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TI TOULON, 6 octobre 2005

Nature : Décision
Titre : TI TOULON, 6 octobre 2005
Pays : France
Juridiction : Toulon (TI)
Demande : 11-03-001759
Date : 6/10/2005
Nature de la décision : Admission
Mode de publication : Site Com. cl. abusives (CCA)
Date de la demande : 10/06/2003
Décision antérieure : CA AIX-EN-PROVENCE (11e ch. A), 25 juin 2008
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CERCLAB - DOCUMENT N° 4108

TI TOULON, 6 octobre 2005 : RG n° 03-11-001759

Publication : Site CCA

 

Extraits : 1/ « ATTENDU QU’il est établi que l'existence d'une recommandation de la commission des clauses abusives, ne dispense pas le consommateur de démontrer le caractère abusif des clauses qu'il dénonce ; QU’en revanche - sauf à considérer les recommandations de cette autorité sans aucune portée juridique - il est constant que le juge peut se référer aux avis et recommandations en cas de contentieux portant sur le caractère abusif d'une ou plusieurs clauses d'un contrat ».

2/ « Sur les clauses abusives : V. les motifs du jugement ».

3/ « ATTENDU Qu'il résulte de ce qui précède que les clauses articles 2.1, 3.5, 6, 9.2, 12.1 20.4 et 21.3 du contrat sont abusives et non écrites ; QUE compte tenu du nombre et de l'importance des clauses annulées, le contrat de télésurveillance est vidé de son objet ; Qu'il ne peut subsister sans lesdites clauses, principalement celle relative la responsabilité de la société de télésurveillance ; QUE les demandeurs sont par conséquents fondés à réclamer l'annulation du contrat et la restitution des sommes versées en exécution du contrat… ».

 

TRIBUNAL D’INSTANCE DE TOULON

JUGEMENT DU 6 OCTOBRE 2006

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 11-03-001759.

 

DEMANDEURS :

Monsieur X.

Madame X. née Y.

[adresse], représente(e) par Maître NALBONE, avocat au barreau de TOULON

 

DÉFENDEUR :

Société A.

[adresse], représente(e) par Maître LEFEBVRE, avocat au barreau de LYON, substitué par Maître MINO Gérard, avocat au barreau de TOULON

 

COMPOSITION DU TRIBUNAL :

Président : Monsieur LATGE

Greffier : Madame GENSUL Joséphine

JUGEMENT : réputé contradictoire, prononcé le 6 octobre 2005.

DÉBATS : Plaidoirie du 6 juin 2005

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

[minute page 2] Suivant exploit d'huissier en date du 10 juin 2003, Monsieur et Madame X. ont assigné la SA A., devant le Tribunal d'Instance de Toulon aux fins de faire juger abusives les clauses insérées aux conditions générales du contrat souscrit auprès de cette société en date du 30 août 2001.

Les demandeurs sollicitent ainsi la nullité du contrat et réclament le paiement de la somme de 4.634,81 € au titre de l'intégralité des sommes perçues en exécution de ce contrat.

Au soutien de leur demandes, les époux X. font valoir le fait que plusieurs des clauses insérées dans la convention ont été considérées par la commission des clauses abusives comme illicites et créant un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.

À titre subsidiaire, les demandeurs invoquent l'erreur qu'ils auraient commise à l'occasion de la conclusion du contrat de télésurveillance, et demandent ainsi son annulation.

Enfin ils réclament l'exécution provisoire de la décision ainsi que la somme de 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du NCPC.

En défense, la société A. conclut au débouté de l'ensemble des prétentions émises à son encontre au motif que les demandeurs ne démontreraient pas le caractère abusif de chaque clause dénoncée.

La défenderesse énonce à cet égard que nonobstant les recommandations émises par la commission des clauses abusives, les époux X. ne rapportent pas la preuve du caractère abusif et ne démontrent pas davantage l'existence d'un vice du consentement au sens de l'article 1109 du Code Civil ;

La société A. sollicite reconventionnellement la somme de 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du NCPC. Outre les entiers dépens.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                   (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS DE LA DÉCISION :

ATTENDU QUE par contrat du 30 août 2001, les époux X. ont conclu la société A. un contrat d'abonnement de télésurveillance avec option de location et de prestations sécuritaires ;

QUE le 31 juillet 2002, alors qu'ils se trouvaient en vacances à 150 kilomètres de leur domicile, les époux X. ont été alertés par le central de télésurveillance du déclenchement du système d'alarme de leur domicile ;

QU’à leur retour, ils devaient constater qu'ils avaient été victimes de vol avec effraction ;

[minute page 3] ATTENDU Qu'il convient, à titre liminaire, de constater que les demandeurs ne sollicitent pas la résiliation de leur contrat d'abonnement pour inexécution par la société A. de ses obligations contractuelles ;

QUE les discussions des parties sur ce point apparaissent ainsi inopérantes et sans incidence sur la résolution du présent litige dès lors que les époux X. se bornent à solliciter la nullité de la convention au motif :

- d'une part, que certaines clauses seraient abusives ;

- d'autre part que le contrat serait nul pour vice de consentement ;

 

1) Sur le caractère abusif des stipulations du contrat :

ATTENDU QUE l'article L. 132-1 Code de la Consommation dispose que dans les contrats conclus entre professionnels et non professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou effet de créer, au détriment du non professionnel ou du consommateur un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat ;

QUE les clauses abusives sont réputées non écrites ;

ATTENDU QU’il est établi que l'existence d'une recommandation de la commission des clauses abusives, ne dispense pas le consommateur de démontrer le caractère abusif des clauses qu'il dénonce ;

QU’en revanche - sauf à considérer les recommandations de cette autorité sans aucune portée juridique - il est constant que le juge peut se référer aux avis et recommandations en cas de contentieux portant sur le caractère abusif d'une ou plusieurs clauses d'un contrat ;

QU'en l'occurrence, la commission a été amenée à formuler des recommandations relatives aux contrats concernant la télésurveillance dans une recommandation n° 97/01 ;

QUE les demandeurs invoquent dans leurs écritures le caractère abusif des articles 2.1, 3.5, 6, 9.1, 9.2, 10.4, 12.1, 17.1, 20.4, 21.3 et 22 du contrat litigieux ;

QUE s'agissant des clauses 3.5, 6, 9.1, 17.1 et 21.3, la société défenderesse ne saurait valablement soutenir n'y avoir lieu à statuer sur leur caractère abusif, alors que les demandeurs invoquent clairement dans leurs écritures leur caractère abusif, notamment au regard des obligations de la société A.

 

- Sur l'article 2.1 du contrat :

ATTENDU QUE l'article 2.1 stipule : « en contrepartie du paiement par le client des loyers, frais et dépôt de garantie prévus aux conditions particulières, C. s'engage à assurer, ou à faire assurer par tout prestataire qu'elle pourra se substituer, la télésurveillance des lieux désignés par le client (...) » ;

[minute page 4] QUE les demandeurs soutiennent justement qu'une telle clause crée un déséquilibre, dans la mesure où elle porte atteinte au principe du libre choix de son cocontractant par le client, sans lui conférer aucune contrepartie ;

QUE la substitution est bien imposée à l'abonné ;

QUE cette stipulation a été considérée comme abusive par la commission ;

QU’en effet, une telle clause ne subordonnant pas le changement à l'agrément du consommateur, et ne lui permettant pas à cette occasion de mettre fin au contrat sans indemnité, doit être considérée comme abusive, et donc non écrite ;

 

- Sur l'article 9.2 du contrat :

ATTENDU QUE l'article 9.2 stipule : « le paiement de cette mensualité sera effectué par prélèvements sur un compte bancaire ou postal du client : intervenant selon une périodicité mensuelle avec échéance le 5, le 15 ou bien le 25 de chaque mois, la date d'échéance étant déterminée par C. » ;

QUE le contrat prévoit exclusivement ce mode de paiement ;

QU’ainsi que l'a relevé la commission des clauses abusives ce mode de paiement imposé est susceptible de nuire aux intérêts du conformateur en ce qu'il réduit fortement ses possibilités de recours contre le « télésurveilleur » en cas de contestation sur le prix ;

QUE les demandeurs font valoir à juste titre que le recours au virement automatique est plus contraignant et impose à l'abonné de respecter un délai suffisant pour permettre à un mandat de s'exécuter et d'interrompre les prélèvements ;

QU’il convient en conséquence de déclarer cette clause abusive et non écrite ;

 

- Sur l'article 10.2 du contrat :

ATTENDU QUE l'article 10.2 stipule : « sans préjudice de la résiliation du présent contrat, tout terme impayé entraînera le versement d'une indemnité forfaitaire de 8 % du terme impayé » ;

QUE les demandeurs considèrent la clause abusive car ne prévoyant pas de clause pénale dans l’hypothèse du non respect par la société de télésurveillance de l'une de ses obligations prévues au contrat ;

MAIS ATTENDU qu'il n'est pas possible d'appliquer la réciproque dans la mesure où seul le client est tenu de verser des loyers en contrepartie de la prestation de service par la société de télésurveillance ;

QU’une telle clause - au demeurant présente dans de nombreux types de convention - ne prive pas le client de soumettre l'application de la clause pénale à l'appréciation des juges du fond sur le fondement de l'article 1152 du Code Civil ;

[minute page 5] QUE cette clause n'implique donc aucun déséquilibre significatif au détriment du consommateur ;

 

- Sur l'article 12.1 du contrat :

ATTENDU QUE l'article 12.1 stipule : « le présent contrat est conclu pour une durée de 48 mois irrévocable et indivisible » ;

ATTENDU QU’en envisageant aucune possibilité de rupture anticipée par le consommateur, cette stipulation lui est particulièrement défavorable, non seulement parce qu'elle lui laisse croire que, même de manière justifiée, il ne peut mettre fin au contrat avant terme, mais encore, spécialement quand elle prévoir des durées de plusieurs années, parce qu'elle l'empêche de recourir aux services d'un autre professionnel plus compétitif ;

QUE mise en relation avec l'article 22 du contrat qui prévoit uniquement la faculté de résiliation à l'initiative de la société de télésurveillance, la clause critiquée apparaît comme manifestement abusive ;

QU’elle sera par conséquent considérée non écrite ;

 

- Sur les articles 20.4 et 21.3 du contrat :

ATTENDU QUE l'article 20.4 met à la charge du client les conséquences de la perte de matériel en cas de sinistre total, en offrant au consommateur l'option entre le remplacement à ses frais, et la résiliation du contrat moyennant le paiement de l'intégralité des loyers restant à courir ;

QUE les deux termes de cette option sont également abusifs puisque dans les deux cas le consommateur, même non responsable du sinistre, est tenu d'acquitter le prix des prestations qui ne lui sont pas fournies ;

QUE cette clause est par conséquent abusive ;

ATTENDU QUE l'article 21.3 prévoit qu'en cas de résiliation du contrat de location, les frais et risques de restitution du matériel sont à la charge exclusive du client ;

QUE cette clause est abusive lorsque la résiliation trouve son origine dans des causes imputables au professionnel ;

 

- Sur l'article 3.5 du contrat :

ATTENDU QUE la stipulation par laquelle la garantie de réparation gratuite des matériels est exclue dans le cas de toute détérioration provenant de la force majeure, est abusive en ce qu'elle ne limite pas la responsabilité du locataire aux conséquences de ses seules fautes ou négligences ;

QU'elle sera par conséquent considérée non écrite :

[minute page 6]

- sur l'article 6 du contrat :

ATTENDU QU'il convient, de constater que l'article 6 dénommé « délimitation de responsabilité de C. » :

- d'une part stipule que le télésurveilleur n'assume qu'une obligation de moyen,

- d'autre part, énonce de nombreuses causes d'exclusion de sa responsabilité, notamment en cas de détérioration des matériels provenant d'accidents « de toutes sortes », variations du courant électrique, interférences et brouillages de toutes sortes, etc.

ATTENDU QU'il est de l'essence même de la mission du télésurveilleur de veiller à la bonne transmission et réception des messages en provenance des locaux protégés et d'assurer la retransmission des informations ;

QUE de telles obligations sont des obligations de résultat auxquelles le professionnel ne peut se soustraire que par la force étrangère ;

QUE force est de constater - ainsi que l'indiquent les demandeurs - que les causes d'exclusion sont si nombreuses que l'obligation contractuelle du télésurveilleur se trouve pratiquement vidée de son contenu ;

QUE cette stipulation, par ailleurs déterminante de l'engagement au client, sera déclarée abusive et non écrite ;

 

ATTENDU Qu'il résulte de ce qui précède que les clauses articles 2.1, 3.5, 6, 9.2, […], 12.1 20.4 et 21.3 du contrat sont abusives et non écrites ;

QUE compte tenu du nombre et de l'importance des clauses annulées, le contrat de télésurveillance est vidé de son objet ;

Qu'il ne peut subsister sans lesdites clauses, principalement celle relative la responsabilité de la société de télésurveillance ;

QUE les demandeurs sont par conséquents fondés à réclamer l'annulation du contrat et la restitution des sommes versées en exécution du contrat, soit la somme de 4.634,81 Euros prélevée au 30 avril 2004,

 

2) Sur les demandes accessoires :

ATTENDU QUE l'exécution provisoire est compatible avec les faits de l'espèce et apparaît nécessaire ;

ATTENDU QU'il n'est pas inéquitable de faire application des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile au profit des époux X.

QUE la société A., qui succombe, supportera les entiers dépens de l'instance :

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

[minute page 7] PAR CES MOTIFS :

Le Tribunal, statuant publiquement, contradictoirement et en premier ressort ;

VU les recommandations n° 97-01 la commission des clauses abusives ;

VU le contrat de télésurveillance en date du 30 août 2001 ;

DÉCLARE les clauses 2.1, 3.5, 6, 9.1, 9.2, 12.1, 20.4 et 21.3 du contrat du 30 août 2001 abusives et non écrites

CONSTATE que le contrat du 30 août 2001 ne peut subsister en l'absence de ces clauses ;

EN CONSÉQUENCE,

PRONONCE l'annulation du contrat conclu le 30 août 2001 entre les époux X. et la SA A.,

CONDAMNE la SA A. à payer à Monsieur X. et Madame X. née Y. la somme de 4.634,81 € au titre des sommes perçues en exécution dudit contrat,

ORDONNE l'exécution provisoire de la décision ;

CONDAMNÉ la SA A. à payer à Monsieur X. et Madame X. née Y. la somme de 500 € sur le fondement de l'article 700 du NCPC ;

CONDAMNE la SA A. aux dépens ;

REJETTE toute les autres demandes

LE GREFFIER                                 LE PRÉSIDENT

Madame GENSUL Joséphine         Monsieur LATGE

 

Est cité par :