CA MONTPELLIER (1re ch. B), 14 octobre 2008
CERCLAB - DOCUMENT N° 2668
CA MONTPELLIER (1re ch. B), 14 octobre 2008 : RG n° 07/02664
Publication : Jurica
Extraits : 1/ « Il reste qu'en application de l'article 132-1 précité cette action ne peut être accueillie qu'à la condition préalable, que les contrats litigieux soient conclus entre un professionnel et un non professionnel ou consommateur. Le premier juge a considéré […]. Or, sauf à considérer à tort qu'une société civile ne saurait être considérée de façon générale comme une professionnelle, ce qui exclurait notamment le caractère professionnel des sociétés de promotion, le caractère civil d'une activité n'est pas exclusif du caractère professionnel de celle-ci. […] De ces éléments pris séparément ou globalement il ressort de façon manifeste que la SCI SN doit être considérée comme une société professionnelle de la location immobilière, ce qui rend l'action de l'Association UFC recevable en ce qu'elle vise à déclarer abusives ou illicites certaines clauses du contrat de location. En l'état de la recevabilité de l'action de la partie principale à l'action, celle de Mademoiselle X. qui s'est jointe à cette action sera également déclarée recevable. »
2/ « Or les derniers contrats en date de 2006 qu'elle produit aux débats et dont il est raisonnable de penser qu'il s'agit de ceux qu'elle dénomme « nouveaux contrats » et qui apparaissent être désormais en cours d'utilisation et proposés aux potentiels locataires, ne visent pas, s'agissant du preneur, le délai d'un mois avant la fin de la location mais le délai de un mois avant le départ, et s'agissant du preneur le délai de 3 mois avant la fin de la location. Le moyen tiré du caractère illicite ou abusif de la clause précitée apparaît dès lors infondé, la SCI SN ayant manifestement modifié ses contrats pour les rendre licites. […] En l'état de l'imprécision des écritures relative aux dates des contrats, dont l'association UFC demande et ce de façon générale, que soit déclarée illicite et/ou abusive la clause n° 2, la demande sera rejetée, étant précisé que ce caractère illicite ou/et abusif ne peut être retenu pour les derniers contrats utilisés et qui peuvent être considérés comme étant de même nature que ceux proposés actuellement à d 'éventuels locataires, alors qu'il pourrait l'être pour les contrats souscrits en 2002 qui apparaissent comme n'étant plus à ce jour proposés. La demande relative à la clause n° 2 est infondée dans le cadre de cette demande générale. »
3/ « Il est par contre constant qu'ils comportent en leur article 5 une clause relative à l'intervention d'une entreprise d'entretien du chauffe eau et de divers éléments de plomberie, le locataire devant justifier de l'entretien réalisé, étant précisé qu'à défaut sera déduit de sa caution le montant forfaitaire de 280 euros. Est également prévue une clause relative à une remise de raccords de « peinture blanche satinée glycero » lors du départ du locataire, dont l'exécution doit être justifiée auprès du bailleur, sauf à payer une indemnité forfaitaire de 650 euros TTC retenue sur le dépôt de garantie.
Ces deux clauses apparaissent abusives au sens de l'article L. 132-1 précité, dès lors qu'elles créent au détriment du consommateur un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.
En effet ce déséquilibre est constitué dès lors qu'est imposée au locataire une justification de l'entretien des éléments de chauffage et de plomberie, alors que le bailleur se dispense de toute justification de cet entretien à l'entrée dans les lieux. Par ailleurs s'agissant de la peinture en exigeant la justification de l'exécution des raccords de peinture, en s'exonérant contractuellement lui-même de la justification de leur nécessité, le bailleur crée un déséquilibre dans les obligations au détriment du locataire. Au surplus en mettant en place un principe d'indemnisation forfaitaire, le bailleur prive le locataire de la possibilité de constater que la SCI SN a dû supporter elle-même les charges qui lui étaient imputables, offrant ainsi la possibilité au bailleur de ne pas réaliser les prétendus travaux d'entretien ou les prétendus raccords de peinture, ce qui crée un déséquilibre significatif dans les droits et obligations respectifs des parties.
Ces deux clauses contenues dans les contrats proposés à la location par la SCI SN seront déclarées abusives et illicites et il sera fait droit à la demande de L'UFC QUE CHOISIR de ce chef. »
4/ « Si l'association UFC a été déboutée de ses demandes relatives à l'article 2 des contrats de location, c'est parce qu'elle ne visait pas explicitement les contrats concernés et qu'elle ne démontrait pas au vu des contrats les plus récents à savoir ceux de 2006, que la clause n° 2 était abusive.
Il reste qu'au regard de son propre contrat, dont les parties ne contestent pas qu'il a été signé pour une durée de 1 an à compter du 1er juillet 2004, Mademoiselle X. est recevable à se prévaloir des arguments soulevés par l'UFC sur caractère abusif de la clause n° 2, qui impose au preneur de verser un montant correspondant à 2 mois de location en cas de rupture anticipée du contrat. Elle doit toutefois démontrer que cette clause ou est illégale ou qu'elle crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties. Or dans le contrat qu'elle produit aux débats tant la durée du préavis avant la fin du contrat que l'indemnité due en cas de résiliation anticipée du contrat sont identiques pour le bailleur et pour le preneur. Elle n'est pas abusive au sens du code de la consommation.
Toutefois en application de l'article L. 632-1 du code de la construction dans sa forme applicable aux contrats souscrits en 2004, le locataire qui loue un logement meublé à un bailleur louant habituellement plus de 4 logements meublés, ce qui est le cas en l'espèce, peut résilier le contrat à tout moment sous réserve du respect d'un préavis de un mois. En conséquence la clause n° 2 du contrat de location consenti à Mademoiselle X. doit être déclarée illicite en ce qu'elle prévoit un préavis de 2 mois. »
COUR D’APPEL DE MONTPELLIER
PREMIÈRE CHAMBRE SECTION B
ARRÊT DU 14 OCTOBRE 2008
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 07/02664. Décision déférée à la Cour : Jugement du 7 MARS 2007 - TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE MONTPELLIER : RG n° 04/5915
APPELANTE :
Association « QUE CHOISIR » UNION FÉDÉRALE DES CONSOMMATEURS - UFC -,
prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié ès qualité au siège social [adresse], représentée par la SCP AUCHE-HEDOU, AUCHE AUCHE, avoués à la Cour, assistée de Maître Martine COCQUERILLAT-MARECHAL, avocat au barreau de MONTPELLIER (bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2007/XX du [date] accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de MONTPELLIER)
INTIMÉES :
SCI SN,
prise en la personne de son gérant en exercice, domicilié ès qualité au siège social [adresse], représentée par la SCP ARGELLIES - WATREMET, avoués à la Cour, assistée de Maître Alexandre BORIES loco la SCP MELMOUX - PROUZAT - GUERS, avocats au barreau de MONTPELLIER
Madame X.
née le [adresse] à [ville] [minute Jurica page 2] de nationalité Française, [adresse], représentée par la SCP AUCHE-HEDOU, AUCHE AUCHE, avoués à la Cour, assistée de Maître Jean-Jacques GANDINI, avocat au barreau de MONTPELLIER
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU 4 septembre 2008
COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 9 SEPTEMBRE 2008, en audience publique, Monsieur ANDRIEUX ayant fait le rapport prescrit par l'article 785 du Code de Procédure Civile, devant la Cour composée de : Monsieur Gérard DELTEL, Président, Monsieur Yves BLANC-SYLVESTRE, Conseiller, Monsieur Claude ANDRIEUX, Conseiller, qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : Madame Myriam RUBINI
ARRÊT : - contradictoire - prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile ; - signé par Monsieur Gérard DELTEL, Président, et par Madame Myriam RUBINI, Greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
FAITS ET PROCÉDURE :
Reprochant à la SCI SN qui, entre autres activités, donne en location des meublés à une clientèle d'étudiants notamment étrangers, d'avoir inséré dans ses contrats des clauses abusives ou illicites, L'UNION FÉDÉRALE DES CONSOMMATEURS QUE CHOISIR a fait assigner celle-ci devant le tribunal de grande instance de MONTPELLIER qui par jugement du 7 mars 2007, a déclaré son action irrecevable, et irrecevable également l'intervention volontaire de Mademoiselle X.
Le tribunal a considéré que la SCI SN ne pouvant être considérée comme une professionnelle de l'immobilier au regard de la définition faite par le Code Général des Impôts du loueur en meublé, et aussi du fait que l'objet social déclaré ne permet nullement de remettre en cause le caractère civil de la location, du fait également de l'absence de qualité de commerçant, ainsi que de carte professionnelle, ce qui [minute Jurica page 3] entraîne l'irrecevabilité de l'intervention volontaire de Mademoiselle X., dès lors que cette dernière vient au soutien de celle de la partie principale,
Par acte en date du 16 avril 2007, l'association UFC « QUE CHOISIR » a interjeté appel.
DEMANDES ET MOYENS :
Par dernières conclusions notifiées le 8 août 2008, l'association appelante demande avant dire droit de condamner sous astreinte la SCI SN à produire les justificatifs de revenus pour l'année 2004, le relevé hypothécaire de ses biens, le justificatif des revenus professionnels de Madame Y. pour l'année 2004, à titre principal de déclarer son action recevable, de déclarer illicite ou abusif les articles 2 et 5 g, h, i et m des conditions générales du contrat de location des locaux meublés, lui ordonner de ne plus utiliser ces clauses dans le délai de 2 mois à compter de la signification de l'arrêt sous peine d'astreinte passé ce délai, de condamner la SCI à payer la somme de 7.650 euros en réparation de son préjudice collectif, 1.600 euros de son préjudice associatif, d'ordonner la publication du jugement aux frais de la société SN, de condamner la SCI SN au paiement de la somme de 3.165 euros TTC au visa des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991,
Aux motifs que :
- la SCI donne à bail habituellement des appartements, ce qui lui procure l'essentiel de ses ressources, et elle est assujettie à l'IS,
- son objet social donne à son activité un caractère professionnel, il s'agit d'un loueur habituel,
- le contrat comportant la clause contestée est un contrat type habituellement présenté aux locataires, qui sont des non professionnels,
- il y a un déséquilibre significatif entre le preneur et le bailleur sur les délais du congé, sur l'indemnisation de la résiliation,
- le montant des entretiens est abusif, celui des peintures également, ainsi que la clause relative aux animaux domestiques,
- le contrat ne peut s'affranchir au profit du bailleur de l'exception d'inexécution,
- la SCI SN fait usage de ce type de contrat depuis 2000, ce qui lèse l'intérêt collectif.
Par dernières conclusions notifiées le 4 septembre 2008, la SCI SN conclut à la confirmation du jugement, sollicite la somme de 3.000 euros par application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, demande subsidiairement de condamner Mademoiselle X. au paiement de la somme de 812,50 euros, de déclarer les articles 2 et 5 du contrat non illicites et non abusifs, de constater que l'article 2 a été modifié suite au jugement du 13 septembre 2006, de débouter en conséquence l'UFC et de la condamner à payer la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral, avec Mademoiselle X. 3.000 euros par application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,
Soutenant que :
- [minute Jurica page 4] la demande de communication de pièces n'a rien à voir avec l'instance en cours,
- elle n'est pas un professionnel de l'immobilier n'étant qu'un simple particulier pour ne gérer qu'un patrimoine familial privé, la législation sur les clauses abusives n'ayant pas dès lors lieu à s'appliquer,
- le jugement en date du 30 août 2007 invoqué concerne une SCI EG,
- elle gère le patrimoine de ses associés, qui sont parents,
- le jugement du TGI de GRENOBLE ne peut être appliqué en l'espèce,
- les parties peuvent prévoir leurs obligations respectives notamment (clause 2) le versement d'une indemnité de résiliation au profit du bailleur,
- l'obligation du preneur relatif à la plomberie et à la robinetterie n'est pas excessive, pas plus que celle relative à la peinture, ces obligations n'ayant pas été soulevées en cas de baux de courte durée,
- la clause relative aux animaux domestiques n'a pas été appliquée,
- la clause relative à l'obligation de paiement est conforme à l'article 1728 du code civil, ces deux clauses ayant été modifiées,
- Mademoiselle X. reste devoir le somme de 812,50 euros selon décompte,
- Le jugement du Tribunal de SETE est désormais respecté, elle a cependant respecté les décisions qui lui donnaient raison,
- Le montant des loyers, charges et réparations locatives relèvent de la loi des parties,
Par dernières conclusions en date du 13 août 2008, Mademoiselle X. conclut à l'infirmation de la décision en déclarant illicites les clauses 2 et 5 du contrat de location, en condamnant la SCI SN à lui payer les sommes de 1.807,50 euros au titre des sommes dues, 1.000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive, 3.157,44 euros à titre de dommages et intérêts par application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, à titre subsidiaire de condamner au paiement des mêmes sommes sur le fondement de l'article L. 632-1 du CCH,
Soutenant que :
- la SCI SN en donnant à bail de manière habituelle, constante et coordonnée est une professionnelle,
- elle reprend l'argumentation de l'UFC sur les clauses abusives,
Par conclusions d'incident de rejet notifiées le 8 septembre 2008, l'association appelante demande d'écarter des débats les conclusions de la SCI SN notifiées le 4 septembre 2008 soit le jour de la clôture des débats, au motif qu'elles développent de nouveaux moyens, visant notamment la demande de communication de pièces, l'application de la jurisprudence de la Cour d'Appel de CHAMBERY ou encore l'existence de clauses abusives au contrat litigieux.
[minute Jurica page 5] Par conclusions en réponse sur l'incident en date du même jour, la SCI SN, demande d'accueillir ses écritures dès lors que le rabat de l'ordonnance de clôture n'a pas été demandé, ce qui aurait permis à l'appelante de répondre, que les observations sur la communication de pièces ne comportent aucun moyen nouveau et que la jurisprudence de la Cour d'Appel de CHAMBERY avait déjà été citée dans les débats par Mademoiselle X., qui a des intérêts communs avec l'UFC.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
SUR QUOI :
Le paragraphe ajouté dans ses écritures du 4 septembre 2008 par la SCI SN relatif à la communication de pièces n'est qu'une réponse à cette demande de communication de l'UFC. Quant à l'interprétation de l'arrêt de la Cour d'Appel de CHAMBERY, elle ne constitue qu'une réponse aux écritures de Mademoiselle X. versées aux débats et que l'UFC était en mesure de discuter, étant précisé au surplus que cette dernière n'a pas jugé utile, pour pouvoir répondre sur ces deux points limités, de solliciter le rabat de la clôture. Les écritures de la SCI SN en date du 4 septembre 2008 ne seront pas écartées des débats.
Sur la demande de pièces :
Il n'apparaît pas utile en l'état de celles versées aux débats, qui apparaissent suffisantes pour trancher le litige, de faire droit à la demande préalable de l'association UFC QUE CHOISIR relative à la communication de diverses pièces par la SCI SN. Cette demande sera rejetée.
Sur la recevabilité :
L'action de l'association « Union Fédérale des Consommateurs - Que Choisir » (ci-après l'UFC - QUE CHOISIR) de MONTPELLIER vise à faire reconnaître par la Cour comme illicites et / ou abusives les clauses 2 et 5 g, h, i et m des contrats de location de meublés proposés par la SCI SN en se fondant d'une part sur les articles L .421-1 et 421-6 du Code de la Consommation et d'autre part sur l'article L. 132-1 du même code.
La qualité d'association régulièrement déclarée ayant pour objet statutaire explicite la défense des intérêts des consommateurs n'est ni contestée ni contestable, ce qui permet à l'UFC QUE CHOISIR d'agir devant la juridiction civile.
Il reste qu'en application de l'article 132-1 précité cette action ne peut être accueillie qu'à la condition préalable, que les contrats litigieux soient conclus entre un professionnel et un non professionnel ou consommateur.
Le premier juge a considéré que la SCI SN ne pouvait être regardée comme une professionnelle au sens du code de la consommation, dans la mesure où il a écarté la définition du code des impôts comme n'ayant d'incidence que sur le régime fiscal, que l'objet social ne remettait nullement en cause le caractère civil de l'activité de location en meublés, que la SCI n'avait pas la qualité de commerçant et n'était pas titulaire de la carte professionnelle se limitant à la gestion d'un patrimoine familial, l'ensemble de ces éléments lui donnant la qualité de particulier.
Or, sauf à considérer à tort qu'une société civile ne saurait être considérée de façon générale comme une professionnelle, ce qui exclurait notamment le caractère professionnel des sociétés de promotion, le caractère civil d'une activité n'est pas exclusif du caractère professionnel de celle-ci.
[minute Jurica page 6] L'objet social de la SCI SN est défini comme suit : « acquisition, vente de biens meubles et immeubles, gestion administration par bail ou autrement, contracter ou consentir tous emprunts, toutes opérations se rattachant directement ou indirectement à l'objet social. », ce qui démontre la volonté des associés d'exercer sous forme de société de façon diversifiée diverses activités immobilières, dont l'acquisition et la location, et ce sans réserver l'activité à la gestion locative d'un prétendu patrimoine familial, étant précisé que la SCI ne conteste pas être propriétaire en propre des biens loués, ce qui sur le plan juridique exclut en fait une gestion du patrimoine de ses associés, ces derniers ne lui ayant pas, au vu des pièces produites aux débats, confié en gestion de biens leur appartenant. Il sera également rappelé que Madame Y. et ses associés, à supposer qu'ils soient de sa famille, ne sont propriétaires que de parts sociales, dont la vente éventuelle n'affectera en aucun cas l'actif immobilier de la SCI.
Il y a lieu de relever également que les dirigeants de la SCI SN ont procédé à une approche ciblée du marché en acquérant divers studios destinés à la location aux étudiants, ce ciblage étant déjà révélateur d'un professionnalisme certain.
Par ailleurs si les critères de la distinction effectuée par les services fiscaux entre le loueur en meublé professionnel et non professionnel ne peuvent être étendus, sans autres considérations, pour définir le « professionnel » au sens de l'article L.132-1 du code de la consommation, il reste qu'ils constituent des éléments qui peuvent être pris en considération pour apprécier cette notion, en l'absence de toute définition. En l'espèce il ressort des diverses pièces produites aux débats et notamment des contrats de bail et des pièces de procédure à l'encontre de la société SN, que celle-ci a établi des baux pour des appartements situés à [ville M.], [adresse Rue F.], , [adresse Place D.], [adresse rue B.], [adresse Bd. J.] ainsi que [adresse rue S.] (appartement F 3). Elle le reconnaît d'ailleurs dans ses écritures, dès lors qu'elle indique que le fait de louer plus de quatre appartements ne fait pas d'elle un loueur professionnel et ne dément pas les affirmations de l'association appelante qui lui prête la location de huit studios.
Une approche des revenus que peut tirer la SCI de la location pour le moins de cinq appartements aux adresses précitées, permet de retenir qu'elle se situe au niveau du montant retenu comme seuil par l'administration fiscale pour avoir la qualité de professionnelle à savoir 23.000 €. Il apparaît en outre que la SCI, qui ne fait pas état d'autres revenus, tire de la location en meublés 100 % de ses revenus soit le double du second seuil prévu par l'administration fiscale pour retenir la qualité de loueur professionnel soit 50 %, étant précisé que les revenus de Madame Y., personne physique, n'ont pas à être pris en compte dans ceux de la SCI qui seule, a la qualité de loueur, eu égard aux personnalités juridiques distinctes.
En outre il ressort également des débats que Madame Y. est gérante d'une autre SCI, la SCI EG, qui exerce le même type d'activités. Il résulte de cet élément que la gérante de la SCI SN est parfaitement rompue aux techniques de la location en meublés. Cela est d'autant plus vrai que le contenu des courriers qu'elle laisse adresser à ses locataires au nom de la SCI porte la marque d'un professionnalisme certain tant dans leur contenu très motivé sur le plan juridique en cas de contestation de ces derniers, que dans leur signature par les mentions « le service comptable » ou « le service juridique », ce qui démontre que la SCI entend se présenter dans ses rapports avec ses locataires, comme une véritable professionnelle de la location.
De ces éléments pris séparément ou globalement il ressort de façon manifeste que la SCI SN doit être considérée comme une société professionnelle de la location immobilière, ce qui rend l'action de l'Association UFC recevable en ce qu'elle vise à [minute Jurica page 7] déclarer abusives ou illicites certaines clauses du contrat de location.
En l'état de la recevabilité de l'action de la partie principale à l'action, celle de Mademoiselle X. qui s'est jointe à cette action sera également déclarée recevable.
Sur le caractère abusif ou illicite :
L'action de l'Association UFC QUE CHOISIR vise, aux termes du dispositif de ses écritures, à faire déclarer abusives et/ou illicites les articles 2 et 5 g, h, i, m du contrat de location, relatives pour la première à la résiliation, pour la seconde, selon elle, aux animaux domestiques et aux travaux d'entretien en fin de bail.
Sur la clause n° 2 :
Cette demande ne vise aucun bail de façon précise, alors que l'association produit divers contrats dont, pour certains, le libellé de l'article 2 ne correspond pas à celui qu'elle mentionne dans ses écritures. Il apparaît en fait que si certains contrats souscrits en 2002 portent effectivement une clause selon laquelle le preneur devra au bailleur un préavis de 3 mois avant la fin de la location et ce dernier un préavis minimum de 72 heures et de un mois maximum, lorsque une des clauses du contrat n'est pas respectée et que lorsque le preneur rompt le contrat de location même avant l'installation dans les lieux, pour quelque motif que ce soit, il doit verser au bailleur la somme de 3 mois de loyer charges incluses, cette clause n'est pas reprise dans les contrats en date de 2006 produits aux débats.
Elle reproche aux « nouveaux contrats », sans autre précision, le fait que le preneur doit désormais donner congé un mois avant la fin de la location, alors que selon la loi du 29 juillet 1998, le locataire peut donner congé à tout moment sous réserve de respecter un préavis de un mois, et alors que le bailleur peut donner congé un mois avant la fin de la location au lieu des trois mois correspondant à la durée légale.
Or les derniers contrats en date de 2006 qu'elle produit aux débats et dont il est raisonnable de penser qu'il s'agit de ceux qu'elle dénomme « nouveaux contrats » et qui apparaissent être désormais en cours d'utilisation et proposés aux potentiels locataires, ne visent pas, s'agissant du preneur, le délai d'un mois avant la fin de la location mais le délai de un mois avant le départ, et s'agissant du preneur le délai de 3 mois avant la fin de la location. Le moyen tiré du caractère illicite ou abusif de la clause précitée apparaît dès lors infondé, la SCI SN ayant manifestement modifié ses contrats pour les rendre licites.
Il est également reproché de prévoir lorsque le preneur rompt le contrat une indemnité de 3 mois de loyer et ce même avant son installation dans les lieux. Or là encore ce qui pouvait paraître fondé pour les contrats souscrits en 2002, ne l'est plus pour les contrats souscrits en 2006 qui traitent à égalité le preneur et le bailleur relativement au montant de l'indemnité due en cas de rupture hors des cas prévus par les textes, ce qui rend infondé le reproche d'une clause abusive au bénéfice exclusif du bailleur.
En l'état de l'imprécision des écritures relative aux dates des contrats, dont l'association UFC demande et ce de façon générale, que soit déclarée illicite et/ou abusive la clause n° 2, la demande sera rejetée, étant précisé que ce caractère illicite [minute Jurica page 8] ou/et abusif ne peut être retenu pour les derniers contrats utilisés et qui peuvent être considérés comme étant de même nature que ceux proposés actuellement à d 'éventuels locataires, alors qu'il pourrait l'être pour les contrats souscrits en 2002 qui apparaissent comme n'étant plus à ce jour proposés.
La demande relative à la clause n° 2 est infondée dans le cadre de cette demande générale.
Sur la clause n° 5 :
Il est reproché l'insertion dans cet article de clauses visant à stipuler un contrat d'entretien obligatoire, l'indemnité forfaitaire en cas du non respect de cet entretien et de la réfection de la peinture des lieux loués, ainsi qu'une interdiction de posséder un animal domestique. Il est également reproché une clause visant à interdire au preneur de soulever l'exception d'inexécution pour se soustraire à ses obligations.
La lecture des contrats établis en 2006 et qui peuvent apparaître comme étant ceux actuellement proposés à la location ne comportent aucune clause relative aux animaux domestiques. La demande de ce chef apparaît infondée.
Il est par contre constant qu'ils comportent en leur article 5 une clause relative à l'intervention d'une entreprise d'entretien du chauffe eau et de divers éléments de plomberie, le locataire devant justifier de l'entretien réalisé, étant précisé qu'à défaut sera déduit de sa caution le montant forfaitaire de 280 euros. Est également prévue une clause relative à une remise de raccords de « peinture blanche satinée glycero » lors du départ du locataire, dont l'exécution doit être justifiée auprès du bailleur, sauf à payer une indemnité forfaitaire de 650 euros TTC. retenue sur le dépôt de garantie.
Ces deux clauses apparaissent abusives au sens de l'article L. 132-1 précité, dès lors qu'elles créent au détriment du consommateur un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.
En effet ce déséquilibre est constitué dès lors qu'est imposée au locataire une justification de l'entretien des éléments de chauffage et de plomberie, alors que le bailleur se dispense de toute justification de cet entretien à l'entrée dans les lieux. Par ailleurs s'agissant de la peinture en exigeant la justification de l'exécution des raccords de peinture, en s'exonérant contractuellement lui-même de la justification de leur nécessité, le bailleur crée un déséquilibre dans les obligations au détriment du locataire. Au surplus en mettant en place un principe d'indemnisation forfaitaire, le bailleur prive le locataire de la possibilité de constater que la SCI SN a dû supporter elle-même les charges qui lui étaient imputables, offrant ainsi la possibilité au bailleur de ne pas réaliser les prétendus travaux d'entretien ou les prétendus raccords de peinture, ce qui crée un déséquilibre significatif dans les droits et obligations respectifs des parties.
Ces deux clauses contenues dans les contrats proposés à la location par la SCI SN seront déclarées abusives et illicites et il sera fait droit à la demande de L'UFC QUE CHOISIR de ce chef.
Cette association est également fondée à demander l'indemnisation du préjudice qui a été causé collectivement aux consommateurs à qui ont été proposés des contrats comportant des clauses abusives. Ce préjudice sera indemnisé à hauteur de 1.000 euros, toutes causes de préjudice confondues.
[minute Jurica page 9] Mademoiselle X. demande le remboursement de son dépôt de garantie qu'elle évalue à 1 100 euros, le paiement de son mobilier pour 250 euros, la différence entre le montant des charges mensuelles de 360 euros et la taxe d'ordures ménagères soit 137,50 euros, le dépôt de garantie pour consommation d'eau, 220 euros.
Se fondant sur un changement ultérieur de jurisprudence, la SCI SN conteste devoir ces sommes.
Si l'association UFC a été déboutée de ses demandes relatives à l'article 2 des contrats de location, c'est parce qu'elle ne visait pas explicitement les contrats concernés et qu'elle ne démontrait pas au vu des contrats les plus récents à savoir ceux de 2006, que la clause n° 2 était abusive.
Il reste qu'au regard de son propre contrat, dont les parties ne contestent pas qu'il a été signé pour une durée de 1 an à compter du 1er juillet 2004, Mademoiselle X. est recevable à se prévaloir des arguments soulevés par l'UFC sur caractère abusif de la clause n° 2, qui impose au preneur de verser un montant correspondant à 2 mois de location en cas de rupture anticipée du contrat.
Elle doit toutefois démontrer que cette clause ou est illégale ou qu'elle crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties. Or dans le contrat qu'elle produit aux débats tant la durée du préavis avant la fin du contrat que l'indemnité due en cas de résiliation anticipée du contrat sont identiques pour le bailleur et pour le preneur. Elle n'est pas abusive au sens du code de la consommation.
Toutefois en application de l'article L. 632-1 du code de la construction dans sa forme applicable aux contrats souscrits en 2004, le locataire qui loue un logement meublé à un bailleur louant habituellement plus de 4 logements meublés, ce qui est le cas en l'espèce, peut résilier le contrat à tout moment sous réserve du respect d'un préavis de un mois.
En conséquence la clause n° 2 du contrat de location consenti à Mademoiselle X. doit être déclarée illicite en ce qu'elle prévoit un préavis de 2 mois.
Dès lors que la SCI SN ne se prévaut non pas des dispositions de l'article précité mais des dispositions contractuelles, sa demande relative à l'indemnité de préavis sera rejetée.
Il sera fait droit à la demande de rejet de la demande au titre de l'entretien peinture et de l'entretien plomberie, les décisions de justice rendues dans d'autres espèces étant inopposables.
Il sera fait droit également à la demande de rejet au titre de la consommation d'eau, dont il est démontré qu'il a été versé la somme de 220 euros, le surplus de consommation n'étant pas démontré, pas plus que n'est justifié le montant de la taxe d'ordures ménagères sollicité, qui sera restitué.
En conséquence la SCI SN sera condamnée à payer à Mademoiselle X. la somme de 1.692,50 euros, avec intérêts à compter de la mise en demeure du 4 juin 2005.
[minute Jurica page 10] En se prévalant d'une clause contraire à l'ordre public, en l'espèce les dispositions du code de la construction, pour retenir un montant d'indemnité de résiliation indu, la SCI SN a fait preuve de résistance abusive et sera condamnée à payer à Mademoiselle X. la somme de 500 euros à titre des dommages et intérêts subis de ce chef hors préjudice financier.
Il est équitable en outre de faire par application de l'article 700 du code de procédure civile en allouant à cette dernière la somme de 2 500 euros à ce titre.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,
EN LA FORME
Déclare l'appel recevable,
AU FOND
Infirmant la décision déférée,
Déclare l'action de l'association UFC QUE CHOISIR recevable,
Dit les clauses insérées dans la clause n° 5 des contrats habituellement proposés à la location de meublés par la SCI SN et relatives à l'entretien du chauffe eau et de la plomberie ainsi qu'à la réfection de la peinture, abusives,
Ordonne leur retrait de ces contrats dans le délai de 2 mois à compter de la signification du présent arrêt,
Condamne la SCI SN à payer à Mademoiselle X. la somme de 1.692,50 euros majorée des intérêts de retard à compter du 4 juin 2005, Condamne la SCI SN à payer à Mademoiselle X. la somme de 500 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive,
Condamne la SCI SN à payer à Mademoiselle X. la somme de 2.500 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la SCI SN à payer à l'association UFC QUE CHOISIR la somme de 1.000 euros tous chefs de préjudice confondus,
Rejette les demandes de la SCI SN,
Condamne la SCI SN aux dépens, dont distraction au profit des Avoués de la cause, par application de l'article 699 du code de procédure civile, et dit qu'il sera fait application des dispositions relatives à l'aide juridictionnelle.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
- 5750 - Code de la consommation - Régime de la protection - Consommateur - Effets - Autres effets - Réparation des préjudices - Consommateur - Clause imposée par le cocontractant
- 5757 - Code de la consommation - Régime de la protection - Association de consommateurs - Conditions - Qualité des parties - Défendeur
- 5760 - Code de la consommation - Régime de la protection - Association de consommateurs - Conditions - Contrats - Modèle de contrat
- 5762 - Code de la consommation - Régime de la protection - Association de consommateurs - Conditions - Clauses
- 5766 - Code de la consommation - Régime de la protection - Association de consommateurs - Conditions - Suppression volontaire - Clauses supprimées en cours d’instance - Droit antérieur à la loi du 17 mars 2014
- 5771 - Code de la consommation - Régime de la protection - Association de consommateurs - Procédure - Formes - Action principale
- 5772 - Code de la consommation - Régime de la protection - Association de consommateurs - Procédure - Formes - Intervention
- 5848 - Code de la consommation - Domaine d’application - Personne soumise à la protection - Notion de professionnel - Principes
- 6024 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Appréciation du déséquilibre - Réciprocité - Réciprocité des prérogatives - Inégalité
- 6122 - Code de la consommation - Notion de clause abusive - Présentation par clause - Inexécution du contrat - Responsabilité du consommateur - Clauses pénales ou d’indemnité forfaitaire - Droit antérieur au décret du 18 mars 2009 (indices)
- 6132 - Code de la consommation - Notion de clause abusive - Présentation par clause - Durée du contrat - Contrat à durée indéterminée
- 6133 - Code de la consommation - Notion de clause abusive - Présentation par clause - Durée du contrat - Contrat à durée déterminée - Durée initiale
- 6143 - Code de la consommation - Notion de clause abusive - Présentation par clause - Preuve - Clauses sur la portée des preuves
- 6403 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Location (bail) - Location d’immeuble - Bail d’habitation en meublé