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CJUE (1re ch.), 26 avril 2012

Nature : Décision
Titre : CJUE (1re ch.), 26 avril 2012
Pays : UE
Juridiction : Cour de Justice de l'UE (1re ch.)
Demande : C 472/10
Date : 26/04/2012
Nature de la décision : Question préjudicielle (CJUE)
Mode de publication : Site Curia (CJUE)
Date de la demande : 25/08/2010
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CERCLAB - DOCUMENT N° 4411

CJUE (1re ch.), 26 avril 2012 : Affaire C‑472/10

Publication : site Curia

 

Extrait (dispositif) : « 1) Il appartient à la juridiction de renvoi statuant dans la procédure en cessation, initiée dans l’intérêt public, au nom des consommateurs, par un organisme désigné par la législation nationale, d’apprécier, au regard de l’article 3, paragraphes 1 et 3, de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, le caractère abusif d’une clause figurant dans les conditions générales des contrats de consommation par laquelle un professionnel prévoit une modification unilatérale des frais liés au service à fournir, sans pour autant décrire clairement le mode de fixation desdits frais ni spécifier de raison valable de cette modification. Dans le cadre de cette appréciation, ladite juridiction devra vérifier notamment si, à la lumière de toutes les clauses figurant dans les conditions générales des contrats de consommation dont la clause litigieuse fait partie, ainsi que de la législation nationale prévoyant les droits et les obligations qui pourraient s’ajouter à ceux prévus par les conditions générales en cause, les raisons ou le mode de variation des frais liés au service à fournir sont spécifiés d’une manière claire et compréhensible et si, le cas échéant, les consommateurs disposent d’un droit de mettre fin au contrat.

2) L’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13, lu en combinaison avec l’article 7, paragraphes 1 et 2, de cette directive, doit être interprété en ce sens que :

- il ne s’oppose pas à ce que la constatation de nullité d’une clause abusive faisant partie des conditions générales des contrats de consommation dans le cadre d’une action en cessation, visée à l’article 7 de ladite directive, intentée à l’encontre d’un professionnel dans l’intérêt public et au nom des consommateurs, par un organisme désigné par la législation nationale, produise, conformément à ladite législation, des effets à l’égard de tous les consommateurs ayant conclu avec le professionnel concerné un contrat auquel s’appliquent les mêmes conditions générales, y compris à l’égard des consommateurs qui n’étaient pas parties à la procédure en cessation ;

- lorsque le caractère abusif d’une clause des conditions générales des contrats a été reconnu dans le cadre d’une telle procédure, les juridictions nationales sont tenues, également dans le futur, d’en tirer d’office toutes les conséquences qui sont prévues par le droit national, afin que ladite clause ne lie pas les consommateurs ayant conclu avec le professionnel concerné un contrat auquel s’appliquent les mêmes conditions générales. ».

 

COUR DE JUSTICE DE L’UNION EUROPÉENNE

PREMIÈRE CHAMBRE

ARRÊT DU 26 AVRIL 2012

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Dans l’affaire C‑472/10, ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Pest Megyei Bíróság (Hongrie), par décision du 25 août 2010, parvenue à la Cour le 29 septembre 2010, dans la procédure :

Nemzeti Fogyasztóvédelmi Hatóság

contre

Invitel Távközlési Zrt,

 

LA COUR (première chambre) : composée de M. A. Tizzano, président de chambre, MM. M. Safjan (rapporteur), A. Borg Barthet, J.-J. Kasel et Mme M. Berger, juges,

Avocat général : Mme V. Trstenjak,

Greffier : M. A. Calot Escobar,

Considérant les observations présentées :

- pour le gouvernement hongrois, par M. M. Z. Fehér ainsi que par Mmes K. Szíjjártó et Z. Tóth, en qualité d’agents,

- pour le gouvernement espagnol, par M. F. Díez Moreno, en qualité d’agent,

- pour la Commission européenne, par M. G. Rozet et Mme K. Talabér-Ritz, en qualité d’agents,

Ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 6 décembre 2011,

rend le présent :

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Arrêt :

1. La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 3, paragraphes 1 et 3, et 6, paragraphe 1, de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs (JO L 95, p. 29, ci-après la « directive ») ainsi que des points 1, sous j), et 2, sous d), de l’annexe de cette directive.

2. Cette demande a été présentée dans le cadre d’un recours d’intérêt public dirigé par le Nemzeti Fogyasztóvédelmi Hatóság (Office national pour la protection des consommateurs, ci-après le « NFH ») contre Invitel Távközlési Zrt (ci-après « Invitel »), au sujet de l’usage par cette dernière de clauses prétendument abusives dans ses contrats conclus avec des consommateurs.

 

Le cadre juridique :

Le droit de l’Union

3. Le vingtième considérant de la directive énonce :

« considérant que les contrats doivent être rédigés en termes clairs et compréhensibles ; que le consommateur doit avoir effectivement l’occasion de prendre connaissance de toutes les clauses [...] ».

4. Aux termes de l’article 1er de la directive : « [...]

2. Les clauses contractuelles qui reflètent des dispositions législatives ou réglementaires impératives [...] ne sont pas soumises aux dispositions de la présente directive. »

5. L’article 3 de cette directive prévoit :

« 1. Une clause d’un contrat n’ayant pas fait l’objet d’une négociation individuelle est considérée comme abusive lorsque, en dépit de l’exigence de bonne foi, elle crée au détriment du consommateur un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties découlant du contrat.

[...]

3. L’annexe contient une liste indicative et non exhaustive de clauses qui peuvent être déclarées abusives. »

6. En vertu de l’article 4 de la même directive :

« 1. Sans préjudice de l’article 7, le caractère abusif d’une clause contractuelle est apprécié en tenant compte de la nature des biens ou services qui font l’objet du contrat et en se référant, au moment de la conclusion du contrat, à toutes les circonstances qui entourent sa conclusion, de même qu’à toutes les autres clauses du contrat, ou d’un autre contrat dont il dépend.

2. L’appréciation du caractère abusif des clauses ne porte ni sur la définition de l’objet principal du contrat ni sur l’adéquation entre le prix et la rémunération, d’une part, et les services ou les biens à fournir en contrepartie, d’autre part, pour autant que ces clauses soient rédigées de façon claire et compréhensible. »

7. L’article 5 de la directive dispose :

« Dans le cas des contrats dont toutes ou certaines clauses proposées au consommateur sont rédigées par écrit, ces clauses doivent toujours être rédigées de façon claire et compréhensible. [...] »

8. L’article 6 de la directive énonce :

« 1. Les États membres prévoient que les clauses abusives figurant dans un contrat conclu avec un consommateur par un professionnel ne lient pas les consommateurs, dans les conditions fixées par leurs droits nationaux, et que le contrat restera contraignant pour les parties selon les mêmes termes, s’il peut subsister sans les clauses abusives.

[…] »

9. L’article 7 de ladite directive est libellé comme suit :

« 1. Les États membres veillent à ce que, dans l’intérêt des consommateurs ainsi que des concurrents professionnels, des moyens adéquats et efficaces existent afin de faire cesser l’utilisation des clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs par un professionnel.

2. Les moyens visés au paragraphe 1 comprennent des dispositions permettant à des personnes ou à des organisations ayant, selon la législation nationale, un intérêt légitime à protéger les consommateurs de saisir, selon le droit national, les tribunaux ou les organes administratifs compétents afin qu’ils déterminent si des clauses contractuelles, rédigées en vue d’une utilisation généralisée, ont un caractère abusif et appliquent des moyens adéquats et efficaces afin de faire cesser l’utilisation de telles clauses.

3. Dans le respect de la législation nationale, les recours visés au paragraphe 2 peuvent être dirigés, séparément ou conjointement, contre plusieurs professionnels du même secteur économique ou leurs associations qui utilisent ou recommandent l’utilisation des mêmes clauses contractuelles générales, ou de clauses similaires. »

10. Aux termes de l’article 8 de la directive :

« Les États membres peuvent adopter ou maintenir, dans le domaine régi par la présente directive, des dispositions plus strictes, compatibles avec le traité, pour assurer un niveau de protection plus élevé au consommateur. »

11. L’annexe de cette directive énumère les clauses visées à l’article 3, paragraphe 3, de celle-ci :

« 1. Clauses ayant pour objet ou pour effet : [...]

j) d’autoriser le professionnel à modifier unilatéralement les termes du contrat sans raison valable et spécifiée dans le contrat ;

[...]

l) de prévoir que le prix des biens est déterminé au moment de la livraison, ou d’accorder au vendeur de biens ou au fournisseur de services le droit d’augmenter leurs prix, sans que, dans les deux cas, le consommateur n’ait de droit correspondant lui permettant de rompre le contrat au cas où le prix final est trop élevé par rapport au prix convenu lors de la conclusion du contrat ;

[...]

2. Portée des points g), j) et l)

[...]

b) [...]

Le point j) ne fait pas [...] obstacle à des clauses selon lesquelles le professionnel se réserve le droit de modifier unilatéralement les conditions d’un contrat de durée indéterminée pourvu que soit mis à sa charge le devoir d’en informer le consommateur avec un préavis raisonnable et que celui-ci soit libre de résilier le contrat.

[...]

d) Le point l) ne fait pas obstacle aux clauses d’indexation de prix pour autant qu’elles soient licites et que le mode de variation du prix y soit explicitement décrit. »

 

Le droit national

12. L’article 209 du code civil prévoit :

« 1. Une clause contractuelle générale, ou une clause contractuelle non individuellement négociée d’un contrat de consommation, est abusive si, au mépris des exigences de bonne foi et d’équité, elle détermine, unilatéralement et sans justification, les droits et obligations des parties découlant du contrat de façon à désavantager le cocontractant de celui qui impose la clause contractuelle en question.

[...] »

13. Aux termes de l’article 209/A du code civil :

« 1. La partie lésée peut contester les clauses abusives qui figurent dans le contrat en tant que conditions générales contractuelles.

2. Sont nulles les clauses abusives qui figurent dans des contrats de consommation en tant que conditions générales contractuelles ou que le professionnel a rédigé de manière unilatérale, au préalable et sans négociation individuelle. La nullité ne peut être invoquée que dans l’intérêt du consommateur. »

14. L’article 209/B du code civil dispose :

« 1. La déclaration de nullité d’une clause abusive qui figure dans un contrat de consommation en tant que condition générale contractuelle, prévue à l’article 209/A, paragraphe 2, de ce même code, peut également être demandée au juge par un organisme à désigner par un texte spécifique. La déclaration de nullité de la clause abusive réalisée par le juge vaudra à l’égard de toute partie ayant conclu un contrat avec un professionnel utilisant ladite clause.

2. L’organisme à désigner par un texte spécifique peut également demander la déclaration de nullité de toute condition générale contractuelle qui a été rédigée en vue de conclure des contrats avec des consommateurs et qui a été rendue publique, quand bien même elle n’aurait pas encore été utilisée.

3. Si le juge constate, dans le cadre de la procédure visée au paragraphe 2, que la condition générale litigieuse est abusive, il la déclarera nulle en cas d’utilisation (future), avec effet à l’égard de toute partie concluant un contrat avec tout professionnel ayant rendu publique la clause. Toute personne utilisant la clause contractuelle abusive devra satisfaire aux demandes formulées par un consommateur sur le fondement de la décision. En outre, la décision judiciaire doit interdire l’utilisation de la condition générale contractuelle abusive à toute personne l’ayant rendue publique.

[...] »

15. Conformément à l’article 39 de la loi n° CLV de 1997 relative à la protection des consommateurs :

« 1. L’autorité de protection des consommateurs, l’organisme social chargé de la représentation des intérêts des consommateurs, ou le ministère public peut engager, à l’encontre de toute personne dont une activité contraire à la loi concerne un nombre important de consommateurs ou cause un préjudice important, une action en défense de la collectivité des consommateurs concernés ou en réparation dudit préjudice. Cette action peut être intentée quand bien même l’identité des consommateurs lésés ne peut pas être établie.

[...] »

16. Aux termes de l’article 132 de la loi n° C de 2003 sur les communications électroniques :

« 1. Les règles relatives à la conclusion du contrat d’abonnement s’appliquent à la modification de chaque contrat d’abonnement. Les conditions générales contractuelles peuvent permettre que la modification de chaque contrat d’abonnement s’opère conformément aux dispositions du paragraphe 2.

2. Le prestataire de service ne peut modifier unilatéralement le contrat d’abonnement que dans les cas suivants :

a) en cas de réunion des conditions prévues par chaque contrat d’abonnement ou dans les conditions générales contractuelles, sous réserve que la modification n’implique aucune modification substantielle des conditions du contrat, dans la mesure où la législation ou les règles relatives aux communications électroniques n’en disposent pas autrement ;

b) si une modification de la législation ou une décision des autorités le justifie,

ou

c) si un changement substantiel des circonstances le justifie.

3. Constitue une modification substantielle un changement relatif aux conditions nécessaires pour bénéficier du service ou aux indicateurs correspondant à un objectif de qualité.

4. Si le prestataire de service est autorisé à modifier unilatéralement les conditions générales contractuelles dans les cas déterminés par celles-ci, il est tenu d’en informer les abonnés, dans les conditions prévues par la présente loi, en respectant un préavis d’au moins trente jours avant la prise d’effet de ladite modification ; il est également tenu d’informer les abonnés des conditions applicables à la faculté de résiliation qui en découle. Dans un tel cas, l’abonné bénéficie du droit de résilier avec effet immédiat le contrat dans les huit jours qui suivent l’envoi de la notification de modification.

5. Lorsque la modification comporte des stipulations défavorables à l’abonné, ce dernier bénéficie du droit de résilier le contrat d’abonnement, sans autres conséquences juridiques, dans les quinze jours à compter de ladite notification. L’abonné ne peut toutefois pas résilier le contrat d’abonnement lorsqu’il s’est engagé à bénéficier du service pour une durée déterminée, dès lors qu’il a conclu le contrat en considération des avantages qui en découlent et que la modification n’a pas d’incidence sur les avantages obtenus. Lorsque la modification a une incidence sur les avantages obtenus et que l’abonné résilie le contrat d’abonnement, le prestataire de service ne peut pas réclamer à l’abonné le montant de l’avantage au titre de la période postérieure à la résiliation du contrat.

[...] »

 

Le litige au principal et les questions préjudicielles :

17. Le NFH conteste, dans le cadre d’un recours d’intérêt public, la pratique d’Invitel consistant à exiger, dans le cadre des contrats à durée déterminée dits « contrats de fidélité » et postérieurement à la conclusion de ces contrats, que le consommateur prenne en charge des frais qui n’avaient pas été initialement convenus par les parties.

18. Ainsi qu’il ressort du dossier, Invitel, en sa qualité d’opérateur de téléphonie fixe, a introduit dans les conditions générales des contrats (ci-après les « CG »), en vigueur à partir du 1er janvier 2008, une clause prévoyant des « frais de mandat », à savoir des coûts appliqués en cas de paiement des factures par mandat postal. Conformément à ladite clause, « si l’abonné règle le montant de la facture au moyen d’un mandat postal, le prestataire de service est en droit de facturer les frais supplémentaires qui en résultent (tels que les frais postaux) ». En outre, les CG ne contenaient aucune disposition précisant le mode de calcul de ces frais de mandat.

19. Le NFH a été saisi d’un grand nombre de plaintes de consommateurs, sur la base desquelles il a estimé que la clause figurant dans les CG visée au point précédent était abusive au sens de l’article 209 du code civil. Invitel ayant refusé de modifier cette clause, le NFH a saisi le Pest Megyei Bíróság en vue d’obtenir une déclaration de nullité de la clause contestée en tant que clause abusive ainsi que le remboursement automatique et rétroactif des abonnés concernant les sommes indûment perçues et facturées au titre des « frais de mandat ». Cette juridiction a toutefois estimé que la solution du litige dépendait de l’interprétation de dispositions du droit de l’Union.

20. Dans ces conditions, le Pest Megyei Bíróság a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1) L’article 6, paragraphe 1, de la directive [...] peut-il être interprété en ce sens qu’une clause contractuelle abusive ne lie aucun consommateur lorsqu’un organisme désigné par la loi et dûment habilité sollicite au nom des consommateurs, dans le cadre d’un recours d’intérêt public (action de groupe), la constatation de la nullité de ladite clause abusive figurant dans un contrat de consommation ?

Lorsqu’un recours d’intérêt public a été intenté et qu’il tend au prononcé d’une condamnation au bénéfice de consommateurs qui ne sont pas parties au litige ou d’une interdiction de l’utilisation d’une condition générale contractuelle abusive, l’article 6, paragraphe 1, de la directive [...] peut-il être interprété en ce sens que ladite clause abusive figurant dans des contrats de consommation ne lie aucun des consommateurs concernés ni aucun autre consommateur dans le futur, de sorte que la juridiction est tenue d’appliquer d’office les conséquences juridiques qui en découlent ?

2) Compte tenu des points 1, sous j), et 2, sous d), de l’annexe de la directive applicable selon l’article 3, paragraphe 3, de la directive [...], l’article 3, paragraphe 1, de cette même directive peut-il être interprété en ce sens que, lorsque le professionnel prévoit une modification unilatérale des conditions contractuelles sans décrire clairement le mode de variation du prix ni spécifier de raison valable dans le contrat, ladite clause est abusive de plein droit ? »

 

MOTIFS (justification de la décision)                                   (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Sur les questions préjudicielles :

Sur la seconde question

21. Par sa seconde question, qu’il convient d’examiner en premier lieu, la juridiction de renvoi demande, en substance, si, à la lumière des points 1, sous j), et 2, sous d), de l’annexe de la directive, l’article 3, paragraphes 1 et 3, de celle-ci doit être interprété en ce sens que, lorsqu’un professionnel prévoit, dans une clause figurant dans les CG des contrats de consommation, une modification unilatérale des frais liés au service à fournir, sans pour autant décrire clairement le mode de fixation desdits frais ni spécifier de raison valable de cette modification, ladite clause est abusive.

22. À cet égard, il importe de rappeler que la compétence de la Cour porte sur l’interprétation de la notion de « clause abusive », visée à l’article 3, paragraphe 1, de la directive et à l’annexe de celle-ci, ainsi que sur les critères que le juge national peut ou doit appliquer lors de l’examen d’une clause contractuelle au regard des dispositions de la directive, étant entendu qu’il appartient audit juge de se prononcer, en tenant compte desdits critères, sur la qualification concrète d’une clause contractuelle particulière en fonction des circonstances propres au cas d’espèce (arrêt du 9 novembre 2010, VB Pénzügyi Lízing, C‑137/08, non encore publié au Recueil, point 44). Il en ressort que la Cour doit se limiter, dans sa réponse, à fournir à la juridiction de renvoi des indications dont cette dernière est censée tenir compte afin d’apprécier le caractère abusif de la clause concernée.

23. Conformément à l’article 4, paragraphe 2, de la directive, l’appréciation du caractère abusif des clauses ne porte ni sur la définition de l’objet principal du contrat ni sur l’adéquation entre le prix et la rémunération, d’une part, et les services ou les biens à fournir en contrepartie, d’autre part, pour autant que ces clauses soient rédigées de façon claire et compréhensible. Cette exclusion ne saurait, cependant, s’appliquer à une clause portant sur un mécanisme de modification des frais des services à fournir au consommateur.

24. S’agissant d’une clause contractuelle prévoyant une modification du coût total du service à fournir au consommateur, il y a lieu de relever que, au regard des points 1, sous j) et l), ainsi que 2, sous b) et d), de l’annexe de la directive, devrait notamment être exposé le motif ou le mode de variation dudit coût, le consommateur disposant du droit de mettre fin au contrat.

25. Ladite annexe, à laquelle renvoie l’article 3, paragraphe 3, de la directive, ne contient qu’une liste indicative et non exhaustive des clauses qui peuvent être déclarées abusives (voir arrêts du 4 juin 2009, Pannon GSM, C‑243/08, Rec. p. I‑4713, points 37 et 38 ; VB Pénzügyi Lízing, précité, point 42, ainsi que ordonnance du 16 novembre 2010, Pohotovosť, C‑76/10, non encore publiée au Recueil, points 56 et 58).

26. Si le contenu de l’annexe en cause n’est pas de nature à établir automatiquement et à lui seul le caractère abusif d’une clause litigieuse, il constitue, cependant, un élément essentiel sur lequel le juge compétent peut fonder son appréciation du caractère abusif de cette clause. En l’occurrence, la lecture des dispositions de l’annexe de la directive, visées au point 24 du présent arrêt, permet de constater que, aux fins de l’appréciation du caractère abusif d’une clause telle que celle en cause dans l’affaire au principal, est pertinente, notamment, la question de savoir si les raisons ou le mode de variation des frais liés au service à fournir étaient spécifiés et si les consommateurs disposaient d’un droit de mettre fin au contrat.

27. En outre, d’une part, ainsi qu’il ressort du vingtième considérant de ladite directive, le consommateur doit avoir effectivement l’opportunité de prendre connaissance de toutes les clauses figurant dans les CG et des conséquences desdites clauses. D’autre part, l’obligation de formuler les clauses d’une façon claire et compréhensible est énoncée à l’article 5 de la directive.

28. Par conséquent, dans le contexte de l’appréciation du caractère « abusif » au sens de l’article 3 de la directive, revêt une importance essentielle la possibilité, pour un consommateur, de prévoir, sur la base de critères clairs et compréhensibles, les modifications, par un professionnel, des CG en ce qui concerne les frais liés au service à fournir.

29. Lorsque certains aspects du mode de variation des frais liés au service à fournir sont spécifiés par les dispositions législatives où réglementaires impératives au sens de l’article 1er, paragraphe 2, de la directive, ou que lesdites dispositions prévoient, pour un consommateur, le droit de mettre fin au contrat, il est essentiel que ledit consommateur soit informé par le professionnel desdites dispositions.

30. Il appartient à la juridiction nationale statuant dans la procédure en cessation, initiée dans l’intérêt public, au nom des consommateurs, par un organisme désigné par la législation nationale, d’apprécier, au regard de l’article 3, paragraphes 1 et 3, de la directive, le caractère abusif d’une clause telle que celle en cause dans l’affaire au principal. Dans le cadre de cette appréciation, ladite juridiction devra vérifier notamment si, à la lumière de toutes les clauses figurant dans les CG des contrats de consommation dont la clause litigieuse fait partie, ainsi que de la législation nationale prévoyant les droits et les obligations qui pourraient s’ajouter à ceux prévus par les CG en cause, les raisons ou le mode de variation des frais liés au service à fournir sont spécifiés d’une façon claire et compréhensible et, le cas échéant, si les consommateurs disposent d’un droit de mettre fin au contrat.

31. Compte tenu des considérations qui précèdent, il convient de répondre à la seconde question qu’il appartient à la juridiction nationale statuant dans la procédure en cessation, initiée dans l’intérêt public, au nom des consommateurs, par un organisme désigné par la législation nationale, d’apprécier, au regard de l’article 3, paragraphes 1 et 3, de la directive, le caractère abusif d’une clause figurant dans les CG des contrats de consommation par laquelle un professionnel prévoit une modification unilatérale des frais liés au service à fournir, sans pour autant décrire clairement le mode de fixation desdits frais ni spécifier de raison valable de cette modification. Dans le cadre de cette appréciation, ladite juridiction devra vérifier notamment si, à la lumière de toutes les clauses figurant dans les CG des contrats de consommation dont la clause litigieuse fait partie, ainsi que de la législation nationale prévoyant les droits et les obligations qui pourraient s’ajouter à ceux prévus par les CG en cause, les raisons ou le mode de variation des frais liés au service à fournir sont spécifiés d’une manière claire et compréhensible et si, le cas échéant, les consommateurs disposent d’un droit de mettre fin au contrat.

 

Sur la première question

32. Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, d’une part, si l’article 6, paragraphe 1, de la directive, lu en combinaison avec l’article 7, paragraphes 1 et 2, de cette directive, doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à ce que la constatation de nullité d’une clause abusive faisant partie de CG des contrats de consommation dans le cadre d’une action en cessation, visée à l’article 7 de ladite directive, intentée à l’encontre d’un professionnel dans l’intérêt public et au nom des consommateurs, par un organisme désigné par la législation nationale, produise, conformément à ladite législation, des effets à l’égard de tous les consommateurs ayant conclu un contrat auquel s’appliquent les mêmes CG, y compris à l’égard de ceux qui n’étaient pas parties à la procédure en cessation, et, d’autre part, si les juridictions nationales sont tenues, également dans le futur, d’en tirer d’office toutes les conséquences qui sont prévues par le droit national.

33. Afin de répondre à la première partie de cette question, il importe, à titre liminaire, de rappeler que le système de protection mis en œuvre par la directive repose sur l’idée que le consommateur se trouve dans une situation d’infériorité à l’égard du professionnel en ce qui concerne tant le pouvoir de négociation que le niveau d’information, situation qui le conduit à adhérer aux conditions rédigées préalablement par le professionnel, sans pouvoir exercer une influence sur le contenu de celles-ci (arrêt du 15 mars 2012, Pereničová et Perenič, C‑453/10, non encore publié au Recueil, point 27 et jurisprudence citée).

34. S’agissant des actions impliquant un consommateur individuel, la Cour a jugé que, eu égard à une telle situation d’infériorité, l’article 6, paragraphe 1, de la directive oblige les États membres à prévoir que les clauses abusives « ne lient pas les consommateurs, dans les conditions fixées par leurs droits nationaux ». Ainsi qu’il ressort de la jurisprudence, il s’agit d’une disposition impérative qui tend à substituer à l’équilibre formel que le contrat établit entre les droits et les obligations des contractants un équilibre réel de nature à rétablir l’égalité entre ces derniers (arrêt Pereničová et Perenič, précité, point 28 et jurisprudence citée).

35. En ce qui concerne des actions en cessation initiées dans l’intérêt public, telles que celle en cause dans l’affaire au principal, il convient de relever que, si la directive ne vise pas à harmoniser les sanctions applicables dans l’hypothèse d’une reconnaissance du caractère abusif d’une clause dans le cadre desdites actions, l’article 7, paragraphe 1, de la directive oblige néanmoins les États membres à veiller à ce que des moyens adéquats et efficaces existent afin de faire cesser l’utilisation des clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs.

36. Ainsi qu’il ressort du paragraphe 2 de cette disposition, les moyens susmentionnés comprennent la possibilité pour des personnes ou des organisations ayant un intérêt légitime à protéger les consommateurs de saisir les tribunaux afin de faire déterminer si des clauses rédigées en vue d’une utilisation généralisée présentent un caractère abusif et d’obtenir, le cas échéant, leur interdiction (voir arrêt du 24 janvier 2002, Commission/Italie, C‑372/99, Rec. p. I‑819, point 14).

37. À cet égard, il importe d’ajouter que la nature préventive et l’objectif dissuasif des actions en cessation, ainsi que leur indépendance à l’égard de tout conflit individuel concret, impliquent que de telles actions puissent être exercées alors même que les clauses dont l’interdiction est réclamée n’auraient pas été utilisées dans des contrats déterminés (voir arrêt Commission/Italie, précité, point 15).

38. La mise en œuvre effective dudit objectif exige, ainsi que l’a relevé en substance Mme l’avocat général au point 51 de ses conclusions, que les clauses des CG des contrats de consommation déclarées abusives dans le cadre d’une action en cessation dirigée contre le professionnel concerné, telle que celle en cause dans l’affaire au principal, ne lient ni les consommateurs qui sont parties à la procédure en cessation ni ceux qui ont conclu avec ce professionnel un contrat auquel s’appliquent les mêmes CG.

39. Dans l’affaire au principal, la législation nationale prévoit que la déclaration, par une juridiction, de nullité d’une clause abusive figurant dans les CG des contrats de consommation s’applique à tout consommateur ayant conclu un contrat avec un professionnel utilisant cette clause. Ainsi qu’il ressort des éléments du dossier dans l’affaire au principal, l’objet du litige concerne l’utilisation par le professionnel concerné des conditions générales contenant la clause contestée dans des contrats conclus avec plusieurs consommateurs. À cet égard, il importe de constater que, comme l’a relevé Mme l’avocat général aux points 57 à 61 de ses conclusions, une législation nationale telle que celle visée au présent point satisfait aux exigences de l’article 6, paragraphe 1, lu en combinaison avec l’article 7, paragraphes 1 et 2, de la directive.

40. En effet, l’application d’une sanction de nullité d’une clause abusive à l’égard de tous les consommateurs qui ont conclu un contrat de consommation auquel s’appliquent les mêmes CG garantit que ces consommateurs ne sont pas liés par ladite clause, sans pour autant exclure d’autres types de sanctions adéquates et efficaces prévues par les législations nationales.

41. En ce qui concerne la seconde partie de la première question portant sur les conséquences que les juridictions nationales sont tenues de tirer d’une constatation, dans le cadre d’une action en cessation, du caractère abusif d’une clause faisant partie des CG des contrats de consommation, il convient d’emblée de rappeler que la faculté pour le juge national d’examiner d’office le caractère abusif d’une clause contractuelle constitue un moyen propre à contribuer à la réalisation de l’objectif visé à son article 7 (voir arrêt du 26 octobre 2006, Mostaza Claro, C‑168/05, Rec. p. I‑10421, point 27 et jurisprudence citée). La nature et l’importance de l’intérêt public sur lequel repose la protection que la directive assure aux consommateurs justifient, en outre, que ledit juge soit tenu d’apprécier d’office le caractère abusif d’une clause contractuelle (voir arrêt Mostaza Claro, précité, point 38).

42. Les juridictions nationales qui constatent le caractère abusif d’une clause des CG sont tenues, en vertu de l’article 6, paragraphe 1, de la directive, de tirer toutes les conséquences qui en découlent selon le droit national, afin que les consommateurs ne soient pas liés par ladite clause (voir arrêt Pereničová et Perenič, précité, point 30 ainsi que jurisprudence citée).

43. Il en ressort que, lorsque le caractère abusif d’une clause faisant partie des CG des contrats de consommation a été reconnu dans le cadre d’une action en cessation telle que celle en cause dans l’affaire au principal, les juridiction nationales sont tenues, également dans le futur, d’en tirer d’office toutes les conséquences qui sont prévues par le droit national afin que ladite clause ne lie pas les consommateurs ayant conclu un contrat auquel s’appliquent les mêmes CG.

44. Eu égard à ces considérations, il y a lieu de répondre à la première question que l’article 6, paragraphe 1, de la directive, lu en combinaison avec l’article 7, paragraphes 1 et 2, de cette directive, doit être interprété en ce sens que :

- il ne s’oppose pas à ce que la constatation de nullité d’une clause abusive faisant partie des CG des contrats de consommation dans le cadre d’une action en cessation, visée à l’article 7 de ladite directive, intentée à l’encontre d’un professionnel dans l’intérêt public et au nom des consommateurs, par un organisme désigné par la législation nationale, produise, conformément à ladite législation, des effets à l’égard de tous les consommateurs ayant conclu avec le professionnel concerné un contrat auquel s’appliquent les mêmes CG, y compris à l’égard des consommateurs qui n’étaient pas parties à la procédure en cessation ;

- lorsque le caractère abusif d’une clause des CG a été reconnu dans le cadre d’une telle procédure, les juridictions nationales sont tenues, également dans le futur, d’en tirer d’office toutes les conséquences qui sont prévues par le droit national, afin que ladite clause ne lie pas les consommateurs ayant conclu avec le professionnel concerné un contrat auquel s’appliquent les mêmes CG.

 

Sur les dépens :

45. La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Par ces motifs,

la Cour (première chambre)

dit pour droit :

1) Il appartient à la juridiction de renvoi statuant dans la procédure en cessation, initiée dans l’intérêt public, au nom des consommateurs, par un organisme désigné par la législation nationale, d’apprécier, au regard de l’article 3, paragraphes 1 et 3, de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, le caractère abusif d’une clause figurant dans les conditions générales des contrats de consommation par laquelle un professionnel prévoit une modification unilatérale des frais liés au service à fournir, sans pour autant décrire clairement le mode de fixation desdits frais ni spécifier de raison valable de cette modification. Dans le cadre de cette appréciation, ladite juridiction devra vérifier notamment si, à la lumière de toutes les clauses figurant dans les conditions générales des contrats de consommation dont la clause litigieuse fait partie, ainsi que de la législation nationale prévoyant les droits et les obligations qui pourraient s’ajouter à ceux prévus par les conditions générales en cause, les raisons ou le mode de variation des frais liés au service à fournir sont spécifiés d’une manière claire et compréhensible et si, le cas échéant, les consommateurs disposent d’un droit de mettre fin au contrat.

2) L’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13, lu en combinaison avec l’article 7, paragraphes 1 et 2, de cette directive, doit être interprété en ce sens que :

- il ne s’oppose pas à ce que la constatation de nullité d’une clause abusive faisant partie des conditions générales des contrats de consommation dans le cadre d’une action en cessation, visée à l’article 7 de ladite directive, intentée à l’encontre d’un professionnel dans l’intérêt public et au nom des consommateurs, par un organisme désigné par la législation nationale, produise, conformément à ladite législation, des effets à l’égard de tous les consommateurs ayant conclu avec le professionnel concerné un contrat auquel s’appliquent les mêmes conditions générales, y compris à l’égard des consommateurs qui n’étaient pas parties à la procédure en cessation ;

- lorsque le caractère abusif d’une clause des conditions générales des contrats a été reconnu dans le cadre d’une telle procédure, les juridictions nationales sont tenues, également dans le futur, d’en tirer d’office toutes les conséquences qui sont prévues par le droit national, afin que ladite clause ne lie pas les consommateurs ayant conclu avec le professionnel concerné un contrat auquel s’appliquent les mêmes conditions générales.

Signatures

 

Est cité par :