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CA GRENOBLE (1re ch. civ.), 10 février 2004

Nature : Décision
Titre : CA GRENOBLE (1re ch. civ.), 10 février 2004
Pays : France
Juridiction : Grenoble (CA), 1re ch. civ.
Demande : 02/00966
Décision : 04/104
Date : 10/02/2004
Nature de la décision : Confirmation
Mode de publication : Site Com. cl. abusives (CCA)
Date de la demande : 11/03/2002
Décision antérieure : TGI GRENOBLE (6e ch.), 31 janvier 2002, CASS. CIV. 1re, 14 novembre 2006
Numéro de la décision : 104
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CERCLAB - DOCUMENT N° 7021

CA GRENOBLE (1re ch. civ.), 10 février 2004 : RG n° 02/00966 ; arrêt n° 104

Publication : Site CCA

 

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE GRENOBLE

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 19 FÉVRIER 2004

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 02/00966. Arrêt n° 104. Appel d'une décision (R.G. n° 2000/00889 - 6e chambre) rendue par le Tribunal de Grande Instance de GRENOBLE en date du 31 janvier 2002, suivant déclaration d'appel du 14 mars 2002.

 

APPELANTE :

Association UFC QUE CHOISIR DE L'ISÈRE UFC 38

poursuites et diligences de son représentant légal, domicilié en cette qualité audit siège [adresse], représentée par la SELARL DAUPHIN & NEYRET, avoués à la Cour assistée de Maître BRASSEUR, avocat au barreau de GRENOBLE

 

INTIMÉE ET APPELANTE suivant déclaration d’appel du 11 mars 2002 :

SA I. [Société Isère distribution automobiles]

poursuites et diligences de son représentant légal en exercice, son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité audit siège [adresse], représentée par la SCP GRIMAUD, avoués à la Cour, assistée de Maître DURAND avocat au barreau de GRENOBLE

 

INTIMÉE ET APPELANTE suivant déclaration d’appel du 12 mars 2002 :

SA A. [Société Automobiles Citroën]

prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité audit siège [adresse],

[minute page 2]

COMPOSITION DE LA COUR : LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ : Madame Odile FALLETTI-HAENEL, Président, Madame Claude-Françoise KUENY, Conseiller, Monsieur Jean-Pierre VIGNAL, Conseiller,

Assistés lors des débats de Mme Hélène PAGANON, Greffier.

DÉBATS : A l'audience publique du 12 janvier 2004, Les avoués et les avocats ont été entendus en leurs conclusions et plaidoiries. Puis l'affaire a été mise en délibéré pour l'arrêt être rendu à l'audience de ce jour.

[minute page 3]

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Le 14 mars 2002 l'association [UFC 38] a interjeté appel d'un jugement du Tribunal de grande instance de Grenoble en date du 31 janvier 2002 qui a :

- ordonné la suppression sous astreinte d'un certain nombre de clauses abusives figurant sur les contrats-types intitulés « BON DE COMMANDE DE V.N. » présentés par la SA S. (SA I. et la SA A.) ;

- condamné la SA I. et la SA in solidum à payer à l'association [UFC 38], avec exécution provisoire, la somme de 8.600 € pour le préjudice collectif, 1.200 € pour le préjudice associatif et 3.000 € en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,

- ordonné la publication du jugement dans « Le Dauphiné libéré », « Les petites affiches » et le « 38 » à concurrence de 1.500 € par insertion,

- a ordonné l'affichage du dispositif du jugement pendant un mois à chaque porte de l'établissement commercial de la SA S. et de la SA A.

L'[UFC 38] demande à la Cour :

- de confirmer le jugement déféré sur les clauses suivantes : 1, 2, 3, 5, 6, 10, 15, 16, 17, 18, 19 et 21,

- de déclarer abusives les clauses 4, 7, 8, 9, 11, 12, 13, 14, et d'interdire l'usage de ces clauses à l'avenir,

- d'ordonner la suppression de celles non encore supprimées dans le délai de deux mois de la décision à intervenir, sous astreinte,

- de confirmer le jugement sur le principe de la condamnation des professionnels à des dommages et intérêts, mais élever ceux-ci et condamner in solidum les deux sociétés à lui payer, au titre du préjudice collectif, les sommes de 19.000 €, et au titre du préjudice associatif, celle de 3.500 €.

Elle sollicite en cause d'appel la somme de 3.000 € en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Elle fait valoir que si plus de 9 mois après l'engagement de la procédure, les sociétés ont produit aux débats une nouvelle édition du contrat (datée 09/00), prétendant utiliser dorénavant celui-ci, la Cour observera que quelques clauses ont été modifiées mais sans que cela ne permette de considérer que les demandes de l'association devenaient sans objet, et ce d'autant moins que le Tribunal a relevé qu'il n'était pas justifié de l'utilisation concrète dans le département de l'Isère de cette nouvelle édition.

[minute page 4] Elle indique qu'elle critiquait à l'origine 21 clauses contractuelles et que le Tribunal a retenu 12 clauses comme abusives ; que les professionnels soutiennent que les clauses retenues comme abusives par le Tribunal ne l'étaient pas ; que sur les 12 clauses retenues comme abusives, les sociétés contestent la réalité de celles-ci, bien qu'elles aient modifié ou supprimé 4 d'entre elles, mais tout en reprenant simplement leurs prétentions initiales, nonobstant les motifs retenus par le Tribunal.

Elle ajoute que le préjudice subi par la collectivité des consommateurs est d'autant plus grand que la plupart des clauses critiquées ont une incidence financière et conduisent à un profit pour le professionnel, que de surcroît, les sociétés ont continué d'utiliser le contrat litigieux pendant la durée de la procédure d'appel ; que le préjudice de l'association est incontestable ; qu'elle exerce une importante activité dans le seul intérêt des consommateurs, et en grande partie à titre préventif.

Quant aux mesures de publication et d'affichage, elles sont indispensables et elles permettent à l'ensemble de la collectivité des professionnels d'en avoir connaissance et d'avoir leur attention attirée sur la nécessité d'équilibrer les contrats proposés aux consommateurs.

 

Les sociétés SA I. et SA C. ont interjeté appel par déclarations des 11 et 12 mars 2002.

Les instances enrôlées sous les numéros 02/00966, 02/01445 et 02/01498 ont été jointes par ordonnance du Conseiller de la mise en état du 24 septembre 2002.

La SA A demande à la Cour :

- à titre principal, de constater que le bon de commande invoqué n'est plus proposé aux consommateurs, que l'action engagée par l'association est sans objet, et d'infirmer le jugement,

- à titre subsidiaire, de dire et juger que les conditions générales de vente sont rédigées de façon lisible et compréhensible, de dire que le bon de commande ne présente pas de clause susceptible d'être qualifiée d'abusive, d'infirmer le jugement en ce qu'il a ordonné la suppression de 12 clauses

- de débouter l'association de toutes ses demandes, de la condamner à lui restituer les sommes versées au titre de l'exécution provisoire,

- de condamner l'association à lui payer la somme de 5.000 € en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

[minute page 5] Elle répond :

- que dès lors qu'il est établi que le type de contrat présenté par le constructeur n'est plus proposé aux consommateurs, l'action de l'association est devenue sans objet ; que le document ayant servi de base à l'action de l'association a été remplacé par un nouveau formulaire L.G.P. 09/2000 à compter du 16 octobre 2000 ; que le bon de commande critiqué n'est plus « habituellement proposé » aux consommateurs ; que la SA C. démontre que l'ancienne version du bon de commande a bien été remplacée ;

- que l'association [UFC 38] ne démontre pas en quoi les clauses déclarées comme telles présentaient un caractère abusif ;

- qu'il ne saurait être reproché à un professionnel de ne pas être d'accord avec les injonctions que l'[UFC 38] lui signifie et qui ne peuvent être sérieusement assimilées ni sur le fond ni sur la forme à des tentatives de résolution amiable d'un litige.

 

La SA I. demande à la Cour :

- de constater que le jugement n'a pas statué sur la demande de la SA I. à l'encontre de la SA C.

- à titre principal, de lui donner acte de ce qu'elle fait assomption de cause avec la SA A.

- de dire et juger que le bon de commande ne reproduit aucun texte abrogé,

- de dire et juger que les conditions générales de vent sont rédigées de façon lisible et compréhensible,

- de dire et juger que le bon de commande ne comporte aucune clause pouvant être qualifiée d'abusive,

- de réformer le jugement et de débouter l'association de toutes ses demandes,

- à titre subsidiaire, de constater qu'elle n'a aucune latitude d'appréciation ou de modifications des documents contractuels, et de la mettre hors de cause,

- à titre très subsidiaire, de dire qu'elle sera relevée de toute éventuelle condamnation qui pourrait être prononcée à son encontre, et ce par la SA A.

- de constater que l'association ne justifie d'aucun préjudice dont l'origine résulterait de l'attitude de la société I.,

- [minute page 6] de la dispenser de toute publication du jugement.

Elle sollicite la condamnation de l'association [UFC 38] ou de la SA A. à lui payer la somme de 3.200 € en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS DE L’ARRÊT :

L'action de l’association [UFC 38] vise à la suppression de clauses contenues dans les bons de commande de véhicule neuf habituellement proposés par la SA A. et son réseau de distribution à la date de l'assignation.

Au cours de l'année 2000, la SA A. a fait procéder à l'impression d'un nouveau bon de commande portant la référence LGP 09/2000 qui, selon elle, a été mis à la disposition des membres de son réseau à compter du 16 octobre 2000.

Ce n'est parce qu'un nouveau modèle a été mis à la disposition des vendeurs que la demande formée au titre du contrat précédent serait devenue sans objet. En effet, d'une part, les sociétés SA I. et A. n'établissent pas que l'ancienne version du bon de commande ne serait plus utilisée, et d'autre part, il est de l'intérêt des consommateurs que la juridiction saisie se prononce sur le caractère abusif de telle ou telle clause afin qu'elle ne puisse pas à l'avenir être réintroduite dans les bons de commande à l'occasion d'une nouvelle rédaction.

Aux termes de l'article L. 132-1 du Code de la consommation, « sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat ».

Les différentes clauses critiquées seront examinées dans l'ordre du jugement :

 

1°) Renseignements d'ordre privé :

- Bon de commande (version 1995). Il comporte des mentions d'ordre privé portant sur la possession d'une carte bancaire, le logement, la composition de la famille, la durée de présence chez un employeur.

En bas de page, le recto du bon de commande indique, en petits caractères que « les réponses aux questions imprimées en rouge sont facultatives, mais leur omission peut faire perdre au client la possibilité de bénéficier de prestations complémentaires ».

[minute page 7] Le Tribunal a justement relevé que le fait d'insérer un tel questionnaire dans un bon de commande laisse nécessairement croire au client qu'il s'agit de renseignements liés à la signature du contrat et que le défaut de réponse ferait perdre au client la possibilité de bénéficier de prestations complémentaires constitue une menace de sanction indéterminée et sans lien avec le contrat de vente du véhicule. C'est à bon droit qu'il a ordonné la suppression de ce questionnaire.

- Bon de commande (version 09/2000). La SA A. a modifié le bon de commande en ce sens d'une part, que les renseignements d'ordre privé ne sont sollicités que dans le cadre de la demande par le client de l'établissement d'une « CARTE ROUGE C. », carte de fidélité destinée à procurer à son détenteur certains avantages (points-fidélité, réserve d'argent, service voyage...).

La demande de tels renseignements à celui qui prétend bénéficier d'avantages attachés à la possession d'une carte de paiement et de crédit ne crée pas au profit du professionnel un déséquilibre significatif.

Le jugement sera infirmé en ce qu'il a ordonné la suppression du questionnaire dans la version 09/2000 du bon de commande.

 

2°) article I § 1 (identique dans les deux versions du bon de commande) :

Il prévoit que :

« Le constructeur se réserve d'apporter à ses modèles toutes les modifications qu'il juge utile en fonction de l'évolution technique ».

L'article R. 132-2 alinéa 2 du Code de la consommation précise : « Toutefois, il peut être stipulé que le professionnel peut apporter des modifications liées à l'évolution technique, à condition qu'il n'en résulte ni augmentation des prix ni altération de qualité et que la clause réserve au non professionnel ou consommateur la possibilité de mentionner les caractéristiques auxquelles il subordonne son engagement ».

En l'espèce, le paragraphe 1 de l'article I du contrat est complété par un paragraphe 2 selon lequel le client peut mentionner sur le bon de commande, à la rubrique « observations » les caractéristiques du véhicule qu'il juge essentielles et auxquelles il subordonne son engagement.

La clause litigieuse ne précise pas, comme l'a relevé le Tribunal, que les modifications liées à l’évolution technique ne peuvent entraîner ni augmentation des prix ni altération de qualité alors qu'il était simple de le faire. C'est à bon droit que la suppression de cette clause a été ordonnée.

 

3°) article II § 3 (identique dans les deux versions) :

Cet article stipule que « la livraison d'un véhicule d'un modèle ou d'une année-modèle pour les véhicules particuliers est garantie dans la limite des disponibilités connues par le vendeur au moment de la commande ».

[minute page 8] Le premier juge a justement relevé qu'une telle clause introduit dans les rapports contractuels un élément invérifiable qui ne résultera que de l'affirmation du concessionnaire, et confère à celui-ci un avantage significatif injustifié, et que le seul fait que le consommateur puisse résilier sa commande, récupérer son acompte et obtenir des intérêts au taux légal ne compense pas le déséquilibre.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

 

4°) article II § 6 (identique dans les deux versions) :

Selon cet article, « les commandes prennent date, pour la livraison et la garantie de prix, qu'après versement par le client d'un acompte ».

Le premier juge a justement considéré qu'une telle clause ne constitue pas pour le professionnel un quelconque avantage injustifié. Le consommateur reste maître du versement de son acompte pour fixer la date de sa commande.

Cette clause n'est pas contraire aux dispositions de l'article 114-1 du Code de la consommation dès lors que le contrat comporte bien comme l'exige cet article, la date limite à laquelle le professionnel s'engage à livrer le véhicule.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

 

5°) article III § 2 :

Aux termes de cet article (version 1995), la garantie de prix ne s'applique qu'au modèle et à l'année-modèle pour les véhicules particuliers mentionné sur le bon de commande. Selon la version 2000 du bon de commande, « cette garantie de prix ne s'applique qu'au modèle mentionné sur le bon de commande ».

Cette clause reprend les termes de l'article 3 de l'arrêté du 30 juin 1978, et comme le prévoit cet article, il est précisé que le vendeur ne peut s'exonérer de cette garantie de prix que si une modification du prix est rendue nécessaire par des modifications techniques résultant de l'application des réglementations imposées par les pouvoirs publics.

Cette clause ne crée pas un avantage significatif au profit du professionnel, et le Tribunal ne s'est pas expliqué sur ce que seraient les caractéristiques autres que le modèle.

Le jugement sera infirmé de ce chef.

 

6°) article III § 3 (versions 1995 et 2000) :

Cet alinéa indique que « pour toute livraison stipulée dans un délai de trois mois, la garantie de prix de trois mois est prolongée jusqu'à la mise à disposition du véhicule, dans le cas de retard de livraison non imputable au client à moins que ce retard ne résulte d'un cas de force majeure ainsi que de cas d'incendie, inondation, conflit collectif du travail, chez le constructeur, ses fournisseurs ou ses sous-traitants, ainsi que chez le vendeur ».

[minute page 9] Dans la version 2000 du bon de commande, il est précisé que le « prix est garanti.... sauf... si le retard de livraison résulte d'un cas de force majeure tel que notamment incendie, inondation, conflit collectif du travail.... ; dans ces cas, le prix sera celui du tarif en vigueur au jour de la livraison ».

La commission des clauses abusives a recommandé que soient éliminées des modèles de contrat les clauses ayant pour objet ou pour effet d'ajouter à la force majeure susceptible d'exonérer le vendeur professionnel de sa responsabilité en cas de retard de livraison, une série d'événements (conflits collectifs du travail, lock out...), sans préciser que ces événements ne pourront exonérer le vendeur que s'ils présentent les caractéristiques de la force majeure. Cette clause vise le retard de livraison et non comme en l'espèce, la prolongation du délai de garantie de prix.

Cependant, malgré la modification résultant du contrat 09/2000, la rédaction de la clause litigieuse peut faire penser au consommateur que tous les événements énumérés constituent des cas de force majeure, lui laissant le choix d'accepter une augmentation éventuelle de tarif ou de résilier la commande.

La modification du bon de commande n'apporte rien de nouveau puisque par l'utilisation de l'adverbe « notamment », les événements énumérés sont assimilés dans tous les cas à la force majeure.

Le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a considéré que cette clause conférait au vendeur professionnel un avantage injustifié. La clause du bon de commande dans sa rédaction 09/2000 devra être supprimée.

 

7°) article III § 4 :

Cet article stipule que « si la livraison intervient sur la demande ou du fait du client, plus de trois mois après la commande, le prix sera celui du tarif en vigueur au jour de la livraison, sous réserve de l'application de l'article XII-1 ci-dessous ».

Dans la version 09/2000, l'article III prévoit que le prix est garanti jusqu'à l'expiration du délai contractuel de livraison, et en cas de dépassement non imputable à l'acheteur, jusqu'à mise à disposition sauf si l'acheteur a expressément stipulé refuser la livraison avant trois mois.

La clause ne présente aucun caractère abusif. Le consommateur reste libre de ne pas accepter la modification éventuelle du prix et dispose de la possibilité de résilier la commande.

II n'est pas établi qu'une telle clause, dans la rédaction de 1995 comme dans celle de 2000, crée au détriment du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

[minute page 10]

8°) article IV § 2 :

Selon cet article, « dans le cas d'une vente à crédit, l'acompte versé restera acquis au vendeur à titre d'indemnité si le client se dédit après expiration du délai de rétractation dont il bénéficie, à moins qu'il ne se trouve dans l'un des cas prévus à l'article XII ci-après », article qui énumère les cas dans lesquels le consommateur peut résilier sa commande.

Comme l'a relevé le premier juge, la pénalité de dédit pour le client est limitée à la perte de l'acompte alors que celle qui pourrait être mise à la charge du professionnel, au-delà de la restitution de l'acompte, ne comporte pas de limite contractuelle et relève du droit commun.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

 

9°) article V § 4 :

Cet article stipule que « le client s'oblige, en cas de règlement au moyen d'un crédit, à confier à l'établissement vendeur l'immatriculation du véhicule ».

L'association [UFC 38] ne démontre pas que cette prestation est facturée par le vendeur.

Cette démarche a pour conséquence de décharger le client de la formalité administrative, et permet, s'agissant d'une vente à crédit, au vendeur de faire inscrire son gage.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

 

10°) article VII § 2 :

Selon cet alinéa, « le véhicule sera mis à la disposition du client au plus tard à la date de livraison indiquée sur le présent bon de commande, éventuellement prolongé d'une durée maximale de deux mois, en cas d'incendie, inondation, conflit collectif du travail, chez le vendeur, le constructeur, ses fournisseurs ou ses sous-traitants ».

La commission des clauses abusives a recommandé que soient éliminées des modèles de contrat les clauses ayant pour objet ou pour effet d'ajouter à la force majeure susceptible d'exonérer le vendeur professionnel de sa responsabilité en cas de retard de livraison, une série d'événements (conflits collectifs du travail, lock out...), sans préciser que ces événements ne pourront exonérer le vendeur que s'ils présentent les caractéristiques de la force majeure.

La rédaction de la clause litigieuse peut faire penser au consommateur que tous les événements énumérés constituent des cas de force majeure,

La modification du bon de commande n'apporte rien de nouveau puisque par l'utilisation de l'adverbe « notamment », les événements énumérés sont assimilés dans tous les cas à la force majeure.

C'est à juste titre que le Tribunal, qui a relevé que le fait que le consommateur puisse invoquer les stipulations de l'article XII et demander une indemnité outre la restitution de son acompte ne constitue pas une contrepartie de la prolongation du délai qu'il sera éventuellement amené à accepter, a considéré que cette clause constitue un avantage injustifié pour le professionnel.

[minute page 11]

11°) article VIII § 3 :

Aux termes de cet article, l'annulation de la commande entraîne l'annulation de la reprise, et si le véhicule repris a été revendu, « le montant de la valeur de reprise indiquée sur le bon de commande sera restituée au client ».

Le prix de reprise ayant été déterminé par la convention des parties, le profit que le professionnel a pu retirer de la revente ne constitue pas un avantage excessif, étant la contrepartie des frais et des risques auxquels il s'expose lors de l'opération. Cette clause n'entraîne aucun déséquilibre au détriment du consommateur qui perçoit exactement ce qui a été convenu.

Le jugement déféré sera confirmé de ce chef.

 

12°) article IX § 2 :

« lorsque le délai prévu sur le bon de commande est écoulé, le client est tenu de prendre livraison du véhicule dans les quinze jours suivant la mise à disposition ; passé ce délai, et une mise en demeure par le vendeur étant restée infructueuse, celui-ci aura la faculté de résilier la commande et de disposer du véhicule, l'acompte lui restant acquis à titre d'indemnité ».

Comme l'a jugé le Tribunal, dès lors que le client a signé un bon de commande et qu'il bénéficie d'une garantie de prix dans un délai de trois mois, il a souscrit une obligation de payer le prix mais également celle de prendre livraison, et sauf à établir qu'il serait empêché de remplir ses obligations en raison d'un cas de force majeure, il n'apparaît pas que la faculté de résiliation par le vendeur, après mise en demeure, puisse constituer pour ce professionnel un avantage injustifié.

Le jugement déféré sera confirmé de ce chef.

 

13°) article XI § 6 :

Selon cet alinéa, « si la garantie est acceptée, la pièce défectueuse devient la propriété du constructeur ».

Le premier juge a justement considéré que l'association [UFC 38] n'établit pas que la conservation de la pièce défectueuse pourrait avoir un intérêt pour le consommateur et que le transfert de propriété de la pièce parait une contrepartie raisonnable de la garantie fournie. En outre, il n'est pas démontré que l'absence de remise de la pièce défectueuse au consommateur priverait celui-ci d'un moyen de preuve en cas de litige, même en cas de pannes répétitives.

Enfin, le constructeur pourrait voir sa responsabilité engagée sur le fondement de l’article 1386-1 du Code civil s'il laissait en circulation une pièce défectueuse.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

 

14°) article XI § 7 :

Cet article stipule, en son paragraphe 7, que « l’échange d’une pièce ou la remise en état ne prolonge pas la durée de garantie du véhicule ».

[minute page 12] Le même article (§ 10), précise que « les interventions réalisées au titre de la garantie n'ont pas pour effet de prolonger celle-ci ; toutefois en cas d'immobilisation du véhicule soit au titre de la garantie anticorrosion, soit au titre de la garantie contractuelle d'un an, égale ou supérieure à 7 jours consécutifs, qui ne serait pas le fait du client, la garantie sera prolongée d'autant ». Cette stipulation reprend le texte de l'article L. 211-2 du Code de la consommation.

Comme l'a relevé justement le Tribunal, la limitation de la garantie contractuelle résultant de ce que le remplacement d'une pièce ou une remise en état ne suffisent pas à la prolonger ne constitue pas en soi un avantage injustifié dès lors que le client conserve le bénéfice des garanties légales.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

 

15°) article XI § 8 :

Aux termes de ce paragraphe, « la garantie ne saurait couvrir... les dégâts consécutifs à des phénomènes naturels ou à des accidents ».

En outre, au titre de la garantie anticorrosion, il est précisé que cette garantie « ne couvre pas les dommages provoqués par une cause extérieure : gravillonnage, accident de la circulation, rayures, griffures ou retombées atmosphériques ou d'origine végétale ou animale ».

De telles clauses ne peuvent être considérées comme abusives. En effet, ces clauses excluent légitimement la garantie du constructeur lorsque les dommages ont pour origine une cause extérieure à la chose garantie. Ces exclusions ne remettent pas en cause le principe de la garantie lorsque le vice est inhérent à la chose.

Le jugement sera infirmé de ce chef.

 

16°) article XI § 9 (version 1995) :

Ce paragraphe stipule que la garantie anticorrosion est applicable « aux conditions indiquées dans le guide anti-corrosion qui peut être consulté sur simple demande ».

C'est à bon droit que le Tribunal a considéré que les professionnels s'arrogent un avantage significatif injustifié. Cette clause impose au client de demander, non pas la remise du document, mais la « consultation ».

La version 09/2000 du bon de commande intègre les stipulations relatives à la garantie.

 

17°) article XII § 1 (version 1995) :

Selon ce paragraphe, le client peut résilier sa commande en cas d'augmentation de prix, « à moins que l'augmentation de prix intervienne à la suite de modifications techniques ou fiscales résultant de l'application de réglementations imposées par les pouvoirs publics ».

[minute page 13] Cette limitation du droit de résiliation de la commande en cas d'augmentation de prix dans l'hypothèse susvisée donne au professionnel un avantage injustifié et c'est à bon droit que le Tribunal a ordonné la suppression de cette clause.

 

18°) article XII § 2 (version 1995) :

Aux termes de ce paragraphe, le client peut résilier sa commande « si le vendeur ne peut mettre à la disposition du client, le véhicule de l'année-modèle pour les véhicules particuliers commandés, ou le modèle comportant les caractéristiques techniques qu'il a spécialement mentionnées sur la commande ».

C'est à bon droit que le premier juge a ordonné la suppression du qualificatif « techniques », terme qui parait exclure les autres caractéristiques du véhicule auxquelles le client peut avoir subordonné son engagement (couleur, garnissage).

 

19°) Notice anticorrosion (§ 7) :

Ce paragraphe précise que « pour continuer de bénéficier de la garantie anti-corrosion C., l'utilisateur est tenu de faire réparer par un atelier du réseau C. dans les deux mois suivant les contrôles, les dommages dus à des causes extérieures ».

Une telle clause, qui se justifie par la sécurité des consommateurs et par la technicité de l'objet, n'est pas contraire à l’article 9° de la recommandation n° 79-01 du 27 juin 1978.

Il n'est pas illégitime que le professionnel ne soit pas tenu contractuellement de garantir le véhicule contre la corrosion s'il n'a pas été en mesure d'exercer son contrôle sur les pièces remplacées et sur le traitement des matériaux à la suite de dommages dus à des causes extérieures

Le jugement déféré sera infirmé de ce chef.

 

20°) Garantie anticorrosion § 8 :

Ce paragraphe stipule que « les interventions effectuées au titre de la garantie anti-corrosion C. n'ont pas pour effet de prolonger la durée de celle-ci ».

L'article XI des conditions générales de vente stipule que « toutefois en cas d'immobilisation du véhicule soit au titre de la garantie anticorrosion, soit au titre de la garantie contractuelle d'un an, égale ou supérieure â 7 jours consécutifs, qui ne serait pas le fait du client, la garantie sera prolongée d'autant ».

Cette stipulation reprend le texte de l’article L. 211-2 du Code de la consommation.

Le Tribunal a rejeté à bon droit la demande, tout en relevant que la rédaction de la clause litigieuse est suffisamment claire.

[minute page 14]

21°) Clause relative à l'acceptation par le client des conditions générales de vente :

Le bon de commande (version 0912000) mentionne en page 3, sous la rubrique « Véhicule repris » que « la présente commande ou demande de location est soumise aux conditions générales de vente et de garantie jointes : le client acheteur ou futur locataire déclare en avoir pris connaissance et les accepter complètement ».

Cette clause figure en petits caractères, en page 3 d'un document qui en comporte 7, immédiatement à la suite de la rubrique relative à la reprise du véhicule, au milieu d'autres clauses relatives notamment à la réserve de propriété, à la loi informatique et libertés, et avant les renseignements nécessaires à l'établissement d'une CARTE ROUGE.

L'attention du client ne peut avoir été attirée par une clause noyée au milieu d'autres, dans un document de 7 pages, de lecture malaisée.

Comme l'a relevé le premier juge, la rédaction de cette clause tend à faire croire au consommateur que son acceptation des conditions générales de vente et de garantie serait totale et sans réserve, y compris de clauses qui pourraient avoir un caractère abusif, crée au profit du professionnel un déséquilibre significatif et doit être supprimée.

* * *

La demande de mise hors de cause de la SA I. n'est pas fondée, la situation dominante du constructeur, la SA A. à l'égard de son concessionnaire, n'excluant pas la responsabilité de celui-ci qui assure la diffusion des bons de commandes auprès des consommateurs.

Le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a condamné in solidum cette société et la SA A. au paiement de diverses indemnités.

* * *

Le Tribunal a fait une juste appréciation des dommages et intérêts, tant au titre du préjudice collectif que du préjudice associatif. Le jugement déféré sera confirmé.

* * *

Il n'y a pas lieu de faire droit à la demande de fixation d'une astreinte.

* * *

[minute page 15] Enfin, il n'est pas inéquitable de laisser à la charge de chacune des parties en cause d'appel des frais non compris dans les dépens.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS,

LA COUR :

Statuant publiquement, par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi,

DÉCLARE RECEVABLE l'action de l'association [UFC 38],

CONFIRME le jugement en ce qu'il a ordonné la suppression :

- des mentions d'ordre privé figurant dans la version 1995 du bon de commande et la clause en bas de page, « Les réponses aux questions imprimées en rouge sont facultatives, mais leur omission peut faire perdre au client la possibilité de bénéficier de prestations complémentaires »,

- des clauses contenues dans les articles suivants, et que le Tribunal cite :

* article I § 1,

* article II § 3,

* article III § 3,

* article VII § 2,

* article XI § 9,

* article XII § 1,

* article XII § 2, le mot « techniques »,

* dans le bon de commande version 09/2000, la partie de la clause « le client acheteur ou futur locataire déclare en avoir pris connaissance et les accepter complètement »,

CONFIRME le jugement en ce qu'il rejeté la demande en suppression des clauses figurant aux articles suivants :

- article II § 6,

- article III § 4,

- article IV § 2,

- article V § 4,

- article VIII § 3,

- article IX § 2,

- article XI § 6,

- article XI § 7,

- Garantie anticorrosion § 8,

[minute page 16] CONFIRME le jugement quant au montant des indemnités allouées à l'association [UFC 38] à titre de dommages et intérêts et en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,

INFIRME le jugement en ce qu'il a ordonné :

- la suppression du questionnaire dans la version 09/2000 du bon de commande,

- la suppression de la clause de l'article III § 2,

- la suppression partielle de l'article XI § 8,

- la suppression de la clause de l'article 7 de la Notice anticorrosion,

- une astreinte,

- la publication et l'affichage de la décision.

ET STATUANT A NOUVEAU :

DÉBOUTE l'association [UFC 38] de ces chefs de demande,

REJETTE la demande de suppression de la clause d'exclusion de garantie anticorrosion de la notice et des conditions générales de garantie (version 2000),

DÉBOUTE la SA I. de sa demande de mise hors de cause,

DIT n'y avoir lieu à dommages et intérêts supplémentaires en cause d'appel.

DIT n'y avoir lieu à application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,

FAIT MASSE des dépens d'appel qui seront supportés à concurrence des 2/3 par l'association [UFC 38], et de 1/3 par les sociétés SA A. et SA I. in solidum, avec application des dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile au profit des avoués qui en ont fait la demande.

Prononcé par Mme Claude-Françoise KUENY, Conseiller, qui a signé en l'absence du Président empeché, avec Mme Hélène PAGANON, Greffier.

 

Est cité par :