CEntre de Recherche sur les CLauses ABusives
Résultats de la recherche

CASS. COM., 10 septembre 2013

Nature : Décision
Titre : CASS. COM., 10 septembre 2013
Pays : France
Juridiction : Cour de cassation Ch. commerciale
Demande : 12-21804
Date : 10/09/2013
Numéro ECLI : ECLI:FR:CCASS:2013:CO00773
Nature de la décision : Cassation avec renvoi
Mode de publication : Legifrance
Décision antérieure : CA PARIS (pôle 5 ch. 5), 2 février 2012, CA PARIS (pôle 5 ch. 4), 1er juillet 2015
Imprimer ce document

 

CERCLAB - DOCUMENT N° 4624

CASS. COM., 10 septembre 2013 : pourvoi n° 12-21804

Publication : Legifrance

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR DE CASSATION

CHAMBRE COMMERCIALE

ARRÊT DU 10 SEPTEMBRE 2013

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION                                      (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

N° de pourvoi : 12-21804.

DEMANDEUR à la cassation : Société Carrefour hypermarchés

DÉFENDEUR à la cassation : Ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi

M. Espel (président), président. SCP Delaporte, Briard et Trichet, SCP Meier-Bourdeau et Lécuyer, avocat(s).

 

MOTIFS (justification de la décision)                                                                 (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l’arrêt suivant :  

 

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE                                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Attendu, selon l’arrêt attaqué et les productions, que le ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi (le ministre de l’économie) a assigné la société Carrefour hypermarchés devant le tribunal de commerce en application des dispositions des articles L. 442-6-III et L. 470-5 du code de commerce, en nullité de la clause relative à la rémunération de services distincts de ceux favorisant la commercialisation des produits des fournisseurs et visés dans les accords de partenariat conclus en décembre 2005 et février 2006 par la société Carrefour hypermarchés avec les sociétés La Bresse, Rana, Sacla Italia, Malongo, Papeterie Hamelin, Walchli, Valade, Coudène, MHP production, La Toque angevine, Ederki, Les Salaisons pyrénéennes, Agis, Conserves de Provence, La Fournée dorée et Arnaud (les fournisseurs), en restitution des sommes trop perçues et en paiement d’une amende civile ; que la société Carrefour hypermarchés a soulevé l’irrecevabilité des demandes et demandé subsidiairement leur rejet ;

 

Sur le premier moyen, pris en sa quatrième branche, et le deuxième moyen, pris en sa première branche :

RÉPONSE DE LA COUR DE CASSATION AU MOYEN                                    (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Attendu que ces moyens ne seraient pas de nature à permettre l’admission du pourvoi ;

 

Sur le moyen d’annulation :

MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur)                                (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Attendu que la société Carrefour hypermarchés fait grief à l’arrêt d’avoir statué après avoir délibéré dans une formation composée de Mme Perrin, Mme Pomonti et Mme Luc, conseillère désignée par ordonnance du premier président de la cour d’appel en vertu de l’article R. 312-3 du code de l’organisation judiciaire, alors, selon le moyen, que toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue par un tribunal impartial ; que ne répond pas à cette exigence le tribunal composé par des magistrats qui ont déjà eu à prendre parti par le passé, dans le cadre d’un autre litige, sur la licéité de contrats sur lesquels elle est appelée à se prononcer dans le cadre d’un nouveau litige auquel ces mêmes contrats donnent lieu ; que Mme Luc a été appelée, lorsqu’elle était détachée au conseil de la concurrence, à apprécier la licéité des accords de partenariat en cause dans le présent litige et s’était expressément prononcée, au terme de son instruction, en faveur de l’illicéité de ces conventions en rédigeant une assignation qui devait être délivrée à la société Carrefour ; que dès lors, en se prononçant sur la licéité des mêmes accords de partenariat litigieux au terme d’un délibéré auquel Mme Luc avait participé, ce qui était de nature à faire peser un doute légitime, dans l’esprit du justiciable, sur l’impartialité de la juridiction, la cour d’appel a violé l’article 6 § 1er de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

 

RÉPONSE DE LA COUR DE CASSATION AU MOYEN                                    (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Mais attendu qu’aux termes de l’article 430, alinéa 2, du code de procédure civile, les contestations afférentes à la régularité de la composition d’une juridiction, dont les parties avaient la possibilité d’avoir connaissance, doivent être présentées, à peine d’irrecevabilité, dès l’ouverture des débats, faute de quoi aucune nullité ne peut être ultérieurement prononcée de ce chef, même d’office, et qu’il ne résulte ni de l’arrêt, ni des productions, qu’une telle contestation ait été soulevée devant les juges du fond ; d’où il suit que le moyen est irrecevable ;

 

Sur le premier moyen, pris en ses première, deuxième, troisième, cinquième, sixième, septième, huitième et neuvième branches :

MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur)                                (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Attendu que la société Carrefour hypermarchés fait grief à l’arrêt d’avoir rejeté sa demande tendant à faire juger irrecevable l’action du ministre en tant qu’elle était dirigée à son encontre, alors, selon le moyen :

1°/ qu’une demande tendant à obtenir la nullité d’un acte et la condamnation d’une partie à l’instance à payer à l’une des parties à l’acte diverses sommes en conséquence de la nullité est irrecevable faute d’avoir été faite à l’encontre des autres parties à l’acte, tiers à l’instance, dans les formes prévues par l’article 68, alinéa 2, du code de procédure civile ; qu’en prononçant néanmoins la nullité de clauses stipulées dans des accords de partenariat conclus avec des fournisseurs et en ordonnant la restitution à ces derniers des sommes perçues en exécution de ces clauses, en l’absence à l’instance des signataires des actes -tant fournisseurs que centrales de référencement-, la cour d’appel a violé l’article L. 442-6-I-2° a) devenu L. 442-6-I-1°) et L. 442-6-III du code de commerce ;

2°/ que la recevabilité de l’action du ministre de l’économie fondée sur les dispositions de l’article L. 442-6-III du code de commerce est subordonnée à l’information des parties à l’acte dont il poursuit l’annulation, en son entier ou en certaines de ses stipulations ; qu’en recevant néanmoins l’action du ministre et en prononçant la nullité des clauses de rémunération stipulées dans seize accords de partenariat conclus entre les sociétés Interdis ou Carrefour hypermarchés France d’une part et seize fournisseurs d’autre part, sans constater tout d’abord que la société Carrefour hypermarchés était seule partie à ces actes, à l’exclusion des sociétés Interdis et Carrefour hypermarchés France signataires des accords pour leur compte « et/ou » pour le compte de sociétés exploitant un magasin à enseigne Carrefour, ni constater ensuite que les signataires Interdis ou, selon le cas, Carrefour hypermarchés France avaient été informées de la procédure initiée par le ministre, la cour d’appel n’a pas légalement justifié sa décision au regard du texte susvisé ;

3°/ que les accords de partenariat litigieux stipulaient que chaque société de référencement signataire agissait « pour son compte et/ou pour le compte de toute entité juridique en France exploitant un magasin à enseigne (cocher les enseignes concernées) : O Carrefour O Champion O Marché plus O Ed O Shopi O 8 À 8 O Proxi O Carautoroute O Promocash O Ooshop O Tout site internet Carrefour ou toute autre enseigne exploitée par le groupe Carrefour ou un entrepôt dédié au groupe Carrefour », ce dont il résultait d’une part, que la société de référencement demeurait partie à l’acte, fût-ce aux côtés d’une autre société du groupe Carrefour et, d’autre part, que les entités exploitant des magasins à enseigne Carrefour n’étaient concernés qu’à la condition que la case correspondante ait été cochée ; qu’en énonçant que l’entité signataire « est, dans tous les cas stipulée agir « pour son compte ou pour le compte de toute entité juridique exploitant un magasin à enseigne : Carrefour, Champion, Marché plus, ED, Shopi, 8 à huit, Proxi, Carautoroute, Promocash, Ooshop, tout site internet Carrefour ou toute autre enseigne exploitée par le groupe Carrefour ou un entrepôt dédié au groupe Carrefour » », ce dont il résulte, d’une part, que la qualité de partie ne pouvait qu’être alternativement reconnue à la société de référencement ou à l’entité exploitant un magasin et, d’autre part, que toutes les entités exploitant toutes les enseignes du groupe pouvaient être réputées parties à l’acte, la cour d’appel a dénaturé les accords de partenariat litigieux, en violation de l’article 1134 du code civil ;

4°/ qu’un commerçant, tiers à un accord commercial jugé méconnaître l’article L. 442-6-I du code de commerce et qui n’est pas davantage l’accipiens des sommes versées en exécution du contrat litigieux ne peut être recherché par le ministre de l’économie en vue du prononcé d’une amende et de la « restitution » des sommes versées qu’à la condition que puisse lui être imputée une intervention dans la conclusion ou l’exécution de l’acte en vertu de laquelle il aurait obtenu ou tenté d’obtenir de son partenaire commercial un avantage quelconque ne correspondant à aucun service commercial effectivement rendu ou manifestement disproportionné au regard de la valeur du service rendu ; qu’en statuant ainsi, aux motifs inopérants selon lesquels d’une part « le groupe Carrefour est une véritable nébuleuse » dont plusieurs sociétés sont domiciliées à la même adresse et aux termes desquels, d’autre part, la société Carrefour hypermarchés a la qualité de défendeur sérieux au litige et a un intérêt direct à la signature des contrats de partenariat litigieux la cour d’appel n’a pas également justifié sa décision au regard de l’article L. 442-6-III du code de commerce ;

5°/ qu’un commerçant, tiers à un accord commercial jugé méconnaître l’article L. 442-6-I du code de commerce et qui n’est pas davantage l’accipiens des sommes versées en exécution du contrat litigieux ne peut être recherché par le ministre de l’économie en vue du prononcé d’une amende et de la « restitution » des sommes versées qu’à la condition que puisse lui être imputée une intervention dans la conclusion ou l’exécution de l’acte en vertu de laquelle il aurait obtenu ou tenté d’obtenir de son partenaire commercial un avantage quelconque ne correspondant à aucun service commercial effectivement rendu ou manifestement disproportionné au regard de la valeur du service rendu ; qu’en retenant que le modèle de contrat des accords de partenariat aurait été mis à la disposition des sociétés de référencement signataire par la société Carrefour hypermarchés, sans préciser sur quel élément elle fondait cette assertion reprise d’une simple affirmation dans les conclusions du ministre, la cour d’appel a de nouveau entaché sa décision d’un manque de base légale au regard de l’article L. 442-6-III du code de commerce ;

6°/ qu’un commerçant, tiers à un accord commercial jugé méconnaître l’article L. 442-6-I du code de commerce et qui n’est pas davantage l’accipiens des sommes versées en exécution du contrat litigieux ne peut être recherché par le ministre de l’économie en vue du prononcé d’une amende et de la « restitution » des sommes versées qu’à la condition que puisse lui être imputée une intervention dans la conclusion ou l’exécution de l’acte en vertu de laquelle il aurait obtenu ou tenté d’obtenir de son partenaire commercial un avantage quelconque ne correspondant à aucun service commercial effectivement rendu ou manifestement disproportionné au regard de la valeur du service rendu ; qu’il en résulte que l’illicéité de l’objet de l’intervention suppose que soient mis en regard le service proposé ou rendu et la contrepartie attendue ; qu’en retenant que la mise à disposition des sociétés de référencement, à la supposer avérée, d’un modèle de contrat énumérant les services proposés aux fournisseurs pouvait fonder la condamnation de la société Carrefour hypermarchés au titre de l’infraction susvisée, bien que ce modèle ne comportait aucune mention quant à la contrepartie attendue qui était différente d’un fournisseur à l’autre du propre aveu de la cour d’appel, cette dernière n’a pas caractérisé le fait imputable la société Carrefour hypermarchés par lequel elle aurait obtenu ou tenté d’obtenir de son partenaire commercial un avantage quelconque ne correspondant à aucun service commercial effectivement rendu ou manifestement disproportionné au regard de la valeur du service rendu, violant ainsi l’article L. 442-6-I-2°) a) devenu L. 442-6-I-1°) du code de commerce ;

7°/ que le juge ne peut fonder sa décision sur des faits qui ne sont pas dans le débat ; qu’en retenant que « la SAS Carrefour hypermarchés a bien volontairement exécuté les contrats litigieux, ce qu’elle ne conteste pas et ne peut pas contester » quand ni le ministre, ni la société Carrefour hypermarchés n’avaient prétendu que cette dernière avait exécuté les contrats litigieux, la cour d’appel s’est ainsi déterminée sur la base d’un fait qui n’était pas dans le débat, violant ainsi les article 7 et 16 du code de procédure civile ;

8°/ que la cour d’appel a constaté qu’à l’exception de sept factures, les paiements des contrats devaient être effectués auprès de l’entité CRF Carrefour et que les contrats étaient gérés par la société Carrefour administratif France, ce dont pouvait éventuellement résulter une gestion centralisée des contrats, mais pas au sein de la société Carrefour hypermarchés ; qu’en en déduisant néanmoins l’implication de la société Carrefour hypermarchés dans la conclusion ou l’exécution des contrats litigieux, la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, en violation des articles 1134 du code civil, ensemble l’article L. 442-6-I-2°) a) devenu L. 442-6-I-1°) et L. 442-6-III du code de commerce ;

 

RÉPONSE DE LA COUR DE CASSATION AU MOYEN                                    (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Mais attendu, en premier lieu, qu’après avoir rappelé que par décision du 13 mai 2011, le Conseil constitutionnel a confirmé la constitutionnalité de l’action engagée par le ministre de l’économie sur le fondement de l’article L. 442-6, III du code de commerce, sous la seule réserve que les parties au contrat soient informées de l’introduction de l’action, l’arrêt retient, par motifs propres et adoptés, que les seize fournisseurs en cause ont été effectivement informés de l’introduction par le ministre d’une action en justice contre la société Carrefour hypermarchés, que celle-ci, qui a pour activité l’exploitation d’hypermarchés sur le territoire français et exécute pour sa part les accords commerciaux et de partenariat avec ses fournisseurs, est la principale structure opérationnelle du groupe Carrefour sur le territoire français et que, quelle que soit l’entité signataire des accords de partenariat litigieux, cette entité est dans tous les cas stipulée agir « pour son compte ou pour le compte de toute entité juridique en France exploitant un magasin à enseigne Carrefour, Champion, Marché plus, Ed, Shopi, 8 à Huit, Proxi, Carautoroute, Promocash, Ooshop, tout site internet Carrefour ou toute autre enseigne exploitée par le groupe Carrefour ou un entrepôt dédié au groupe Carrefour » ; qu’ayant ainsi fait ressortir, sans dénaturation, que la société Carrefour hypermarchés avait la qualité de partie aux contrats litigieux signés pour son compte, ce dont il résultait que l’action engagée par le ministre de l’économie à son encontre était recevable, et abstraction faite des motifs surabondants critiqués par les quatrième, cinquième et huitième branches, la cour d’appel a légalement justifié sa décision ;

Attendu, en deuxième lieu, que le grief de la sixième branche, qui porte sur le bien-fondé de l’action engagée par le ministre de l’économie à l’encontre de la société Carrefour hypermarchés, est sans portée sur la recevabilité de cette action seule critiquée par le moyen ;

Et attendu, en troisième lieu, que l’arrêt retient par motifs adoptés que la société Carrefour hypermarchés, qui a pour activité l’exploitation d’hypermarchés sur le territoire français, exécute pour sa part les accords commerciaux et de partenariat avec ses fournisseurs, ce dont il résulte que le fait tenant à l’exécution par la société Carrefour hypermarchés des contrats litigieux était dans le débat porté devant la cour d’appel ; que le moyen manque en fait ;

D’où il suit que le moyen, qui ne peut être accueilli en ses quatrième, cinquième, septième et huitième branches, n’est pas fondé pour le surplus ;

 

Sur le deuxième moyen, pris en ses deuxième et troisième branches :

MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur)                                (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Attendu que la société Carrefour hypermarchés fait grief à l’arrêt d’avoir rejeté ses demandes relatives à l’application des dispositions des articles L. 442-6, I, 2° devenu L. 442-6, I, 1° et L. 442-6, III du code de commerce et, en conséquence, d’avoir jugé qu’elle avait obtenu en application des accords de partenariat conclus avec les fournisseurs des rémunérations manifestement disproportionnées au regard des services rendus, ou ne correspondant à aucun service commercial effectivement rendu, au sens de l’article L. 442-6, I, 1° du code de commerce, de l’avoir condamnée à une amende civile, d’avoir prononcé la nullité des clauses fixant la rémunération pour les seize fournisseurs susnommés des services litigieux et d’avoir ordonné la répétition de l’indu, alors, selon le moyen :

1°/ que constitue une infraction pénale la violation d’une prescription légale proscrivant de manière générale la commission de faits fautifs précisément définis, sous peine d’une sanction ayant le caractère d’une punition visant à empêcher la réitération d’agissements semblables ; que la poursuite d’une telle infraction suppose le respect du principe de personnalité des délits et des peines au bénéfice de la personne poursuivie ; qu’en refusant de contrôler le respect de ce principe au bénéfice de la société Carrefour hypermarchés, au motif que les faits pour lesquels celle-ci était poursuivie et consistant à avoir obtenu ou tenté d’obtenir de fournisseurs un avantage quelconque ne correspondant à aucun service commercial effectivement rendu ou manifestement disproportionné ne constituait pas une infraction pénale, tandis que la violation de cette prohibition de portée générale relative à des pratiques précisément définies sanctionnée par une peine d’amende pouvant atteindre 2 millions d’euros est constitutive d’une infraction pénale, la cour d’appel a violé l’article L. 442-6-I et III du code de commerce, en sa rédaction applicable en l’espèce, ensemble l’article 121-2 du code pénal ;

2°/ que sauf confusion des patrimoines ou fictivité de la société, l’autonomie de la personne juridique fait obstacle à ce qu’une personne morale ait à répondre sur son patrimoine des faits d’une autre personne morale du même groupe à ce seul motif ; qu’en condamnant néanmoins la société Carrefour hypermarchés au paiement d’une amende du fait de contrats qui, selon ses propres constatations, avaient été « signés par deux filiales distinctes du groupe Carrefour, jouissant chacune de la personnalité morale », ce qui excluait toute fictivité, la cour d’appel, qui n’a pas caractérisé une confusion entre le patrimoine de la société Carrefour hypermarchés et ceux des autres filiales, laquelle pouvait seule justifier la condamnation de cette société au paiement d’une amende pour des faits concernant plusieurs personnes morales, a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 442-6-I et III du code de commerce, en sa rédaction applicable en l’espèce ;

 

RÉPONSE DE LA COUR DE CASSATION AU MOYEN                                    (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Mais attendu que l’arrêt retient, par motifs propres et adoptés, dans l’exercice de son pouvoir souverain, d’abord, que la société Carrefour hypermarchés ne nie pas exploiter des magasins pour lesquels elle met en œuvre des accords commerciaux et de partenariat avec les fournisseurs concernés par la présente procédure et qu’elle a bien, au minimum, exécuté les contrats litigieux qui ont été très explicitement conclus pour son compte ; qu’il relève, ensuite, que si les accords de partenariat litigieux sont conclus par les fournisseurs concernés avec deux des centrales de référencement du groupe Carrefour, leur conclusion relève d’une politique élaborée et coordonnée au niveau du groupe Carrefour et en particulier de sa principale structure opérationnelle sur le territoire français la société Carrefour hypermarchés, que ces contrats signés par deux filiales distinctes du groupe Carrefour, reprennent exactement la même trame et les mêmes clauses que l’accord de partenariat soumis par le groupe Carrefour à l’ensemble de ses fournisseurs, que les deux centrales de référencement n’ont aucune marge de manœuvre quant à la définition des services proposés aux fournisseurs, coopération commerciale ou services distincts, ces prestations étant toujours définies par la société Carrefour hypermarchés dans leur contenu, qu’enfin c’est à juste titre que les premiers juges ont considéré que la société Carrefour hypermarchés, société exploitante, pour le compte de laquelle les contrats de partenariat ont été explicitement signés, et qui en assure l’exécution ainsi que celle des contrats commerciaux dont ils sont indissociables, ne saurait se dire étrangère aux contrats de partenariat ; qu’en l’état de ces constatations et appréciations faisant ressortir que la société Carrefour hypermarchés avait personnellement pris part aux pratiques litigieuses, et abstraction faite du motif surabondant critiqué par la première branche, la cour d’appel a légalement justifié sa décision ; que le moyen, qui ne peut être accueilli en sa première branche, n’est pas fondé pour le surplus ;

 

Sur le troisième moyen :

MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur)                                (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Attendu que la société Carrefour hypermarchés fait grief à l’arrêt de l’avoir condamnée à une amende civile, d’avoir prononcé la nullité des clauses fixant la rémunération pour les fournisseurs des services litigieux et d’avoir ordonné la répétition de l’indu, alors, selon le moyen :

1°/ que la possibilité offerte au juge par l’article L. 442-6-III du code de commerce d’annuler les clauses ou contrats illicites ne le dispense pas d’examiner si l’indivisibilité stipulée entre le contrat en cause et un autre contrat avec lequel il forme une opération économique unique ne justifie pas de prononcer la nullité du contrat en son entier ainsi que celle du contrat auquel il est lié ; qu’en se contentant d’affirmer que la stipulation d’indivisibilité ne pouvait faire obstacle à l’application de l’article L. 442-6 du code de commerce compte tenu de la nature d’ordre public de ce texte, sans rechercher plutôt, comme elle y était invitée, si cette stipulation d’indivisibilité, que la société Carrefour hypermarchés n’opposait pas à l’application de l’article L. 442-6, ne justifiait pas de refuser l’annulation de la clause de prix ou de prononcer l’annulation du contrat en son entier et du contrat qui lui était indivisible, afin d’éviter une révision du prix et le maintien sans contrepartie d’obligations à la charge des sociétés du groupe Carrefour, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 442-6-III du code de commerce, en sa rédaction applicable en l’espèce ;

2°/ que le principe de la liberté contractuelle et le respect dû aux biens font obstacle à ce que le juge impose à une partie d’exécuter sans contrepartie des obligations au profit d’une autre ; qu’en prononçant la nullité des clauses de rémunération des accords de partenariat ayant pour objets le « plan d’action par famille de produits » et le « plan de développement des performances du fournisseur », tout en laissant intact le reste de chaque contrat mettant à la charge du distributeur des obligations dont la cour d’appel a constaté qu’elles n’étaient pas inexistantes, même si la contrepartie convenue était jugée trop élevée, les juges du second degré ont ainsi imposé au débiteur de ces obligations leur exécution sans contrepartie, violant par là-même les principes susvisés, ensemble l’article 1er du Premier protocole additionnel ;

3°/ que la revente par un commerçant d’un produit en l’état à un prix inférieur à son prix d’achat effectif établi par le prix unitaire net figurant sur la facture d’achat majoré des taxes sur le chiffre d’affaires, des taxes spécifiques afférentes à cette revente et du prix du transport et minoré du montant de l’ensemble des autres avantages financiers consentis par le vendeur exprimé en pourcentage du prix unitaire net du produit, et excédant un seuil de 20 % à compter du 1er janvier 2006 et de 15 % à compter du 1er janvier 2007, constituait une revente à perte prohibée et punie d’une amende de 75.000 euros ; que la remise en cause des avantages financiers consentis par le vendeur, dont le coût minorait le prix d’achat effectif peut avoir pour effet de porter ce prix à une somme supérieure au prix de revente, celle-ci étant alors effectuée à perte ; qu’en décidant, en l’espèce, de la nullité de la seule clause de rémunération des services fournis par les sociétés du groupe Carrefour et en ordonnant la restitution intégrale des sommes correspondant à cette rémunération, la cour d’appel a fait augmenter le prix d’achat effectif qui n’était plus minoré par le coût d’aucun avantage financier ; qu’en statuant ainsi sans rechercher, comme elle y était invitée, si la remise en cause de cette minoration du prix d’achat effectif ne conduisait pas à une augmentation de ce prix telle que celui-ci excédait le prix de revente, plaçant ainsi les sociétés du groupe Carrefour dans une situation de revente à perte, pourtant prohibée et sanctionnée par une amende de 75.000 euros, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 442-2 et L. 442-6 I et III du code de commerce, en leur rédaction applicable en l’espèce ;

4°/ que le contrat se forme par la rencontre de volontés des parties, lesquelles ne sont pas tenues de contracter à leur détriment ; qu’en justifiant la nullité des seules clauses fixant la rémunération des services rendus aux fournisseurs, augmentant ainsi la marge bénéficiaire de ces derniers, par le fait que ces derniers avaient des difficultés à obtenir le référencement de leurs produits et par l’impossibilité dans laquelle ceux-ci se seraient trouvés de compenser cette rémunération de services par une hausse de leurs tarifs au moment de contracter, lorsque si l’opération économique proposée initialement ne présentait aucun avantage pour eux, les fournisseurs avaient toute liberté pour refuser de contracter, la cour d’appel a statué par un motif impropre à justifier sa décision, la privant ainsi de base légale au regard du principe de liberté contractuelle, ensemble les articles 1108 et 1134 du code civil ;

5°/ que toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens ; que l’intérêt économique ayant une valeur patrimoniale compte au nombre de ces biens ; qu’en prononçant la nullité d’une clause de prix d’un contrat de coopération commerciale, sans remettre en cause les obligations du distributeur résultant du contrat dans son ensemble et du contrat de vente auquel la coopération commerciale est liée, le juge prive le distributeur de son intérêt économique résultant de la marge bénéficiaire qu’il aurait réalisé dans cette opération économique ; que le juge porte ainsi atteinte au droit au respect des biens de ce distributeur ; qu’au cas d’espèce, en décidant de la nullité de la clause de prix et en affectant ainsi l’ensemble de l’opération économique liant les sociétés du groupe Carrefour aux fournisseurs par la privation de la marge bénéficiaire que ces sociétés pouvaient attendre de l’opération, la cour d’appel a violé l’article L. 442-6 I et III du code de commerce, en sa rédaction applicable en l’espèce, ensemble l’article 1er du Premier protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l’homme ;

6°/ qu’à supposer même que l’atteinte au respect des biens de la société Carrefour hypermarchés soit justifiée par le fait que la restitution intégrale du prix de la coopération commerciale a été ordonnée à titre de sanction, la cour d’appel a sanctionné la société Carrefour hypermarchés en mettant à sa charge à la fois la restitution de la totalité du prix versé par les fournisseurs et le paiement d’une amende de deux millions d’euros, ce qui était sans proportion avec l’infraction retenue ; qu’elle a ainsi violé l’article L. 442-6 III du code de commerce, en sa rédaction applicable en l’espèce, ensemble le principe de proportionnalité des peines et l’article 1er du Premier protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l’homme ;

 

RÉPONSE DE LA COUR DE CASSATION AU MOYEN                                    (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Mais attendu, en premier lieu, qu’ayant retenu que l’indivisibilité de l’accord commercial et du contrat de partenariat, concrétisée par l’article 3-3 de cet accord, prouvait seulement que les fournisseurs n’étaient pas libres de souscrire ou de ne pas souscrire l’accord de partenariat, la cour d’appel a procédé à la recherche visée par la première branche ;

Attendu, en deuxième lieu, que dans ses conclusions d’appel, la société Carrefour hypermarchés ne se prévalait pas de ce que l’annulation demandée par le ministre de l’économie, des seules clauses de rémunération des services de coopération commerciale en cause, aurait pour conséquence d’imposer au distributeur l’exécution de ses obligations sans contrepartie ; que le moyen, nouveau, est mélangé de fait et de droit ;

Attendu, en troisième lieu, qu’ayant retenu que l’ensemble des services en cause ne constituait qu’un habillage ne recouvrant aucune réalité économique, sinon la volonté de fausser les prix de transaction et le seuil de revente à perte, faisant ainsi ressortir l’illicéité des clauses de rémunération de ces services, la cour d’appel, qui n’était pas tenue d’effectuer une recherche que ses constatations rendaient inopérante, a légalement justifié sa décision ;

Attendu, en quatrième lieu, qu’après avoir énoncé que l’article L. 442-6, III du code de commerce prévoit expressément que le ministre de l’économie, pour toutes les pratiques illicites visées par l’article L. 442-6, peut faire constater par la juridiction saisie la nullité des clauses ou contrats illicites et demander la répétition de l’indu, et qu’il dispose ainsi, en tant que défenseur de l’ordre public économique, d’une action autonome de protection du marché et de la concurrence qui vise à sanctionner de façon suffisamment dissuasive la commission de pratiques abusives portant atteinte à la loyauté des relations commerciales au détriment de l’un des partenaires commerciaux, et relevé qu’il est illusoire de considérer que les PME, confrontées à des difficultés croissantes pour obtenir le référencement de leurs produits par les distributeurs, en particulier pour celles commercialisant leurs produits sous marques propres, peuvent revoir leurs tarifs à la hausse pour compenser les demandes de rémunérations abusives de services auxquelles elles se trouvent confrontées de la part des distributeurs, la cour d’appel a pu retenir qu’il y avait lieu de faire droit à la demande du ministre de l’économie tendant à l’annulation des seules clauses fixant la rémunération des services litigieux, sans pour autant remettre en cause l’ensemble de l’accord voulu par les parties ;

Et attendu, en cinquième lieu, que les restitutions étant prononcées par le juge en réparation du préjudice subi et non à titre de sanction, sont inopérants les griefs pris du caractère disproportionné de la sanction et de l’atteinte au droit de propriété de la personne condamnée ;

D’où il suit que le moyen, qui est irrecevable en sa deuxième branche et ne peut être accueilli en ses première, cinquième et sixième branches, n’est pas fondé pour le surplus ;

 

Sur le quatrième moyen, pris en ses deuxième et troisième branches :

MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur)                                (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Attendu que la société Carrefour hypermarchés fait grief à l’arrêt d’avoir prononcé la nullité des clauses fixant la rémunération pour les fournisseurs des services litigieux et de l’avoir, en conséquence condamnée à leur payer diverses sommes, alors, selon le moyen :

1°/ seul peut être tenu à restitution celui qui a reçu le paiement indu ; que la cour d’appel a constaté que la société Carrefour hypermarchés n’était l’émetteur, et l’accipiens de sommes correspondantes, que pour sept des factures émises au titre des accords de partenariat litigieux, dont le montant total s’établissait à la somme de 2.413.756,59 euros, ce dont il résultait que la condamnation de la société Carrefour hypermarchés ne pouvait, en toute hypothèse, excéder cette somme ; qu’en condamnant néanmoins la société Carrefour hypermarchés à « restituer » aux fournisseurs l’intégralité des sommes qu’ils avaient versées en exécution des accords de partenariat, peu important la personne de l’accipiens, pour un montant de plus de 17.000.000 euros que la société Carrefour hypermarchés n’avait pas perçus, la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, violant ainsi les articles L. 442-6 III du code de commerce, 1235 du code civil et 1er du Premier protocole additionnel ;

2°/ que la société Carrefour hypermarchés faisait valoir, dans ses conclusions d’appel, que certains des accords de partenariat en cause étaient également réputés conclus pour le compte d’entités exploitant des magasins sous d’autres enseignes, de telle sorte qu’elle ne pouvait être seule condamnée à « restituer » l’intégralité des sommes versées par les fournisseurs en exécution des accords de partenariat et qu’elle n’avait personnellement pas perçues ; qu’en se dispensant d’apporter une réponse à ces conclusions pertinentes, la cour d’appel a violé l’article 455 du code de procédure civile ;

 

RÉPONSE DE LA COUR DE CASSATION AU MOYEN                                    (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Mais attendu qu’ayant par une appréciation souveraine des pièces et éléments de preuve, retenu que la société Carrefour hypermarchés avait personnellement participé à toutes les pratiques illicites en cause, la cour d’appel, qui n’était pas tenue de répondre à des conclusions que ses constatations rendaient inopérantes, a pu statuer comme elle a fait ; que le moyen n’est pas fondé ;

 

Mais sur le quatrième moyen, pris en sa première branche :

VISA (texte ou principe violé par la décision attaquée)                                        (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Vu l’article L. 442-6, III du code de commerce, ensemble les articles 1235 et 1376 du code civil ;

 

RAPPEL DE LA DÉCISION ATTAQUÉE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Attendu que pour condamner la société Carrefour hypermarchés à restituer aux fournisseurs l’intégralité des sommes versées au titre des clauses de rémunération annulées, l’arrêt retient que la réparation du trouble passe par la restitution aux fournisseurs des sommes indûment versées ;

 

CRITIQUE DE LA COUR DE CASSATION                                                       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Attendu qu’en statuant ainsi, après avoir constaté que seules les sommes versées au titre du service « communication d’un plan d’implantation des produits par type de magasin » ne correspondaient à aucun service commercial rendu, cependant que les sommes facturées en contrepartie des services « plan d’action par famille de produits » et « plan de développement des performances du fournisseur » étaient manifestement disproportionnées par rapport à la valeur du service rendu, ce dont il résultait que s’agissant de ces derniers, seules devaient être remboursées les sommes excédant la valeur réelle des services dont l’arrêt constatait qu’ils avaient été effectivement rendus, fussent-ils sans proportion avec la valeur réelle de ces services, la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et violé les textes susvisés ;

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                                                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il a ordonné la répétition de l’indu, par le paiement entre les mains du Trésor public, qui les reversera aux fournisseurs concernés, des sommes indûment perçues au titre des accords de partenariat, soit :

- à la société La Bresse la somme de 83.606,15 euros,

- à la société Rana la somme de 2.830.965,80 euros,

- à la société Sacla Italia la somme de 1.004.340,45 euros,

- à la société Malongo la somme de 2.103.939,45 euros,

- à la société Papeterie Hamelin, la somme de 1.606.629,04 euros,

- à la société Walchli, la somme de 127.448,07 euros,

- à la société Valade la somme de 317.826,44 euros,

- à la société Coudène la somme de 162.882,26 euros,

- à la société MHP production la somme de 157.118,80 euros,

- à la société La Toque angevine la somme de 1.695.832,50 euros,

- à la société Ederli la somme de 585.011,70 euros,

- à la société Les Salaisons pyrénéennes la somme de 46.673,10 euros,

- à la société Agis la somme de 1.638.517,16 euros,

- à la société Conserves de Provence la somme de 3.039.756,97 euros,

- à la société La Fournée dorée la somme de 913.265,44 euros,

- à la société Arnaud la somme de 879.947,14 euros,

l’arrêt rendu le 2 février 2012, entre les parties, par la cour d’appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Paris, autrement composée ;

Condamne le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix septembre deux mille treize. 

 

 

ANNEXE : MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur)              (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Moyens produits par la SCP Delaporte, Briard et Trichet, avocat aux Conseils, pour la société Carrefour hypermarchés

 

PREMIER MOYEN DE CASSATION (subsidiaire)

(Sur la recevabilité de l’action à l’encontre de la SAS Carrefour Hypermarchés)

RAPPEL DU DISPOSITIF DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Il est fait grief à l’arrêt d’avoir débouté la société Carrefour Hypermarchés de sa demande tendant à faire juger irrecevable l’action du ministre en tant qu’elle était dirigée à son encontre ;

 

RAPPEL DES MOTIFS DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Aux motifs que « la SAS Carrefour Hypermarchés (RCS Evry 451 XX) soutient qu’elle ne peut être tenue pour responsable des termes de contrats qu’elle n’a pas signée et de factures qu’elle n’a pas émises et dont elle n’a pas reçu paiement ; qu’il est en effet constant que les accords de partenariat litigieux ont été conclus par les fournisseurs concernés par la présente procédure avec deux des centrales de référencement du groupe Carrefour, la société Carrefour Hypermarchés France (RCS Evry 428 YY) et la société Interdis (RCS Caen 421 ZZ) ; que le Ministre de l’économie fait cependant valoir à juste titre que la conclusion des accords de partenariat par le groupe Carrefour avec ses fournisseurs, et en particulier avec les seize fournisseurs en cause dans la présente espèce, relèvent d’une politique élaborée et coordonnée au niveau du groupe Carrefour, et en particulier de sa principale structure opérationnelle sur le territoire français, la SAS Carrefour Hypermarchés ; que la SAS Carrefour hypermarchés ne peut prétendre sans mauvaise foi qu’elle n’existait pas à la date de la signature des contrats, pour certains d’entre eux fin 2005 et pour d’autres début 2006, dès lors qu’il résulte de son Kbis qu’elle a déposé ses statuts au greffe du tribunal de commerce de Caen le 24 décembre 2003 et qu’elle n’a fait qu’opérer un transfert de ceux-ci auprès du tribunal de commerce d’Evry le 2 février 2006 ; qu’au demeurant, il importe peu que son début d’activité se situe au 10 janvier 2006, des lors que les contrats en cause concernent bien des accords de partenariat de 2006, à une date où la SAS Carrefour Hypermarchés était en activité ; qu’en outre, la lecture des contrats en cause fait apparaître que, quelle qu’en soit l’entité signataire, celle-ci est dans tous les cas stipulée agir « pour son compte ou pour le compte de toute entité juridique en France exploitant un magasin a enseigne Carrefour, Champion, Marché Plus, ED, Shopi, 8 à huit, Proxi, Carautoroute, Promocash, Ooshop, tout site Internet Carrefour ou toute autre enseigne exploitée par le groupe Carrefour ou un entrepôt dédié au groupe Carrefour » ; que ces contrats, signés par deux filiales distinctes du groupe Carrefour, jouissant chacune de la personnalité morale, reprennent néanmoins exactement la même trame, et les mêmes fournisseurs ; clauses de l’accord de partenariat soumis par le groupe Carrefour à l’ensemble de ses fournisseurs; que d’ailleurs, la SAS Carrefour Hypermarchés met à disposition le modèle de contrat unique utilisé lors des négociations commerciales, de sorte que les actions sont engagées pour le compte de Carrefour Hypermarchés, que ce soit par l’intermédiaire de la société Carrefour Hypermarchés France ou de la société Interdis, ces dernières n’ayant aucune marge de manœuvre quant à la définition des services proposés aux fournisseurs, coopération commerciale ou services distincts, ces prestations étant toujours définies par Carrefour Hypermarchés dans leur contenu ; qu’en outre, la SAS Carrefour Hypermarchés a bien volontairement exécuté les contrats litigieux, ce qu’elle ne conteste pas et ne peut pas contester ; qu’il doit également être observé que, dans tous les cas, les paiements effectués en application de ces contrats doivent être adressés à la même entité CRF Carrefour, tandis que leur gestion comptable est assurée par une autre entité commune, Carrefour Administratif France et que l’article 3.2 des accords prévoit la compensation des sommes dues au titre de ces contrats avec les sommes dues par le fournisseur « à l’ensemble des entités juridiques exploitant des magasins aux enseigne du groupe Carrefour » ; que la SAS Carrefour reconnaît au demeurant que sept factures concernant la rémunération des accords de coopération litigieux ont été émises par elle sans expliquer pour quelle raison elle a émis et encaissé des factures dans le cadre de l’exécution de contrats auxquels elle dit être étrangère ; qu’en réalité, le groupe Carrefour est constitué d’une véritable nébuleuse de sociétés dont les liens apparaissent d’une grande opacité ; qu’ainsi, à l’adresse de la SAS Carrefour Hypermarchés, [adresse M.] à Evry, figurent pas moins de cinq raisons sociales différentes portant des dénominations sociales quasiment similaires ; que tel est le cas de la société Carrefour Hypermarchés France, l’un des signataires des accords de partenariat litigieux, dont le président est la SAS Carrefour Hypermarchés ; que quant à la SNC Interdis, centrale d’achat alimentaire, qui est l’autre signataire des accords de partenariat en cause, elle a comme associé Carrefour et son siège social se trouvait également rue [adresse M.] à Evry et a été transféré à Mondeville ZI Route de Paris ; que la SAS Carrefour Hypermarchés dispose de 11 établissements dans le ressort du greffe du tribunal de commerce d’Evry et de 67 établissements secondaires dans toute la France, pour l’essentiel des hypermarchés ; que dès lors, il est clairement établi que la SAS Carrefour Hypermarchés s’identifie au groupe Carrefour ; que la SAS Carrefour Hypermarchés, qui exploite ainsi de nombreux hypermarchés à enseigne Carrefour, a, non seulement la qualité de défendeur sérieux au litige, mais également un intérêt direct à la signature des contrats de partenariat ; que dès lors, c’est à juste titre que les premiers juges ont considéré que la SAS Carrefour Hypermarchés, société exploitante, pour le compte de laquelle les contrats de partenariat ont été explicitement signés, et qui en assure l’exécution ainsi que celle des contrats commerciaux dont ils sont indissociables, ne saurait se dire étrangère aux dits contrats de partenariat ; que le jugement dont appel doit donc être confirmé en ce qu’il a déclaré la demande du Ministre de l’Economie de l’Industrie et de l’Emploi à l’encontre de la société Carrefour Hypermarchés recevable » (arrêt, p. 6 à 8) ;

 

MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur)                                (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Alors, en premier lieu, qu’une demande tendant à obtenir la nullité d’un acte et la condamnation d’une partie à l’instance à payer à l’une des parties à l’acte diverses sommes en conséquence de la nullité est irrecevable faute d’avoir été faite à l’encontre des autres parties à l’acte, tiers à l’instance, dans les formes prévues par l’article 68, alinéa 2 du code de procédure civile ; qu’en prononçant néanmoins la nullité de clauses stipulées dans des accords de partenariat conclus avec des fournisseurs et en ordonnant la restitution à ces derniers des sommes perçues en exécution de ces clauses, en l’absence à l’instance des signataires des actes - tant fournisseurs que centrales de référencement -, la cour d’appel a violé l’article L. 442-6-I-2° a) devenu L. 442-6-I-1°) et L. 442-6-III du code de commerce ;

Alors, en deuxième lieu, que la recevabilité de l’action du ministre de l’économie le ministre de l’économie fondée sur les dispositions de l’article L. 442-6-III du code de commerce est subordonnée à l’information des parties à l’acte dont il poursuit l’annulation, en son entier ou en certaines de ses stipulations ; qu’en recevant néanmoins l’action du ministre et en prononçant la nullité des clauses de rémunération stipulées dans seize accords de partenariat conclus entre les sociétés Interdis ou Carrefour Hypermarchés France d’une part et seize fournisseurs d’autre part, sans constater tout d’abord que la société Carrefour Hypermarchés était seule partie à ces actes, à l’exclusion des sociétés Interdis et Carrefour Hypermarchés France signataires des accords pour leur compte « et/ou » pour le compte de sociétés exploitant un magasin à enseigne Carrefour, ni constater ensuite que les signataires Interdis ou, selon le cas, Carrefour Hypermarchés France avaient été informées de la procédure initiée par le ministre, la cour d’appel n’a pas légalement justifié sa décision au regard du texte susvisé ;

Alors, en troisième lieu, que les accords de partenariat litigieux stipulaient que chaque société de référencement signataire agissait « pour son compte et/ou pour le compte de toute entité juridique en France exploitant un magasin à enseigne (cocher les enseignes concernées) : O CARREFOUR O CHAMPION O MARCHÉ PLUS O ED O SHOPI O 8 À 8 O PROXI O CARAUTOROUTE O PROMOCASH O OOSHOP O Tout site INTERNET CARREFOUR ou toute autre enseigne exploitée par le groupe CARREFOUR ou un entrepôt dédié au groupe CARREFOUR », ce dont il résultait d’une part, que la société de référencement demeurait partie à l’acte, fût-ce aux côtés d’une autre société du groupe Carrefour et, d’autre part, que les entités exploitant des magasins à enseigne Carrefour n’étaient concernés qu’à la condition que la case correspondante ait été cochée ; qu’en énonçant que l’entité signataire « est, dans tous les cas stipulée agir « pour son compte ou pour le compte de toute entité juridique exploitant un magasin à enseigne : Carrefour, Champion, Marché Plus, ED, Shopi, 8 à huit, Proxi, Carautoroute, Promocash, Ooshop, tout site Internet Carrefour ou toute autre enseigne exploitée par le groupe Carrefour ou un entrepôt dédié au groupe Carrefour » », ce dont il résulte, d’une part, que la qualité de partie ne pouvait qu’être alternativement reconnue à la société de référencement ou à l’entité exploitant un magasin et, d’autre part, que toutes les entités exploitant toutes les enseignes du groupe pouvaient être réputées parties à l’acte, la cour d’appel a dénaturé les accords de partenariat litigieux, en violation de l’article 1134 du code civil ;

Alors en quatrième lieu et tout état de cause que dans les accords respectivement conclus les 16 décembre 2005, 2 février 2006, 15 décembre 2006 et 15 décembre 2005 avec les sociétés la Bresse, Ederki, Les salaisons pyrénéennes et Agis, la société Interdis n’agissait pas « pour son compte et/ou pour le compte » d’une entité exploitant une enseigne Carrefour, mais « pour son compte et/ou pour le compte » d’autres enseignes, seules cochées ; qu’en jugeant néanmoins recevable l’action du ministre de l’économie à l’encontre de ces fournisseurs en retenant que l’entité signataire était « dans tous les cas stipulée agir « pour son compte ou pour le compte de toute entité juridique en France exploitant un magasin à enseigne : Carrefour » », la cour d’appel a encore dénaturé les actes susvisés, en violation de l’article 1134 du code civil ;

Alors, en cinquième lieu, qu’un commerçant, tiers à un accord commercial jugé méconnaître l’article L. 442-6-I du code de commerce et qui n’est pas davantage l’accipiens des sommes versées en exécution du contrat litigieux ne peut être recherché par le ministre de l’économie en vue du prononcé d’une amende et de la « restitution » des sommes versées qu’à la condition que puisse lui être imputée une intervention dans la conclusion ou l’exécution de l’acte en vertu de laquelle il aurait obtenu ou tenté d’obtenir de son partenaire commercial un avantage quelconque ne correspondant à aucun service commercial effectivement rendu ou manifestement disproportionné au regard de la valeur du service rendu ; qu’en statuant ainsi, aux motifs inopérants selon lesquels d’une part « le groupe Carrefour est une véritable nébuleuse » dont plusieurs sociétés sont domiciliées à la même adresse et aux termes desquels, d’autre part, la société Carrefour Hypermarchés a la qualité de défendeur sérieux au litige et a un intérêt direct à la signature des contrats de partenariat litigieux la cour d’appel n’a pas également justifié sa décision au regard de l’article L. 442-6-III du code de commerce ;

Alors, en sixième lieu, qu’un commerçant, tiers à un accord commercial jugé méconnaître l’article L. 442-6-I du code de commerce et qui n’est pas davantage l’accipiens des sommes versées en exécution du contrat litigieux ne peut être recherché par le ministre de l’économie en vue du prononcé d’une amende et de la « restitution » des sommes versées qu’à la condition que puisse lui être imputée une intervention dans la conclusion ou l’exécution de l’acte en vertu de laquelle il aurait obtenu ou tenté d’obtenir de son partenaire commercial un avantage quelconque ne correspondant à aucun service commercial effectivement rendu ou manifestement disproportionné au regard de la valeur du service rendu ; qu’en retenant que le modèle de contrat des accords de partenariat aurait été mis à la disposition des sociétés de référencement signataire par la société Carrefour Hypermarché, sans préciser sur quel élément elle fondait cette assertion reprise d’une simple affirmation dans les conclusions du ministre, la cour d’appel a de nouveau entaché sa décision d’un manque de base légale au regard de l’article L. 442-6-III du code de commerce ;

Alors, en septième lieu, qu’un commerçant, tiers à un accord commercial jugé méconnaître l’article L. 442-6-I du code de commerce et qui n’est pas davantage l’accipiens des sommes versées en exécution du contrat litigieux ne peut être recherché par le ministre de l’économie en vue du prononcé d’une amende et de la « restitution » des sommes versées qu’à la condition que puisse lui être imputée une intervention dans la conclusion ou l’exécution de l’acte en vertu de laquelle il aurait obtenu ou tenté d’obtenir de son partenaire commercial un avantage quelconque ne correspondant à aucun service commercial effectivement rendu ou manifestement disproportionné au regard de la valeur du service rendu ; qu’il en résulte que l’illicéité de l’objet de l’intervention suppose que soient mis en regard le service proposé ou rendu et la contrepartie attendue ; qu’en retenant que la mise à disposition des sociétés de référencement, à la supposer avérée, d’un modèle de contrat énumérant les services proposés aux fournisseurs pouvait fonder la condamnation de la société Carrefour Hypermarchés au titre de l’infraction susvisée, bien que ce modèle ne comportait aucune mention quant à la contrepartie attendue qui était différente d’un fournisseur à l’autre du propre aveu de la cour d’appel, cette dernière n’a pas caractérisé le fait imputable la société Carrefour Hypermarchés par lequel elle aurait obtenu ou tenté d’obtenir de son partenaire commercial un avantage quelconque ne correspondant à aucun service commercial effectivement rendu ou manifestement disproportionné au regard de la valeur du service rendu, violant ainsi l’article L. 442-6 I 2°) a) devenu L. 442-6 I 1°) du code de commerce ;

Alors, en huitième lieu, que le juge ne peut fonder sa décision sur des faits qui ne sont pas dans le débat ; qu’en retenant que « la SAS Carrefour Hypermarchés a bien volontairement exécuté les contrats litigieux, ce qu’elle ne conteste pas et ne peut pas contester » quand ni le ministre, ni la société Carrefour Hypermarchés n’avaient prétendu que cette dernière avait exécuté les contrats litigieux, la cour d’appel s’est ainsi déterminée sur la base d’un fait qui n’était pas dans le débat, violant ainsi les article 7 et 16 du code de procédure civile ;

Alors, en dernier lieu, que la cour d’appel a constaté qu’à l’exception de 7 factures, les paiements des contrats devaient être effectués auprès de l’entité CRF Carrefour et que les contrats étaient gérés par la société Carrefour Administratif France (arrêt, p. 7, § 8), ce dont pouvait éventuellement résulter une gestion centralisée des contrats, mais pas au sein de la société Carrefour Hypermarchés ; qu’en en déduisant néanmoins l’implication de la société Carrefour Hypermarchés dans la conclusion ou l’exécution des contrats litigieux, la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, en violation des articles 1134 du Code civil, ensemble l’article L. 442-6-I-2°) a) devenu L. 442-6-I-1°) et L. 442-6-III du code de commerce.

 

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION (subsidiaire)

(Sur l’application des articles L. 442-6-I et L. 442-6-III)

RAPPEL DU DISPOSITIF DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir débouté la société Carrefour Hypermarchés de ses demandes relatives à l’application des dispositions des articles L. 442-6-I-2° devenu L. 442-6-I-1° et L. 442-6-III du code de commerce et, en conséquence, d’avoir jugé que la société Carrefour Hypermarchés avait obtenu en application des accords de partenariat conclu avec les fournisseurs La Bresse, Rana, Sacla Italia, Malongo, Papeterie Hamelin, Walchi, Valade, Coudène, MHP Production, La Toque Angevine, Ederki, Les Salaisons Pyrénéennes, Agis, Conserves de Provence, La Fournée Dorée, et Arnaud, des rémunérations manifestement disproportionnées au regard des services rendus, ou ne correspondant à aucun service commercial effectivement rendu, au sens de l’article L. 442-6-I-1° du code de commerce, d’avoir condamné la société Carrefour Hypermarchés à une amende civile d’un montant de deux millions d’euros, d’avoir prononcé la nullité des clauses fixant la rémunération pour les seize fournisseurs susnommés des services litigieux et d’avoir ordonné la répétition de l’indu, par le paiement des sommes indûment perçues au titre de ces contrats ;

 

RAPPEL DES MOTIFS DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Aux motifs propres que « il a déjà été jugé par le Conseil constitutionnel, par une décision du 13 janvier 2011, que la demande de condamnation à une amende civile ne contrevenait pas aux principes applicables en matière répressive car, eu égard à la nature pécuniaire de la sanction et à la complexité des pratiques que le législateur a souhaité prévenir et réprimer, l’incrimination de l’article L. 442-6-I-2° devenu L. 442-6-I-1° du code de commerce est définie en des termes suffisamment clairs et précis pour ne pas méconnaître le principe de légalité des délits et ses dispositions ne sont contraires à aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit ; que de même, la Cour de cassation, dans un arrêt du 15 février 2011, a considéré que les termes de l’article L. 442-6-I-2° a) du code de commerce définissent de manière claire, précise et sans ambiguïté le comportement qu’ils visent, qu’ils ont déjà fait l’objet d’une jurisprudence des juges du fond cohérente et nombreuse et qu’ils incluent un élément moral de l’infraction (…) ; que les pratiques abusives visées par l’article L. 442-6 du code de commerce ne constituent pas des infractions pénales et n’ont donc pas à être compatibles avec le principe de la présomption d’innocence édicté par l’article 6 § 2 de la CEDH ; que cet article ne renverse pas la charge de la preuve et n’est que la transcription en droit commercial de l’article 1315 du code civil ; que le jugement doit donc être confirmé en ce qu’il a rejeté les moyens présentés par la société Carrefour Hypermarchés SAS tirés de la nonconformité de l’action du ministre aux principes fondamentaux applicables en matière répressive (…) ; qu’il a déjà été exposé plus haut que la société Carrefour Hypermarchés ne pouvait se prévaloir d’une non-conformité de l’action du ministre aux principes fondamentaux applicables en matière répressive, en ce que les pratiques abusives visées par l’article L. 442-6 du code de commerce ne constituent pas des infractions pénales ; qu’elle ne peut donc pas invoquer le principe de la personnalité des délits et des peines » ;

Et au motif réputé adopté que « l’article L. 442-6 du code de commerce est précisément rédigé de telle sorte qu’il exige du demandeur une démonstration circonstanciée » ;

 

MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur)                                (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Alors, d’une part, que constitue une infraction pénale la violation d’une prescription légale proscrivant de manière générale la commission de faits fautifs précisément définis, sous peine d’une sanction ayant le caractère d’une punition visant à empêcher la réitération d’agissements semblables ; que la prescription légale prohibant le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou artisan d’obtenir ou de tenter d’obtenir d’un partenaire commercial un avantage quelconque ne correspondant à aucun service commercial effectivement rendu ou manifestement disproportionné au regard de la valeur du service rendu et sanctionnant cette pratique par une peine d’amende pouvant atteindre 2 millions d’euros constitue une infraction pénale, laquelle impose au juge de respecter la présomption d’innocence au bénéfice de la personne poursuivie pour de tels faits ; que cette présomption suppose de faire peser la charge de la preuve de la commission de ces faits sur l’autorité publique poursuivante ; qu’en déniant à la violation des pratiques abusives visées par l’article L. 442-6-I-2° a) (devenu L. 442-6-I-1°) du code de commerce la qualification d’infraction pénale pour affirmer le contraire, la cour d’appel a violé cette disposition en ses paragraphe I et III, ensemble l’article 6 § 2 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

Alors, d’autre part, que constitue une infraction pénale la violation d’une prescription légale proscrivant de manière générale la commission de faits fautifs précisément définis, sous peine d’une sanction ayant le caractère d’une punition visant à empêcher la réitération d’agissements semblables ; que la poursuite d’une telle infraction suppose le respect du principe de personnalité des délits et des peines au bénéfice de la personne poursuivie ; qu’en refusant de contrôler le respect de ce principe au bénéfice de la société Carrefour Hypermarchés SAS, au motif que les faits pour lesquels celle-ci était poursuivie et consistant à avoir obtenu ou tenté d’obtenir de fournisseurs un avantage quelconque ne correspondant à aucun service commercial effectivement rendu ou manifestement disproportionné ne constituait pas une infraction pénale, tandis que la violation de cette prohibition de portée générale relative à des pratiques précisément définies sanctionnée par une peine d’amende pouvant atteindre 2 millions d’euros est constitutive d’une infraction pénale, la cour d’appel a violé l’article L. 442-6 I et III du code de commerce, en sa rédaction applicable en l’espèce, ensemble l’article 121-2 du code pénal ;

 

RAPPEL DES MOTIFS DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Et aux motifs propres que « la société Carrefour Hypermarchés SAS (RCS Évry 451 XX) soutient qu’elle ne peut être tenue pour responsable des termes de contrats qu’elle n’a pas signée et de factures qu’elle n’a pas émises et dont elle n’a pas reçu paiement ; qu’il est en effet constant que les accords de partenariat litigieux ont été conclus par les fournisseurs concernés par la présente procédure avec deux des centrales de référencement du groupe Carrefour, la société Carrefour Hypermarchés France (RCS Évry 428 YY) et la société Interdis (RCS Caen 421 ZZ) ; que le ministre de l’économie fait cependant valoir à juste titre que la conclusion des accords de partenariat par le groupe Carrefour avec ses fournisseurs, et en particulier avec les seize fournisseurs en cause dans la présente espèce, relèvent d’une politique élaborée et coordonnée au niveau du groupe Carrefour, et en particulier de sa principale structure opérationnelle sur le territoire français, la société Carrefour Hypermarchés SAS ; que la société Carrefour Hypermarchés SAS ne peut prétendre sans mauvaise foi qu’elle n’existait pas à la date de la signature des contrats, pour certains d’entre eux fin 2005 et pour d’autres début 2006, dès lors qu’il résulte de son Kbis qu’elle a déposé ses statuts au greffe du tribunal de commerce de Caen le 24 décembre 2003 et qu’elle n’a fait qu’opérer un transfert de ceux-ci auprès du tribunal de commerce d’Évry le 2 février 2006 ; qu’au demeurant, il importe peu que son début d’activité se situe au 10 janvier 2006, dès lors que les contrats en cause concernent bien des accords de partenariat de 2006, à une date où la société Carrefour Hypermarchés SAS était en activité ; qu’en outre, la lecture des contrats en cause fait apparaître que, quelle qu’en soit l’entité signataire, celle-ci est dans tous les cas stipulée agir « pour son compte ou pour le compte de toute entité juridique en France exploitant un magasin à enseigne : Carrefour, Champion, Marché Plus, ED, Shopi, 8 à huit, Proxi, Carautoroute, Promocash, Ooshop, tout site Internet Carrefour ou toute autre enseigne exploitée par le groupe Carrefour ou un entrepôt dédié au groupe Carrefour » ; que ces contrats, signés par deux filiales distinctes du groupe Carrefour, jouissant chacune de la personnalité morale, reprennent néanmoins exactement la même trame, et les mêmes clauses de l’accord de partenariat soumis par le groupe Carrefour à l’ensemble de ses fournisseurs ; que d’ailleurs, la société Carrefour Hypermarchés SAS met à disposition le modèle de contrat unique utilisé lors des négociations commerciales, de sorte que les actions sont engagées pour le compte de Carrefour Hypermarchés, que ce soit par l’intermédiaire de la société Carrefour Hypermarchés France ou de la société Interdis, ces dernières n’ayant aucune marge de manœuvre quant à la définition des services proposés aux fournisseurs, coopération commerciale ou services distincts, ces prestations étant toujours définies par Carrefour Hypermarchés dans leur contenu ; qu’en outre, la société Carrefour Hypermarchés SAS a bien volontairement exécuté les contrats litigieux, ce qu’elle ne conteste pas et ne peut pas contester ; qu’il doit également être observé que, dans tous les cas, les paiements effectués en application de ces contrats doivent être adressés à la même entité CRF Carrefour, tandis que leur gestion comptable est assurée par une autre entité commune, Carrefour Administratif France et que l’article 3.2 des accords prévoit la compensation des sommes dues au titre de ces contrats avec les sommes dues par le fournisseur « à l’ensemble des entités juridiques exploitant des magasins aux enseignes du groupe Carrefour » ; que la SAS Carrefour reconnaît au demeurant que sept factures concernant la rémunération des accords de coopération litigieux ont été émises par elle sans expliquer pour quelle raison elle a émis et encaissé des factures dans le cadre de l’exécution de contrats auxquels elle dit être étrangère ; qu’en réalité, le groupe Carrefour est constitué d’une véritable nébuleuse de sociétés dont les liens apparaissent d’une grande opacité ; qu’ainsi à l’adresse de la SAS Carrefour Hypermarchés, [adresse M.] à Évry, figurent pas moins de cinq raisons sociales différentes portant des dénominations sociales quasiment similaires ; que tel est le cas de la société Carrefour Hypermarchés France, l’un des signataires des accords de partenariat litigieux, dont le président est la SAS Carrefour Hypermarchés ; que quant à la SNC Interdis, centrale d’achat alimentaire, qui est l’autre signataire des accords de partenariat en cause, elle a comme associé Carrefour et son siège social se trouvait également [adresse M.] à Évry et a été transféré à Mondeville ZI route de Paris ; que la SAS Carrefour Hypermarchés dispose de 11 établissements dans le ressort du greffe du tribunal de commerce d’Évry et de 67 établissements secondaires dans toute la France, pour l’essentiel des hypermarchés ; que dès lors, il est clairement établi que la SAS Carrefour Hypermarchés s’identifie au groupe Carrefour ; que la SAS Carrefour Hypermarchés, qui exploite ainsi de nombreux hypermarchés à enseigne Carrefour a, non seulement la qualité de défendeur sérieux au litige, mais également un intérêt direct à la signature des contrats de partenariat litigieux ; que dès lors, c’est à juste titre que les premiers juges ont considéré que la SAS Carrefour Hypermarchés, société exploitante, pour le compte de laquelle les contrats de partenariat ont été explicitement signés, et qui en assure l’exécution ainsi que celle des contrats commerciaux dont ils sont indissociables, ne saurait se dire étrangère aux dits contrats de partenariat (…) ; que le jugement dont appel doit être confirmé en ce qu’il a condamné la société Carrefour Hypermarchés à payer une amende civile de 2 millions d’euros ; que le ministre chargé de l’économie demande également que soit prononcée la nullité des clauses fixant la rémunération pour les seize fournisseurs susnommés des services litigieux et la répétition de l’indu ; qu’il a déjà été statué ci-dessus sur la recevabilité de l’action du ministre dirigée à l’encontre de la société Carrefour Hypermarchés de sorte que, pour les motifs déjà invoqués, cette dernière ne peut se prévaloir de ce qu’elle n’est pas signataire des accords de partenariat en cause ou du fait qu’elle n’a émis que 7 des 23 factures en cause » ;

Et aux motifs réputés adoptés que « les contrats concernés par la présente instance ont été signés soit par la société Interdis, soit par la société Carrefour Hypermarchés France, sociétés de référencement juridiquement distinctes de la défenderesse ; que les fournisseurs du groupe Carrefour signent très généralement deux contrats, l’un dénommé « accord commercial » qui porte notamment sur les spécifications des marchandises, les quantités, les prix, les conditions de livraison et de paiement, et l’autre appelé « accord de partenariat » qui définit les services annexes et leur rémunération ; que c’est ce dernier type d’accord qui fait l’objet de la présente procédure ; que les « accords de partenariat » sont signés par les sociétés Interdis et Carrefour Hypermarchés France qui sont chargées du référencement ; qu’il y est précisé cependant que la société signataire agit « pour son compte et/ou pour le compte de toute entité juridique exploitant un magasin à enseigne » le type d’enseigne étant précisé plus bas ; que la société Carrefour Hypermarchés SAS a pour activité l’exploitation d’hypermarchés sur le territoire français ; qu’elle exécute pour sa part les accords commerciaux et de partenariat avec ses fournisseurs ; qu’en conséquence Carrefour Hypermarchés, société exploitante, pour le compte de laquelle le contrat de partenariat a été explicitement signé, et qui en assure l’exécution ainsi que celle du contrat commercial dont il est indissociable, ne saurait se dire étrangère audit contrat de partenariat ; que sauf en ce qui concerne le contrat de la société La Bresse, la société Carrefour Hypermarchés ne nie pas exploiter des magasins pour lesquels elle met en œuvre des accords commerciaux et de partenariat avec les fournisseurs concernés par la présente procédure ; que, concernant la société La Bresse, l’accord de partenariat conclu avec la société Carrefour Hypermarchés France sous la référence XX porte bien sur le format hypermarché Carrefour, seul le contrat Interdis étant moins explicite ; qu’il résulte de ce qui précède que la société Carrefour Hypermarchés a bien, au minimum, exécuté volontairement les contrats litigieux qui ont été très explicitement conclus pour son compte » ;

 

MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur)                                (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Alors, en tout état de cause, que sauf confusion des patrimoines ou fictivité de la société, l’autonomie de la personne juridique fait obstacle à ce qu’une personne morale ait à répondre sur son patrimoine des faits d’une autre personne morale du même groupe à ce seul motif ; qu’en condamnant néanmoins la société Carrefour Hypermarchés SAS au paiement d’une amende du fait de contrats qui, selon ses propres constatations, avaient été « signés par deux filiales distinctes du groupe Carrefour, jouissant chacune de la personnalité morale », ce qui excluait toute fictivité, la cour d’appel, qui n’a pas caractérisé une confusion entre le patrimoine de la société Carrefour Hypermarchés SAS et ceux des autres filiales, laquelle pouvait seule justifier la condamnation de cette société au paiement d’une amende pour des faits concernant plusieurs personnes morales, a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 442-6 I et III du code de commerce, en sa rédaction applicable en l’espèce.

 

TROISIÈME MOYEN DE CASSATION (plus subsidiaire)

(Sur la nullité des clauses de rémunération et la condamnation aux restitutions)

RAPPEL DU DISPOSITIF DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Il est fait grief à l’arrêt partiellement infirmatif attaqué d’avoir condamné la société Carrefour Hypermarchés à une amende civile d’un montant de deux millions d’euros, d’avoir prononcé la nullité des clauses fixant la rémunération pour les seize fournisseurs La Bresse, Rana, Sacla Italia, Malongo, Papeterie Hamelin, Walchi, Valade, Coudène, MHP Production, La Toque Angevine, Ederki, Les Salaisons Pyrénéennes, Agis, Conserves de Provence, La Fournée Dorée, et Arnaud des services litigieux et d’avoir ordonné la répétition de l’indu, par le paiement entre les mains du Trésor public, qui les reversera aux fournisseurs concernés, des sommes indûment perçues au titre des contrats de partenariat ;

 

RAPPEL DES MOTIFS DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Aux motifs que « les premiers juges ont justement retenu que l’ensemble des services analysés ci-dessus ne constituent qu’un habillage ne recouvrant aucune réalité économique, sinon la volonté de fausser les prix de transaction et le seuil de revente à perte, et que l’indivisibilité de l’accord commercial et du contrat de partenariat, concrétisé par l’article 3-3 de l’accord de partenariat prouve seulement que les fournisseurs ne sont pas libres de souscrire ou de ne pas souscrire l’accord de partenariat (...) ; que le dernier paragraphe de l’accord type de partenariat précise que « les parties sont liées par le présent accord de partenariat et l’accord commercial. Ces deux contrats forment un ensemble indivisible » ; que l’article 3-3 de l’accord de partenariat type précise que « ...sauf décision contraire et expresse de Carrefour la résiliation de l’accord commercial signé entre les parties entraînera automatiquement et simultanément la résiliation du présent accord de partenariat. De même la résiliation du présent contrat entraînera automatiquement et simultanément la résiliation de l’accord commercial » ; que le ministre chargé de l’économie, en tant que défenseur de l’ordre public économique, dispose ainsi d’une action autonome de protection du marché et de la concurrence qui vise à sanctionner de façon suffisamment dissuasive la commission de pratiques abusives qui portent atteinte à la loyauté des relations commerciales au détriment de l’un des partenaires commerciaux ; que si le trouble porté à l’ordre économique généré par ces pratiques doit être sanctionné par le versement d’une amende civile, la réparation du trouble passe par la restitution aux fournisseurs des sommes indûment versées ; que dans ces conditions, la stipulation contractuelle d’indivisibilité des deux contrats ne saurait faire obstacle à l’application d’un texte d’ordre public sans le priver d’une grande partie de sa portée et violer les dispositions de l’article 6 du code civil qui dispose que « on ne peut déroger, par des conventions particulières, aux lois qui intéressent l’ordre public » ; qu’il convient en effet d’observer que les PME sont confrontées à des difficultés croissantes pour obtenir le référencement de leurs produits par les distributeurs, en particulier pour celles commercialisant leurs produits sous marques propres, et qu’elles subissent un rapport de force de plus en plus déséquilibré face aux groupes de la grande distribution qui s’est traduit par une tendance à la diminution des prix de cession nets qu’elles obtenaient de la part desdits distributeurs ; qu’il est donc illusoire de considérer, comme le voudrait la société Carrefour Hypermarchés, que les PME peuvent à loisir revoir leurs tarifs à la hausse pour compenser les demandes de rémunérations abusives de services auxquelles elles se trouvent confrontées dans leurs négociations avec les fournisseurs ; que compte tenu de l’ensemble de ces développements, il est légitime de faire droit à la demande du ministre chargé de l’économie tendant au prononcé de la nullité des seules clauses fixant la rémunération pour les seize fournisseurs susnommés des services litigieux, sans pour autant remettre en cause l’ensemble de l’accord conclu entre les parties ; que la conséquence de l’annulation des clauses litigieuses est la répétition de l’indu dont les difficultés de mise en œuvre ne sauraient réduire à néant la protection de l’ordre public économique ; qu’en l’absence de précisions apportées par l’article L. III du code de commerce, force est de constater que la restitution des sommes indues aux fournisseurs par l’intermédiaire du Trésor public est la seule à même de garantir l’exécution de la décision judiciaire ; que les sommes indument perçues au titre de ces contrats s’établissent à 83.606,15 € à la société La Bresse, 2.830.965,80 € à la société Rana, 1.004.340,45 € à la société Sacla Italia, 2.103.939,45 € à la société Malongo, 1.606.629,04 € à la société Papeterie Hamelin, 127.448,07 € à la société Walchli, 317.826,44 € à la société Valade, 162.882,26 € à la société Coudène, 157.118,80 € à la société MHP Production, 1.695.832,50 € à la société La Toque Angevine, 585.011,70 € à la société Ederli, 46.673,10 € à la société Les Salaisons Pyrénéennes, 1.638.517,16 € à la société Agis, 3.039.756,97 € à la société Conserves de Provence, 913.265,44 € à la société La Fournée Dorée et 879.947,14 € à la société Arnaud » ;

 

MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur)                                (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Alors, d’une part, que la possibilité offerte au juge par l’article L. 442-6 III du code de commerce d’annuler les clauses ou contrats illicites ne le dispense pas d’examiner si l’indivisibilité stipulée entre le contrat en cause et un autre contrat avec lequel il forme une opération économique unique ne justifie pas de prononcer la nullité du contrat en son entier ainsi que celle du contrat auquel il est lié ; qu’en se contentant d’affirmer que la stipulation d’indivisibilité ne pouvait faire obstacle à l’application de l’article L. 442-6 du code de commerce compte tenu de la nature d’ordre public de ce texte, sans rechercher plutôt, comme elle y était invitée (concl., p. 36 à 38), si cette stipulation d’indivisibilité, que la société Carrefour Hypermarchés n’opposait pas à l’application de l’article L. 442-6, ne justifiait pas de refuser l’annulation de la clause de prix ou de prononcer l’annulation du contrat en son entier et du contrat qui lui était indivisible, afin d’éviter une révision du prix et le maintien sans contrepartie d’obligations à la charge des sociétés du groupe Carrefour, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 442-6 III du code de commerce, en sa rédaction applicable en l’espèce ;

Alors, en outre, que le principe de la liberté contractuelle et le respect dû aux biens font obstacle à ce que le juge impose à une partie d’exécuter sans contrepartie des obligations au profit d’une autre ; qu’en prononçant la nullité des clauses de rémunération des accords de partenariat ayant pour objets le « plan d’action par famille de produits » et le « plan de développement des performances du fournisseur », tout en laissant intact le reste de chaque contrat mettant à la charge du distributeur des obligations dont la cour d’appel a constaté qu’elles n’étaient pas inexistantes, même si la contrepartie convenue était jugée trop élevée, les juges du second degré ont ainsi imposé au débiteur de ces obligations leur exécution sans contrepartie, violant par là-même les principes susvisés, ensemble l’article 1er du Premier protocole additionnel ;

Alors, d’autre part, que la revente par un commerçant d’un produit en l’état à un prix inférieur à son prix d’achat effectif établi par le prix unitaire net figurant sur la facture d’achat majoré des taxes sur le chiffre d’affaires, des taxes spécifiques afférentes à cette revente et du prix du transport et minoré du montant de l’ensemble des autres avantages financiers consentis par le vendeur exprimé en pourcentage du prix unitaire net du produit, et excédant un seuil de 20 % à compter du 1er janvier 2006 et de 15,65 % à compter du 1er janvier 2007, constituait une revente à perte prohibée et punie d’une amende de 75.000 € ; que la remise en cause des avantages financiers consentis par le vendeur, dont le coût minorait le prix d’achat effectif peut avoir pour effet de porter ce prix à une somme supérieure au prix de revente, celle-ci étant alors effectuée à perte ; qu’en décidant, en l’espèce, de la nullité de la seule clause de rémunération des services fournis par les sociétés du groupe Carrefour et en ordonnant la restitution intégrale des sommes correspondant à cette rémunération, la cour d’appel a fait augmenter le prix d’achat effectif qui n’était plus minoré par le coût d’aucun avantage financier ; qu’en statuant ainsi sans rechercher, comme elle y était invitée (concl., p. 38 à 41), si la remise en cause de cette minoration du prix d’achat effectif ne conduisait pas à une augmentation de ce prix telle que celui-ci excédait le prix de revente, plaçant ainsi les sociétés du groupe Carrefour dans une situation de revente à perte, pourtant prohibée et sanctionnée par une amende de 75.000 €, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 442-2 et L. 442-6 I et III du code de commerce, en leur rédaction applicable en l’espèce ;

Alors, de quatrième part, que le contrat se forme par la rencontre de volontés des parties, lesquelles ne sont pas tenues de contracter à leur détriment ; qu’en justifiant la nullité des seules clauses fixant la rémunération des services rendus aux fournisseurs, augmentant ainsi la marge bénéficiaire de ces derniers, par le fait que ces derniers avaient des difficultés à obtenir le référencement de leurs produits et par l’impossibilité dans laquelle ceux-ci se seraient trouvés de compenser cette rémunération de services par une hausse de leurs tarifs au moment de contracter, lorsque si l’opération économique proposée initialement ne présentait aucun avantage pour eux, les fournisseurs avaient toute liberté pour refuser de contracter, la cour d’appel a statué par un motif impropre à justifier sa décision, la privant ainsi de base légale au regard du principe de liberté contractuelle, ensemble les articles 1108 et 1134 du code civil ;

Alors, de cinquième part, que toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens ; que l’intérêt économique ayant une valeur patrimoniale compte au nombre de ces biens ; qu’en prononçant la nullité d’une clause de prix d’un contrat de coopération commerciale, sans remettre en cause les obligations du distributeur résultant du contrat dans son ensemble et du contrat de vente auquel la coopération commerciale est liée, le juge prive le distributeur de son intérêt économique résultant de la marge bénéficiaire qu’il aurait réalisé dans cette opération économique ; que le juge porte ainsi atteinte au droit au respect des biens de ce distributeur ; qu’au cas d’espèce, en décidant de la nullité de la clause de prix et en affectant ainsi l’ensemble de l’opération économique liant les sociétés du groupe Carrefour aux fournisseurs par la privation de la marge bénéficiaire que ces sociétés pouvaient attendre de l’opération, la cour d’appel a violé l’article L. 442-6 I et III du code de commerce, en sa rédaction applicable en l’espèce, ensemble l’article 1er du Premier protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l’homme ;

Alors, enfin, que, à supposer même que l’atteinte au respect des biens de la société Carrefour Hypermarchés SAS soit justifiée par le fait que la restitution intégrale du prix de la coopération commerciale a été ordonnée à titre de sanction, la cour d’appel a sanctionné la société Carrefour Hypermarchés SAS en mettant à sa charge à la fois la restitution de la totalité du prix versé par les fournisseurs et le paiement d’une amende de deux millions d’euros, ce qui était sans proportion avec l’infraction retenue ; qu’elle a ainsi violé l’article L. 442-6-III du code de commerce, en sa rédaction applicable en l’espèce, ensemble le principe de proportionnalité des peines et l’article 1er du Premier protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l’homme.

 

QUATRIÈME MOYEN DE CASSATION (encore plus subsidiaire)

RAPPEL DU DISPOSITIF DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir prononcé la nullité des clauses fixant la rémunération pour les seize fournisseurs susnommés des services litigieux et d’avoir, en conséquence condamné la société Carrefour Hypermarchés à payer à la SAS La Bresse, la somme de 83.606,15 euros, à la société Rana, la somme de 2.830.965,80 euros, à, la société Sacla Italia, la somme de 1.004.340,45 euros, à la société Malongo, la somme de 2.103.939,45 euros, à la société Papeterie Hamelin, la somme de 1.606.629,04 euros, à la SAS Walchli, la somme de 127.448,07 euros, à la SAS Valade, la somme de 317.826,44 euros, à la société Couane, la somme de 162.882,26 euros, à la société MHP Production, la somme de 157.118,80 euros, à la société La Toque Angevine, la somme de 1.695.832,50 euros, à la SA Ederli, la somme de 585.011,70 euros, à la société Les Salaisons Pyrénéennes, la somme de 46.673,10 euros, à la société Agis, la somme de 1.638.517,16 euros, à la SAS Conserves de Provence, la somme de 3.039.756,97 euros à la société La Fournée Dorée, la somme de 913.265,44 euros, à la SAS Arnaud, la somme de 879.947,14 euros ;

 

RAPPEL DES MOTIFS DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Aux motifs que « le Ministre de l’Economie de l’Industrie et de l’Emploi forme à l’encontre de la société Carrefour Hypermarchés une demande d’amende civile au titre des accords de partenariat conclus avec des rémunérations qu’il estime manifestement disproportionnées au regard des services rendus ou ne correspondant à aucun service commercial effectivement rendu, au sens de l’article L 442-6-1-2° a) devenu L 442-6-I-1° du code de commerce ; que trois types de services sont en cause dans la présente espèce : - le service « plan d’action par famille de produits », -le service « plan de développement des performances du fournisseur », - le service « communication d’un plan d’implantation des produits par type de magasin » ; que pour les deux premiers types de service le ministre considère que les rémunérations sont manifestement disproportionnées au regard des services rendus alors que pour le troisième type du service il estime qu’il ne correspond à aucun service commercial effectivement rendu ; que l’ensemble de seize fournisseurs concernés par l’assignation a souscrit le service « plan d’action par famille de produits », quinze d’entre eux ont souscrits le service « plan de développement des performances du fournisseur » et treize d’entre eux ont souscrit les services « communication d’un plan d’implantation des produits par type de magasin » ; qu’il est certain que, pour les deux premiers types de services, le ministre doit démontrer que la rémunération versée n’a pas de contrepartie ou qu’il existe une disproportion « manifeste » par rapport à la valeur réelle du service proposé et que pour le troisième service, il doit démontré l’absence de tout service commercial effectivement rendu ; que le service « plan d’action par famille de produits » consiste en la mise au point d’actions portant sur la détermination du potentiel et des objectifs de vente des familles de produits du fournisseur, afin de lui donner « une meilleure visibilité sur les tendances du marché des produits concernés » ; que ce plan prend la forme de présentations effectuées lors d’une réunion à laquelle les fournisseurs sont conviés en début d’année, puis mises à la disposition des fournisseurs sur un site extranet développé par le distributeur sans commentaire ou analyse complémentaires ; qu’il s’agit de données très générales sur les évolutions des ventes de familles de produits assez larges, avec indication de l’évolution des prix, des résultats enregistrés par les enseignes du groupe Carrefour et leur stratégie, ses relations avec les différentes catégories de fournisseurs et notamment avec les PME ; qu’ainsi, la même série de 17 diaporamas a-t-elle été fournie à des sociétés fabricants des produits très différents société Rana (pâtes fraîches et plats cuisinés), société Coudène (produits traiteurs de la mer), société MPH Productions (produits traiteurs de la mer), société Agis (plats cuisinés, traiteur) et société La Fournée Dorée (viennoiseries) alors que ces diaporamas contiennent notamment des revues de marché portant sur certaines familles de produits, en l’espèce les produits laitiers et non-laitiers, les produits carnés et surgelés, alors qu’aucun de ces cinq fournisseurs n’opèrent dans le secteur des produits laitiers et que trois d’entre eux sont absents du marché des produits surgelés ; qu’une autre série de 8 diaporamas portant sur les produits d’épicerie a été mise à la disposition de quatre autres fournisseurs, les sociétés Valade (desserts préparés), Ederki (conserves de légumes), Arnaud (conserves de viande) et Malongo (café) mais constitue un examen très global du secteur des produits d’épicerie avec des données trop générales pour pouvoir offrir aux fournisseurs une visibilité significative de l’évolution des ventes de leurs propres produits, allant au delà des tendances conjoncturelles communes aux marchés de détail pris dans leur ensemble ; que le décalage entre les données fournies et ce dont auraient besoin les fournisseurs pour que le service soit véritablement utile est illustré par le cas du fournisseur Malongo, producteur de cafés fins haut de gamme, pour lequel les données les plus directement liées à son activité sont celles relatives à la sous-famille « petit déjeuner » qui sont bien trop générales par rapport à la catégorie véritablement opérationnelle qui serait, pour ce fournisseur, une analyse du marché du café, et plus encore une analyse de l’évolution des différents segments de ce marché ; que s’agissant particulièrement de PME, souvent spécialisées sur la fourniture de produits très ciblés, leurs ventes sont bien plus susceptibles d’être impactées par les offres de nouveaux produits commercialisés par des concurrents de dimension internationale ou encore par les choix du distributeur de commercialiser sous sa propre marque un produit concurrent ; que la société Carrefour Hypermarchés ne saurait se prévaloir de témoignages de certains de ses fournisseurs qui attesteraient de la réelle valeur des prestations de service critiquées alors, qu’à l’évidence, ces PME, qui fournissent toujours le groupe Carrefour ont un intérêt fondamental à ce que leurs produits soient référencés par le canal de distribution essentiel que constitue la grande distribution et tout particulièrement celui exploité par le groupe Carrefour, de sorte que leurs témoignages doivent être examinés avec beaucoup de précautions ; que parallèlement au faible intérêt des informations diffusées, relatives à des marchés de produits sans rapport avec ceux commercialisés par les fournisseurs concernés ou consistant en des données très générales sur la politique du groupe Carrefour ou les résultats enregistrés par ses différentes enseignes, les rémunérations versées par les seize fournisseurs en cause en contrepartie du service “plan d’action par famille de produits” s’établissent à des niveaux extrêmement élevés au regard de la consistance de ces services, très contrastés d’un fournisseur à l’autre et sans rapport avec leur chiffre d’affaires respectifs avec Carrefour ; que la rémunération du service « plan d’action par famille de produits » au titre de l’année 2006 a ainsi varié de 48.643,80 € à 1.273.775,80 € d’un fournisseur à l’autre et de 4 % à 33,5 % de leur chiffre d’affaires respectifs avec Carrefour, sans que la rémunération ainsi demandée ait un quelconque rapport avec le service effectivement rendu ; que l’autre service en cause, appelé « plan de développement des performances du fournisseur » est une prestation globale ayant pour objet d’élaborer un plan visant à développer les ventes du fournisseur, à mettre au point les assortiments les plus adaptés et à analyser les ventes au moyen de chiffres disponibles au niveau de chaque point de vente ; qu’il se présente sous la forme de tableaux informatiques chiffrés sous format Excel, reprenant pour chaque référence commercialisée un état des sorties par entrepôt et des ventes par magasin en unités vendues et en chiffre d’affaires correspondant ; que ces données chiffrées sont adressées à l’état brut aux fournisseurs, à un rythme mensuel, sans être accompagnées d’aucun commentaire ni d’aucune analyse qui permette d’en tirer quelque enseignement en termes de stratégie commerciale, de sorte qu’elles ne peuvent, sans un travail supplémentaire de traitement et d’analyse de la part du fournisseur, constituer « une analyse de la performance » de celui-ci ; qu’il s’agit donc de la transmission par la société Carrefour Hypermarchés d’éléments chiffrés, très utiles pour ses propres besoins d’analyse stratégique, qu’elle aurait établis en tout état de cause et indépendamment d’un quelconque service de coopération commerciale au bénéfice de ses fournisseurs. Ces données ne peuvent constituer pour ceux-ci « les grandes lignes d’un plan de développement des performances du fournisseur » censé avoir été élaboré par Carrefour pour les bénéficiaires du service ; qu’ici également, compte tenu du faible intérêt des informations diffusées, les rémunérations versées par les quinze fournisseurs en cause en contrepartie du service « plan de développement des performances du fournisseur » s’établissent à des niveaux extrêmement élevés au regard de la consistance de ces services et très contrastés d’un fournisseur à l’autre ; que la rémunération du service « plan de développement des performances du fournisseur » au titre de l’année 2006 a ainsi varié de 3.961 € à 1.270.346 € d’un fournisseur à l’autre et de 3 % à 17,2 % de leur chiffre d’affaires, sans qu’il soit justifié d’une prestation différente à hauteur du prix fixé et versé par chaque fournisseur ; que l’enquête de l’administration a cherché à déterminer dans quelle mesure les fournisseurs ayant souscrit auprès de Carrefour les contrats litigieux avaient pu commander auprès de prestataires spécialises des services de nature équivalente ; qu’il a pu être établi que cinq des fournisseurs en cause avaient acheté des études produites par le panéliste AC Nielsen et deux autres avaient recours aux services de la société IRI ; que les études de ces panélistes sont tout à fait comparables à celles proposées par Carrefour dans le cadre des deux services susvisés ; que si certaines spécificités sont propres à Carrefour, en particulier le suivi des ventes pour un point de vente donné, seuls les panélistes sont en mesure d’offrir aux industriels des données relatives aux ventes toutes enseignes confondues, permettant ainsi d’observer les performances respectives des différents distributeurs pour un produit donné, sachant que ces études portent sur des segments très spécifiques correspondant précisément à l’activité du fournisseur ; que pour des prestations comparables, il faut relever que les prix demandés par les panélistes pour leurs prestations varient sur les sept fournisseurs qui y ont eu recours de 21.410 € à 98.673 €, ces prix étant très largement inférieurs à ceux facturés par Carrefour au titre des deux services litigieux ; que les premiers juges ont, à juste titre, souligné que les prix pratiqués par Carrefour étaient parfois dix ou vingt fois supérieurs aux prix pratiqués par les panélistes pour des prestations non pas identiques mais néanmoins comparables” ; que le fait que des fournisseurs comme, par exemple, Malongo ou Conserves de Provence, acheteurs d’études de marché à des prix compris entre 30.000 et 45.000 € auprès des panélistes, aient rémunéré Carrefour à hauteur de plus d’un million d’euros, représentant respectivement 12 et 14 % du montant de leurs ventes, au titre du service « plan de développement des performances du fournisseur » ne peut, au regard du contenu de cette prestation relever d’un comportement économique rationnel et caractérise à lui seul l’existence d’une rémunération manifestement disproportionnée ; que par ailleurs, il a été démontré l’écart considérable entre le coût de revient des études marketing et statistiques ainsi proposées aux fournisseurs, et les recettes obtenues en contrepartie, soit 13 millions d’euros pour les seuls fournisseurs concernés par la présente espèce, qui ne constituent qu’une infime partie des rémunérations totales obtenues à ce titre par le groupe Carrefour de l’ensemble des fournisseurs ; que si la société Carrefour fait état d’un service de cinq personnes, elle ne démontre pas que celles-ci avaient une activité dédiée aux prestations destinées aux fournisseurs, dés lors que les données chiffrées sont des données internes et brutes qui s’inscrivent dans son propre fonctionnement au regard des différentes entités juridiques constituant le groupe lui-même ; que la société Carrefour Hypermarchés ne saurait soutenir que les pratiques abusives en cause dans la présente instance supposeraient, pour être établies, que soit démontrée l’existence d’un état de dépendance économique dans lequel serait placée la victime vis à vis du bénéficiaire de ces rémunérations, alors qu’une telle condition n’est pas prévue par le texte et que l’abus de dépendance économique est sanctionné par mi texte spécifique du code de commerce ; qu’il résulte de l’ensemble de ces éléments que les sommes facturées pour le compte de la société Carrefour Hypermarchés en contrepartie des services « plan d’action par famille de produits », pour un montant total de 6.380.002,47 €, et « plan de développement des performances du fournisseur », pour un montant total de 6.760.335 €, sont manifestement disproportionnées par rapport à la valeur du service rendu, au sens de l’article L 442-6-I-1° du code de commerce ; que s’agissant enfin du service « communication d’un plan d’implantation des produits par type de magasin », il est matérialisé par la. transmission au fournisseur de fichiers informatiques représentant la disposition de ses produits et des produits concurrents dans le rayon concerné, avec présentation visuelle des produits dans le rayon et indication de la surface de rayon occupée, complétée par la liste des références des produits concurrents présents dans le rayon ; que ces données sont déclinées suivant les différentes structures d’assortiment présentes dans les différents formats de magasins exploités par le groupe Carrefour et représentent le mode d’organisation de son rayon par le distributeur en fonction de son choix de disposer physiquement les références qu’il a retenues en fonction de la dimension de son rayon ; que si cette analyse est primordiale pour le distributeur, qui a intérêt à organisé son rayon, pour un type de produits donné, en fonction des références le plus souvent recherchées par le consommateur et en fonction do sa propre marge, la communication aux fournisseurs des plans d’implantation des rayons dans lesquels sont proposés leurs produits ne peut être considéré comme un service rendu ; que seul l’engagement d’un distributeur d’organiser une présentation spécifique des produits d’un fournisseur en leur consacrant par exemple une part plus importante de son linéaire, pour lui permettre d’augmenter ses ventes par rapport à celles des produits concurrents, ou en lui permettant une présentation d’un produit en tête de gondole, pourrait constitue un véritable service de coopération commerciale ; qu’en revanche, la simple communication à un fournisseur du plan d’implantation de ses produits dans les rayons, sans qu’il dispose d’une quelconque possibilité d’influencer les choix du distributeur en la matière, et alors qu’une simple visite dans les points de vente lui permet de prendre connaissance de cette implantation-type, ne peut être considérée comme service rendu au fournisseur ; que la rémunération du service « communication d’un plan d’implantation des produits par type de magasin » au titre de l’année 2006 a ainsi varié de 31.525 € à 907.390 € d’un fournisseur à, l’antre et de 2 % 11 % de leur chiffre d’affaires ; que les sommes versés au titre de ce service par les fournisseurs concernés, pour un montant total de 4.053.423 €, ne correspondent à aucun service commercial rendu au sens de L. 442-6-I 1° du code de commerce ; que les premiers juges ont justement retenu que l’ensemble des services analysés ci-dessus ne constituent qu’un habillage rte recouvrant aucune réalité économique, sinon la volonté de fausser les prix de transaction et le seuil de revente à perte, et que l’indivisibilité de l’accord commercial et du contrat de partenariat, concrétisé par l’article 3-3 de raccord de partenariat prouve seulement que les fournisseurs ne sont pas libres de souscrira ou de ne pas souscrire l’accord de partenariat ; qu’il a déjà été exposé plus haut que la société Carrefour Hypermarchés ne pouvait se prévaloir d’une non-conformité de l’action du ministre aux principes fondamentaux applicables en matière répressive, en ce que les pratiques abusives visées par l’article L. 442-6 du code de commerce rte constituent pas des infractions pénales. Elle ne peut donc pas invoquer le principe de la personnalité des délits et des peines ; que le jugement dont appel doit donc être confirmé en ce qu’il a condamné la société Carrefour Hypermarchés à payer une amende civile de 2 millions d’euros ; que le ministre chargé de l’économie demande également que soit prononcée la nullité des clauses fixant la rémunération pour les seize fournisseurs susnommés des services litigieux et la répétition de l’indu ; qu’il a déjà été statué ci-dessus sur la recevabilité de l’action du ministre dirigée à, l’encontre de la société Carrefour Hypermarchés de sorte que, pour les motifs déjà invoqués, cette dernière ne peut se prévaloir de ce qu’elle n’est pas signataire des accords du partenariat en cause ou du fait qu’elle n’a émis que 7 des 23 factures en cause ; que le dernier paragraphe de l’accord, type de partenariat précise que « les parties sont liées par le présent accord de partenariat et l’accord commercial. Ces deux contrats forment un ensemble indivisible » ; que l’article 3-3 de l’accord de partenariat type précise que « ...sauf décision contraire et expresse de Carrefour la résiliation de l’accord commercial signé entre les parties entraînera automatiquement et simultanément la résiliation du présent accord de partenariat. De même la résiliation du présent contrat entraînera automatiquement et simultanément la résiliation de l’accord commercial » ; que la société Carrefour Hypermarchés soutient que cette indivisibilité serait également économique, l’achat de marchandises par Carrefour au fournisseur et la réalisation par ses soins des services de coopération commerciale formant, selon elle, un ensemble économique indivisible ; qu’elle en déduit l’impossibilité de prononcer la nullité des clauses fixant la rémunération des services litigieux car cela conduirait à des conséquences disproportionnées ; qu’elle ajoute que le reversement des rémunérations perçues créerait un déséquilibre significatif entre les parties en octroyant l’ensemble de la marge au fournisseur et en lui imposant de travailler à perte ; que cependant, L 442-6-III du code de commerce prévoit expressément que le ministre chargé de l’économie, pour toutes les pratiques illicites visées à l’article L 442-6, peut « faire constater » par la juridiction saisie “la nullité des clauses ou contrats illicites et demander la répétition de l’indu” ; que le ministre chargé de l’économie, en tant que défenseur de l’ordre public économique, dispose ainsi d’une action autonome de protection du marché et de la concurrence qui vise à sanctionner de façon suffisamment dissuasive la commission de pratiques abusives qui portent atteinte à la loyauté des relations commerciales au détriment de des partenaires commerciaux ; que si le trouble porté à l’ordre économique généré par ces pratiques doit être sanctionné par le versement d’une amende civile, la réparation du trouble passe par la restitution aux fournisseurs des sommes indûment versées ; que dans ces conditions, la stipulation contractuelle d’indivisibilité des deux contrats ne saurait faire obstacle à l’application d’un texte d’ordre public sans le priver d’une grande partie de sa portée et violer les dispositions de l’article 6 du code civil qui dispose que « on ne peut déroger, par des conventions particulières, aux lois qui intéressent l’ordre public... » ; qu’il convient en effet d’observer que les PME sont confrontées à des difficultés croissantes pour obtenir le référencement de leurs produits par les distributeurs, en particulier pour celles commercialisant leurs produits sous marques propres, et qu’elles subissent un rapport de force de plus en plus déséquilibré face aux groupes de la grande distribution qui s’est traduit par une tendance à la diminution des prix de cession mets qu’elles obtenaient de la part desdits distributeurs ;

qu’il est donc illusoire de considérer, comme le voudrait l’appelante, que les PME peuvent à loisir revoir leurs tarifs à la hausse pour compenser les demandes de rémunérations abusives de services auxquelles elles se trouvent confrontées dans leurs négociations avec les fournisseurs ; que compte tenu de l’ensemble de ces développements, il est légitime de faire droit à la demande du ministre chargé de l’économie tendant au prononcé de la nullité des seules clauses fixant la rémunération pour les seize fournisseurs susnommés des services litigieux, sans pour autant remettre en cause l’ensemble de l’accord conclu entre les parties ; que la conséquence de l’annulation des clauses litigieuses est la répétition de l’indu dont les difficultés de mise en œuvre ne sauraient réduire à néant la protection de l’ordre publie économique ; qu’en l’absence de précisions apportées par l’article L 442-6 III du code de commerce, force est de constater que la restitution des sommes indues aux fournisseurs par T’intermédiaire du Trésor Publie est seule à même de garantir l’exécution de la décision judiciaire ; que les sommes indûment perçues au titre de ces contrats s’établissent ainsi qu’il suit : à la SAS La Bresse, la somme de 83.606,15 euros, à la société Rana, la somme de 2.830.965,80 euros, à, la société Sacla Italia, la somme de 1.004.340,45 euros, à la société Malongo, la somme de 2.103.939,45 euros, à la société Papeterie Hamelin, la somme de 1.606.629,04 euros, à la SAS Walchli, la somme de 127.448,07 euros, à la SAS Valade, la somme de 317.826,44 euros, à la société Couane, la somme de 162.882,26 euros, à la société MHP Production, la somme de 157.118,80 euros, à la société La Toque Angevine, la somme de 1.695.832,50 euros, à la SA Ederli, la somme de 585.011,70 euros, à la société Les Salaisons Pyrénéennes, la somme de 46.673,10 euros, à la société Agis, la somme de 1.638.517,16 euros, à la SAS Conserves de Provence, la somme de 3.039.756,97 euros à la société La Fournée Dorée, la somme de 913.265,44 euros, à la SAS Arnaud, la somme de 879.947,14 euros » (arrêt, p. 9 et s.) ;

Alors, d’une part, que l’accipiens n’est tenu à restitution que de ce dont il s’est enrichi ; que la cour d’appel a expressément constaté que les accords de partenariat ayant pour objets le « plan d’action par famille de produits » et le « plan de développement des performances du fournisseur » prévoyaient une rémunération « manifestement disproportionnée par rapport à la valeur du service rendu », contrairement à ceux ayant pour objet « la communication d’un plan d’implantation des produits par type de magasin » pour lesquels elle a jugé qu’aucun service commercial n’était rendu ; qu’il en résultait que l’annulation des clauses de rémunération des services « plan d’action par famille de produits » et « plan de développement des performances du fournisseur » ne pouvait donner lieu qu’à une « restitution » des sommes versées sous la déduction de la valeur des services rendus à ce titre, fussent-ils sans proportion avec les rémunérations versées ; qu’en condamnant néanmoins la société Carrefour Hypermarchés à « restituer » l’intégralité des sommes versées par les fournisseurs au titre de ces services sans en retrancher la valeur des services rendus aux fournisseurs, la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ses constations et a violé les articles L. 442-6-III du code de commerce, 1235 et 1376 du code civil et 1er du Premier protocole additionnel ;

Alors, d’autre part, que seul peut être tenu à restitution celui qui a reçu le paiement indu ; que la cour d’appel a constaté que la société Carrefour Hypermarchés n’était l’émetteur, et l’accipiens de sommes correspondantes, que pour sept des factures émises au titre des accords de partenariat litigieux (arrêt, p. 7, § 9), dont le montant total s’établissait à la somme de 2.413.756,59 euros (concl. sign., p. 42, § 2), ce dont il résultait que la condamnation de la société Carrefour Hypermarchés ne pouvait, en toute hypothèse, excéder cette somme ; qu’en condamnant néanmoins la société Carrefour Hypermarchés à « restituer » aux fournisseurs l’intégralité des sommes qu’ils avaient versées en exécution des accords de partenariat, peu important la personne de l’accipiens, pour un montant de plus de 17.000.000 euros que la société Carrefour Hypermarché n’avait pas perçus, la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, violant ainsi les articles L. 442-6-III du code de commerce, 1235 du code civil et 1er du Premier protocole additionnel ;

Alors, en tout état de cause, que la société Carrefour Hypermarchés faisait valoir, dans ses conclusions d’appel, que certains des accords de partenariat en cause étaient également réputés conclus pour le compte d’entités exploitant des magasins sous d’autres enseignes, de telle sorte qu’elle ne pouvait être seule condamnée à « restituer » l’intégralité des sommes versées par les fournisseurs en exécution des accords de partenariat et qu’elle n’avait personnellement pas perçues ; qu’en se dispensant d’apporter une réponse à ces conclusions pertinentes, la cour d’appel a violé l’article 455 du code de procédure civile.

 

MOYEN D’ANNULATION

RAPPEL DU DISPOSITIF DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir débouté la société Carrefour Hypermarchés de ses demandes d’irrecevabilité, d’avoir jugé que cette société avait obtenu en application des accords de partenariats conclu avec 16 fournisseurs des rémunérations manifestement disproportionnées ou ne correspondant à aucun service commercial effectivement rendu au sens de l’article L. 442-6-I, 1° du code de commerce, de l’avoir condamné à payer une amende civile d’un montant de deux millions d’euros, d’avoir prononcé la nullité des clauses fixant la rémunération pour les 16 fournisseurs des services litigieux et d’avoir ordonné la répétition de l’indu au titre de ces contrats ;

Après en avoir délibéré dans une formation composée de « Madame Colette PERRIN, Madame Patricia POMONTI et Madame Irène LUC, conseillère désignée par ordonnance de Monsieur le Premier Président de la cour d’appel de Paris en vertu de l’article R. 312-3 du code e l’organisation judiciaire » ;

 

MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur)                                (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Alors que toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue par un tribunal impartial ; que ne répond pas à cette exigence le tribunal composé par des magistrats qui ont déjà eu à prendre parti par le passé, dans le cadre d’un autre litige, sur la licéité de contrats sur lesquels elle est appelée à se prononcer dans le cadre d’un nouveau litige auquel ces mêmes contrats donnent lieu ; que Mme Irène Luc a été appelée, lorsqu’elle était détachée au conseil de la concurrence, à apprécier la licéité des accords de partenariat en cause dans le présent litige et s’était expressément prononcée, au terme de son instruction, en faveur de l’illicéité de ces conventions en rédigeant une assignation qui devait être délivrée à la société Carrefour ; que dès lors, en se prononçant sur la licéité des mêmes accords de partenariat litigieux au terme d’un délibéré auquel Mme Luc avait participé, ce qui était de nature à faire peser un doute légitime, dans l’esprit du justiciable, sur l’impartialité de la juridiction, la cour d’appel a violé l’article 6 § 1er de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. 

 

Est cité par :