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TGI ALBERTVILLE (ch. civ.), 3 février 1998

Nature : Décision
Titre : TGI ALBERTVILLE (ch. civ.), 3 février 1998
Pays : France
Juridiction : Albertville (TGI)
Demande : 95/1276
Décision : 053/98
Date : 3/02/1998
Nature de la décision : Admission
Date de la demande : 7/07/1995
Décision antérieure : TGI ALBERTVILLE (ch. civ.), 17 janvier 1997
Numéro de la décision : 53
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CERCLAB/CRDP - DOCUMENT N° 319

TGI ALBERTVILLE (ch. civ.), 3 février 1998 : RG n° 95/1276 ; jugement n° 053/98

 

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE D’ALBERTVILLE

CHAMBRE CIVILE

JUGEMENT DU 3 FÉVRIER 1998

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION                                      (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 95/1276. Jugement n° 053/98. Chambre : CIVILE. JUGEMENT CIVIL Nature : contradictoire.

 

DEMANDEUR(S) :

UFC QUE CHOISIR (UNION FEDERALE DES CONSOMMATEURS)

Présidente : Mme N., [adresse] Maître CAMUS & Maîtres BIHL et ANTONINI (Paris)

 

DEFENDEUR(S) :

SOCIETE AGENCES DESCAMPS

P.D.G.: M. D., [adresse] Maître AGUETTAZ & Maître Joyce KTORZA (Paris)

 

COMPOSITION DU TRIBUNAL : Lors du délibéré, statuant publiquement, en premier ressort :

Président : Jean-Pierre BEROUD, Vice-Président.

Assesseurs : Jean-Pierre DELAVENAY, Juge ; Sylvain SCHWINDENHAMMER, Juge.

Greffier : Sophie MARIN-LAMELLET (f.f.). [N.B. = faisant fonction]

 

DÉBAT : A l'audience publique du 06/01/98, Jean-Pierre BEROUD, Vice-Président, a entendu, seul, les parties après avoir constaté leur non opposition de ce chef (Art. 786 du NCPC). Il en a ensuite rendu compte au Tribunal pendant son délibéré.

Délibéré annoncé au : 03/02/98

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                                                         (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

[minute originale page 1, en fait page 2] FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS :

Par acte signifié le 7/7/95, L'UNION FEDERALE DES CONSOMMATEURS - UFC QUE CHOISIR a assigné la SA AGENCE DESCAMPS aux fins de voir déclarer abusives certaines clauses des contrats de location saisonnière proposés par la SA AGENCE DESCAMPS et de la voir condamner, avec exécution provisoire, à lui payer les sommes de 30.000 Francs de dommages et intérêts pour le préjudice collectif subi et de 20.000 Francs sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Elle a également demandé par conclusions postérieures la suppression, avec exécution provisoire, des clauses abusives sous astreinte.

La SA AGENCE DESCAMPS a opposé que l'action était irrecevable, l'article L. 421-6 du Code de la Consommation n'étant applicable qu'entre consommateurs et professionnels alors qu'elle n'interviendrait qu'en tant que mandataire de propriétaires non professionnels.

 

Par jugement du 17/1/97 auquel il est renvoyé pour plus ample exposé, le Tribunal de céans a déclaré l'action recevable et renvoyé les parties à conclure sur le fond.

 

La SA AGENCE DESCAMPS a conclu au rejet des demandes et sollicité une somme de 20. 000 Francs pour procédure abusive et une somme de 20.000 Francs HT sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, en se prévalant de ce que :

- elle n'a commis aucune faute en mettant ses contrats en conformité avec les recommandations, au demeurant non créatrices d'obligation légale, de la Commission des Clauses Abusives, et ce, dès la saison automne-hiver 1995-1996, ce qui est raisonnable compte tenu des contraintes de consultation, élaboration et diffusion ;

- L'UNION FEDERALE DES CONSOMMATEURS - UFC QUE CHOISIR a interrogé les agences dès l'hiver 1994 alors que la recommandation du 1/7/94 de la Commission des Clauses Abusives n'a été publiée que le 27/10/94 avec un rectificatif le 9/12/94 et qu'ainsi les professionnels ne pouvaient matériellement mettre en conformité les contrats déjà établis pour la saison 1994-1995, a introduit systématiquement des procès, d'ailleurs jamais dirigés contre les grands opérateurs français, sans aucune demande amiable de modification, sans donner aucune suite aux interventions des agences auprès d'elle et alors qu'aucun litige n'était élevé par les consommateurs ;

- les contrats proposés sont lisibles et rédigés en termes accessibles ;

- aucun texte applicable à l'espèce ne confère à L'UNION FEDERALE DES CONSOMMATEURS - UFC QUE CHOISIR d'autre droit que de solliciter la suppression des clauses abusives sous astreinte si bien que la demande en dommages et intérêts est irrecevable tandis qu'en toute hypothèse, aucun préjudice direct ou indirect n'a été subi ni aucune faute commise.

 

L'UNION FEDERALE DES CONSOMMATEURS - UFC QUE CHOISIR a opposé que :

- la SA AGENCE DESCAMPS, qui fait bien partie d'un grand groupe de franchisés, était pleinement informé par la publication diffusée par son propre franchiseur en novembre-décembre 1994 de la Recommandation de la Commission des Clauses Abusives, a clairement notifié à L'UNION FEDERALE DES CONSOMMATEURS - UFC QUE CHOISIR dans un courrier du 23/6/95, après deux mois de silence aux sollicitations initiales, qu'elle n'entendait pas [minute originale page 2, en fait page 3] poursuivre la discussion ni prendre aucun engagement de mise en conformité si bien que l'action a bien été introduite à bon droit ;

- la mise en conformité intervenue en cours de procédure n'est que partielle et laisse subsister des clauses abusives contraires aux recommandations de la Commission des Clauses Abusives pour lesquelles les demandes initiales sont maintenues en ce que la clause 10 ne prévoit qu'un délai de 24 heures pour signaler les anomalies et exige une dénonciation immédiate de l'état de propreté alors que la Commission des Clauses Abusives préconise un délai de 3 jours, et que la clause 11 maintient l'obligation inacceptable dans des locations de courte durée de laisser visiter les lieux ;

- le préjudice collectif causé par la présence de clauses abusives justifie pleinement la demande en dommages et intérêts.

 

A cette argumentation, L'UNION FEDERALE DES CONSOMMATEURS - UFC QUE CHOISIR [N.B. : lire sans doute la SA DESCAMPS] a répliqué que :

- la clause 10 n'est en rien essentielle dans l'économie du contrat, le délai de dénonciation des anomalies est de 48 heures et non de 24 heures et est justifié par le fait que de nombreuses locations sont faites pour une fin de semaine et qu'une dénonciation postérieure au départ des occupants ne permettrait plus aucune diligence, tandis que l'exigence de dénonciation immédiate de l'état de propreté se justifie par le même principe de réalité, les occupants ne pouvant être légitimés à réclamer un nettoyage plusieurs jours après leur arrivée ;

- la visite des lieux en vue d'une location ou d'une vente est une nécessité, est précédée d'un avertissement de l'occupant et n'est même en rien proscrite par la Commission des Clauses Abusives.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                                                 (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS :

Sur la demande de suppression des clauses abusives :

Attendu qu'est abusive au sens de l'article L. 132-1 du Code de la Consommation toute clause ayant pour objet ou effet de créer au détriment du non-professionnel un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties ;

qu'est notamment visée en annexe 1 b de ce texte la clause ayant pour objet ou effet d'exclure ou limiter de façon inappropriée les droits légaux du consommateur vis à vis du professionnel en cas d'inexécution ou d'exécution défectueuse par le professionnel d'une quelconque des obligations contractuelles ;

Attendu que la fixation d'un délai imposé au cocontractant pour faire valoir ses droits à la délivrance des lieux loués dans l'état convenu permet d'écarter les réclamations effectuées postérieurement sans examen ni discussion de leur bien fondé, ce qui est bien le cas en l'espèce, l'article 10 des nouveaux contrats disposant que passé le délai, « les biens loués seront considérés comme exempts de dommage à l'entrée du locataire » ;

que dès lors, le caractère approprié du délai laissé au contractant est essentiel à l'exercice effectif de ses droits contractuels ;

que la recevabilité de leur exercice ne préjuge en rien de leur bien fondé et ne déroge pas aux règles sur la charge de la preuve, si bien qu'aucune restriction du délai de réclamation ne saurait être légitimée [minute originale page 3, en fait page 4] seulement par un quelconque principe de réalité, qui s'imposera en toute hypothèse au réclamant trop tardif sur le plan de la charge de la preuve ;

que la dénonciation immédiate de l'état de propreté prévue par l'article 10 litigieux, outre qu'elle peut être impossible compte tenu de l'heure d'arrivée tardive le premier jour des occupants saisonniers, ne trouve ainsi aucune justification et ne constitue pas même un délai quantifiable si bien que la clause prévoyant pareille obligation à peine d'irrecevabilité de la réclamation est manifestement abusive ;

que le délai de 48 heures laissé pour signaler les autres anomalies dans l'inventaire et l'état des lieux, alors que la Recommandation du 1/7/94 préconise un délai minimal de trois jours, apparaît également inappropriée compte tenu de ce que certaines anomalies peuvent ne se révéler qu'après usage continu et de ce que les arrivants, emménageant tardivement le premier jour, ne disposent ainsi de fait que du jour suivant pour constater et dénoncer d'éventuelles anomalies, si bien qu'il y a lieu de déclarer pareillement cette stipulation abusive ;

Attendu que le bailleur a l'obligation de permettre la jouissance paisible des lieux sans trouble ni éviction ;

que le fait d'imposer à l'occupant des visites de tiers pour des séjours de courte durée, durant lesquels le locataire dispose déjà de peu de temps de jouissance et en-dehors desquels le bailleur peut parfaitement aménager ces visites, notamment entre deux locations, constitue un trouble injustifié, si bien que la clause est abusive ;

Attendu qu'ainsi les demandes en suppression sous astreinte de ces stipulations abusives maintenues dans les nouveaux contrats doivent être accueillies ;

 

- Sur les demandes en dommages et intérêts

Attendu que le maintien de clauses abusives dans les nouveaux contrats démontre que l'action judiciaire intentée, loin de constituer un procès abusif, était bien nécessitée par la résistance de la SA AGENCE DESCAMPS à intégrer les principes de la loi de 1978 y compris après la réforme de 1995 ;

qu'il y a donc lieu de rejeter la demande en dommages et intérêts de la SA AGENCE DESCAMPS ;

Attendu que L'UNION FEDERALE DES CONSOMMATEURS - UFC QUE CHOISIR, habilitée en droit commun à solliciter réparation de l'atteinte aux intérêts collectifs qu'elle représente, est parfaitement recevable à demander des dommages et intérêts compensant le préjudice collectif subi à raison de stipulations abusives au détriment des consommateurs sans que les article L 421-2 et suivants, propres à ce type de préjudice et lui permettant de solliciter en outre des astreintes ou de représenter des particuliers, puissent être invoqués pour restreindre son droit premier général ;

que le caractère abusif des clauses initiales, permettant à l'agence d'effectuer un état des lieux de sortie unilatéral, enfermant la dénonciation des anomalies dans un délai de 24 heures, exonérant l'agence de toute responsabilité dans le retard apporté aux travaux rendus nécessaires pour rétablir les services dus et privant l'occupant de tout droit à indemnisation en cas de réparation incombant au propriétaire, est manifeste eu égard aux recommandations élémentaires de la Commission des Clauses Abusives fondées sur les textes en vigueur depuis le 10/1/78 que la SA AGENCE DESCAMPS ne pouvait ignorer, et a d'ailleurs implicitement été reconnu par la SA AGENCE [minute originale page 4, en fait page 5] DESCAMPS qui a procédé à des modifications ultérieures pour mettre in fine ses contrats en conformité partielle ;

qu'il a été maintenu des stipulations abusives ;

que L'UNION FEDERALE DES CONSOMMATEURS - UFC QUE CHOISIR est donc bien fondée à obtenir une somme de 15.000 Francs compensant le préjudice collectif subi à raison des stipulations abusives initiales et maintenues ;

 

- Sur l'exécution provisoire

Attendu que l'exécution provisoire est nécessaire pour assurer l'exécution effective de la suppression sous astreinte ;

qu'elle est compatible avec la nature de l'affaire ;

qu'il y a lieu de l'ordonner, à l'exclusion du chef de la demande indemnitaire symbolique pour laquelle il n'apparaît pas nécessaire de déroger au droit commun ;

 

- Sur l'application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile

Attendu qu'il n'apparaît pas manifestement inéquitable de condamner la défenderesse qui succombe à payer à la demanderesse une somme de 6.000 Francs au titre des frais irrépétibles qu'elle a été contrainte d'exposer pour obtenir gain de cause, en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                                                            (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS

Vu le jugement du Tribunal de céans du 17/1/97 ayant déclaré recevable l'action formée par L'UNION FEDERALE DES CONSOMMATEURS - UFC QUE CHOISIR et ayant renvoyé les parties à conclure sur le fond ;

DECLARE abusives les stipulations figurant aux clauses 10 et 11 des contrats actuellement proposés par la SA AGENCE DESCAMPS ainsi libellées :

- « il dispose de 48 heures pour signaler à l'agence les anomalies constatées, à l'exception de l'état de propreté qui devra être signale immédiatement à l'agence » ;

- « pendant la durée de la location l'agence pourra éventuellement faire visiter les lieux après avoir prévenu l'occupant au préalable » ;

ORDONNE la suppression de ces stipulations dans les contrats proposés par la SA AGENCE DESCAMPS aux consommateurs ou non professionnels dans le délai d'un mois suivant la signification du présent jugement, sous astreinte provisoire de 500 Francs par infraction constatée passé ce délai ;

[minute originale page 5, en fait page 6] CONDAMNE la SA AGENCE DESCAMPS à payer à L'UNION FEDERALE DES CONSOMMATEURS - UFC QUE CHOISIR une somme de 15.000 Francs à titre de dommages et intérêts pour le préjudice collectif subi à raison des clauses abusives initiales et maintenues ;

REJETTE les demandes reconventionnelles de la SA AGENCE DESCAMPS ;

ORDONNE l'exécution provisoire du seul chef de la suppression sous astreinte des clauses abusives ;

CONDAMNE la SA AGENCE DESCAMPS à payer à L'UNION FEDERALE DES CONSOMMATEURS - UFC QUE CHOISIR une somme de 6.000 Francs en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

CONDAMNE la SA AGENCE DESCAMPS aux dépens.

Et Monsieur le Président a signé le présent jugement avec le Greffier.

 

 

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