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TGI SAINT-BRIEUC (ord. référé), 18 août 2005

Nature : Décision
Titre : TGI SAINT-BRIEUC (ord. référé), 18 août 2005
Pays : France
Juridiction : TGI Saint-Brieuc. ord. réf.
Demande : 05/00227
Décision : 236/05
Date : 18/08/2005
Nature de la décision : Admission
Date de la demande : 23/06/2005
Décision antérieure : CA RENNES (1re ch. B), 6 octobre 2006
Numéro de la décision : 236
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CERCLAB/CRDP - DOCUMENT N° 400

TGI SAINT-BRIEUC (ord. référé), 18 août 2005 : RG n° 05/00227 ; jugement n° 236/05

(sur appel CA Rennes (1re ch. B), 6 octobre 2006 : RG n° 05/06442 ; arrêt n° 613)

 

Extraits : 1/ « La société ALSACE CROISIÈRES ne saurait valablement soutenir que la présente demande aurait dû être dirigée contre l'agence de voyages ayant distribué la brochure litigieuse dès lors qu'il est constant que les conditions particulières de vente des agences renvoient expressément à celles figurant au catalogue 2005 de la société défenderesse. »

2/ « Aux termes de l'article 808 du nouveau code de procédure civile, le Président du Tribunal de Grande Instance peut ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse. En l'espèce, la FLCE des Côtes d'Armor verse au débat la brochure individuelle 2005 de la société ALSACE CROISIÈRES contenant au titre des conditions particulières la clause suivante : « En cas de litige, les tribunaux de Strasbourg seront les seuls compétents ».

Cette clause est contraire aux dispositions des articles 46 et 48 du nouveau code de procédure civile qui fixent les règles de compétence territoriale en matière contractuelle et interdisent toute clause dérogatoire, sauf entre commerçants. Elle conduit à un déséquilibre significatif des droits et obligations des parties au détriment du consommateur en le décourageant d'agir en justice compte tenu de l'éloignement géographique du Tribunal qu'elle désigne compétent. Elle est de ce fait, contraire au point q) de l'annexe à l'article L. 132-1 du Code de la Consommation disposant qu'est abusive une clause ayant pour objet ou pour effet de supprimer ou d'entraver l'exercice d'actions en justice ou des voies de recours par le consommateur. Enfin, elle est de nature à induire le consommateur en erreur sur le tribunal effectivement compétent en cas de litige et ce, au regard de l'article L. 121-1 du Code de la Consommation. »

3/ « En conséquence, il convient de la déclarer illicite, abusive et de nature à induire le consommateur en erreur. La suppression sera donc ordonnée selon les modalités précisées au dispositif. L'article L. 421-9 du Code de la Consommation dispose que la juridiction saisie peut ordonner la diffusion, par tous moyens appropriés, de l'information aux consommateurs de la décision rendue. Il sera donc fait droit à la demande présentée sur ce fondement par la FLCE des Côtes d'Armor dans les conditions énoncées au dispositif. L'insertion de la clause illicite et abusive qui dissuadent les consommateurs à agir en justice en leur imposant de saisir les juridictions strasbourgeoises quelque soit l'endroit où ils demeurent porte un préjudice certain à l'intérêt collectif des consommateurs qui sera justement réparé en l'espèce par l'octroi d'une indemnité provisionnelle de 2.000 € et ce, en application des articles L. 421-1 et L. 421-6 du Code de la Consommation. »

 

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE SAINT-BRIEUC

(RÉFÉRÉ)

ORDONNANCE DU 18 AOÛT 2005

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION                                      (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 05/00227. Ordonnance n° 236/05. ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ Rendue le DIX HUIT AOÛT DEUX MIL CINQ Par Madame Françoise NORMANT, Vice-Président, Assistée de Madame Anne TATON,

 

ENTRE :

FÉDÉRATION DU LOGEMENT DE LA CONSOMMATION ET DE L'ENVIRONNEMENT DES COTES D'ARMOR

dont le siège social est [adresse], Représentant : Maître Bruno SEVESTRE, avocat au barreau de Rennes, DEMANDEURS aux termes d'un exploit de Maître BRUGGER, huissier de justice à STRASBOURG, en date du vingt trois Juin deux mil cinq, D'UNE PART

 

ET :

Société ALSACE CROISIÈRES

dont le siège social est sis [adresse], Représentant : SCP AVRIL-MARION, avocats au barreau de ST BRIEUC - Représentant : Maître Monique LEVA, avocat au barreau de STRASBOURG, DÉFENDEURS D'AUTRE PART,

 

A l'audience du DIX HUIT AOÛT DEUX MIL CINQ ;

[minute page 2] Nous, Françoise NORMANT, Vice-Président du Tribunal de Grande Instance de SAINT-BRIEUC, tenant en notre Cabinet, audience publique des référés, assistée de Madame Anne TATON ;

Après avoir entendu les parties comparantes ou leur conseil à l'audience du 13 juillet 2005 ;

Avons rendu l'ordonnance suivante :

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                                                         (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Par acte du 23 juin 2005, la FÉDÉRATION DU LOGEMENT DE LA CONSOMMATION ET DE L'ENVIRONNEMENT DES COTES D'ARMOR (FLCE), association de consommateurs agréée, a assigné la société ALSACE CROISIÈRES devant le Juge des référés de ce Tribunal aux fins de :

- dire et juger illicite, abusive et de nature à induire en erreur la clause des conditions particulières de vente figurant dans la brochure individuelle 2005 de la société défenderesse, clause qui attribue compétence exclusive en cas de contestation aux Tribunaux de STRASBOURG,

- ordonner la suppression de cette clause quelqu'en soit le support dans un délai maximum de 8 jours à compter de la signification de l'ordonnance, et passé ce délai, sous astreinte définitive de 5.000 €,

- condamner la société ALSACE CROISIÈRES à faire publier à ses frais un extrait du dispositif de la décision dans le quotidien OUEST FRANCE et trois quotidiens nationaux,

- condamner la même à lui verser outre 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, la somme de 10.000 € à titre de réparation du préjudice direct et indirect causé à l'intérêt collectif des consommateurs.

A l'appui de sa demande, elle expose avoir relevé la présence de cette clause dans le catalogue « L'Europe en Croisière » de la société ALSACE CROISIÈRES disponible dans différentes agences de voyage des Côtes d'Armor.

La SA ALSACE CROISIÈRES conclut à l'irrecevabilité dé l'action inventée par la Fédération du Logement, de la Consommation et de l'Environnement des Côtes d'Armor au motif que seule l'agence de voyages où a été émise la brochure litigieuse doit en répondre, conformément aux dispositions de l'article 23 de la loi de 1992.

Au fond, elle fait valoir que la FLCE des Côtes d'Armor n'apporte aucun élément justifiant de son préjudice, invoquant en outre l'existence d'une contestation sérieuse susceptible de fonder la compétence du Juge des Référés.

Elle précise enfin que la clause litigieuse a d'ores et déjà été supprimée de la brochure 2006 ainsi que des conditions générales de vente figurant actuellement sur son site INTERNET.

Elle conclut dès lors, au débouté de la FLCE des Côtes d'Armor de l'ensemble de ses demandes et à sa condamnation à lui payer une somme de 2.000 € en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                                                 (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

[minute page 3] MOTIFS :

Sur la recevabilité de l'action :

La société ALSACE CROISIÈRES ne saurait valablement soutenir que la présente demande aurait dû être dirigée contre l'agence de voyages ayant distribué la brochure litigieuse dès lors qu'il est constant que les conditions particulières de vente des agences renvoient expressément à celles figurant au catalogue 2005 de la société défenderesse.

 

Sur la compétence du juge des référés :

Aux termes de l'article 808 du nouveau code de procédure civile, le Président du Tribunal de Grande Instance peut ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse.

En l'espèce, la FLCE des Côtes d'Armor verse au débat la brochure individuelle 2005 de la société ALSACE CROISIÈRES contenant au titre des conditions particulières la clause suivante :

« En cas de litige, les tribunaux de Strasbourg seront les seuls compétents ».

Cette clause est contraire aux dispositions des articles 46 et 48 du nouveau code de procédure civile qui fixent les règles de compétence territoriale en matière contractuelle et interdisent toute clause dérogatoire, sauf entre commerçants.

Elle conduit à un déséquilibre significatif des droits et obligations des parties au détriment du consommateur en le décourageant d'agir en justice compte tenu de l'éloignement géographique du Tribunal qu'elle désigne compétent.

Elle est de ce fait, contraire au point q) de l'annexe à l'article L. 132-1 du Code de la Consommation disposant qu'est abusive une clause ayant pour objet ou pour effet de supprimer ou d'entraver l'exercice d'actions en justice ou des voies de recours par le consommateur.

Enfin, elle est de nature à induire le consommateur en erreur sur le tribunal effectivement compétent en cas de litige et ce, au regard de l'article L. 121-1 du Code de la Consommation.

En conséquence, il convient de la déclarer illicite, abusive et de nature à induire le consommateur en erreur.

La suppression sera donc ordonnée selon les modalités précisées au dispositif.

L'article L. 421-9 du Code de la Consommation dispose que la juridiction saisie peut ordonner la diffusion, par tous moyens appropriés, de l'information aux consommateurs de la décision rendue.

Il sera donc fait droit à la demande présentée sur ce fondement par la FLCE des Côtes d'Armor dans les conditions énoncées au dispositif.

[minute page 4] L'insertion de la clause illicite et abusive qui dissuadent les consommateurs à agir en justice en leur imposant de saisir les juridictions strasbourgeoises quelque soit l'endroit où ils demeurent porte un préjudice certain à l'intérêt collectif des consommateurs qui sera justement réparé en l'espèce par l'octroi d'une indemnité provisionnelle de 2.000 € et ce, en application des articles L. 421-1 et L. 421-6 du Code de la Consommation.

 

Sur l'article 700 du nouveau code de procédure civile et les dépens :

Il serait inéquitable de laisser à la charge de la FLCE les frais irrépétibles par elle exposés.

Il lui sera alloué une somme de 1.000 € sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                                                            (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

Statuant publiquement, par ordonnance contradictoire, en premier ressort et en matière de référé ;

- Déclarons illicite, abusive et de nature à induire en erreur la clause des conditions particulières de vente de la brochure 2005 de la société ALSACE CROISIÈRES qui édicte qu’ « en cas de litige, les tribunaux de STRASBOURG seront les seuls compétents ».

- Ordonnons la suppression de cette clause quelqu'en soit le support dans le délai maximum d'un mois à compter de la signification de la présente décision ;

- Disons que passé ce délai, en cas de carence, la société ALSACE CROISIÈRES sera redevable d'une astreinte provisoire de 300 € par jour de retard, le Tribunal de Grande Instance de Saint Brieuc conservant sa compétence pour liquider l'astreinte ;

- Ordonnons l'insertion dans le journal OUEST-FRANCE toutes éditions un samedi en pages économiques et sociales, et un samedi dans un journal à diffusion nationale en caractères gras et de corps 15, aux frais de la société ALSACE CROISIÈRES du texte suivant :

« Par ordonnance de référé du Président du Tribunal de Grande Instance de SAINT BRIEUC en date du 18 août 2005, la société ALSACE CROISIÈRES a vu déclarer illicite, abusive et de nature à induire en erreur la clause figurant dans les conditions particulières de vente de la brochure individuelle 2005 indiquant qu'en cas de litige, les tribunaux de STRASBOURG seront les seuls compétents ».

- Disons qu'à défaut par la société ALSACE CROISIÈRES d'avoir fait procéder à cette publication dans le délai de 2 mois de la signification de l'ordonnance, elle sera redevable d'une astreinte provisoire de 600 € par jour de retard, le Tribunal de Grande Instance de SAINT BRIEUC restant compétent pour liquider l'astreinte.

- [minute page 5] Condamnons la société ALSACE CROISIÈRES à payer à la Fédération du Logement de la Consommation et de l'Environnement des Côtes d'Armor à titre provisionnel, la somme de 2.000 € à valoir sur la réparation des préjudices directs et indirects causés à l'intérêt collectif des consommateurs ;

- La condamnons à payer à la même la somme de 1 000 € sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

- La condamnons aux dépens.

LE GREFFIER.                                 LE PRÉSIDENT.

 

 

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