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CA GRENOBLE, 14 septembre 1999

Nature : Décision
Titre : CA GRENOBLE, 14 septembre 1999
Pays : France
Juridiction : Grenoble (CA)
Demande : 97/01463
Date : 14/09/1999
Nature de la décision : Confirmation
Mode de publication : Site Com. cl. abusives (CCA)
Date de la demande : 11/04/1997
Décision antérieure : TGI GRENOBLE, 3 février 1997
Numéro de la décision : 510
Décision antérieure :
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CERCLAB - DOCUMENT N° 3110

CA GRENOBLE, 14 septembre 1999 : RG n° 97/01463 ; arrêt n° 510

Publication : Site CCAB

 

Extraits : 1/ « Il convient de constater que, dans la présentation du nouveau contrat qu'elle verse aux débats, la société MJP CUISINES a modifié les clauses relatives au caractère définitif de la commande, au prix, à l'annulation de la commande, à la clause pénale, aux risques du transport dans le sens demandé par l'UFC 38 et celle relative au délai de livraison à la suite de la décision du Tribunal. Dans ces conditions, il n'y a pas lieu d'exiger de l'intimée la preuve que c'est le modèle modifié qu'elle utilise et le donner acte de ces modifications sera déclaré satisfactoire. »

2/ « Le paragraphe 2 des conditions de vente dans la nouvelle présentation du bon de commande dispose que « le premier versement sera effectué à titre d'acompte et empêche l'acheteur de se dédire de l'exécution du présent contrat jusqu'à son terme, sauf accord du vendeur » ; cette formulation ne tient pas compte des prescriptions d'ordre public de l'article L. 121 du Code de la Consommation selon lesquelles en cas de démarchage à domicile, aucun paiement et donc aucun acompte ne peut intervenir avant l'expiration du délai de réflexion ; la clause est donc illicite et doit être annulée. »

3/ « Le paragraphe 6 qui dispose que « pour l'exécution de mobiliers spéciaux, une tolérance répondant aux usages de la profession est accordée au fabricant tant dans les dimensions que dans les éléments constitutifs ne modifiant en rien les caractéristiques du produit » constitue une clause abusive dès lors que la notion de mobiliers spéciaux est indéterminée, que les usages de la profession ne sont pas précisés et qu'aucun droit de demander la résolution de la vente n'est réservé en contrepartie à l'acheteur ; une telle clause doit donc être éliminée du contrat. »

4/ « Compte-tenu de la bonne volonté manifestée par la société MJP CUISINES, il n'y a pas lieu de faire droit à la demande de publication et d'affichage de la présente décision. Le Tribunal a fait une exacte appréciation du préjudice subi par l'UFC 38 étant observé qu'aucune justification du nombre des « victimes » du contrat n'est fournie ».

 

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

 

COUR D’APPEL DE GRENOBLE

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 14 SEPTEMBRE 1999

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION                                      (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 97/01463. Arrêt n° 510. Appel d'une décision (N° RG 95/04708) rendue par le Tribunal de Grande Instance de GRENOBLE (4è chambre) en date du 3 février 1997 suivant déclaration d'appel du 11 avril 1997.

 

APPELANTE :

L'UNION FÉDÉRALE DES CONSOMMATEURS DE L'ISÈRE « QUE CHOISIR » - UFC 38

[adresse], représentée par la SCP PERRET et POUGNAND, avoués à la Cour, assistée de Maître Christian BRASSEUR, avocat au barreau de GRENOBLE, membre de la SCP d'avocats BRASSEUR, P.J. CHAPUIS

 

INTIMÉE :

EURL MJP CUISINES

[adresse], représentée par la SCP CALAS, avoué associé à la Cour, assistée de Maître BRET, avocat au barreau de LYON, membre de la SCP d'avocats BRET, F. MAUVARIN,

[minute page 2]

COMPOSITION DE LA COUR : LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ : Madame Odile FALLETTI-HAENEL, Président, Madame Françoise MANIER, Conseiller, Madame Claude-Françoise KUENY, Conseiller, assistées lors des débats de Madame Christiane TERRAZ,

DÉBATS : À l'audience publique du 30 mars 1999, les avoués et les avocats ont été entendus en leurs conclusions et plaidoiries, puis l'affaire a été mise en délibéré pour l'arrêt être rendu à l'audience de ce jour, après prorogation du délibéré.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                                                         (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Par acte du 22 août 1995, l'UFC 38 a fait citer devant le Tribunal de Grande Instance de GRENOBLE la société MJP CUISINES pour faire supprimer, dans le modèle de contrat qu'elle propose habituellement aux consommateurs, diverses clauses qu'elle prétend illicites ou abusives, à savoir : les clauses relatives à la commande, au prix, au délai de livraison, à l'exonération de responsabilité, à l'exécution, à l'annulation, à la clause pénale et aux risques de transport.

Par jugement du 3 février 1997, le Tribunal a statué ainsi :

« DÉCLARE abusives les clauses contenues dans le modèle de contrat habituellement proposé par l'EURL MJP CUISINES aux termes desquelles :

- [minute page 3] « les délais de mise à disposition que nous nous efforçons toujours de respecter ne sont donnés, toutefois, qu'à titre indicatif ».

- « de même, si le retard ou la non-exécution de la commande résulte du fait du prince, de grève, d'accident, d'incendie, de catastrophe naturelle, de guerre civile ou étrangère, d'émeute, d'impossibilité de s'approvisionner ou de toute autre cause indépendante de notre volonté. »

ORDONNE la suppression de ces deux clauses dans le modèle de contrat habituellement proposé par l'EURL MJP CUISINES sous astreinte de 1.000 Francs par infraction constatée passé le délai d'un mois à compter de la signification du présent jugement.

DONNE ACTE à l'EURL MJP de son offre de modifier la présentation du bon de rétractation et de supprimer la mention « nos prix sont sauf exception TVA incluse », et l'y CONDAMNE au besoin sous la même astreinte que précédemment.

DIT n'y avoir lieu à publication ni à affichage de la présente décision.

CONDAMNE l'EURL MJP CUISINES à payer à l'UFC 38 la somme de 5.000 Francs à titre de dommages intérêts outre une indemnité de 3.000 Francs, par application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. »

 

L'UFC 38 a interjeté appel de ce jugement le 11 avril 1997.

Elle critique ledit jugement en ce qu'il a refusé de considérer comme abusives :

1°) la clause relative à l'exécution de la commande alors que celle-ci emporte manifestement un risque pour le consommateur qui déséquilibre le contrat ;

2°) la clause relative à l'annulation de la commande laquelle laisse croire au consommateur qu'il ne peut pas l'annuler contrairement à la loi qui prévoit des possibilités d'annulation, et créé ainsi un déséquilibre dans les prestations respectives au détriment du consommateur.

3°) [minute page 4] la clause pénale qui, en raison de l'imprécision de la majoration : 15 à 20 %, laisse à la discrétion du vendeur le choix de la pénalité et déséquilibre manifestement le contrat, d'autant qu'aucune pénalité n'est prévue si le vendeur lui-même n'exécute pas ses obligations.

4°) la clause relative au risque de transport qui semble indiquer qu'un supplément de prix peut être exigé alors que le transport ressort de l'obligation de délivrance du professionnel et peut s'interpréter en une exonération de garantie.

L'UFC 38 reprend sa demande relative au bon de rétractation, sur laquelle le Tribunal n'a pas tranché et sa demande de publication et d'affichage rejetée à tort puisqu'il appartient au professionnel de vérifier la conformité de ses contrats à la réglementation et notamment de s'assurer qu'ils ne comportent pas de clause abusive ; elle prétend que la mauvaise volonté dont la société MJP CUISINES a fait preuve pour mettre ses contrats en conformité malgré la présence de plusieurs clauses abusives et le nombre de consommateurs victimes de ces contrats, justifient l'indemnisation de 5.000 Francs réclamée en première instance.

L'UFC 38 demande, en conséquence, à la COUR de :

- « dire recevable et bien fondé son appel partiel et, en conséquence, ajoutant au jugement, de dire abusives :

* la clause relative à l'exécution de la commande (§6)

* la clause relative à l'annulation de la commande (§9)

* la clause pénale (§11)

* la clause relative au risque de transport (§13).

- de dire que le contrat à rédiger devra prévoir un formulaire de rétractation conforme à la réglementation sur les démarchages.

- d'ordonner la publication du jugement dans les journaux DAUPHINÉ LIBÉRÉ, PETITES AFFICHES DU DAUPHINÉ, le 38 et ce à la charge de la défenderesse et à concurrence de 10.000 Francs par insertion.

- d'ordonner de même l'affichage de la décision sur les portes de l'établissement pour une durée de trois mois.

- [minute page 5] de faire droit à la demande de dommages intérêts et d'accorder à l'UFC 38 à ce titre la somme de 50.000 Francs

- de condamner enfin l'intimée sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile à lui verser une indemnité d'un montant de 10.000 Francs. »

* * *

La société MJP CUISINES répond qu'elle est victime de la part de l'UFC 38 d'un acharnement qui confine au terrorisme.

Elle prétend qu'il ne peut y avoir aucune ambiguïté dans l'esprit du consommateur en ce qui concerne la nature des sommes versées par lui dans le cadre de l'exécution du contrat.

Elle s'en remet à la décision de la COUR en ce qui concerne l'irrégularité de la clause relative au prix au regard de l'ordonnance de 1986.

Elle soutient que la clause relative au délai de livraison ne peut s'analyser comme la volonté de sa part de s'exonérer de l'obligation de livrer dans le délai prévu, ni comme une exonération de responsabilité ; elle n'a pas pour effet de supprimer ou de réduire le droit à réparation du non professionnel ni de dispenser le vendeur de satisfaire à son obligation de moyens, celle de fournir tous les efforts pour répondre à son engagement.

Elle conteste le caractère abusif de la clause relative à l'exécution et invoque les usages de la profession à savoir ceux de l'ébénisterie.

Elle fait valoir que la faculté de rétractation est clairement exprimée dans le bon de commande et que la clause ne peut être considérée comme abusive dans la mesure où elle ne parle que de commande définitive, c'est-à-dire de commande insusceptible d'être rétractée.

[minute page 6] Sur la clause pénale, elle prétend qu'il n'est pas possible de dire en quoi les conditions de vente sont déséquilibrées puisque le consommateur dispose toujours d'une action en résolution sur le fondement de l'article 1184 du Code Civil.

Sur la clause relative aux risques de transport, elle observe que les parties étant libres de décider de quelle manière le transport sera pris en charge, elle ne peut en supporter le risque que lorsqu'elle en a la charge.

Elle reconnaît, sur le point du bon de rétractation, qu'elle doit changer la présentation de ses bons de commande et indique qu'elle l'a d'ailleurs fait dans ses nouveaux imprimés.

Elle conclut au rejet des demandes de dommages intérêts et de publication et affichage au motif que la réalité du dommage qu'aurait subi l'UFC n'est pas établie et que les sommes réclamées sont sans mesure avec le chiffre d'affaires de son exploitation.

Elle forme une demande reconventionnelle pour obtenir le remboursement de la somme de 8.000 Francs déjà réglée au titre de l'exécution provisoire et le paiement de la somme de 10.000 Francs à titre de dommages intérêts pour procédure abusive et 10.000 Francs sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

* * *

Dans ses dernières conclusions, l'UFC maintient sa demande tendant à la suppression de la clause relative au prix dès lors qu'il n'est pas justifié que le contrat contenant la nouvelle version de ladite clause soit utilisé ; elle fait de même pour les mêmes raisons en ce qui concerne la clause de l'annulation, celle relative à la clause pénale et celle relative aux risques du transport.

Enfin elle prétend que la clause concernant le premier versement à faire à la commande est illicite puisqu'elle ne prend pas en compte le délai de réflexion de sept jours pendant lequel aucun versement n'est dû.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                                                 (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

[minute page 7] MOTIFS et DÉCISION :

Il convient de constater que, dans la présentation du nouveau contrat qu'elle verse aux débats, la société MJP CUISINES a modifié les clauses relatives au caractère définitif de la commande, au prix, à l'annulation de la commande, à la clause pénale, aux risques du transport dans le sens demandé par l'UFC 38 et celle relative au délai de livraison à la suite de la décision du Tribunal.

Dans ces conditions, il n'y a pas lieu d'exiger de l'intimée la preuve que c'est le modèle modifié qu'elle utilise et le donner acte de ces modifications sera déclaré satisfactoire.

Aucune critique n'est faite à l'encontre du jugement en ce qu'il a déclaré illicite la clause relative à l'exonération de responsabilité et ordonné sa suppression.

Il reste en litige la rédaction du paragraphe 2 de la commande et celle du paragraphe 6 sur l'exécution.

Le paragraphe 2 des conditions de vente dans la nouvelle présentation du bon de commande dispose que « le premier versement sera effectué à titre d'acompte et empêche l'acheteur de se dédire de l'exécution du présent contrat jusqu'à son terme, sauf accord du vendeur » ; cette formulation ne tient pas compte des prescriptions d'ordre public de l'article L. 121 du Code de la Consommation selon lesquelles en cas de démarchage à domicile, aucun paiement et donc aucun acompte ne peut intervenir avant l'expiration du délai de réflexion ; la clause est donc illicite et doit être annulée.

Le paragraphe 6 qui dispose que « pour l'exécution de mobiliers spéciaux, une tolérance répondant aux usages de la profession est accordée au fabricant tant dans les dimensions que dans les éléments constitutifs ne modifiant en rien les caractéristiques du produit » constitue une clause abusive dès lors que la notion de mobiliers spéciaux est indéterminée, que les usages de la profession ne sont pas précisés et qu'aucun droit de demander la résolution de la vente n'est réservé en contrepartie à l'acheteur ; une telle clause doit donc être éliminée du contrat.

[minute page 8] Compte-tenu de la bonne volonté manifestée par la société MJP CUISINES, il n'y a pas lieu de faire droit à la demande de publication et d'affichage de la présente décision.

Le Tribunal a fait une exacte appréciation du préjudice subi par l'UFC 38 étant observé qu'aucune justification du nombre des « victimes » du contrat n'est fournie.

Pour compenser les frais exposés en cause d'appel par cette dernière et non compris dans les dépens, il lui sera alloué 5.000 Francs sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                                                            (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

LA COUR :

STATUANT publiquement et par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi,

CONFIRME le jugement du 3 février 1997 en ce qui concerne les clauses relatives au délai de livraison et à l'exonération de responsabilité ;

Le RÉFORME en ce qui concerne la clause relative au premier versement à la commande et à l'exécution de celle-ci et ORDONNE leur suppression dans les mêmes conditions, sauf à préciser que l'astreinte prévue courra par infraction constatée, passé le délai d'un mois à compter de la signification du présent arrêt ;

DONNE ACTE à la société MJP CUISINES de ce qu'elle a modifié les autres clauses litigieuses de son contrat ;

CONFIRME les autres dispositions du jugement ;

CONDAMNE la société MJP CUISINES à payer à l'UFC 38 la somme de 5.000 Francs (CINQ MILLE FRANCS) sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

[minute page 9] La CONDAMNE aux dépens ;

RÉDIGÉ et PRONONCÉ publiquement par Françoise MANIER, Conseiller, et signé par Odile FALLETTI I-LAENEL, Président, et par Christiane TERRAZ, Greffier.

 

Est cité par :