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CA VERSAILLES (1re ch. 2e sect.), 2 décembre 2008

Nature : Décision
Titre : CA VERSAILLES (1re ch. 2e sect.), 2 décembre 2008
Pays : France
Juridiction : Versailles (CA), 1re ch. sect. 2
Demande : 07/06888
Décision : 08/582
Date : 2/12/2008
Nature de la décision : Confirmation
Mode de publication : Jurica
Décision antérieure : TI MONTMORENCY, 24 août 2007
Numéro de la décision : 582
Décision antérieure :
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CERCLAB - DOCUMENT N° 2730

CA VERSAILLES (1re ch. 2e sect.), 2 décembre 2008 : RG n° 07/06888

Publication : Jurica

 

Extrait : « Mme Y., épouse X., exerce en nom propre une activité de nettoyage sous l'enseigne V. N. D. ; le siège social de son entreprise est situé à son domicile personnel, [adresse] ; Les dispositions protectrices du Code de la consommation sur le démarchage à domicile ne sont exclues que s'il existe un rapport direct entre le contrat souscrit et l'activité exercée ;

En l'espèce le matériel de vidéo surveillance est sans rapport direct avec une activité de nettoyage, il n'a pas pour objet de faciliter, étendre ou développer l'activité de l'entreprise ; La souscription du contrat ne contribue pas au développement du chiffre d'affaires, il se trouve en dehors de la compétence professionnelle de Mme Y., épouse X. ; Celle-ci exerce une activité qui n'implique pas la détention à son siège social, qui est son domicile personnel, de matériel de valeur ou de produits toxiques dont la surveillance serait absolument indispensable à l'exercice de son activité ou serait rendue obligatoire pour les besoins d'une assurance ; il n'est pas établi que Mme Y., épouse X., détienne des produits ménagers en quantité importante à son siège social et, même si elle en détient, de tels produits, sans valeur particulière, peuvent facilement être réapprovisionnés en cas de vol sans que l'activité soit nécessairement interrompue ; ils ne nécessitent pas une surveillance particulière obligatoire ;

Il résulte de ces éléments que Mme Y., épouse X., a seulement voulu compléter la surveillance de son siège et de son domicile, qui était déjà équipé par ailleurs de télésurveillance depuis longtemps (cf. : courrier de la société Générale de Protection en date du 28 septembre 2006 qui indique que le domicile de Mme Y., épouse X., est en télé surveillance depuis 1996) ;

Il importe peu que Mme Y., épouse X., ait contracté sous l'enseigne de son activité professionnelle, qu'elle ait apposé le cachet de son entreprise et fourni un relevé d'identité bancaire au nom de celle-ci ; le fait qu'elle ait agi dans le cadre de son activité professionnelle n'implique pas qu'il existe un rapport « direct » entre le contrat et son activité professionnelle, ce rapport direct devant être apprécié de façon stricte ;

La directive européenne du 5 avril 1993, invoquée par la société KBC LEASE France pour soutenir que les dispositions protectrices du Code de la consommation relatives au démarchage à domicile ne sauraient s'appliquer qu'à un simple consommateur personne physique et non à un professionnel comme Mme Y., épouse X., ne saurait trouver application en l'espèce alors que la loi du 1er février 1995 qui a transposé cette directive en droit interne n'a pas limité les dispositions protectrices au seul consommateur personne physique, un professionnel pouvant en bénéficier si le contrat souscrit est sans rapport direct avec son activité, comme c'est le cas en l'espèce ».

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE VERSAILLES

PREMIÈRE CHAMBRE DEUXIÈME SECTION

ARRÊT DU 2 DÉCEMBRE 2008

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 07/06888. Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 24 août 2007 par le Tribunal d'Instance de MONTMORENCY, R.G. n° 11-06-000826.

[minute Jurica page 2] La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

 

APPELANTE :

SA KBC LEASE FRANCE

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés audits siège, [adresse], représentée par la SCP GAS - n° du dossier 20070761, assistée de Maître Patrick LEVY (avocat au barreau de LYON)

 

INTIMÉE :

Madame Y. épouse X., exerçant sous l'enseigne « V. N. D. »

[adresse], représentée par la SCP FIEVET-LAFON - N° du dossier 270946, assistée de Maître Catherine COULON-EGRET (avocat au barreau de PONTOISE)

 

Composition de la cour : L'affaire a été débattue à l'audience publique du 21 octobre 2008, Monsieur Jacques CHAUVELOT, conseiller, ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de : Monsieur Charles LONNE, président, Monsieur Jacques CHAUVELOT, conseiller, Madame Nelly DELFOSSE, conseiller, qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Madame Natacha BOURGUEIL

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

FAITS ET PROCÉDURE :

Selon acte du 2 octobre 2002 Mme Y., épouse X., qui exerce, à titre personnel, sous l'enseigne V. N. D., une activité de nettoyage, a souscrit auprès d'une société ART TOULOUSE sécurité.com, aux droits de laquelle vient la société KBC LEASE FRANCE, un contrat de location portant sur du matériel de télésurveillance pour une [minute Jurica page 3] durée de 60 mois.

Le même jour elle a souscrit auprès d'une société SERELYS un contrat d'abonnement de télésurveillance pour une durée de 12 mois.

Par courrier du 28 juin 2003, Mme Y., épouse X., a fait connaître sa volonté de mettre fin au contrat et a cessé ses règlements.

Soutenant que la location était consentie irrévocablement pour une durée de 60 mois, la société KBC LEASE FRANCE, par acte d'huissier du 28 septembre 2006, a assigné en paiement Mme Y., épouse X., exerçant sous l'enseigne V. N. D., devant le tribunal d'instance de MONTMORENCY.

Ce tribunal, par jugement du 24 août 2007, a :

- donné acte à Mme Y., épouse X., de sa renonciation à contester la qualité à agir de La société KBC LEASE FRANCE,

- donné acte à la société KBC LEASE FRANCE de son désistement d'instance concernant sa demande de restitution du matériel,

- dit que le contrat conclu entre les parties le 2 octobre 2002 est soumis aux dispositions du Code de la consommation relatives à la protection du consommateur en matière de démarchage à domicile,

- constaté la nullité du contrat de location conclu entre les parties le 2 octobre 2002,

- en conséquence, condamné la société KBC LEASE FRANCE à rembourser à Mme Y., épouse X., la somme de 2.095,32 € au titre des loyers perçus, avec intérêts au taux légal à compter du présent jugement,

- débouté la société KBC LEASE FRANCE de sa demande en paiement du solde de la location et de ses autres prétentions,

- rejeté la demande de dommages et intérêts de Mme Y., épouse X., pour préjudice moral,

- condamné La société KBC LEASE FRANCE aux dépens,

- condamné La société KBC LEASE FRANCE à payer à Mme Y., épouse X., la somme de 1.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- ordonné l'exécution provisoire.

[minute Jurica page 4]

La société KBC LEASE FRANCE a interjeté appel de cette décision

Aux termes de ses dernières conclusions du 13 décembre 2007 elle demande à la cour de :

- réformer le jugement entrepris,

- constater que Mme Y., épouse X., exploitant sous l'enseigne V. N. D., a contracté dans le cadre et pour les besoins de son activité professionnelle,

- juger que c'est à bon droit qu'elle a prononcé la résiliation du contrat aux torts exclusifs de la locataire après mise en demeure restée infructueuse,

- en conséquence condamner Mme Y., épouse X., exerçant sous l'enseigne V. N. D., à lui verser les sommes suivantes :

* 8.632,64 € avec intérêts de droit à compter de la mise en demeure recommandée du 6 juin 2006,

* 1.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- ordonner la restitution des sommes versées en raison de l'exécution provisoire,

- condamner Mme Y., épouse X., aux entiers dépens.

Aux termes de ses dernières conclusions du 21 mai 2008, Mme Y., épouse X., demande à la cour de :

- constater que le contrat du 2 octobre 2002 souscrit après démarchage à son domicile n'a pas été conclu dans le cadre et pour les besoins de son activité professionnelle (qui consiste à effectuer des travaux de nettoyage chez ses clients) mais à son domicile personnel qui est administrativement l'adresse du siège social de son entreprise, ledit système de télésurveillance ayant pour objet de protéger son domicile qui a fait l'objet de cambriolages,

- juger que le contrat est soumis aux dispositions du Code de la consommation relative à la protection du consommateur en matière de démarchage à domicile,

- Constater que le contrat est nul de plein droit puisqu'il ne comporte pas les mentions prescrites à peine de nullité par les dispositions précitées et notamment l'article L. 121-23 du Code de la consommation,

- constater qu'en violation des dispositions de l'article L. 121-26 du Code de la consommation le démarcheur ne pouvait recevoir de contrepartie le jour de la conclusion du contrat, en l'espèce une autorisation de prélèvement bancaire,

- [minute Jurica page 5] en conséquence prononcer la nullité de la convention du 2 octobre 2002 et débouter La société KBC LEASE FRANCE de l'ensemble de ses demandes,

- condamner cette société à lui payer la somme de 2.266,03 € au titre des loyers perçus avec intérêts au taux légal à compter de l'arrêt sur la somme de 174,61 € TTC,

- débouter la société KBC LEASE FRANCE de sa demande en paiement du solde de la location et de ses autres prétentions,

- à titre infiniment subsidiaire, constater que la clause qui prévoit une durée irrévocable de 60 mois et l'impossibilité de rupture anticipée par le locataire est abusive, cette clause, qui ne reflète pas la volonté des parties, créant un déséquilibre significatif entre les parties et un avantage pécuniaire au prestataire dépourvu de toute contrepartie,

- prononcer la nullité de cette clause,

- constater que la volonté des parties lors de la signature du contrat était de prévoir un engagement de douze mois,

- constater qu'elle a parfaitement respecté son engagement,

- constater que La société KBC LEASE FRANCE a perçu indûment la somme supplémentaire de 174,31 € TTC,

- la condamner à rembourser cette somme,

- débouter La société KBC LEASE FRANCE de toutes ses demandes correspondant à des sanctions financières, conséquence de la clause abusive dont la nullité est prononcée,

- débouter la société KBC LEASE FRANCE de sa demande d'indemnité égale au montant des loyers impayés au jour de la résiliation, majoré de 10 %,

- constater que le matériel a été restitué la première semaine de décembre 2003 et que La société KBC LEASE FRANCE s'est désistée de sa demande à ce titre,

- en tout état de cause, condamner La société KBC LEASE FRANCE à lui payer la somme de 2.500 € au titre de son préjudice moral pour procédure abusive et injustifiée,

- à titre très infiniment subsidiaire, pour le cas où, par exceptionnel, la cour entrerait en voie de condamnation à son encontre, lui accorder les délais les plus larges pour s'acquitter de sa dette,

- condamner La société KBC LEASE FRANCE à lui payer la somme de 1.500 € au titre de [minute Jurica page 6] l'article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens.

Conformément à l'article 455 du Code de procédure civile, la cour renvoie aux dernières écritures des parties en date des 13 décembre 2007 et 21 mai 2008 pour un plus ample exposé des arguments et moyens de celles-ci.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                   (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS :

Selon l'article L. 121-22-4° du Code de la consommation ne sont pas soumises aux dispositions des articles L. 121-23 et suivants du même code sur le démarchage à domicile, les locations de biens ou prestations de services lorsqu'elles ont un rapport direct avec les activités exercées dans le cadre d'une exploitation agricole, industrielle, commerciale ou artisanale ou de toute autre profession ;

Mme Y., épouse X., exerce en nom propre une activité de nettoyage sous l'enseigne V. N. D. ; le siège social de son entreprise est situé à son domicile personnel, [adresse] ;

Les dispositions protectrices du Code de la consommation sur le démarchage à domicile ne sont exclues que s'il existe un rapport direct entre le contrat souscrit et l'activité exercée ;

En l'espèce le matériel de vidéo surveillance est sans rapport direct avec une activité de nettoyage, il n'a pas pour objet de faciliter, étendre ou développer l'activité de l'entreprise ;

La souscription du contrat ne contribue pas au développement du chiffre d'affaires, il se trouve en dehors de la compétence professionnelle de Mme Y., épouse X. ;

Celle-ci exerce une activité qui n'implique pas la détention à son siège social, qui est son domicile personnel, de matériel de valeur ou de produits toxiques dont la surveillance serait absolument indispensable à l'exercice de son activité ou serait rendue obligatoire pour les besoins d'une assurance ; il n'est pas établi que Mme Y., épouse X., détienne des produits ménagers en quantité importante à son siège social et, même si elle en détient, de tels produits, sans valeur particulière, peuvent facilement être réapprovisionnés en cas de vol sans que l'activité soit nécessairement interrompue ; ils ne nécessitent pas une surveillance particulière obligatoire ;

Il résulte de ces éléments que Mme Y., épouse X., a seulement voulu compléter la surveillance de son siège et de son domicile, qui était déjà équipé par ailleurs de télésurveillance depuis longtemps (cf. : courrier de la société Générale de Protection en date du 28 septembre 2006 qui indique que le domicile de Mme Y., épouse X., est en télé surveillance depuis 1996) ;

Il importe peu que Mme Y., épouse X., ait contracté sous l'enseigne de son [minute Jurica page 7] activité professionnelle, qu'elle ait apposé le cachet de son entreprise et fourni un relevé d'identité bancaire au nom de celle-ci ; le fait qu'elle ait agi dans le cadre de son activité professionnelle n'implique pas qu'il existe un rapport « direct » entre le contrat et son activité professionnelle, ce rapport direct devant être apprécié de façon stricte ;

La directive européenne du 5 avril 1993, invoquée par la société KBC LEASE France pour soutenir que les dispositions protectrices du Code de la consommation relatives au démarchage à domicile ne sauraient s'appliquer qu'à un simple consommateur personne physique et non à un professionnel comme Mme Y., épouse X., ne saurait trouver application en l'espèce alors que la loi du 1er février 1995 qui a transposé cette directive en droit interne n'a pas limité les dispositions protectrices au seul consommateur personne physique, un professionnel pouvant en bénéficier si le contrat souscrit est sans rapport direct avec son activité, comme c'est le cas en l'espèce ;

Il n'est pas discuté que le contrat souscrit n'est pas conforme aux dispositions des articles L. 121-23 et L. 121-24 du Code de la consommation, ne comportait pas de formulaire de rétractation et ne reproduisait pas de façon apparente le texte des articles L. 121-23 à 26 du Code de la consommation ; ce contrat doit donc être déclaré nul, le jugement devant être confirmé sur ce point ;

Le contrat étant nul, il faut condamner La société KBC LEASE FRANCE à rembourser à Mme Y., épouse X., les loyers qu'elle a payés ;

Le montant de la condamnation doit toutefois être ramené à la somme de 1.853,56 € TTC, sur la base de 12 fois le loyer mensuel de 129,15 € HT, qui correspond au montant du seul loyer perçu par La société KBC LEASE FRANCE à l'exclusion de la « prestation » de télésurveillance, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt qui fixe la créance, Mme Y., épouse X., ne justifiant pas de prélèvement supplémentaire aux 12 prélèvements pris en compte Mme Y., épouse X., ne justifiant pas d'un préjudice moral ouvrant droit à dommages et intérêts, il faut en conséquence confirmer le jugement qui a débouté celle-ci de cette demande ;

Il est équitable de condamner La société KBC LEASE FRANCE à payer à Mme Y., épouse X., la somme de 1.500 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile en plus de celle déjà octroyée par le premier juge sur le même fondement ;

Il y a lieu de dire que, le cas échéant, les sommes versées en exécution de la première décision revêtue de l'exécution provisoire dépassant les condamnations prononcées par le présent arrêt seront reversées à la société KBC LEASE FRANCE ;

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

[minute Jurica page 8] Statuant publiquement, par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement du tribunal d'instance de MONTMORENCY du 24 août 2007 sauf quant au montant de la condamnation au titre des loyers perçus,

Statuant à nouveau sur cette demande,

Condamne La société KBC LEASE FRANCE à rembourser à Mme Y., épouse X., exerçant sous l'enseigne V. N. D., la somme de 1.853,56 € avec intérêts à compter du présent arrêt,

Y ajoutant,

Condamne La société KBC LEASE FRANCE à payer à Mme Y., épouse X., la somme de 1.500 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

Condamne La société KBC LEASE FRANCE aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés par la SCP FIEVET-LAFON, titulaire d'un office d'Avoué, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

Dit que les sommes qui ont été payées en exécution de la décision de première instance seront restituées à la société KBC LEASE FRANCE dans la mesure où elles dépassent les condamnations prononcées par le présent arrêt.

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur Charles LONNE, président et par Madame BOURGUEIL, greffier, auquel le magistrat signataire a rendu la minute.

Le GREFFIER,         Le PRÉSIDENT,

 

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