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TGI STRASBOURG (3e ch. civ.), 19 juillet 1994

Nature : Décision
Titre : TGI STRASBOURG (3e ch. civ.), 19 juillet 1994
Pays : France
Juridiction : TGI Strasbourg. 3e ch.
Demande : 94/3538
Date : 19/07/1994
Nature de la décision : Rejet
Date de la demande : 17/06/1994
Décision antérieure : CA COLMAR (2e ch. civ.), 16 juin 1995
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CERCLAB/CRDP - DOCUMENT N° 406

TGI STRASBOURG (3e ch. civ.), 19 juillet 1994 : RG n° 94/3538

(sur appel CA Colmar (2e ch. civ.), 16 juin 1995 : RG n° 4336/94)

Publication : site CCAB

 

Extraits : 1/ « Attendu qu'en introduisant dans le code des assurances des dispositions propres aux assurances de groupe le législateur qui a remis en cause le principe de l'irrévocabilité de la stipulation pour autrui, en a excepté les assurances de groupe « ayant pour objet la garantie de remboursement d'un emprunt et qui sont régies par des lois spéciales » (article L. 140-4 du Code des Assurances), Que les prêts immobiliers notamment sont régis par la loi spéciale du 13 Juillet 1979, article 6 qui dispose que « toute modification apportée ultérieurement à la définition des risques garantis ou aux modalités de la mise en jeu de l'assurance est inopposable à l'emprunteur qui n'y a pas donné son acceptation », Qu'en l'espèce à la souscription du prêt et à l'adhésion à l'assurance, Mademoiselle X. avait été informée et a accepté le principe de la variation des conditions tarifaires ; au demeurant il convient de noter que seules les modifications relatives à la définition des risques garantis et aux modalités de la mise en jeu de l'assurance sont inopposables aux adhérents ; la loi étant muette sur toute autre modification, notamment une majoration tarifaire, il est concevable que le droit commun de l'article L. 140-4 du Code des Assurances retrouve sa primauté surtout s'agissant d'une structure mutualiste au sein de laquelle les sociétaires sont représentés. »

2/ « Attendu [que la clause] n'est pas illicite ; dès lors l'action exercée par la Chambre de Consommation d'Alsace en application de l'article L. 421-2 du Code la consommation n'est pas recevable ;

Attendu que l'article L. 421-6 dudit code habilite les associations de consommateurs agréées à « demander à la juridiction civile d'ordonner, .., la suppression des clauses abusives dans les modèles de conventions habituellement proposés par les professionnels aux consommateurs », Qu'au regard de ce texte, la Chambre de Consommation d'Alsace se prévaut à juste titre de ce que la clause est mentionnée dans la notice d'information au paragraphe 4 portant définition des risques garantis, alors que c'est le paragraphe 7 qui dispose pour les cotisations mais fait l'impasse sur leur variabilité, Qu'étant de principe jurisprudentiel constant qu'en matière de contrat d'adhésion la convention doit s'interpréter en faveur de celui qui n'a pas rédigé le contrat, la clause dont s'agit, en ce sens, est abusive car elle répond au critère de l'abus de la puissance économique de l'autre partie et conférant à cette dernière un avantage excessif (privation pour le consommateur de la faculté de comparer plusieurs offres de prêt), Que l'action en suppression n'est pas subordonnée à une interdiction par décret (doctrine majoritaire et jurisprudence de la Cour de Cassation), Que son champ d'application est cependant limité aux seuls contrats conclus pour l'avenir, Qu'elle est préventive. »

3/ « Attendu que cette recevabilité découle des termes de l'article L. 421-6 qui confère à l'action une autonomie procédurale sans empêcher un consommateur isolé d'agir aux côtés d'une association, Que la clause n'étant pas illicite, mais seulement abusive en ce qu'elle n'est pas mentionnée dans le paragraphe 7 - COTISATIONS, sa suppression ne s'impose pas, mais le vide juridique ainsi créé irait à l'encontre de la loi et de l'esprit de celle-ci si le juge ne pouvait « a minima » ordonner le déplacement de la clause dans le texte où elle figure ;

Attendu que les dommages et intérêts ne sont pas justifiés ; Attendu que l'exécution provisoire l'est par la nécessité d'informer les adhérents futurs ; Attendu que l'équité impose de recourir à l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile en faveur de la Chambre de Consommation d'Alsace ; Attendu que les mesures de publicités sollicitées par la Chambre de Consommation d'Alsace ne s'imposent pas ».

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE STRASBOURG

TROISIÈME CHAMBRE CIVILE

JUGEMENT DU 19 JUILLET 1994

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION                                      (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 94-3538.

 

DEMANDERESSES :

1. Mademoiselle X.

[…] de nationalité française, employée, […]

2. La Chambre de Consommation d'Alsace

Association de droit local, ayant son siège [adresse], inscrite au registre des Associations du Tribunal d'Instance de STRASBOURG sous Vol. XXXI N° 71, agissant par l'organe de son Président, agréée pour exercer l'action civile en application de la Loi du 5 janvier 1988, par arrêtés de Monsieur le Préfet du Bas-Rhin, régulièrement renouvelés, le dernier arrêté en vigueur étant daté du 7 décembre 1989, représentées par Maître BIGOT, avocat à STRASBOURG

 

DÉFENDERESSE :

La Société des Assurances du Crédit Mutuel-Vie

Société Anonyme dont le siège social est à [adresse], représentée par Maître LUTZ, avocat à STRASBOURG

 

INTERVENTION VOLONTAIRE :

La FÉDÉRATION DU CRÉDIT MUTUEL CENTRE EST EUROPE

association inscrite ayant son siège [adresse], agissant par le Président de son Conseil d'Administration, représentée par Maître LUTZ, avocat à STRASBOURG

 

OBJET DE LA DEMANDE : 589 - maintien des conditions d'assurance initialement convenues. [minute page 2]

COMPOSITION DU TRIBUNAL lors des débats et avec l'accord des avocats : Mme ALAUZET, magistrat-rapporteur.

Greffier : M. PARMENTIER.

COMPOSITION DU TRIBUNAL lors du délibéré : Madame ALAUZET, 1er Vice-Président, Mme RIVET, 1er Juge, Monsieur RUFF, Juge, qui en ont délibéré sur rapport du magistrat-rapporteur.

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE du 5 juillet 1994.

JUGEMENT : contradictoire, en premier ressort, prononcé publiquement par Mme ALAUZET 1er Vice-Président, signé par Mme ALAUZET, 1er Vice-Président et M. PARMENTIER Greffier.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                                                         (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

La Société des ASSURANCES du CRÉDIT MUTUEL-VIE, SA (ci-après société ACM) a conclu un contrat d'assurance-groupe avec les Caisses Mutuelles de Dépôts et de Prêts (ci-après CMDP) membres de la Fédération du CRÉDIT MUTUEL,

En suite à une offre de prêt du 18 décembre 1987 portant crédit de 250.000 Francs destiné à l'achat d'un appartement et remboursable en 15 ans, Mlle X. a accepté cette offre le 5 janvier 1988 ; au préalable elle avait le 17 décembre 1987 souscrit la [minute page 3] demande d'adhésion à l'assurance des emprunteurs et reçu la notice d'information ; conformément à l'article 9 du contrat de prêt, celui-ci était subordonné à ladite adhésion qui était une condition d'octroi du prêt ; au nombre des garanties offertes, celle contre le risque de chômage est devenue litigieuse et donne lieu à la présente instance dans le contexte suivant : l'article 4.3.4.4. des conditions générales dispose que :

« Conformément aux conditions liées à l'assurance chômage, l'assureur s'engage à ne pas modifier les conditions de souscription à l'assurance chômage pendant les trois premières années de l'adhésion, sous réserve que les règles actuelles de l'ASSEDIC ne soient pas changées. Il se réserve la possibilité de revoir les conditions à partir de la 4ème année, selon l'évolution des risques chômage ».

Par lettre circulaire datée du 14 avril 1994 adressée à l'ensemble des assurés, la société ACM a informé Melle X. de ce que la forte progression du chômage en France lui imposait de réviser les prix de cette garantie ;

Après une démarche infructueuse auprès de la société ACM, Melle X. et la CHAMBRE de CONSOMMATION d'ALSACE, dite CCA, ont pris l'initiative de cette procédure en faisant assigner le 17 juin 1994 la société ACM-VIE aux fins suivantes :

[minute page 4] DIRE ET JUGER que la révision tarifaire des cotisations d'assurance complémentaire au contrat de prêt à laquelle a procédé par lettre circulaire du 14 avril 1994 la société défenderesse tant à l'égard de Mademoiselle X. que de l'ensemble des assurés ayant adhéré au contrat d'assurance de groupe conclu entre la Fédération Régionale du Crédit Mutuel et les Assurances, du Crédit Mutuel - Vie SA constitue un agissement illicite, contraire à la loi et aux prévisions contractuelles,

Subsidiairement, CONSTATER que la clause invoquée par les ACM pour justifier la révision tarifaire est abusive et que partant, la révision tarifaire est illicite,

DIRE ET JUGER que Mademoiselle X. continue à bénéficier pour la durée du prêt de 250.000 Francs conclu entre elle et la Caisse de Crédit Mutuel de Strasbourg Neuhof de l'assurance complémentaire à charge des ACM Vie aux conditions tarifaires initialement convenues,

ENJOINDRE à la société défenderesse sur l'action de la Chambre de Consommation d'Alsace, d'aviser tous les destinataires de la lettre circulaire du 14 avril 1994 du maintien de l'assurance aux conditions initialement souscrites, en précisant à ceux qui auraient renoncé au bénéfice de l'assurance chômage qu'ils disposent de la possibilité de maintenir cette garantie aux conditions tarifaires antérieures,

ORDONNER à titre de mesure complémentaire d'information des assurés, la parution d'extraits du jugement à intervenir aux frais de la société défenderesse, dans les journaux, « L'Alsace, les Dernières Nouvelles d'Alsace, le Consommateur d'Alsace », et DIRE que les frais de ces publications seront recouvrés par la Chambre de Consommation d'Alsace au titre des frais taxables de procédure,

CONDAMNER la société défenderesse à verser à la Chambre de Consommation d'Alsace un montant de 50.000 Francs à titre de dommages et intérêts,

CONDAMNER la société défenderesse aux entiers frais et dépens de la procédure ainsi qu'au versement en application de l'article 700 du NCPC, d'une indemnité de 25.000 Francs à la Chambre de Consommation d'Alsace et d'une indemnité de 5.000 Francs à Mademoiselle X.,

DÉCLARER le jugement à intervenir exécutoire par provision.

[minute page 5] La CCA fonde son action sur l'article L. 421-7 du code de la consommation prétendument en intervention aux côtés de la demande de Mlle X. mais également sur les articles L. 421-2 et L. 421-6 dudit code, dont les conditions d'application seraient réunies en l'espèce s'agissant des interprétations suivantes :

- la révision tarifaire est illicite : l'assurance de groupe constitue juridiquement une stipulation pour autrui et comme telle devient irrévocable une fois acceptée par le bénéficiaire (en l'occurrence l'emprunteur assuré) ;

- le principe de l'irrévocabilité de la stipulation pour autrui a été épargné par la loi du 31 décembre 1989 lorsqu'il est question des « assurances de groupe ayant pour objet la garantie de remboursement d'un emprunt et qui sont régies par des lois spéciales », la loi spéciale en l'espèce étant celle du 13 juillet 1979 relative aux prêts immobiliers,

- subsidiairement, la révision tarifaire est contractuellement irrégulière : la clause insérée à l'article 4.3.4.4. ci-devant rappelé aurait trait aux relations entre l'assureur et le représentant du groupe des assurés à savoir la Fédération du Crédit Mutuel, l'engagement pris par l'assureur étant celui de ne pas modifier les conditions de souscription, à savoir l'adhésion de nouveaux assurés,

- très subsidiairement, la clause de révision tarifaire présente un caractère abusif : la Commission des clauses abusives a recommandé dans les contrats d'assurance complémentaire à un contrat de crédit à la consommation, ou immobilier que soient supprimées les clauses ayant pour effet ou pour objet l'opposabilité au consommateur des modifications des conditions de l'assurance ainsi que celles faisant dépendre le prix à payer par le consommateur de la volonté des professionnels s'exerçant directement sur ce prix.

[minute page 6] Suivant acte de procédure du 2 juillet 1994 la FÉDÉRATION du CRÉDIT MUTUEL CENTRE EST EUROPE est intervenue volontairement à l'instance en demandant au tribunal :

« CONSTATER que l'augmentation tarifaire opérée par les ACM en avril 1994, loin de résulter d'une volonté unilatérale des ACM, résulte d'une négociation entre les ACM et la Fédération concluante, celle-ci ayant agi conformément à la loi et aux statuts au nom de l'intérêt collectif des sociétaires. »

en conséquence de quoi elle sollicite le débouté des parties demanderesses et l'application de l'article 700 NCPC,

Au soutien de ces conclusions elle se réfère à l'article 5 de l'ordonnance 58-966 du 16 octobre 1958 pour rappeler qu'elle représente légalement et statutairement les Caisses adhérentes et les sociétaires de celles-ci, les statuts de la CMDP dont Mlle X. est sociétaire disposant notamment que les sociétaires chargent la Fédération de représenter et faire valoir leurs droits et intérêts communs ; l'opposabilité des décisions prises par ses organes serait donc incontournable ; en l'espèce la Fédération a négocié avec la société ACM la révision tarifaire à la hausse qui n' pas été une révision unilatérale de l'assureur.

La société ACM demande au tribunal de lui adjuger les conclusions suivantes :

- [minute page 7] DÉCLARER la demande de la Chambre de Consommation d'Alsace irrecevable au regard des dispositions du Code de la consommation (L. 421-2, L. 421-6, L. 421-7).

- DIRE et JUGER que la révision tarifaire opérée par les ACM en avril 1994 ne contrevient à aucune disposition légale.

- Subsidiairement, DIRE et JUGER qu'aucune illicéité n'est susceptible d'être encourue pour les prêts soumis à la loi n° 78-22 du 10 janvier 1978 et pour les prêts accordés à des non consommateurs, pour lesquels il n'existe aucune disposition « spéciale » au sens de l'article L. 140-4 du Code des Assurances.

- DIRE et JUGER que la révision tarifaire a été opérée conformément aux dispositions contractuelles (en particulier à la notice remise à Melle X. et en accord avec la Fédération du Crédit Mutuel Centre Est Europe (anciennement dénommée Fédération du Crédit Mutuel d'Alsace, de Lorraine et de Franche-Comté).

- DIRE et JUGER qu'en conséquence, la révision tarifaire est opposable à Melle X.

- [minute page 8] DIRE et JUGER que la clause de révision incluse dans la notice n'est pas abusive.

En conséquence :

- DÉCLARER la demande de Melle X. subsidiairement celle de la Chambre de Consommation d'Alsace, mal fondées.

- DÉBOUTER les demanderesses de toutes leurs fins et prétentions.

- LES CONDAMNER solidairement au paiement d'une indemnité de 25.000 Francs au titre de l'article 700 du NCPC.

- LES CONDAMNER solidairement aux entiers frais et dépens.

Très subsidiairement, en cas de condamnation :

- REJETER la demande d'exécution provisoire.

- DIRE et JUGER qu'une mesure de publicité générale aurait des effets injustes, excessifs et faussant le jeu de la concurrence.

- DIRE et JUGER que les mesures de publicité ne peuvent concerner les prêts relevant de la loi n° 78-22 du 10 janvier 1978, ni les prêts accordés à des non-consommateurs.

- En conséquence : REJETER les mesures de publicité sollicitées par la Chambre de Consommation d'Alsace.

- Plus subsidiairement encore, concernant les mesures de publicité, laisser à la concluante le bénéfice du double degré de juridiction et rejeter la demande d'exécution provisoire.

- A titre infiniment subsidiaire, DIRE que les publications éventuelles seront faites par extraits à l'initiative de la concluante.

[minute page 9] A l'appui de ces conclusions la défenderesse se prévaut des moyens suivants :

- en empruntant auprès d'une Caisse de Crédit Mutuel, Mlle X. est devenue sociétaire, outre que la clause de variation reprise dans la notice lui est opposable,

- les instances mutualistes ont agi dans le respect de la loi et des statuts ; le Conseil d'Administration de la Fédération a accepté la révision des taux de prime de l'assurance chômage sous plusieurs réserves discutées avec la société ACM (non-alignement sur les taux communément pratiqués sur le marché et intangibilité des garanties - procès-verbal du 17 décembre 1993),

- l'action de la CCA est irrecevable à plusieurs titres :

* en l'absence d'infraction pénale l'article L. 421-2 du code de la Consommation est inapplicable,

* l'article L. 421-7 dudit code autorise les associations agréé de consommateurs à « intervenir », sous entendu : à l'instance ouverte par la « demande initiale » d'un consommateur, ce qui a été méconnu par la CCA qui est demanderesse à l'instance ; d'autre part, la demande de Mlle X. n'a pas pour objet la « réparation d'un préjudice » mais l'exécution forcée du contrat,

* l'action en « suppression de clauses abusives » ouverte aux associations agréées de consommateurs par l'article L. 421-6 du code de la consommation ne peut s'exercer en l'espèce car elle n'est que purement préventive aux termes du texte lui-même (clauses abusives dans les « modèles » de contrats « proposés »),

La société ACM objecte en ce qui concerne l'illicéité de la révision tarifaire que la jurisprudence invoquée par les demanderesses est ici inapplicable puisque la police de groupe comporte en l'espèce une clause de variation et qu'il n'y a pas modification du contrat, mais mise en œuvre de la clause de variation portée à la connaissance des adhérents par la notice ; elle se prévaut également de ce que l'alinéa dernier de l'article L. 140-4 du code des assurances n'interdit pas de stipuler la variabilité des conditions d'une assurance-crédit, de ce que la clause de révision n'aurait aucun sens si elle ne s'appliquait qu'aux adhésions nouvelles, de ce [minute page 10] que selon une jurisprudence constante en matière de mutualité les clauses de variation du taux d'intérêt des prêts sont opposables aux sociétaires, de ce que la clause de révision n'a rien d'abusif, et n'est pas contraire à l'article 6 de la loi du 13 juillet 1979 ;

Au surplus il n'y aurait pas abus de puissance économique puisque la Fédération qui au demeurant n'a pas été assignée, a rempli son rôle légal et statutaire et a pu opposer à la société ACM un contre-pouvoir ; enfin, faisant parler les chiffres, la défenderesse précise que la révision d'avril 1994 a porté de 16 Francs à 50 Francs la prime mensuelle de l'assurance chômage pour un crédit de 100.000 Francs ;

Vu les pièces produites aux débats :

 

MOTIFS (justification de la décision)                                                                 (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

SUR CE :

Attendu que la qualité de sociétaire mutualiste de Mademoiselle X. n'est ni contestée, ni contestable ; ceci étant, le face-à-face de l'assureur et des Caisses de Crédit Mutuel regroupées au sommet en une Confédération Nationale de Crédit Mutuel est ou deviendra peut-être plus théorique et légendaire que réalité puisque la tendance est à la « bancassurance » affirmée par le Crédit Mutuel (Revue des sociétaires « Contact », février 1994, page 6).

 

LA CLAUSE :

Attendu que les conditions de l'assurance chômage sont définies dans la « convention d'assurance collective » du 1er juillet 1987 conclue entre la Fédération du Crédit Mutuel d'Alsace, de Lorraine et de Franche-Comté (souscripteur) et la société ASSURANCES DU CRÉDIT MUTUEL (assureur) ; elle contient des dispositions spécifiques à l'assurance chômage lesquelles dispositions sont celles reprises dans la notice d'information remise à l'emprunteur (article 4.3.4.4. vu précédemment),

[minute page 11] Que le principe de la révision tarifaire entre donc dans les prévisions contractuelles pour un risque très sensible depuis plusieurs années, la forte progression du chômage étant une donnée objective vérifiable et indépendante de la volonté des parties contractantes.

 

LA STIPULATION POUR AUTRUI :

Attendu qu'en introduisant dans le code des assurances des dispositions propres aux assurances de groupe le législateur qui a remis en cause le principe de l'irrévocabilité de la stipulation pour autrui, en a excepté les assurances de groupe « ayant pour objet la garantie de remboursement d'un emprunt et qui sont régies par des lois spéciales » (article L. 140-4 du Code des Assurances),

Que les prêts immobiliers notamment sont régis par la loi spéciale du 13 JUILLET 1979, article 6 qui dispose que « toute modification apportée ultérieurement à la définition des risques garantis ou aux modalités de la mise en jeu de l'assurance est inopposable à l'emprunteur qui n'y a pas donné son acceptation »,

Qu'en l'espèce à la souscription du prêt et à l'adhésion à l'assurance, Mademoiselle X. avait été informée et a accepté le principe de la variation des conditions tarifaires ; au demeurant il convient de noter que seules les modifications relatives à la définition des risques garantis et aux modalités de la mise en jeu de l'assurance sont inopposables aux adhérents ; la loi étant muette sur toute autre modification, notamment une majoration tarifaire, il est concevable que le droit commun de l'article L. 140-4 du Code des Assurances retrouve sa primauté surtout s'agissant d'une structure mutualiste au sein de laquelle les sociétaires sont représentés.

 

LES CARACTÈRES DE LA CLAUSE :

[minute page 12] Attendu qu'elle n'est pas illicite ; dès lors l'action exercée par la Chambre de Consommation d'Alsace en application de l'article L.421-2 du Code la consommation n'est pas recevable ;

Attendu que l'article L. 421-6 dudit code habilite les associations de consommateurs agréées à « demander à la juridiction civile d'ordonner, .., la suppression des clauses abusives dans les modèles de conventions habituellement proposés par les professionnels aux consommateurs »,

Qu'au regard de ce texte, la Chambre de Consommation d'Alsace se prévaut à juste titre de ce que la clause est mentionnée dans la notice d'information au paragraphe 4 portant définition des risques garantis, alors que c'est le paragraphe 7 qui dispose pour les cotisations mais fait l'impasse sur leur variabilité,

Qu'étant de principe jurisprudentiel constant qu'en matière de contrat d'adhésion la convention doit s'interpréter en faveur de celui qui n'a pas rédigé le contrat, la clause dont s'agit, en ce sens, est abusive car elle répond au critère de l'abus de la puissance économique de l'autre partie et conférant à cette dernière un avantage excessif (privation pour le consommateur de la faculté de comparer plusieurs offres de prêt),

Que l'action en suppression n'est pas subordonnée à une interdiction par décret (doctrine majoritaire et jurisprudence de la Cour de Cassation),

Que son champ d'application est cependant limité aux seuls contrats conclus pour l'avenir,

Qu'elle est préventive.

 

RECEVABILITÉ DE L'ACTION DE LA CHAMBRE DE CONSOMMATION D'ALSACE :

[minute page 13] Attendu que cette recevabilité découle des termes de l'article L. 421-6 qui confère à l'action une autonomie procédurale sans empêcher un consommateur isolé d'agir aux côtés d'une association,

Que la clause n'étant pas illicite, mais seulement abusive en ce qu'elle n'est pas mentionnée dans le paragraphe 7 - COTISATIONS, sa suppression ne s'impose pas, mais le vide juridique ainsi créé irait à l'encontre de la loi et de l'esprit de celle-ci si le juge ne pouvait « a minima » ordonner le déplacement de la clause dans le texte où elle figure ;

 

Attendu que les dommages et intérêts ne sont pas justifiés ;

Attendu que l'exécution provisoire l'est par la nécessité d'informer les adhérents futurs ;

Attendu que l'équité impose de recourir à l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile en faveur de la Chambre de Consommation d'Alsace ;

Attendu que les mesures de publicités sollicitées par la Chambre de Consommation d'Alsace ne s'imposent pas ;

Attendu que Mademoiselle X. ayant pu se méprendre sur l'étendue de ses droits, il convient de mettre les dépens de sa demande à la charge de la défenderesse.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                                                            (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

[minute page 14] PAR CES MOTIFS :

DÉCLARE recevable l'action exercée par la Chambre de Consommation d'Alsace,

CONSTATE que la clause invoquée par la société des Assurances du Crédit Mutuel pour justifier la révision tarifaire des cotisations d'assurance contre le risque chômage est abusive en ce que la place de sa mention dans le texte de la notice d'information est de nature à induire en erreur le consommateur emprunteur,

ORDONNE à la Société défenderesse sur l'action de la Chambre de Consommation d'Alsace de faire figurer la clause litigieuse dans le paragraphe « 7 – COTISATIONS » si mieux elle n'aime la mentionner deux fois et ce à compter du trentième jour qui suivra la signification du présent jugement,

DIT et JUGE que la révision tarifaire est opposable à Mademoiselle X., en conséquence la DÉBOUTE de sa demande,

DONNE ACTE à la Fédération du Crédit Mutuel Centre Est Europe de son intervention volontaire,

La DÉCLARE recevable, mais mal fondée,

DIT qu'elle supportera les dépens qu'elle a exposés,

REJETTE la demande de publication du présent jugement dans les journaux,

AUTORISE l'exécution provisoire du présent jugement,

CONDAMNE la Société défenderesse en tous les dépens, ainsi qu'à payer à la Chambre de Consommation d'Alsace le montant de 15.000,00 Francs en application de l'article 700 du NCPC,

DÉBOUTE les parties de toutes conclusions contraires ou plus amples.

 

 

 

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