crédit de consommation résultant de l'achat de la recharge que l'opérateur n'a pas exécuté son obligation consistant dans la mise à disposition des services précités ;

Qu'enfin s'agissant des durées d'utilisation applicables à chacun des crédits disponibles proposés et du terme extinctif de 6 mois attaché à l'utilisation du réseau, justifiés selon les opérateurs par les contraintes économiques de gestion des lignes et de mobilisation de numéros que la présente juridiction n'a pas vocation à apprécier, la critique porte sur l'adéquation entre le prix et le service offert, ce qui échappe au champ d'application des dispositions relatives aux clauses abusives ; qu'au demeurant l'UFC Que Choisir ne fait aucune demande précise quant à la durée raisonnable de ces délais d'utilisation et du terme extinctif de la carte, sauf à souligner qu'elle déplore « la durée trop brève de la limitation imposée au consommateur en ce qui concerne la mise à disposition de la ligne avec un numéro dédié » et « le laps de temps extrêmement court au-delà duquel le crédit prépayé est définitivement perdu » ;

Qu'en conséquence les critiques émises de ce chef par l'UFC Que Choisir ne peuvent être accueillies ;

[N.B. conforme à la minute qui ne contient pas de titre 4]

5 - Sur la validité des clauses critiquées au regard de l'article R. 132-1-4° :

Attendu que l’UFC Que Choisir invoque le caractère abusif de la clause 1 des conditions générales d'utilisation de l'offre S. La Carte au regard des dispositions de l'article R.132-1-4° du code de la consommation au terme duquel sont réputées abusives les clauses ayant pour objet ou pour effet d’« accorder au seul professionnel le droit de déterminer si la chose livrée ou les services fournis sont conformes ou non aux [minute page 13] stipulations du contrat ou lui conférer le droit exclusif d'interpréter une quelconque clause du contrat » ; que n'étant pas motivé ni repris aux termes des conclusions récapitulatives, et à défaut d'élément permettant d'objectiver cette critique, cet argument n'apparaît pas susceptible de remettre en cause la validité des clauses examinées ;

 

6 - Sur l'assimilation des clauses critiquées à l'existence d'une clause pénale au sens de l'article 1152 du code civil :

Attendu que selon l'article 1152 du code civil « lorsque la convention porte que celui qui manquera de l'exécuter payera une certaine somme à titre de dommages-intérêts, il ne peut être alloué à l'autre partie une somme plus forte, ni moindre.

Néanmoins, le juge peut, même d'office, modérer ou augmenter la peine qui avait été convenue, si elle est manifestement excessive ou dérisoire. Toute stipulation contraire sera réputée non écrite ».

Que selon l'UFC Que Choisir la clause soumettant l'utilisation du crédit de consommation à un terme extinctif revient à assortir l'obligation faite au consommateur d'utiliser le crédit de communication dans un délai imparti d'une pénalité irréductible, en ce qu'il perd au-delà de cette limite tout ou partie des communications prépayées

Que cependant le règlement du crédit de consommation ne peut s'analyser comme la sanction d'une obligation en cas d'inexécution de celle-ci, le paiement du prix de la recharge étant constitutif de l'obligation elle-même faite au consommateur en contrepartie de la mise à disposition de la ligne et de la possibilité d'émettre des appels avant le terme extinctif correspondant au montant du crédit souscrit ; qu'en conséquence l'argument fondé sur le caractère intangible de la somme réglée par le consommateur indépendamment du crédit réellement utilisé n'est pas recevable ;

 

7 - Sur l'existence d'un déséquilibre significatif entre les parties au contrat en raison de l'erreur induite quant au délai de prescription, l'absence de motif légitime de remboursement du crédit non consommé et l'atteinte à la liberté du consommateur :

Attendu qu'un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des partie au sens de l'article L. 132-1 du code de la consommation est selon l'UFC Que Choisir créé au profit de l'opérateur en ce que, en premier lieu, la limitation des durées de validité du crédit de consommation est de nature à induire en erreur les clients sur la portée de leurs droits en matière de prescription en les laissant croire qu'ils sont privés de recours en vue d'obtenir réparation des préjudices résultant des éventuels manquements ou inexécutions du contrat, dès lors que la prescription légale en matière contractuelle est en application de l'article 2224 du code civil de 5 années et que l'article 34-2 du code des postes et télécommunications électroniques dispose que « la prescription est acquise, au profit des opérateurs mentionnés à l'article L. 33-1, pour toutes demandes en restitution du prix de leurs prestations de communications électroniques présentées après un délai d'un an à compter du jour du paiement.

La prescription est acquise, au profit de l'usager, pour les sommes dues en paiement des prestations de communications électroniques d'un opérateur appartenant aux catégories visées au précédent alinéa lorsque celui-ci ne les a pas réclamées dans un délai d'un an courant à compter de la date de leur exigibilité » ;

[minute page 14] Que cependant le libellé des conditions générales critiquées n'apparaît pas susceptible d'instaurer une telle confusion dans l'esprit du consommateur quant à l'existence d'un droit d'action en justice répondant à des conditions légales de délai qui ne sont aucunement affectées par les termes extinctifs contractuellement prévus, les cas de réclamations étant par ailleurs envisagés de façon distincte dans la clause 14 du même document, laquelle ne fait référence à aucune condition de délai laissant supposer que ceux-ci pourraient découler des modalités de disponibilité du crédit ;

Que l'UFC Que Choisir reproche également à la société S de prévoir une durée « ferme » de validité de la carte prépayée sans possibilité de suspension ou de prorogation de cette durée dans le cas où le consommateur serait en mesure de justifier d'un motif légitime, créant ainsi un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au détriment du consommateur ; que cependant d'une part, aucun texte ne prévoit un tel droit et d'autre part, qu'il n'en résulte pas le déséquilibre invoqué en raison du bénéfice immédiat pour le client de l'accès au réseau et l'usage d'un numéro d'appel, ainsi que la possibilité de report du crédit subsistant en cas d'acquisition d'une nouvelle recharge outre les avantages s'attachant à la formule de la carte prépayée par comparaison avec celle d'un abonnement ; que l'article 1147 du code civil, prévoyant s'il y a lieu la condamnation du débiteur au paiement de dommages et intérêts « soit à raison de l'inexécution de son obligation, soit à raison du retard dans l'exécution toutes les fois que ce dernier ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part », ne peut utilement être invoqué en l'espèce pour obtenir le remboursement du crédit prépayé dès lors qu'il ne s'agit pas de la part du consommateur de l'inexécution d'une obligation contractuelle mais du fait de renoncer à un droit acquis et ce, alors même qu'il bénéficie parallèlement de la mise à disposition d'un service ;

Attendu enfin qu'est alléguée une atteinte à la liberté du consommateur contraint de passer l'ensemble de ses communications dans un délai limité ; que cependant il ne résulte pas de cette modalité une obligation de consommation dès lors que le client se détermine en connaissance de cause parmi plusieurs offres de consommation prépayées, et que les durées de communication au regard du tarif de base de 0.55€/minute sont par exemple pour un crédit de 5 euros à utiliser dans un délai de 7 jours 9 mn de communication, pour un crédit de 10 euros à utiliser dans un délai de 15 jours 18 mn de communication, pour un crédit de 15 euros à utiliser dans un délai d'un mois 27 mn de communication, pour un crédit de 25 euros à utiliser dans un délai de 2 mois 45 mn de communication et s'agissant du crédit le plus important de 95 euros à utiliser dans un délai de 4 mois 172 mn de communication ; qu'au regard des durées prévues dans le cadre des abonnements, qui certes font l'objet d'un report sur la période de référence suivante en cas de non-utilisation, ces délais ne caractérisent pas une atteinte à la liberté du consommateur ayant la possibilité soit de souscrire un crédit important, soit de le recharger plus fréquemment en fonction de ses besoins ;

Qu'ainsi aucun des arguments invoqués ne permet de conclure à l'existence d'un déséquilibre au sens de l'article L. 132-1 du code de la consommation créé par la clause de l'offre S. La Carte relative aux délais d'utilisation des crédits de communication ;

[minute page 15]

Sur les autres demandes :

Attendu que l'UFC Que Choisir qui succombe en sa demande principale sera déboutée de ses autres demandes tendant à l'allocation de dommages et intérêts, à la publication du dispositif de la décision et à voir assortir celle-ci de l'exécution provisoire ;

 

Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens :

Attendu que la situation respective des parties justifie qu'aucune somme ne soit allouée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, l'UFC conservant la charge des dépens ;

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

Statuant en audience publique, par jugement contradictoire et en premier ressort,

Déboute l'association UFC Que Choisir de ses demandes,

Rejette les demandes présentées au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne l'UFC Que Choisir aux dépens.

Fait et jugé à Paris le 15 mai 2012

Le Greffier                Le Président

E. AUBERT               A. LACQUEMANT

 

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