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TGI PARIS (9e ch. 2e sect.), 9 novembre 2005

Nature : Décision
Titre : TGI PARIS (9e ch. 2e sect.), 9 novembre 2005
Pays : France
Juridiction : Paris (TGI)
Demande : 04/15796
Date : 9/11/2005
Nature de la décision : Admission
Mode de publication : Site Com. cl. abusives (CCA)
Date de la demande : 27/09/2004
Décision antérieure : CA PARIS (15e ch. sect. B), 3 avril 2008
Numéro de la décision : 5
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CERCLAB - DOCUMENT N° 3183

TGI PARIS (9e ch. 2e sect.), 9 novembre 2005 : RG n° 04/15796 ; jugement n° 5

Publication : Site CCAB

 

Extrait : « N.B. Sur les clauses abusives, V. le texte de la décision ».

 

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE PARIS

NEUVIÈME CHAMBRE DEUXIÈME SECTION

JUGEMENT DU 9 NOVEMBRE 2005

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION                                      (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 04/15796. Assignation du 27 septembre 2004.

 

DEMANDERESSE :

Association CONSOMMATION, LOGEMENT ET CADRE DE VIE

prise en la personne de sa Présidente, Mme X., [adresse], représentée et plaidant par Maître Jérôme FRANCK, avocat au barreau de PARIS, vestiaire M1815

 

DÉFENDERESSE :

SA SOCIÉTÉ GÉNÉRALE

[adresse], représentée par la SCP DUBARRY LE DOUARIN VEIL, avocats au barreau de PARIS, vestiaire P86, plaidant par Maître DUBARRY

 

COMPOSITION DU TRIBUNAL : Christian HOURS, Vice-Président, ayant fait rapport à l'audience Alain PALAU, Vice Président, Guy. AVOCAT, Juge, assistés de Marie-Françoise LEPREY, Greffier

DÉBATS : À l'audience du 28 septembre 2005 présidée par Christian HOURS, tenue en audience publique Après clôture des débats, avis a été donné aux Avocats que le jugement serait rendu le 9 novembre 2005.

[minute page 2] JUGEMENT : Prononcé en audience publique le 9 novembre 2005, date indiquée à l'issue des débats Contradictoire en premier ressort

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                                                         (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Le litige :

Le 27 septembre 2004, l'association Consommation, Logement et Cadre de Vie (CLCV) a assigné la Société générale devant ce tribunal.

Aux termes de ses conclusions récapitulatives en date du 15 février 2005, elle demande, sous le bénéfice de l'exécution provisoire :

- de déclarer abusives ou illicites une dizaine de clauses de la convention type de compte courant proposée par la défenderesse,

- d'en ordonner la suppression sous astreinte un mois après la signification du jugement,

- de déclarer ces clauses inopposables aux clients de la défenderesse,

- d'ordonner la diffusion d'un communiqué judiciaire qui devra être inséré dans les relevés de compte des consommateurs clients et publié sur le site internet de la défenderesse à la page d'accueil, ce sous astreinte et pendant six mois,

- la condamnation de la défenderesse à lui payer la somme de 15.000 euros en réparation du préjudice causé à l'intérêt collectif des consommateurs, en vertu des dispositions combinées des articles L. 421-1 et L. 421-2 du code de la consommation, outre 4.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Elle met ainsi en cause :

- la clause III.1 - Moyens de paiement liés au compte courant-chéquiers - en ce que 1) elle dispose que la délivrance d'un chéquier est subordonnée à l'agrément de la Société générale dans la mesure où les critères justifiant cette décision de refus ne sont pas énoncés, ce qui interdirait de les contester, 2) elle ne précise pas les critères pouvant fonder sa décision de retrait du chéquier et ne prévoit pas de mise en demeure ou de délai de préavis, ce alors que l'article L. 131-71 du code monétaire et financier impose dans ce domaine une décision motivée,

- la clause III.1 - Moyens de paiement liés au compte courant-opposition au paiement d'un chèque - en ce que 1) il est indiqué que l'opposition doit identifier suffisamment le(s) chèque(s) frappés d'opposition : n° de la vignette, compte concerné et, s'agissant d'un chèque créé ou émis, son montant, sa date d'émission, le nom du [minute page 3] bénéficiaire, ce alors que le client ne dispose pas nécessairement de l'ensemble des informations réclamées et qu'il pourrait considérer que l'opposition n'a pas été valablement effectuée dans ce cas, 2) la procédure relative à la mainlevée de l'opposition et au déblocage de la provision devrait figurer dans la convention de compte courant,

- la clause III.1 - Moyens de paiement liés au compte courant-cartes bancaires - en ce que 1) la convention ne précise pas les conditions dans lesquelles la banque peut refuser de délivrer au titulaire du compte une carte bancaire, lui retirer l'usage de celle-ci ou bloquer son utilisation, 2) il est indiqué que toute opposition qui n'a pas fait l'objet d'une déclaration écrite doit être confirmée sans délai à l'agence où est ouvert le compte sur lequel fonctionne la carte, alors qu'une opposition téléphonique faite aux numéros indiqués par la banque, même non confirmée par écrit est valablement formée, la confirmation écrite ne pouvant être admise comme une condition de validité de l'opposition verbale, 3) il est abusivement renvoyé pour les modalités de fonctionnement de chaque carte bancaire à un contrat spécifique, ce qui est contraire à l'exigence de connaissance des clauses applicables avant la conclusion du contrat,

- la clause III.2 - Opérations au crédit - en ce que il est prévu qu'en cas de chèque impayé, le compte est débité du montant du chèque, alors qu'il n'est pas prévu de prévenir du caractère impayé du chèque avant le débit de ce compte du montant du chèque,

- les clauses III.5 - Provision du compte courant - et III.7- Relevés de compte - en ce qu'il prévoit que les réclamations figurant sur un relevé de compte devront être formulées dans un délai de trois (quatre dans la nouvelle version) mois à compter de l'envoi du relevé, à peine de prescription, (aucune contestation ne pourra être reçue passé ce délai dans la nouvelle version), alors qu'il ne peut être fait croire au consommateur qu'une action en justice lui est interdite après ce délai, eu égard aux dispositions de l'article L. 110-4 du code de commerce,

- la clause III.9 - Secret professionnel - qui autorise une large communication de toutes informations concernant leurs relations, ce alors 1) qu'il n'est pas fait de lien avec la clause III.11 sur la loi informatique et liberté et pourrait donner à penser que celle-ci ne s'applique pas aux données visées à cette clause, 2) que les destinataires de ces informations ne sont pas précisées, 3) que la finalité du traitement de l'information n'est pas expliquée, 4) que le client n'est pas informé de son droit de s'y opposer et d'accéder aux informations qui le concernent, en contravention avec la charte relative aux conventions de compte de dépôt du 9 janvier 2003 adoptée par la Fédération Française des Banques,

- la clause IV.1 - Incidents de fonctionnement du compte - en ce qu'elle prévoit une facturation sans que ces incidents nécessitant un traitement particulier soient précisément définis, ce qui permet au professionnel d'interpréter le contrat à sa guise,

- la clause V.1 - cas de clôture du compte courant - en ce qu'elle prévoit un préavis de 60 jours pour une rupture à l'initiative de la banque, sauf comportement fautif du client, sans que celui-ci soit défini et qu'il ne mentionne pas l'existence de frais de clôture de compte, hormis l'hypothèse de résiliation sans frais prévue par la loi,

- [minute page 4] la clause V.2 - modalités de clôture du compte courant - en ce qu'elle permet à la banque de faire jouer une compensation entre toutes les créances qu'elle invoque et tous les comptes que le client a ouvert auprès d'elle, une telle disposition ayant été jugée abusive par l'avis 98-01 de la commission des clauses abusives, la banque pouvant compenser même en présence d'une contestation du client,

- la clause VI.3.a - modification des conditions des opérations - qui prévoit la possibilité pour la banque d'apporter des modifications substantielles au contrat en informant les intéressés par lettre circulaire ou tout autre document d'information, en ce que 1) l'annexe exemplative de l'article L. 132-1 du code de la consommation considère abusives les clauses ayant pour objet ou pour effet d'autoriser le professionnel à modifier unilatéralement les termes du contrat sans raison valable et spécifiée dans le contrat, 2) le recours à une simple circulaire ne permet pas une information personnalisée du client, lui permettant en cas de désaccord de résilier sans frais la convention de compte, 3) il y a absence de réciprocité dans les obligations imposées aux parties puisqu'il est imposé aux parties de dénoncer la convention par lettre recommandée avec accusé de réception, alors que la banque peut avoir recours à une simple lettre circulaire en cas de modification du contrat et qu'elle déduit l'acceptation de la modification substantielle du simple silence gardé par le client pendant le délai d'un mois,

- les mesures réclamées sont seules de nature à mettre fin aux agissements illicites de la défenderesse et à réparer le préjudice causé à l'intérêt collectif des consommateurs.

Dans ses écritures récapitulatives en date du 15 février 2005, la Société générale conclut au débouté de la demanderesse en l'absence de caractère abusif des clauses querellées et lui réclame la somme de 3.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,

aux motifs que,

- clause III.1 - Moyens de paiement liés au compte courant-chéquiers,

1) les nouvelles conditions générales prévoient que le refus de délivrance de chéquier est dûment motivé par la banque,

2) la disparition des conditions à la délivrance d'un chéquier autorise la banque à en demander la restitution, étant observé que l'article L. 131-71 alinéa 1er du CMF n'exige pas de décision motivée s'agissant de la restitution des chéquiers,

- clause III.1 - Moyens de paiement liés au compte courant-opposition au paiement d'un chèque,

1) l'utilité des précisions réclamées pour faire opposition est indiscutable puisque, si le client ne peut identifier le chèque frappé d'opposition, la banque n'a d'autre solution que de rejeter tous ceux qui seront présentés, étant précisé que dans chaque carnet figure une vignette détachable que le client est invité à conserver hors de son chéquier reprenant les numéros de chèques délivrés et les modalités d'opposition, aucune sanction n'étant au demeurant prévue au cas où l'opposition serait insuffisamment documentée,

2) [minute page 5] le rédacteur d'un contrat n'est pas tenu de décrire par le détail la conduite à tenir en cas de survenance de tel ou tel événement particulier, alors surtout qu'il est indiqué que les précisions utiles lui seront communiquées à sa demande,

- clause III.1 - Moyens de paiement liés au compte courant-cartes bancaires,

1) la banque dispose d'un droit discrétionnaire de délivrer une carte de paiement qui s'accompagne d'un droit identique de retirer la carte,

2) dans le cas d'une opposition téléphonique, le centre d'appel du Groupement Cartes Bancaires en prend note et communique à l'intéressé le numéro d'enregistrement de sorte que celui-ci à le moyen de prouver sa diligence. Ce n'est qu'en l'absence de cette référence et de preuve de cet appel qu'une confirmation écrite permet d'établir la réalité de l'opposition,

3) il n'y a aucun abus à renvoyer la description des caractéristiques et les modalités de fonctionnement de chaque carte dans un contrat spécifique tenu à la disposition du client dans son agence,

- clause III.2 - Opérations au crédit,

rien ne contraint la banque à créditer le compte du montant d'un chèque avant que celui-ci ait été payé ; lorsqu'elle le fait, c'est sous réserve d'encaissement ; en cas de non-paiement, il est logique qu'une écriture au débit du compte intervienne immédiatement, étant précisé que le client est prévenu par un avis ou une attestation établi à la suite du rejet,

- clause III.5 - Provision du compte courant et III.7 - Relevés de compte,

les dispositions critiquées qui ont uniquement pour effet de poser une présomption simple de régularité des opérations non contestées dans le délai mentionné sur le relevé de compte, laquelle peut être renversée par la démonstration d'une faute de la banque, sont reconnues valides par le droit positif,

- clause III.9 - Secret professionnel,

la disposition permettant la communication de toutes informations à certaines personnes non énumérées est légitime car elle ressort de la nature même des opérations liées au fonctionnement du compte (sous-traitance d'opérations matérielles de gestion, intervention d'une filiale pour la réalisation d'une opération déterminée, souscription de contrats d'assurance...), la multiplicité des intervenants ne permettant pas de donner la liste des sociétés du groupe ni le détail des besoins de gestion,

l'article III.11 prévoit la possibilité de s'opposer sans frais à ce que des données nominatives concernant le client, soumises comme telles à la loi informatique et libertés, soient utilisées à des fins de prospection et indique les modalités des droits d'accès, de rectification et d'opposition,

- clause IV.1 - Incidents de fonctionnement,

les principaux cas de tarification sont indiquées dans la convention de compte et dans le document intitulé « conditions appliquées aux opérations bancaires des particuliers ». Il est en outre établi qu'il n'existe pas de déséquilibre significatif résultant d'une clause en vertu de laquelle une banque peut exiger une commission en cas d'irrégularité dans le fonctionnement d'un compte nécessitant un traitement particulier, la clause sanctionnant dans ce cas une anomalie ou des erreurs non imputables à la banque,

- [minute page 6] clause V.1 - Cas de clôture,

le comportement fautif du client sera constitué par l'inexécution de l'une ou l'autre des obligations mises à sa charge par le contrat et sera apprécié par le créancier de l'obligation sous sa responsabilité et, le cas échéant, sous le contrôle du juge,

s'agissant des frais de clôture, il convient de préciser que la clôture est désormais gratuite ;

- clause V.2 - Modalités de clôture,

la compensation prévue ne pourra jouer que si les conditions légales sont réunies,

- clause VI.3 - Modifications des conditions des opérations,

l'annexe 2-b de l'article L. 132-1 du code de la consommation précise qu'est licite la clause selon laquelle le professionnel se réserve le droit de modifier unilatéralement les conditions d'un contrat à durée indéterminée pourvu que soit mis à sa charge le devoir d'en informer le consommateur avec un préavis raisonnable et que celui-ci soit libre de résilier le contrat, ce qu'a également jugé le tribunal de grande instance de Paris,

- aucune des clauses critiquées n'est pas par conséquent abusive,

- la demanderesse ne serait pas recevable à demander réparation du préjudice prétendument causé à l'intérêt collectif des consommateurs, préjudice d'ailleurs non établi,

- la demanderesse dispose de ses propres moyens de communication, notamment d'un site internet, de sorte que sa prétention à publication sur le site de la banque ne saurait être accueillie,

- la demande d'exécution provisoire n'est pas justifiée, eu égard au nombre de conventions en vigueur actuellement, le principe du double degré de juridiction s'imposant tout particulièrement.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                                                 (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Motifs de la décision :

Aux termes de l'article L. 132-1 du code de la consommation, sont abusives dans les contrats entre professionnels et consommateurs, les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat ;

Une annexe comprend une liste indicative et non exhaustive de clauses qui peuvent être regardées comme abusives ;

En cas de litige concernant un contrat concernant une telle clause, le demandeur n'est pas dispensé d'apporter la preuve du caractère abusif de cette clause ;

Le caractère abusif d'une clause s'apprécie en se référant, au moment de la conclusion du contrat, à toutes les circonstances qui entourent sa conclusion, de même qu'à toutes les autres clauses du contrat. Il s'apprécie également au regard de celles contenues dans un autre contrat lorsque la conclusion ou l'exécution de ces deux contrats dépendent juridiquement l'une de l'autre ;

[minute page 7] Les clauses abusives sont réputées non écrites ;

Il convient d'examiner les clauses critiquées au regard de ces dispositions et de la règlementation applicable aux services concernés, notamment l'arrêté du 8 mars 2005 portant application de l'article L. 312-1-1 du code monétaire et financier précisant les principales stipulations devant figurer dans les conventions de compte de dépôt ;

 

Clause III.1 - Moyens de paiement liés au compte courant-chéquiers :

S'agissant de la délivrance d'un chéquier, l'article L. 131-71 du code monétaire et financier oblige le banquier à motiver sa décision de remise de chéquier à un client ;

Dès lors, la clause subordonnant la délivrance d'un chéquier à l'agrément de la banque sans préciser que sa décision doit être motivée est de nature à induire le client en erreur sur ses droits et est abusive ;

Il convient toutefois de constater que la Société générale a modifié sur ce point la clause litigieuse et prévu la nécessité d'une décision motivée, de sorte que la demande de suppression de cette clause s'avère sans objet ;

Il ne peut être en revanche exigé de la banque qu'elle dresse la liste de tous les cas où elle est en droit de refuser la délivrance d'un chéquier, le client restant libre de contester en justice le motif du refus, qui doit figurer dans la décision, s'il le juge abusif ;

S'agissant de la décision de retrait du chéquier, si l'article précité n'impose pas de décision motivée de la banque ni de délai de préavis, l'article 4-a) de l'arrêté du 8 mars 2005 portant application de l'article L. 312-1-1 du code monétaire et financier prévoit que la convention précise les modalités de retrait des moyens de paiement ;

La clause critiquée qui se borne à affirmer que la Société générale peut à tout moment demander au titulaire la restitution de chéquier est muette sur lesdites modalités, lesquelles ne peuvent être abandonnées à la seule discrétion du banquier, et doit en conséquence être considérée comme abusive sur ce point ;

 

Clause III.1 - Moyens de paiement liés au compte courant-opposition au paiement d'un chèque :

Cette clause rédigée au présent de l'indicatif (l'opposition doit...) est de nature à laisser penser au client que, s'il n'est pas mesure de fournir l'ensemble des renseignements demandés : numéro de la vignette, compte concerné et, s'agissant d'un chèque créé ou remis, son montant, sa date d'émission, le nom du bénéficiaire, son opposition ne pourra pas être prise en compte, alors que dans cette hypothèse, une opposition imprécise touchera tous les chèques en circulation ;

Étant de nature à induire en erreur un client ne disposant d'aucune connaissance juridique en la matière, cette clause crée un déséquilibre significatif entre le banquier et son client et présente un caractère abusif ;

En revanche, la clause prévoyant que la mainlevée de l'opposition et le déblocage de la provision font l'objet d'une procédure précisée au client à sa demande n'apparaît pas pour autant abusive, le juge n'ayant pas le pouvoir d'imposer de compléter l'information donnée ;

[minute page 8]

Clause III.1 - Moyens de paiement liés au compte courant-cartes bancaires :

L'article 4-a) de l'arrêté du 8 mars 2005 portant application de l'article L. 312-1-1 du code monétaire et financier impose que la convention de compte précise les modalités d'obtention, de fonctionnement et de retrait des moyens de paiement, ce qui inclut les cartes bancaires ;

Par conséquent, en se bornant à affirmer que la délivrance d'une carte bancaire est subordonnée à l'agrément de la Société générale et à l'absence d'inscription au fichier des cartes bancaires géré par la Banque de France, que la banque peut à tout moment retirer la carte ou ne pas la renouveler, ce qui donne à l'établissement bancaire un pouvoir discrétionnaire dans l'octroi et le retrait de la carte bancaire, cette clause ne répond pas aux exigences du texte précité et crée un déséquilibre significatif entre le banquier, non tenu de motiver ses décisions, et le client dans une situation de soumission ; elle doit être déclarée abusive ;

La clause prévoyant que « toute opposition qui n'a pas fait l'objet d'une déclaration écrite doit être confirmée sans délai par écrit à l'agence où est ouvert le compte sur lequel fonctionne la carte » donne à penser que seule une déclaration écrite rend efficace l'opposition alors qu'une opposition verbale dont il peut être justifié est suffisante, est de nature à induire en erreur le client sur l'étendue de ses droits et crée ainsi un déséquilibre entre lui et le banquier, de sorte qu'elle doit être déclarée abusive ;

La clause renvoyant les modalités de fonctionnement de chaque carte bancaire à un contrat spécifique tenu à la disposition du client dans son agence n'est pas abusive, même au regard de l'arrêté du 8 mars 2005, celui-ci ne prévoyant que la convention spécifique doit être annexée à la convention de compte que dans l'hypothèse où le titulaire du compte dispose d'une carte bancaire au moment où il ouvre le compte ou obtient l'établissement d'une convention de compte ;

Or, il est des hypothèses où le client ne demandera que postérieurement à l'ouverture de son compte la délivrance d'une carte bancaire, de sorte que le contrat spécifique à la carte bancaire ne pourra alors être annexée à la convention de compte ;

Il n'y a dès lors pas lieu de déclarer cette clause abusive ;

 

Clause III.2 - Opérations au crédit :

La clause selon laquelle, en cas de chèque impayé, le compte est débité du montant du chèque, n'apparaît pas abusive dans la mesure où ce débit est la contrepartie de l'inscription du montant du chèque au crédit du compte lors de sa remise ;

Il n'existe en effet aucune raison de différer ce débit qui est inéluctable, le client n'ayant aucun moyen d'agir sur le fait que le chèque remis s'avère impayé ;

Au demeurant, la banque doit l'avertir dans les meilleurs délais de ce débit, faute de quoi elle est susceptible d'engager sa responsabilité ;

 

Clause III.5 - Provision du compte courant et III.7 - Relevés de compte :

Les dispositions critiquées donnaient à penser au client dans leur version initiale que, passé le délai de trois mois, aucune contestation ne pourrait plus être reçue ;

[minute page 9] Cette présentation était fausse et la clause abusive car le silence gardé par le client pendant ce délai n'emportait qu'une présomption simple d'acceptation par le client des opérations inscrites sur le relevé, susceptible d'être contredite par la preuve contraire ;

En revanche, la version modifiée apparaît correcte puisqu'elle précise qu'aucune contestation ne pourra être reçue à l'expiration du délai, sauf dans le cas où le client rapporterait la preuve d'une erreur, d'une omission ou d'une fraude, ce qui correspond à l'état du droit positif ;

 

Clause III.9 - Secret professionnel :

Le fait d'avoir présenté les dispositions relatives au secret professionnel dans un paragraphe distinct de celui concernant la Loi informatique et liberté n'est pas de nature à faire croire au consommateur que les droits énoncés dans la clause III.11 informatique et liberté ne s'appliquent pas aux informations communiquées en application de la clause III.9 dès lors que l'article III.11 précise que les informations concernant le client sont susceptibles d'être communiquées à des tiers dans les conditions prévues au paragraphe III.9 - Secret Professionnel - le client y ayant accès et pouvant les faire rectifier, voire s'opposer, pour des motifs légitimes à ce qu'elles fassent l'objet d'un traitement et, sans frais, à ce qu'elles soient utilisées à des fins commerciales ;

Le lien est ainsi expressément fait entre les articles III.9 et 111. 11 de sorte que, les clauses devant être interprétées les unes par rapport aux autres, la clause III.9 n'apparaît pas abusive sur ce point ;

Il ne peut par ailleurs être exigé que la Société générale donne la liste complète des tiers concernés ;

Contrairement à ce qui est soutenu, les finalités du traitement des informations auquel il est rappelé que le consommateur peut s'opposer, sont précisées, de même que les modalités d'exercice du droit d'accès sont indiquées, le client devant s'adresser auprès de l'agence où son compte est ouvert, ces dispositions satisfaisant au surplus aux exigences de l'article 2 de l'arrêté du 8 mars 2005 ;

 

Clause IV.1 - Incidents de fonctionnement :

Il ressort de la clause contestée que les opérations nécessitant un traitement particulier font l'objet d'une tarification reprise dans le document « conditions appliquées aux opérations bancaires entre particuliers », remis à l'ouverture du compte, périodiquement mis à jour et tenu à la disposition de la clientèle dans les agences Société générale et sur le site internet www.particuliers.societe generale.fr ;

Il s'ensuit que sont seuls susceptibles de faire l'objet d'une facturation les événements figurant sur la tarification ;

Il n'existe ainsi aucune latitude laissée à l'interprétation du banquier, le plaçant dans une position de supériorité par rapport à son client ;

Il ne peut être exigé que la tarification soit intégrée dans le document lui-même, dès lors qu'elle est appelée à évoluer, l'important étant que le client en soit informé au moment où il ouvre son compte ;

Dans ces conditions, la clause querellée n'apparaît pas abusive ;

[minute page 10]

Clause IV.1 - Cas de clôture :

La clause prévoyant qu'il peut être mis fin à la convention de compte à tout moment, soit à l'initiative du client sans préavis, soit à l'initiative de la Société générale, avec un préavis de 60 jours, sauf comportement fautif, ne peut comporter l'énonciation exhaustive de tous les comportements du client susceptibles d'être qualifiés de fautifs ;

Il s'agit nécessairement de tout comportement en contravention avec l'une des obligations mises à la charge du client par la convention de compte ;

Cette clause ne présente par conséquent pas de caractère abusif ;

Le tribunal n'a pas le pouvoir d'enjoindre à la Société générale de préciser que la clôture du compte est désormais gratuite dès lors que la clause n'est pas abusive mais cette précision sera nécessairement donnée dans le document récapitulant la liste des opérations et la facturation correspondante ;

 

Clause V.2 - Modalités de clôture :

La clause selon laquelle, après clôture du compte courant, la Société générale pourra compenser toute créance qu'elle détient sur le client avec sa dette en restitution du solde créditeur du compte courant ne précise pas que la créance invoquée par la banque est une créance certaine liquide et exigible ;

La formulation employée par la banque est de nature à laisser penser à son client qu'elle serait en droit de compenser une créance même non exigible qu'elle détiendrait sur son client avec sa dette de restitution du solde créditeur du compte courant, ce qui ne correspond pas aux conditions exigées par la loi pour la compensation et est de nature à créer un déséquilibre significatif entre le banquier et son client ;

Cette clause présente ainsi un caractère abusif ;

 

Clause VI.3.a - Modifications des conditions des opérations :

La clause litigieuse prévoit que la convention peut évoluer et nécessiter certaines modifications substantielles. Dans ce cas et, sauf conditions particulières prévues pour certains services, la Société générale avertira périodiquement les titulaires des comptes des modifications apportées à la convention par lettre circulaire ou par tout autre document d'information. Chaque titulaire disposera d'un délai d'un mois à compter de cette notification pour refuser celle-ci et dénoncer la convention par lettre recommandée adressée à l'agence concernée ou par lettre signée remise à son guichet. En l'absence de dénonciation par le titulaire dans le délai susvisé, la modification sera considérée à son égard comme définitivement approuvée à l'issue de ce délai ;

Le point K de l'annexe à l'article L. 132-1 du code de la consommation n'interdit que la modification unilatérale sans raison valable des caractéristiques du produit à livrer ou du service à fournir, ce qui n'est pas nécessairement le cas des modifications visées par l'article litigieux ;

La même annexe valide les clauses selon lesquelles le professionnel se réserve de modifier unilatéralement les conditions d'un contrat de durée indéterminée pourvu que soit mis à sa charge le devoir d'informer le consommateur avec un préavis raisonnable et que celui-ci soit libre de résilier le contrat ;

[minute page 11] Eu égard au coût qu'entraînerait l'envoi à chaque client d'une lettre recommandée avec demande d'accusé de réception, l'envoi d'une lettre circulaire est admissible ;

Toutefois, le délai d'un mois laissé au client pour résilier la convention apparaît nettement insuffisant et n'est pas conforme avec les délais applicables en cas de modification tarifaire : trois mois de prévenance avant la date d'application du changement projeté, délai de deux mois pour refuser cette modification ;

La clause litigieuse apparaît dans sa rédaction actuelle créer un déséquilibre significatif entre le banquier et son client, de sorte qu'elle doit être déclarée abusive ;

 

Les autres demandes de l'association CLCV :

Les clauses déclarées abusives du contrat type de la Société générale sont réputées non écrites ; elles sont par conséquent inopposables aux clients de la banque qui en seront avisées dans les trois mois de la signification de ce jugement par le communiqué suivant qui devra être joint aux relevés de comptes des clients, en lettres écrites avec la police Time New Roman-taille 12, en noir sur fond blanc avec le texte suivant, le titre étant écrit en caractères gras :

« Communiqué judiciaire

Par décision en date du 8 novembre 2005, le tribunal de grande instance de Paris, à la requête de l'association CLCV, a déclaré abusives les clauses suivantes contenues dans la convention de compte courant Société générale :

- la clause III.1 - Moyens de paiement liés au compte courant-chéquiers -, en ce qu'elle subordonne la délivrance d'un chéquier à l'agrément de la banque sans préciser que sa décision doit être motivée et en ce qu'elle ne précise pas les modalités de retrait du chéquier,

- la clause III.1 - Moyens de paiement liés au compte courant-opposition au paiement d'un chèque,

- la clause III.1 - Moyens de paiement liés au compte courant-cartes bancaires,

- les clauses III.5 - Provision du compte courant et III.7 - Relevés de compte, dans leur version originale, où il était indiqué que, passé le délai de trois mois, aucune contestation ne pouvait plus être reçue,

- la clause V.2 - Modalités de clôture, en ce qu'elle prévoit que, après clôture du compte courant, la Société générale pourra compenser toute créance qu'elle détient sur le client avec sa dette en restitution du solde créditeur du compte courant,

- la clause VI.3.a - Modifications des conditions des opérations, en ce qu'elle prévoit que chaque titulaire disposera d'un délai d'un mois à compter de la notification d'une modification des conditions des opérations pour refuser celle-ci et dénoncer la convention par lettre recommandée adressée à l'agence concernée ou par lettre signée remise à son guichet ». ;

[minute page 12] Les clauses jugées abusives devront être supprimées des contrats d'ouverture de compte courant qui seront signés trois mois après la signification de ce jugement ;

L'association CLCV, agréée pour la défense des consommateurs, est recevable à demander devant les juridictions civiles la réparation, notamment par l'octroi de dommages et intérêts, de tout préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif des consommateurs ;

Il n'est pas nécessaire de décerner une astreinte à ce stade de la procédure ;

Il convient de condamner la Société générale à lui verser la somme de 10.000 euros en réparation dudit préjudice ;

L'association CLCV doit être déboutée du surplus de ses prétentions,

La Société générale doit être condamnée à verser la somme de 3.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

L'exécution provisoire de ce jugement n'est pas opportune ;

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                                                            (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS,

Le Tribunal,

Statuant publiquement, contradictoirement et en premier ressort,

- déclare abusives les clauses suivantes contenues dans la convention de compte courant Société générale :

- la clause III.1 - Moyens de paiement liés au compte courant-chéquiers -, en ce qu'elle subordonne la délivrance d'un chéquier à l'agrément de la banque sans préciser que sa décision doit être motivée et en ce qu'elle ne précise pas les modalités de retrait du chéquier,

- la clause III.1 - Moyens de paiement liés au compte courant-opposition au paiement d'un chèque,

- la clause III.1 - Moyens de paiement liés au compte courant-cartes bancaires,

- les clauses III.5 - Provision du compte courant et III.7 - Relevés de compte, dans leur version originale, où il était indiqué que, passé le délai de trois mois, aucune contestation ne pouvait plus être reçue,

- la clause V.2 - Modalités de clôture, en ce qu'elle prévoit que, après clôture du compte courant, la Société générale pourra compenser toute créance qu'elle détient sur le client avec sa dette en restitution du solde créditeur du compte courant,

- la clause VI.3.a - Modifications des conditions des opérations, en ce qu'elle prévoit que chaque titulaire disposera d'un délai d'un mois à compter de la notification d'une modification des conditions des opérations pour refuser celle-ci et dénoncer la convention par lettre recommandée adressée à l'agence concernée ou par lettre signée remise à son guichet,

- [minute page 13] dit que les clauses précitées sont réputées non écrites et les déclare inopposables aux clients de la banque qui en seront avisées par le communiqué suivant qui devra être joint aux relevés de comptes des clients, en lettres écrites avec la police Time New Roman-taille 12, en noir sur fond blanc avec le texte suivant, le titre étant écrit en caractères gras, dans les trois mois de la signification de ce jugement :

« Communiqué judiciaire

Par décision en date du 8 novembre 2005, le tribunal de grande instance de Paris, à la requête de l'association CLCV, a déclaré abusives les clauses suivantes contenues dans la convention de compte courant Société générale :

- la clause III.1 - Moyens de paiement liés au compte courant-chéquiers -, en ce qu'elle subordonne la délivrance d'un chéquier à l'agrément de la banque sans préciser que sa décision doit être motivée et en ce qu'elle ne précise pas les modalités de retrait du chéquier,

- la clause III.1 - Moyens de paiement liés au compte courant-opposition au paiement d'un chèque,

- la clause III.1 - Moyens de paiement liés au compte courant-cartes bancaires,

- les clauses III.5 - Provision du compte courant et III.7 - Relevés de compte, dans leur version originale, où il était indiqué que, passé le délai de trois mois, aucune contestation ne pouvait plus être reçue,

- la clause V.2 - Modalités de clôture, en ce qu'elle prévoit que, après clôture du compte courant, la Société générale pourra compenser toute créance qu'elle détient sur le client avec sa dette en restitution du solde créditeur du compte courant,

- la clause VI.3.a - Modifications des conditions des opérations, en ce qu'elle prévoit que chaque titulaire disposera d'un délai d'un mois à compter de la notification d'une modification des conditions des opérations pour refuser celle-ci et dénoncer la convention par lettre recommandée adressée à l'agence concernée ou par lettre signée remise à son guichet. »

- dit que ces clauses devront être supprimées des contrats d'ouverture de compte courant qui seront signés trois mois après la signification de ce jugement,

- déclare l'association CLCV recevable dans sa demande de dommages et intérêts,

- condamne la Société générale à lui verser la somme de 10.000 euros en réparation du préjudice occasionné aux consommateurs,

- la condamne à lui verser la somme de 3.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,

- [minute page 14] déboute l'association CLCV du surplus de ses prétentions,

- condamne la Société générale aux dépens.

Le présent jugement a été signé par Christian HOURS, Président, et par Marie-Françoise LEPREY, Greffier, présent lors du prononcé.

Fait et jugé à Paris le 9 novembre 2005.

Le Greffier                                                    Le Président

 

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