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6104 - Code de la consommation - Notion de clause abusive - Présentation par clause - Modification du contenu du contrat - Modification unilatérale - Présentation générale

Nature : Synthèse
Titre : 6104 - Code de la consommation - Notion de clause abusive - Présentation par clause - Modification du contenu du contrat - Modification unilatérale - Présentation générale
Pays : France
Rédacteurs : Xavier HENRY
Notice :
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CERCLAB - SYNTHÈSE DE JURISPRUDENCE - DOCUMENT N° 6104 (12 octobre 2022)

PROTECTION CONTRE LES CLAUSES ABUSIVES DANS LE CODE DE LA CONSOMMATION - PRÉSENTATION PAR CLAUSE

MODIFICATION DU CONTENU DU CONTRAT - CLAUSE DE MODIFICATION UNILATÉRALE

PRÉSENTATION GÉNÉRALE

Auteur : Xavier HENRY (tous droits réservés © 2022)

 

A. PRÉSENTATION DE LA PROBLÉMATIQUE EN DROIT COMMUN

Présentation. Selon l’art. 1103 C. civ. « Les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits » (ancien art. 1134 C. civ., alinéa 1er) et selon l’art. l’art. 1193 C. civ. dispose : « Les contrats ne peuvent être modifiés ou révoqués que du consentement mutuel des parties, ou pour les causes que la loi autorise » (ancien art. 1134 al. 2 ; V. Cerclab n° 6103).

Cependant, le contrat peut prévoir une clause autorisant l’une des parties à modifier unilatéralement le contenu du contrat : a priori, une telle stipulation pourrait être couverte par l’alinéa 1er et tenir lieu de loi aux parties comme toutes les autres dispositions contractuelles. Une telle clause n’est toutefois pas ordinaire, en ce qu’elle heurte de front le fondement même de l’art. 1103 C. civ. : respecter les prévisions des parties telles qu’elles ont pu être envisagées lors de l’échange des consentements. Elle relève du caractère paradoxal de la liberté contractuelle dont l’usage consiste précisément à abandonner une part de cette liberté en se soumettant volontairement à un accord contraignant.

Les rédacteurs du Code civil ne sont pas restés totalement hermétiques au risque d’un usage abusif de cette liberté, mais leur perspective était principalement orientée vers la sanction des débiteurs tentant d’échapper à leurs engagements : ancien art. 1150 C. civ. (sanctionnant le débiteur qui commet une inexécution dolosive, comportement qui revient à s’abstraire du caractère obligatoire de son obligation), ancien art. 1174 C. civ. (sanctionnant les conditions potestatives permettant au débiteur d’échapper à l’exécution de son obligation ; V. Cerclab n° 6081), et même ancien art. 1134 al. 3 C. civ. (le sens premier de l’exécution de bonne foi étant d’empêcher le débiteur d’invoquer des arguties pour tenter de se soustraire au respect de son engagement). Les clauses permettant de modifier une obligation, sans porter atteinte à la substance de l’engagement du débiteur ou au contraire pour augmenter ses engagements n’ont fait l’objet d’aucun encadrement général.

Existence, opposabilité et preuve de la modification. Au-delà de l’appréciation de la validité de la clause de modification, la mise en œuvre de celle-ci peut également être contrôlée. Il convient notamment de s’assurer que la modification existe bien et qu’elle a été portée à la connaissance du cocontractant, à peine d’inopposabilité. Ces deux preuves incombent au professionnel.

V. par exemple : cassation de l’arrêt estimant que l’assuré a été mis en mesure de connaître l’étendue des garanties en l’absence de production du contrat initial qui ne permet pas de déterminer réellement les modifications alléguées par l’assureur et sans vérifier que la notice définissant les nouvelles garanties a bien été remise à l’assuré, condition déterminante de l’opposabilité des modifications apportées au contrat initial. Cass. civ. 2e, 16 juin 2011 : pourvoi n° 10-22780 ; Bull. civ. ; Cerclab n° 3438 (cassation pour violation des art. 1134 [1103] C. civ. ancien, L. 141-4 C. assur., ensemble l’art. 12 de la loi n° 89-1009 du 31 décembre 1989), cassant CA Bastia (ch. civ.), 4 novembre 2009 : RG n° 08/00402 ; Cerclab n° 3625.

Obligation d’information. Il résulte des art. L. 312-1-1 et R. 312-1 C. monét. fin. que l’obligation des établissements de crédit d’informer leur clientèle et le public sur les conditions générales et tarifaires applicables aux opérations relatives à la gestion d’un compte de dépôt, y compris lors de tout projet de modification de celle-ci, bénéficie aux clients sans distinguer selon qu’il s’agit de clients particuliers ou de clients professionnels. CA Versailles (13e ch.), 26 mars 2015 : RG n° 13/02835 ; Cerclab n° 5128 (compte professionnel d’une SA ; la banque ayant informé son client de la modification de ses conditions tarifaires, le client qui a notifié sans équivoque son désaccord, mais sans résilier le compte, de sorte qu’il a bénéficié des services de la banque, est réputé avoir accepté la rémunération de ces services), sur appel de T. com. Pontoise (5e ch.), 14 février 2013 : RG n° 2010F00851 ; Dnd.

Sur l’obligation d’information en cas de modification ou de renouvellement d’un contrat, V. Cerclab n° 6103 et n° 6134.

B. PRÉSENTATION DE LA PROBLÉMATIQUE EN DROIT DE LA CONSOMMATION

Modification par le consommateur. N'est pas abusive la clause permettant au prêteur de refuser la modulation des échéances demandée par l’emprunteur, dès lors que la faculté de refuser l'option choisie par l'emprunteur n'est nullement discrétionnaire, puisqu'elle est subordonnée à la démonstration que les nouvelles charges de remboursement qui en découleraient soient incompatibles avec les ressources de l'emprunteur et qu’elle ne crée pas de déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, puisqu'il est de l'intérêt des deux parties que le prêteur s'assure que les conditions du crédit qu'il octroie soient adaptées aux capacités de remboursement de l'emprunteur. CA Rennes (2e ch.), 8 octobre 2021 : RG n° 18/03576 ; arrêt n° 520 ; Cerclab n° 9175 (prêt personnel ; clause au surplus non illicite au regard de la règlementation du crédit ; argument surabondant, la preuve d’une demande de l’emprunteuse n’étant pas rapportée), sur appel de TGI Rennes, 17 avril 2018 : Dnd.

Modification par le professionnel : présentation. En droit de la consommation, de telles stipulations sont particulièrement fréquentes. En permettant à ce dernier de remettre en cause l’équilibre initial du contrat, elles semblent a priori à l’origine d’un déséquilibre et leur admission suppose de vérifier, soit qu’un tel déséquilibre n’est pas significatif, ce qui peut dépendre de la nature de la clause modifiée, soit que la consécration d’une telle faculté d’adaptation est justifiée par des contraintes propres à la nature du contrat, au secteur économique ou à toute autre circonstance. § N.B. Ces indices ne sont pas limitatifs (V. par ex. le critère général de l’absence de réciprocité).

Le danger de ces stipulations a été immédiatement perçu par le législateur puisque les clauses de modification unilatérale ont été immédiatement encadrées dès le décret du 24 mars 1978. Les textes ultérieurs ont conservé cette tendance, mais ils ont connu une évolution qu’il convient de rappeler.

Décret du 24 mars 1978 (ancien art. R. 132-2 C. consom.). Dans sa première approche, le législateur s’est concentré exclusivement sur les clauses permettant au professionnel de modifier la prestation qu’il avait promise au consommateur et qui avait déterminé l’engagement de ce dernier (pour la présentation générale, V. Cerclab n° 6108 s.).

Ainsi, selon l’alinéa premier de l’art. 3 du décret n° 78-464 du 24 mars 1978, codifié à l’ancien art. R. 132-2 C. consom. (décret n° 97-298 du 27 mars 1997 créant la partie réglementaire du Code de la consommation), applicable jusqu’à son abrogation par le décret du 18 mars 2009, « dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, est interdite la clause ayant pour objet ou pour effet de réserver au professionnel le droit de modifier unilatéralement les caractéristiques du bien à livrer ou du service à rendre ».

N.B. Il faut rappeler que, dans le dispositif initial, le pouvoir réglementaire ne pouvait intervenir que pour des clauses entrant dans le champ défini par l’art. 35 de la loi n° 78-23 du 10 janvier 1978, à savoir « les clauses relatives au caractère déterminé ou déterminable du prix ainsi qu’à son versement, à la consistance de la chose ou à sa livraison, à la charge des risques, l’étendue des responsabilités et garanties, aux conditions d’exécution, de résiliation, résolution ou reconduction des conventions ». Littéralement, cette disposition ne visait pas explicitement les clauses de modification unilatérale, mais celles-ci y étaient implicitement et certainement incluses, dès lors qu’il était possible de les rattacher aux clauses concernant « la consistance de la chose » (art. 3 du décret), au « caractère déterminé ou déterminable du prix » (un décret aurait pu être prix sur les clauses de prix), voire « aux conditions d’exécution, de résiliation, résolution ou reconduction des conventions » (sol. implicite, puisqu’une clause de modification impacte les conditions d’exécution du contrat et que la possibilité d’encadrer les clauses relatives à la rupture d’un contrat implique la possibilité d’encadrer celle se contentant de le modifier, conformément au raisonnement suivi en droit commun dans le cadre de l’ancien art. 1134 al. 2 C. civ. [1193 C. civ. nouveau]).

L’alinéa 2 du texte autorisait toutefois, sous conditions, certains aménagements : « toutefois, il peut être stipulé que le professionnel peut apporter des modifications liées à l’évolution technique, à condition qu’il n’en résulte ni augmentation des prix ni altération de qualité et que la clause réserve au non-professionnel ou consommateur la possibilité de mentionner les caractéristiques auxquelles il subordonne son engagement ».

Directive du 5 avril 1993, loi du 1er février 1995 : annexe à l’ancien art. L. 132-1 C. consom. La directive du 5 avril 1993 comporte une annexe que la loi du 1er février 1995 avait reprise avant son abrogation au 1er janvier 2009 par la loi du 4 août 2008 et qui abordait les clauses de modification unilatérale, dans une perspective plus large que le décret du 24 mars 1978.

* Ces textes contenaient une disposition nouvelle, à l’art. L. 132-1 al. 7 C. consom. (toujours présente à l’art. L. 212-1 al. 3 C. consom.), selon laquelle l’examen du caractère abusif ne peut porter sur une clause concernant l’objet principal du contrat ou sur l’adéquation au prix. Assez paradoxalement, une telle disposition aurait pu autoriser le professionnel à modifier sa prestation principale ou son prix, sans contrôle, alors que les modifications d’obligations secondaires auraient pu être déclarées abusives. Une telle interprétation était incompatible avec les points 1.j), 1.k) et 1.l) de l’annexe et elle a été explicitement condamnée par la CJUE : l’exclusion prévue par l’art. 4 § 2 de la directive 93/13 ne s’applique pas à une clause portant sur un mécanisme de modification des frais des services à fournir au consommateur. CJUE (1re ch.), 26 avril 2012, Nemzeti Fogyasztóvédelmi Hatóság/ Invitel Távközlési Zrt. : Aff. C-472/10 ; Cerclab n° 4411 (point n° 23). § Au regard des points 1, sous j) et l), ainsi que 2, sous b) et d), de l’annexe de la directive l’appréciation du caractère abusif d’une clause de modification du coût total du service à fournir au consommateur, est pertinente, notamment, la question de savoir si les raisons ou le mode de variation des frais liés au service à fournir étaient spécifiés d’une manière claire et compréhensible et si les consommateurs disposaient d’un droit de mettre fin au contrat. CJUE (1re ch.), 26 avril 2012 : précité (point n° 26).

* Point 1.k). Selon le point 1.k) de cette annexe, peuvent être regardées comme abusives, si elles satisfont aux conditions posées au premier alinéa de l’ancien art. L. 132-1 C. consom. et à condition, en cas de litige, que le demandeur apporte la preuve de ce caractère abusif, les clauses ayant pour objet ou pour effet d’autoriser les professionnels « à modifier unilatéralement sans raison valable des caractéristiques du produit à livrer ou du service à fournir » (N.B. il faut rappeler que ce point n’était tempéré par aucune exception). L’introduction de cette disposition n’a pas remis en cause l’art. 3 du décret du 24 mars 1978 (ancien art. R. 132-2 C. consom.). En effet, l’annexe à la directive était purement indicative et elle ne remettait pas en cause la faculté laissée aux États par ce texte d’accorder au consommateur une protection supérieure. Tel était le cas de l’art. 3 du décret qui améliorait la position du consommateur en réputant certaines clauses abusives, sauf exception. Il faut d’ailleurs noter que l’économie du décret était parfaitement conforme au point 1.k) en limitant le caractère abusif dans certaines hypothèses (alinéa 2) explicitant la « raison valable » de l’annexe.

* Point 1.j) et 1.l). L’annexe à la directive et à l’ancien art. L. 132-1 C. consom. a toutefois étendu le contrôle des clauses de modification unilatérale aux clauses portant sur le prix et les conditions contractuelles. Selon cette annexe, peuvent être regardées comme abusives, si elles satisfont aux conditions posées au premier alinéa de l’ancien art. L. 132-1 C. consom. et à condition, en cas de litige, que le demandeur apporte la preuve de ce caractère abusif, les clauses ayant pour objet ou pour effet d’autoriser les professionnels « à modifier unilatéralement les termes du contrat sans raison valable et spécifiée dans le contrat » (point 1.j) ou « de prévoir que le prix des biens est déterminé au moment de la livraison, ou d’accorder au vendeur de biens ou au fournisseur de services le droit d’augmenter leurs prix sans que, dans les deux cas, le consommateur n’ait de droit correspondant lui permettant de rompre le contrat au cas où le prix final est trop élevé par rapport au prix convenu lors de la conclusion du contrat » (point 1.l).

L’annexe a prévu cependant, pour ces deux dispositions, des dérogations dans certains secteurs (points 2.b, 2.c et 2.d).

Décret du 18 mars 2009 : clauses irréfragablement abusives (modification de la durée, des caractéristiques ou du prix). Aux termes de l’art. R. 212-1-3° C. consom. (reprenant l’ancien art. R. 132-1-3° C. consom., dans sa rédaction résultant du décret n° 2009-302 du 18 mars 2009, sous réserve de la protection des non-professionnels transférée à l’art. R. 212-5 C. consom.), est de manière irréfragable présumée abusive et dès lors interdite, la clause ayant pour objet ou pour effet de « réserver au professionnel le droit de modifier unilatéralement les clauses du contrat relatives à sa durée, aux caractéristiques ou au prix du bien à livrer ou du service à rendre ». Les articles R. 212-3 et R. 212-4 C. consom., reprenant l’ancien art. R. 132-2-1 C. consom., consacrent plusieurs exceptions à ce texte (pour la présentation générale, V. Cerclab n° 6105 pour la durée et les conditions générales et Cerclab n° 6106 pour le prix).

Décret du 18 mars 2009 : clauses présumées abusives (autres modifications). Aux termes de l’art. R. 212-2-6° C. consom. (reprenant l’ancien art. R. 132-2-6° C. consom., dans sa rédaction résultant du décret n° 2009-302 du 18 mars 2009, sous réserve de l’extension aux non-professionnels qui figure désormais à l’art. R. 212-5 C. consom.), est présumée abusive, sauf au professionnel à rapporter la preuve contraire, la clause ayant pour objet ou pour effet de « réserver au professionnel le droit de modifier unilatéralement les clauses du contrat relatives aux droits et obligations des parties, autres que celles prévues au 3° de l’art. R. 132-1 ». Les articles R. 212-3 et R. 212-4 C. consom., reprenant l’ancien art. R. 132-2-1 C. consom., consacrent plusieurs exceptions à ce texte (pour la présentation générale, V. Cerclab n° 6107).

Textes spéciauxCes textes généraux n’excluent pas la possibilité de réglementations spéciales, même si le caractère prétendument protecteur de ces dispositions peut parfois se discuter. V. par exemple Cerclab n° 6446, pour l’ancien art. L. 121-84 C. consom., transféré notamment à l’art. L. 224-29 C. consom.