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TGI GRENOBLE (4e ch. civ.), 30 juin 2003

Nature : Décision
Titre : TGI GRENOBLE (4e ch. civ.), 30 juin 2003
Pays : France
Juridiction : Grenoble (TGI)
Demande : 2001/01435
Date : 30/06/2003
Nature de la décision : Admission
Date de la demande : 16/03/2001
Décision antérieure : CCA AVIS, 16 mai 2002, CA GRENOBLE (2e ch. civ.), 7 novembre 2005
Numéro de la décision : 162
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CERCLAB - DOCUMENT N° 3172

TGI GRENOBLE (4e ch. civ.), 30 juin 2003 : RG n° 2001/01435 ; jugement n° 162 

(sur appel CA Grenoble (2e ch. civ.), 7 novembre 2005 : RG 03/03361 ; arrêt n° 646)

 

Extraits : 1/ « Dans la mesure où la recommandation n° 2002-01 adoptée par la commission des clauses abusives le 13 décembre 2001 l'a été sur le rapport de Maître Christian BRASSEUR, membre de ladite commission, qui est également l'avocat postulant et plaidant de l'association UFC 38, demanderesse à l'instance en suppression de clauses abusives engagée devant le Tribunal de Grande Instance de Grenoble et où l'instruction de la procédure d'examen des modèles de convention de ventes de listes en matière immobilière, à l'initiative de la commission des clauses abusives, a été engagée en avril 2001 sur la base du rapport préalable de Maître Christian BRASSEUR (pièce n° 1 du dossier de la défenderesse), parallèlement à l'introduction de l'instance judiciaire dirigée contre la SARL APL 38 et portait sur des points convergents, il apparaît indéniable que la défenderesse s'est trouvée placée en situation d'infériorité par rapport à son adversaire, quand bien même l'initiative malencontreuse de provoquer l'interrogation de la commission est émanée de la partie qui cherche à faire écarter un avis défavorable a posteriori.

Bien que le Tribunal ait éprouvé le besoin de connaître une consultation susceptible de pouvoir utilement l'éclairer, la nécessité de faire prévaloir les principes absolus contenus dans le texte précité de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l'Homme doit l'emporter sur toute autre considération : sans devoir attendre le prononcé d'une décision de la Cour Européenne des Droits de l'Homme, il relève de la responsabilité et des pouvoirs de toute juridiction nationale d'assurer concrètement la prééminence de la convention, en vertu de l'article 55 de la constitution, de telle sorte que la recommandation n° 2002-01 de la commission des clauses abusives doit être purement et simplement écartée des débats et qu'il incombe au Tribunal de statuer dans les conditions définies par l'article L. 421-6 du Code de la Consommation, au vu des seuls éléments de fait et des seuls moyens de droit qui lui sont soumis indépendamment de cette recommandation. »

2/ « ENJOINT à la SARL APL 38 de modifier le modèle de son contrat de diffusion de listes relatives à la location de logements en y ajoutant la mention de la faculté de remboursement prévue à l'article 79-2 du décret du 20 juillet 1972 et la mention imposée par le troisième et dernier alinéa de l'article 79-3 du même décret ;

ORDONNE à la SARL APL 38 de supprimer de son modèle de contrat, sous peine d'une astreinte de 400 euros (quatre cents euros) par jour de retard, passé un délai de deux mois à compter de la signification du jugement, les clauses suivantes reconnues comme abusives :

- clauses relatives à la possibilité de proposer aux candidats locataires des offres comportant des prix de loyers supérieurs de 20 % aux prix souhaités par ces candidats et/ou des informations sur des logements situés dans une commune dont la plus proche limite est distante d'au plus 10 kms de limites choisies par les locataires ;

- la clause limitant les obligations de la SARL APL 38 à la présentation de biens réputés disponibles ;

- la clause par laquelle les candidats locataires reconnaissent la réalité de la prestation fournie lors de la signature du contrat ;

- la clause relative à la détermination d'un prix de loyer mensuel hors charges ».

 

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE GRENOBLE

QUATRIÈME CHAMBRE CIVILE

JUGEMENT DU 30 JUIN 2003

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION                                      (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 2001/01435. Jugement n° 162.

 

ENTRE :

DEMANDERESSE :

UFC QUE CHOISIR UFC 38

dont le siège social est situé [adresse], Représentée par la SCP BRASSEUR - M'BAREK, avocats associés inscrits au Barreau de GRENOBLE et plaidant par Maître BRASSEUR, D'UNE PART

 

ET :

DÉFENDERESSE :

SARL APL 38

dont le siège social est situé [adresse], Représenté PAR SES REPRÉSENTANTS LÉGAUX, Représentée par la SCP ESCALLIER DUNNER COUTTON, avocats associés inscrits au Barreau de GRENOBLE et plaidant par Maître COHEN avocat au Barreau de MONTPELLIER, D'AUTRE PART

[minute page 2]

LE TRIBUNAL : À l'audience publique du 14 avril 2003, tenue par F.R. LACROIX, Vice-Président Juge Rapporteur, assisté de Mme AM CHAMBRON, Greffier, après avoir entendu les avocats en leur plaidoirie, l'affaire a été mise en délibéré, et le prononcé de la décision renvoyé au 16 juin 2003 puis prorogé au 30 juin 2003.

Sur le rapport du Juge Rapporteur, conformément aux dispositions de l'article 1786 du nouveau Code de procédure civile, le Tribunal composé de : F.R. LACROIX, Vice-Président D. COMTE-BELLOT, Juge B. DEMARCHE, Juge. Après en avoir délibéré, a rendu la décision dont la teneur suit :

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                                                         (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Par acte d'huissier délivré le 16 mars 2001, l'association l'UNION FÉDÉRALE DES CONSOMMATEURS QUE CHOISIR de l'ISÈRE (UFC 38) a fait assigner la SARL APL 38, qui exerce une activité de marchand de listes immobilières et propose aux consommateurs un contrat intitulé « convention préalable de diffusion » portant sur la communication d'un fichier d'offres de location, et ce pour obtenir, avec le bénéfice de l'exécution provisoire :

- la rectification de ce contrat type et l'adjonction de mentions relatives à la durée du contrat, conformément à l'article 79-2 du décret du 20 juillet 1972, à la faculté de remboursement prévue à l'article 6 de la loi du 2 janvier 1970 régissant les agents immobiliers et à l'obligation de remboursement, suivant les prescriptions de l'article 79-3 du décret, aux motifs que les omissions constatées constituent autant de violations de textes d'ordre public auquel il devait être remédié par application des dispositions de l'article L. 421-2 du Code de la Consommation ;

- la suppression du contrat, sous peine d'une astreinte de 5.000 Francs par jour de retard passé un délai d'un mois à compter du jugement, de clauses considérées comme abusives ou illicites et spécialement,

* la clause proposant des loyers supérieurs de 20 % au prix souhaité ;

* la clause permettant de proposer des logements dans une commune dont la plus proche limite est distante d'au moins 10 kms ;

* [minute page 3] la clause de l'article 3 des conditions générales qui exonère le professionnel si le descriptif n'est pas conforme ;

* la disposition finale du même article 3 qui exonère le professionnel de sa responsabilité en cas d'indisponibilité du bien proposé,

* la disposition de l'article 5§2 stipulant la reconnaissance par le consommateur de ce que la prestation est fournie dès remise d'une liste initiale ;

* la disposition de l'article 9 faisant référence à la loi informatique et libertés rédigée à sens unique, et faussement ;

* la clause qui prévoit la mention d'un loyer hors charge ;

- le paiement d'une indemnité de 50.000 Francs en dédommagement du préjudice occasionné par le développement de pratiques illicites ou abusives à la collectivité des consommateurs et d'une indemnité de 10.000 Francs en réparation du préjudice associatif subi par la demanderesse ;

- la publication du jugement dans les journaux DAUPHINÉ LIBÉRÉ, LES PETITES AFFICHES et le 38 à la charge de la SARL APL 38 et à concurrence de 1.200 Francs par insertion ;

- un défraiement de 12.000 Francs sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Le 28 janvier 2002, le Tribunal de Grande Instance de GRENOBLE a sollicité l'avis de la commission des clauses abusives sur le caractère abusif des stipulations des contrats de la SARL APL 38 et sursis à statuer sur les demandes présentées par l'association UFC 38 jusqu'à la réception de cet avis.

Le 16 mai 2002, la commission des clauses abusives s'est refusée à donner un avis, après que sa recommandation n° 2002-01 émise le 13 décembre 2001 eut été publiée le 26 février 2002 et que les clauses du contrat type de diffusion de listes immobilières eurent été qualifiées par elle de clauses abusives, à l'exception de la clause relative au respect d'obligations de confidentialité.

L'association UFC 38 a réitéré ses prétentions initiales, conversion étant faite en euros du montant des astreintes, indemnités et frais réclamés [minute page 4] originairement en francs. Tout en rappelant que les recommandations formulées par la commission des clauses abusives ne liaient nullement les juridictions, la demanderesse s'est appuyée sur les avis émis par cette commission en vue d'éliminer les clauses déjà dénoncées comme abusives à l'occasion de la présente instance.

La SARL APL 38 a proposé de surseoir encore à statuer jusqu'au prononcé de l'arrêt de la Cour Européenne des Droits de l'Homme, appelée à se prononcer sur l'incompatibilité de la recommandation de la commission des clauses abusives du 26 février 2002 avec l'article 6§1 de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l'Homme, à la suite de la requête présentée par cette société et la société APL Franchising ; elle a souligné que la recommandation invoquée par la demanderesse, représentée par Maître BRASSEUR, avocat au Barreau de Grenoble, avait été établie sur la base d'un rapport préalable rédigé par le même avocat, membre de la commission, que les termes du projet et de la recommandation étaient quasiment identiques, que le Tribunal de Grande Instance de Grenoble avait sursis à statuer jusqu'à la communication de cette recommandation, après avoir retenu l'intérêt d'une consultation de la commission pour éclairer utilement la juridiction et que cette juridiction ne pourrait donc prendre une décision sur le fondement d'une recommandation susceptible d'être reconnue incompatible avec le principe suivant lequel les contestations portant sur les droits et obligations à caractère civil de toute personne doivent être examinées équitablement par un tribunal indépendant et impartial.

Subsidiairement, la SARL APL 38 a demandé au Tribunal de reconnaître l'incompatibilité de la recommandation n° 2002-01 avec l'article 6§1 de la convention européenne de sauvegarde des Droits de l'Homme, aux motifs que la commission des clauses abusives constituait elle-même un Tribunal disposant du pouvoir de trancher, sur la base de normes de droit et selon une procédure organisée, des questions relevant de sa compétence, conformément à la jurisprudence développée par la Cour Européenne des Droits de l'Homme, que la commission s'est prononcée en l'espèce, en formulant la recommandation 2002-01, sur les droits et obligations nés du contrat de diffusion de listes immobilières, dans un sens qui influe défavorablement sur l'activité économique et sur les intérêts pécuniaires de la défenderesse, que par ailleurs la procédure suivie devant la commission n'a pas été équitable en raison de la désignation comme rapporteur de Maître BRASSEUR qui est également l'avocat de l'association UFC 38 et qui assistait à l'audition des professionnels concernés devant la formation restreinte de la commission que le projet de recommandation proposé par le même rapporteur a été adopté sans offrir aux professionnels la possibilité de présenter de nouvelles observations, que le principe de l'égalité des armes n'a donc pu être respecté dans ces circonstances, au net désavantage de la SARL APL 38 et que l'absence de publicité donnée aux débats suivis devant la [minute page 5] commission, qui apparaît comme protecteur des consommateurs et dont les recommandations sont prises en considération par les Tribunaux, ne permet pas de préserver la confiance que les professionnels voudraient éprouver à l'égard de cette formation.

La SARL APL 38 a contesté ensuite, abstraction faite de la recommandation de la commission des clauses abusives, les griefs d'illicéité et d'abus articulés par l'association UFC 38 pour obtenir la suppression de clauses d'un contrat de diffusion de listes de biens offerts à la location, après avoir souligné que les candidats locataires cherchaient à économiser des frais d'agence pour rencontrer directement les propriétaires figurant sur la liste qui leur était remise instantanément et complétée gracieusement pendant six mois. Elle a précisé :

- que la clause permettant de proposer des prix de loyers supérieurs à 20 % au prix souhaité par le client n'induisait aucun déséquilibre, en considération du marché de la location et de la possibilité donnée à l'intéressé de découvrir d'autres logements susceptibles d'être intéressants ;

- que la clause permettant de proposer des logements dans une commune dont la plus proche limite est distante d'au moins 10 kms des communes choisies n'a rien d'abusif, dans une agglomération de la taille de celle de Grenoble ;

- que la clause laissant aux seuls propriétaires la responsabilité du contenu du descriptif des logements participait de l'économie du contrat ;

- que la clause qualifiant les biens proposés à la location de réputés disponibles tendait à réserver les hypothèses dans lesquelles les bailleurs n'informaient pas l'agence de la conclusion de contrats de location et à prévenir le risque de poursuites pour publicité mensongère ;

- que la clause faisant référence à la loi informatique et libertés ne présentait pas un caractère abusif avéré ;

- la SARL APL 38 a fait valoir enfin que l'article 5 des conditions générales de vente du contrat de diffusion avait fait l'objet d'une modification, ouvrant au client la possibilité d'obtenir un remboursement de la rémunération versée au diffuseur, au cas où le fichier de biens immobiliers ne contiendrait aucune offre conforme à l'atteinte exprimée par l'intéressé et ce, dans un délai maximum de huit jours à compter de la fourniture de la liste, qu'il en allait de même en cas de survenance d'un événement caractérisant la force majeure dans le même délai, que la prestation fournie avait un caractère instantané, que la fourniture gracieuse d'une actualisation de la liste ne conférait nullement aux engagements souscrits dans l'immédiat le caractère d'un [minute page 6] abonnement, que le texte de l'article 5 des conditions générales, amélioré dans sa nouvelle rédaction, ne contenait aucune violation des dispositions de l'article 79-2 du décret de 1972, et qu'une autre modification avait été apportée à la mention du prix du loyer souhaité, qui était désormais annoncé avance sur charges comprise.

La SARL APL 38 a demandé un défraiement de 1.500 euros en vertu de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

La clôture de la mise en état est intervenue le 2 avril 2003.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                                                 (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

DISCUSSION :

Sur l'atteinte apportée aux principes énoncés à l'article 6 paragraphe 1 de la Convention Européenne de Sauveqarde des Droits de l'Homme et des Libertés Fondamentales :

La commission des clauses abusives, placée auprès du ministre chargé de la consommation, est légalement investie d'une triple mission :

- donner un avis permettant de déterminer des types de clauses qui doivent être regardées comme abusives, au sens du premier alinéa de l'article L. 132-1 du Code de la Consommation, préalablement à l'adoption de décrets en Conseil d'Etat ;

- formuler des recommandations tendant à la suppression ou à la modification des clauses qui présentent un caractère abusif, dans les modèles de convention habituellement proposés par les professionnels à leurs contractants non professionnels ou consommateurs, soit à la demande du ministre chargé de la consommation, ou des associations agréées de défense des consommateurs ou des professionnels intéressés, soit d'office, suivant les règles édictées aux articles L. 132-2 et suivants du Code de la Consommation ;

- exprimer un avis sur le caractère abusif d'une clause contractuelle dénoncé comme tel à l'occasion d'une instance et ce, à la demande du juge compétent, qui sursoit à statuer sur le fond de l'affaire, dans les conditions définies par l'article R. 132-6 du Code de la Consommation.

En toute hypothèse, les pouvoirs conférés à la commission des clauses abusives ne la conduisent pas à décider elle-même des contestations sur les droits et obligations de caractère civil intéressant une personne dont la cause lui est soumise et à se comporter comme un Tribunal, suivant la définition donnée par l'article 6§1 de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés Fondamentales du 4 novembre 1950, ainsi que la SARL APL 38 l'avait elle-même souligné aux termes de ses premières conclusions déposées dans le cadre de la présente instance le 27 novembre 2001 (p. 5 et 6 de ces conclusions).

[minute page 7] D'une part, les dispositions de l'article L. 132-4 du Code de la Consommation, in fine, précisent que les recommandations émises par la commission ne peuvent contenir aucune indication de nature à permettre l'identification de situations individuelles ; d'autre part, la cour de cassation a ajouté que ces recommandations ne sont pas génératrices de règles dont la méconnaissance ouvre la voie à la cassation (Civ. 1ère 13 novembre 1996, B.A.C. I n° 399 p.279), de telle sorte qu'une procédure ayant abouti à leur publication n'interfère pas de manière déterminante ou inéluctable sur le règlement des contestations relatives aux droits et obligations d'une personne en particulier.

S'agissant de l'avis donné à un juge à l'occasion d'une instance, les dispositions du deuxième alinéa de l'article R. 132-6 du Code de la Consommation précisent encore que cet avis ne lie pas le juge requérant.

En l'espèce, le Tribunal avait sollicité l'avis de la commission des clauses abusives sur le caractère abusif des stipulations des contrats de diffusion de listes immobilières émanant de la SARL APL 38 et ce, conformément à la proposition de cette dernière qui avait fait état de la participation du groupe APL, son franchiseur, à un débat organisé devant la formation restreinte de la commission avec les représentants des autres groupes spécialisés dans la vente de listes immobilières le 1er juin 2001.

La commission des clauses abusives ne s'est pas érigée en Tribunal, juge de la contestation de l'étendue ou du contenu des droits et obligations de la seule SARL APL 38 ni à l'occasion de l'instruction de l'affaire ni en substituant à l'avis sollicité un rappel de la recommandation n° 2002-01 relative aux contrats de vente de listes en matière immobilière, qu'elle avait adopté le 13 décembre 2002 et qui a été publiée le 26 février 2002, alors que le Tribunal de céans n'est pas lié par un acte qui ne comporte au surplus aucune référence à la situation individuelle soumise au débat contradictoire engagé par l'assignation délivrée à l'initiative de l'association UFC 38.

Cependant, il n'en demeure pas moins que la contribution qui pourrait être apportée à ce débat par la commission des clauses abusives et s'inscrirait comme telle dans la perspective du prononcé d'une décision juridictionnelle, ne saurait en aucune manière avoir été élaborée dans des conditions qui désavantagent l'une des parties par rapport à l'autre, en méconnaissance du droit à une procédure équitable et de son corollaire, le principe de l'égalité des chances, dont la Cour Européenne des Droits de l'Homme affirme invariablement la primauté, sur le fondement de l'article 6§1 de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés Fondamentales.

[minute page 8] Dans la mesure où la recommandation n° 2002-01 adoptée par la commission des clauses abusives le 13 décembre 2001 l'a été sur le rapport de Maître Christian BRASSEUR, membre de ladite commission, qui est également l'avocat postulant et plaidant de l'association UFC 38, demanderesse à l'instance en suppression de clauses abusives engagée devant le Tribunal de Grande Instance de Grenoble et où l'instruction de la procédure d'examen des modèles de convention de ventes de listes en matière immobilière, à l'initiative de la commission des clauses abusives, a été engagée en avril 2001 sur la base du rapport préalable de Maître Christian BRASSEUR (pièce n° 1 du dossier de la défenderesse), parallèlement à l'introduction de l'instance judiciaire dirigée contre la SARL APL 38 et portait sur des points convergents, il apparaît indéniable que la défenderesse s'est trouvée placée en situation d'infériorité par rapport à son adversaire, quand bien même l'initiative malencontreuse de provoquer l'interrogation de la commission est émanée de la partie qui cherche à faire écarter un avis défavorable a posteriori.

Bien que le Tribunal ait éprouvé le besoin de connaître une consultation susceptible de pouvoir utilement l'éclairer, la nécessité de faire prévaloir les principes absolus contenus dans le texte précité de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l'Homme doit l'emporter sur toute autre considération : sans devoir attendre le prononcé d'une décision de la Cour Européenne des Droits de l'Homme, il relève de la responsabilité et des pouvoirs de toute juridiction nationale d'assurer concrètement la prééminence de la convention, en vertu de l'article 55 de la constitution, de telle sorte que la recommandation n° 2002-01 de la commission des clauses abusives doit être purement et simplement écartée des débats et qu'il incombe au Tribunal de statuer dans les conditions définies par l'article L. 421-6 du Code de la Consommation, au vu des seuls éléments de fait et des seuls moyens de droit qui lui sont soumis indépendamment de cette recommandation.

 

Sur les clauses dénoncées comme illicites ou abusives :

1 - La fixation de la durée de la convention conclue entre l'acheteur de listes relatives à la location de logements vides ou meublés et la SARL APL 38, de manière à satisfaire aux prescriptions de l'article 79-2 du décret n° 72-678 du 20 juillet 1972, résulte de la formulation relativement compréhensible, en dépit d'une circonspection un peu surprenante, de l'article 2 des conditions générales du contrat : les clients de la défenderesse conservent un droit de communication d'autres éditions immobilières actualisées prélevées dans un fichier pendant une durée maximum de six mois à date de la signature de la convention, sur seule présentation de la carte, et la cause de ces prestations ne réside, pour répondre aux exigences des articles 1131 et suivants du Code Civil, que dans le versement de la rémunération prévue aux conditions particulières du contrat.

[minute page 9] 2 - Les conditions éventuelles du remboursement d'un versement sur la rémunération du vendeur de liste effectué préalablement à la fourniture de la prestation de vente de listes ne sont nullement précisées, en méconnaissance des dispositions du deuxième alinéa de l'article 79-2 du même décret, bien que la défenderesse invoque, sans produire aucun document conforme, une nouvelle rédaction de l'article 5 des conditions générales de son contrat.

Injonction lui sera donnée de remédier à cette omission illicite et de satisfaire encore aux prescriptions du troisième alinéa du décret.

3 - La possibilité, réservée par le vendeur-diffuseur de la liste de communiquer des offres de location pour lesquels les loyers sont supérieurs de 20 % au prix souhaités par le client et/ou qui portent sur des logements situés dans une commune dont la plus proche limite est distante d'au plus 10 kms des limites des communes choisies par l'adhérent s'avère incontestablement contraire aux prescriptions claires et insusceptibles d'interprétation de l'article R. 132-2 du Code de la Consommation.

La suppression de cette clause préimprimée, insérée aux conditions particulières de la convention préalable de location immédiatement après l'indication des caractéristiques du service attendu par le client, s'impose sous la menace d'une astreinte.

4 - La clause exclusive de responsabilité insérée à l'article 3 des conditions générales du contrat en cas d'inexactitude des informations concernant le bien proposé et de non conformité au descriptif présenté par les propriétaires ne peut être considérée comme illicite ou abusive, dans la mesure où le vendeur de fichiers relatifs à .... la location ou sous-location en nu ou en meublé d'immeubles bâtis ou non bâtis ne peut, à l'occasion d'une opération portant sur un même bien ou sur une même demande, se livrer simultanément à cette vente et à une autre activité d'agent immobilier portant sur la location ou sous-location de ces immeubles, sans méconnaître l'interdiction édictée au premier alinéa de l'article 79-3 du décret du 20 juillet 1972, où ce vendeur de listes n'a donc jamais vocation à se livrer ou à prêter son concours à l'établissement d'un acte de location de locaux à usage d'habitation principale ou à usage mixte professionnel, ni à faire visiter le logement ni à établir l'état des lieux contradictoirement avec le locataire lors de la remise des clés, suivant les dispositions des articles 2, 3 et 5 de la Loi n° 89-462 du 6 juillet 1989, et où par conséquent l'étendue des obligations d'un simple intermédiaire, qui n'est pas chargé de représenter le bailleur ni de rédiger des actes, ne peuvent être étendues à des vérifications concrètes des caractéristiques précises du bien proposé à la location par la propriétaire personnellement et directement.

[minute page 10] En l'espèce, les contrats de diffusion de listes versés aux débats comportent la description du bien ou des biens sur lesquels elle porte, dans leur volet intéressant les propriétaires, et les caractéristiques du bien recherché, sur les exemplaires soumis aux candidats locataires, de telle sorte que la SARL APL 38 ne contrevient pas aux dispositions des articles 79-1 et 79-2 du décret du 20 juillet 1972. Par ailleurs, l'hypothèse d'un déséquilibre dans les relations entre vendeur et acquéreur ne se vérifie pas, puisqu'il n'est pas démontré, ni même allégué que la rémunération du vendeur de listes serait comparable aux honoraires de négociation et de rédaction perçus par un agent immobilier mandataire.

5 - La clause limitant les obligations de la SARL APL 38 à la présentation de biens « réputés disponibles » désavantage objectivement les acquéreurs de listes, placés dans une grande incertitude quant aux possibilités d'exploiter concrètement les informations fournies et de n'être pas privés de chances sérieuses d'aboutir dans leurs recherches dans des délais raisonnables, alors qu'il est toujours loisible au professionnel de vérifier rapidement, avant de délivrer la liste, l'état réel de disponibilité des logements proposés, par le vecteur de messages téléphoniques ou électroniques, et que les contraintes éventuelles, liées aux relations entre bailleurs et vendeurs de listes, ne constituent pas un obstacle insurmontable pour satisfaire les attentes des locataires, de manière plus efficiente.

Cette clause, insérée à l'article 3 des conditions générales du contrat de diffusion de listes proposé par la SARL APL 38, mérite d'être supprimée, sous peine d'astreinte.

6 - La stipulation relative à l'admission par les candidats locataires de la réalité de la fourniture d'une prestation, contenue à l'article 5§2 du contrat ne s'avère pas davantage acceptable pour des consommateurs, qui sont curieusement placés dans la situation de « payer pour voir », suivant l'économie même du contrat, et immédiatement privés de facto de toute possibilité de vérifier la conformité des prestations à leurs recherches, de telle sorte qu'il conviendrait même d'écarter la formulation d'une clause qui n'aurait plus aucun sens, au regard de la livraison d'une chose conforme, suivant les dispositions combinées des articles 1157, 1162 et 1604 du Code Civil.

Au demeurant, la SARL APL 38 ne semble pas elle-même convaincue de la conformité aux dispositions légales d'une clause dont elle a envisagé la modification, sans justifier pour autant de la présentation d'une nouvelle mouture ; la suppression de cette clause doit être ordonnée sous astreinte.

7 - La référence à la loi informatique et libertés, posée par l'article 9 des conditions générales du contrat de diffusion de listes, ne peut objectivement préjudicier à quiconque.

[minute page 11] 8 - La détermination d'un prix mensuel de location hors charge, dans l'encadré du contrat de diffusion réservé aux caractéristiques du logement, s'avère insatisfaisante pour le locataire, privé d'une information tout aussi importante que le montant du loyer, au regard des dispositions d'ordre public de l'article 23 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989, qui définissent les charges récupérables comme accessoires au loyer principal, qui ne peuvent être méconnues d'un professionnel de l'immobilier et qui participent de l'équilibre général d'un projet de location pour l'ajustement du coût global de l'opération aux ressources du candidat locataire.

La SARL APL 38 en a finalement convenu qui aurait, depuis l'engagement de l'instance, diffusé des offres portant sur un prix mensuel du loyer, provision sur charges comprises. L'injonction de suppression se justifie là encore.

 

Sur les demandes complémentaires :

Le préjudice collectif direct ou indirect occasionné par les manquements relevés de la part de la SARL APL 38 doit être nuancé, en fonction de l'accueil variable fait aux différentes demandes de suppression ou de modification avancées par l'association UFC 38 : les éléments du dossier conduisent à arbitrer l'indemnité allouée à la demanderesse à 2.500 euros.

En revanche et compte tenu de l'ambiguïté qui a présidé à l'instruction du dossier, l'association demanderesse ne peut prétendre au dédommagement d'un préjudice supplémentaire distinct, alors que le jumelage de sa procédure avec l'instruction du dossier de la commission des clauses abusives était de nature à favoriser incontestablement l'engagement d'une initiative dans l'espace départemental.

La publication du jugement, dont les balancements correspondent à une appréciation prudente de l'action intentée par la demanderesse ne se justifie pas, en considération des résultats mitigés obtenus par celle-ci.

La nature et l'ancienneté des demandes légitiment l'exécution provisoire.

Les dépens seront supportés par la SARL APL 38, qui succombe sur l'essentiel et qui doit encore verser à l'association UFC 38 une partie de ses frais de représentation, évaluée à la somme de 1.500 euros, en considération de l'équité.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                                                            (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

[minute page 12]  PAR CES MOTIFS :

Le tribunal, statuant publiquement, par jugement contradictoire et en premier ressort,

DÉCLARE incompatible la recommandation n° 2002-01 de la commission des clauses abusives publiée le 26 février 2002 et relative aux contrat de vente de liste dans la section immobilière, avec les dispositions de l'article 6§1 de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés Fondamentales du 4 novembre 1950  ;

ÉCARTE des débats ladite recommandation n° 2002-01 de la commission des clauses abusives ;

DIT n'y avoir lieu de surseoir à statuer ;

ENJOINT à la SARL APL 38 de modifier le modèle de son contrat de diffusion de listes relatives à la location de logements en y ajoutant la mention de la faculté de remboursement prévue à l'article 79-2 du décret du 20 juillet 1972 et la mention imposée par le troisième et dernier alinéa de l'article 79-3 du même décret ;

ORDONNE à la SARL APL 38 de supprimer de son modèle de contrat, sous peine d'une astreinte de 400 euros (quatre cents euros) par jour de retard, passé un délai de deux mois à compter de la signification du jugement, les clauses suivantes reconnues comme abusives :

- clauses relatives à la possibilité de proposer aux candidats locataires des offres comportant des prix de loyers supérieurs de 20 % aux prix souhaités par ces candidats et/ou des informations sur des logements situés dans une commune dont la plus proche limite est distante d'au plus 10 kms de limites choisies par les locataires ;

- la clause limitant les obligations de la SARL APL 38 à la présentation de biens réputés disponibles ;

- la clause par laquelle les candidats locataires reconnaissent la réalité de la prestation fournie lors de la signature du contrat ;

- la clause relative à la détermination d'un prix de loyer mensuel hors charges ;

SE RÉSERVE le pouvoir de liquider ladite astreinte ;

[minute page 13] DÉBOUTE l'association UFC 38 de ses demandes tendant à l'adjonction ou à la suppression d'autres clauses et à la publication du présent jugement ;

DIT que la SARL APL 38 doit verser à l'association UFC 38 une indemnité de 2.500 euros (deux mille cinq cents euros) en dédommagement du préjudice occasionné par des manquements à la collectivité des consommateurs ;

PRONONCE l'exécution provisoire ;

DIT que la SARL APL 38 doit supporter les dépens, ainsi qu'une partie des frais de représentation de l'association UFC 38 jusqu'à concurrence de la somme de 1.500 euros (mille cinq cents euros) ;

AUTORISE la SCP d'avocats BRASSEUR M'BAREK à recouvrer directement contre la SARL APL 38 les dépens dont elle a pu faire l'avance, sans avoir reçu de provision.

La présente décision a été rédigée par Monsieur F.R. LACROIX.

LE GREFFIER                                             LE PRÉSIDENT

AM CHAMBRON                                       F.R. LACROIX

 

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