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TGI BOURGOIN-JALLIEU (ch. civ.), 21 juin 2000

Nature : Décision
Titre : TGI BOURGOIN-JALLIEU (ch. civ.), 21 juin 2000
Pays : France
Juridiction : Bourgoin-Jallieu (TGI)
Demande : 99/00009
Date : 21/06/2000
Nature de la décision : Admission
Date de la demande : 9/12/1998
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CERCLAB/CRDP - DOCUMENT N° 339

TGI BOURGOIN-JALLIEU (ch. civ.), 21 juin 2000 : RG n° 99/00009

Publication : Site CCAB

 

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE BOURGOIN-JALLIEU

CHAMBRE CIVILE

JUGEMENT DU 21 JUIN 2000

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION                                      (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 99/00009.

COMPOSITION DU TRIBUNAL :

PRÉSIDENT : M. SIRE, juge délégué par ordonnance de Monsieur le Premier Président de la Cour d'Appel de Grenoble,

Statuant par application des articles 801 à 805 du Nouveau Code de Procédure Civile, avis préalablement donné aux Avocats.

GREFFIER : Mme MARTZOLFF

 

DEMANDERESSE :

ASSOCIATION UNION FEDERALE DES CONSOMMATEURS - QUE CHOISIR - de L'ISERE (UFC 38) PAR SES REPRÉSENTANTS LÉGAUX, dont le siège social est sis [adresse], représentée par la SCP BRASSEUR & CHAPUIS, avocats au barreau de GRENOBLE, avocat plaidant et Maître TARDY CHARVET SCP, avocat au barreau de BOURGOIN-JALLIEU, avocat postulant

 

DÉFENDERESSE :

Mme MADAME R. Martine, exerçant sous enseigne FLASH TROC [adresse], représentée par Maître HAMELIN, avocat au barreau de BOURGOIN-JALLIEU ; plaidant par Maître GONDOUIN, Avocat inscrit au Barreau de GRENOBLE,

[minute page 2]

Clôture prononcée le : 8 mars 2000

Débats tenus à l'audience du : 29 mars 2000

Date de délibéré indiqué par le Président : 10 mai 2000

Jugement prononcé à l'audience du 21 juin 2000, nouvelle date indiquée par le Président.

 

JUGEMENT

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                                                         (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Faits, Prétentions et procédure :

Par acte du 9 décembre 1998, l'Association U.F.C. QUE CHOISIR – ISERE (UFC 38) a fait assigner devant ce tribunal Madame Martine R. exploitante à BOURGOIN JALLIEU du magasin FLASH-TROC pour obtenir sous exécution provisoire :

- la suppression de clauses abusives dans le contrat que Madame R. faisait signer à ses clients et notamment : la clause en recto sur les prix et commissions ; l'article 1-4 ; l'article 2-3 ; l'article 2-4 ; l'article 4 ; l'article 5 ; l'article 6-2 ; l'article 7-1 ; l'article 8 et 9 ;

- le tout dans le délai d'un mois de cette décision et sous astreinte définitive de 1000 Francs par jour de retard.

- 60.000 Francs à titre de dommages et intérêts ;

- la publication du jugement dans le Dauphiné Libéré, Les Petites Affiches, le 38 à la charge de Madame R. et à concurrence de 10.000 Francs par insertion.

- 10.000 Francs au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

A l'appui de ses demandes l'UFC 38 expose que Madame R. gère un établissement de dépôt vente de matériels divers à l'enseigne FLASH-TROC et qu'elle impose, dans ce cadre là, un contrat à ses clients comportant de nombreuses clauses abusives ou illicites.

En cours de procédure Madame R. a modifié diverses clauses de contrats mais L'UFC 38 maintient ses demandes tant vis à vis de l'ancien que [minute page 3] du nouveau contrat.

 

En réponse Madame R. soulève en préliminaire l'irrecevabilité de l'action de L'UFC 38.

Au fond elle indique avoir modifié son contrat en tenant compte des objections soulevées par l’UFC. Elle précise qu'aucune plainte n'a jamais été déposée contre elle, que l’UFC en sollicitant 60.000 Francs de dommages et intérêts et 10.000 Francs au titre de l'article 700 du N.C.P.C. met en péril son activité commerciale, qu'elle est, au contraire de l'UFC, de bonne foi, et elle conclut au rejet des demandes.

Reconventionnellement elle demande au tribunal de constater que le contrat qu'elle propose aux clients vendeurs déposants a été modifié et réclame 10.000 Francs à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et 10.000 Francs au titre de l'article 700 du N.C.P.C.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                                                 (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la recevabilité

L'UFC 38 produit copie de ses statuts ainsi que copie de l'arrêté préfectoral du 29 avril 1997 portant agrément pour 5 ans à cette association pour exercer l'action civile dans le cadre de l'article L. 421-1 du Code de la Consommation.

 

Au fond

Sur le principe de la demande il y a lieu de rechercher, clause par clause, au regard de l'équilibre du contrat, si l'une d'elle peut créer, selon les termes de l'article L. 132-1 du Code de la consommation, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties.

Il convient de préciser que le contrat en question comporte un dépôt et un mandat de vente ;

Toutefois, dès lors que les deux prestations sont liées dans le dépôt vente, le contrat ne peut être examiné au regard des règles du contrat de dépôt ou de celui de mandat pris séparément ;

Ainsi, le fait qu'il y ait des impératifs de gestion de leurs stocks, ne suffit pas pour justifier tel ou tel avantage particulier qui constituerait le déséquilibre significatif interdit par la loi ;

L'argument de FLASH-TROC, tiré de ce qu'aucun litige ne soit survenu ne peut interdire d'examiner l'équilibre des obligations réciproques des parties ; outre que les affirmations de Madame R. ne font l'objet d'aucune offre de preuve, le Tribunal peut toujours considérer que l'absence de litige porté devant une juridiction pourrait aussi résulter de la faible valeur des objets remis en dépôt vente.

Il convient d’ores et déjà de rappeler que le contrat contesté par UFC [minute page 4] 38 est celui mis en place par la gérante exploitante d'un magasin dit de dépôt vente où tout particulier peut venir déposer les objets dont il veut se défaire et qu'il est de notoriété commune que ce type de commerce constitue en réalité un « bric à brac » où la majorité des objets déposés sont très usagers et souvent de faible coût et sont surtout de « vide-greniers » pour des matériels et objets que les particuliers, en l'absence desdits magasins, n'auraient que le choix d'entreposer à leurs propres frais ou de jeter.

Par ailleurs l'intérêt économique de ce type d'activité et en particulier du magasin local "FLASH-TROC" est sans commune mesure avec celles exercées par des sociétés économiques et financières puissantes dont les contrats souvent illisibles, très longs et abscons peuvent ou pouvaient comporter des clauses abusives et entraîner pour les cocontractants des conséquences financières ou des contraintes lourdes et longues (cf. Contrats de crédit, leasing, transports..., imposés par les grandes sociétés ).

Le modification du contrat n'empêche pas de statuer sur les clauses abusives figurant sur le contrat "ancien" étant précisé que sa durée de vie était d'un an et que, remplacé le 2 novembre 1998 pour un nouveau contrat, il n'est plus d'actualité mais que les risques de litiges existent encore même s'ils sont très faibles.

 

L'examen des clauses de l'ancien et du nouveau contrat

A) La clause relative au prix et à la commission (recto du contrat initial)

Cette clause ne prévoyant pas les différentes décotes de prix rendait incertaine les conditions de prix. Elle doit donc être déclarée abusive.

Cette clause a été supprimée dans le nouveau contrat dans lequel les décotes successives sont précisément mentionnées et l’UFC en prend acte dans ses conclusions.

B) la clause 1.4 prévoyant une limitation de responsabilité de « FLASH TROC » est abusive. Cette clause a d'ailleurs été supprimée dans le nouveau contrat et I'UFC en prend acte dans ses conclusions.

C) Les clauses 2-3 et 5 prévoyant des frais et pénalité de 10 % en cas de reprise de l'objet par le déposant.

Cette clause en ce qu'elle prévoit une pénalité automatique doit être déclarée abusive.

Reprise dans l'article 6 du nouveau contrat selon deux modalités de durée, elle devra être également être déclarée abusive sauf à prévoir que ces frais ne seront pas dus si la reprise est justifiée par la faute du professionnel (objet non exposé, mauvaise exposition, objet détérioré ou risque de dégradation ou disparition notamment).

D) La clause relative aux invendus (ancien article 2-4 nouvel article 2-2) prévoyant l'attribution automatique à l'entreprise des objets invendus en fin de contrat en cas de non récupération par le déposant doit être considérée [minute page 5] comme une clause abusive seulement en ce qu'elle prévoit des délais trop courts de récupération par le déposant de son objet en fin de contrat.

Celle clause ne déséquilibre pas les parties au contrat en ce qu'elle permet au professionnel de s'assurer d'une carence éventuelle des déposants qui pourraient négliger de récupérer des objets invendus, invendables même à un prix dérisoire.

En aucun cas le professionnel qui assure un service de vente ne saurait être tenu de conserver des objets invendus au terme du contrat et constituer ainsi sans délai un lieu de stockage (grenier : débarras) gratuit à la libre disposition des déposants négligents ou mal intentionnés.

La clause 2-4 du contrat initial devra être annulée.

La clause 2-2 du contrat nouveau doit être annulée mais seulement en ce qu'elle prévoit un délai trop court de récupération (15 jours) ;

Il n'appartient pas au Tribunal de prévoir les modalités à cet égard cependant les indications données par l'UFC dans ses écritures fait apparaître qu'un délai de deux mois environ octroyé aux déposants et rappelé à eux par simple lettre en fin de contrat serait de nature à respecter l'équilibre des engagements réciproques.

E) L'article 4 de l'ancien contrat prévoyant une clause limitative de responsabilité au professionnel doit être annulée.

La clause actuelle (article 4) prévoyant une garantie et un remboursement à dire d'expert est valable car elle ne préjudicie en rien aux intérêts des particuliers.

F) L'article 6.2 de l'ancien contrat prévoyant l'attribution automatique du prix de vente au professionnel dans un délai de six mois de la vente si le déposant ne vient pas la récupérer est manifestement abusive car elle dispense le professionnel de son obligation de restitution du prix de vente alors même que le déposant n'est pas informé de la vente.

Cette clause a été supprimée dans le nouveau contrat et l'UFC en prend acte dans ses conclusions tout en signalant que le professionnel n'avise toujours pas le déposant de la réalisation de la vente.

A cet égard il convient de dire que le fait de demander à un déposant qui est venu volontairement déposer un objet dans ce type de magasin, de vérifier régulièrement le sort de soin dépôt n'est pas constitutif d'une obligation déséquilibrant l'économie du contrat.

Le professionnel ne peut à l'évidence aviser tous les déposants concernés compte tenu du nombre d'objets déposés, en face de lui, le déposant qui n'est concerné le plus souvent que par un ou quelques objets peut aisément et sans frais considérable (coups de téléphone local...) vérifier l'issue de son dépôt.

[minute page 6] G) L'article 7-1 (ancien) prévoyant la possibilité par le professionnel de retirer de la vente tout article présentant un vice de forme ou de fonctionnement étant abusif en ce qu'il permettrait au professionnel, après avoir accepté un objet, de le retirer unilatéralement de la vente. Cet article abusif n'a pas été repris dans le nouveau contrat et L'UFC 38 en prend acte dans ses conclusions.

H) L'article 8 (ancien contrat) et 9 (nouveau contrat) prévoyant que le professionnel ne prévient pas les particuliers de la vente de leurs objets n'est pas abusive car n'imposant pas aux déposants des charges exorbitantes du contrat et des services rendus.

Certes par ce biais le professionnel peut se constituer une trésorerie et il convient dès lors de simplement inviter le professionnel a rajouter au contrat une disposition prévoyant que le particulier sera avisé, s’il le souhaite, de la vente de son objet étant précisé que les frais postaux correspondant s pourront être mis à la charge du particulier.

I) La clause 9 (ancien) prévoyant une attribution de compétence au profit du Tribunal de Commerce de BOURGOIN JALLIEU a été supprimée et non reprise au contrat nouveau L'UFC 38 en a pris acte dans ses conclusions.

J) L'article 7-4 du nouveau contrat prévoyant la restitution du contrat par le particulier au professionnel après le dernier règlement fait à son profit est abusive car elle entraîne pour le particulier un dessaisissement d'un acte pouvant le cas échéant, faire la preuve du contrat.

La Société FLASH TROC accepte de substituer le mot "présentation" au mot "restitution" en laissant au déposant l'acte qui lui a été remis initialement.

Il n'y a pas lieu à astreinte, Madame R. ayant montré sa bonne foi en modifiant sans délais son contrat et en acceptant certaines des suggestions de L'UFC 38.

 

Sur les dommages et intérêts sollicités par L'UFC 38

Le Tribunal dispose d'éléments suffisants pour fixer le préjudice collectif subi par les consommateurs représentés par L'UFC 38 à la somme de 4.000 Francs étant particulièrement précisé que l'enseigne FLASH TROC exploité par Madame R. est une simple enseigne locale, qu'elle constitue un service indéniable aux particuliers qui sans l'existence de cette enseigne auraient le seul choix de conserver chez eux des objets qu'ils ne veulent plus, de les donner aux organisations caritatives diverses ou de les jeter à la décharge.

L'affichage en l'espèce est inopportun car le contrat contesté a été modifié en tenant compte en tout ou partie des objections de L'UFC 38, ce qui montre la bonne foi de Madame R. et que les frais importants générés par une telle mesure seraient une charge considérable pour un petit commerce local en risquant de le désorganiser ou d'hypothéquer son développement et d'entraîner le cas échéant des conséquences néfastes en pouvant contribuer à faire disparaître pour les particuliers de BOURGOIN JALLIEU et ses environs les services offerts par cette enseigne.

[minute page 7] Par ailleurs cette publication/affichage serait à l'évidence inutile car les nouveaux contrats sont proposés depuis le 2 novembre 1998 que « l'économie » des anciens contrats conclus pour douze mois est donc largement écoulée. Il conviendra seulement d'inciter Madame R., en cas de litige survenant dans l'application de l'ancien contrat d'appliquer audits contrats les dispositions du présent jugement.

L'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile sera limité à deux mille francs.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                                                            (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, par jugement contradictoire, susceptible d'appel,

Déclare recevable l'action de l'UFC 38.

Sur l'ancien contrat type proposé avant le 2/11/1998 :

Déclare que les clauses suivantes de l'ancien contrat-type proposé par la société FLASH TROC sont abusives et en conséquence, ordonne leur suppression dudit contrat :

- la clause en recto sur les prix et commissions

- l'article 1-4

--l'article 2-3

- l'article 2-4

- l'article 4

- l'article 5

- l'article 6-2

- l'article 7-1

- l'article 8 et 9.

Prend acte du changement de ce contrat et de son remplacement par son nouveau contrat type à compter du 2 novembre 1998.

Sur le nouveau contrat type proposé depuis le 2 novembre 1998

Déclare abusive les clauses suivantes dudit contrat :

- Art 6 en ce qu'il prévoit une pénalité systématique en cas de reprise de son objet par le déposant sans prévoir les cas de reprises justifiés par la [N.B. le bas de la page 7 de la minute originale se terminant ainsi, il faut comprendre sans doute « par la faute du professionnel » compte tenu des motifs supra].

[minute page 8] - Art 2-2 en ce qu'il prévoit un délai trop court de récupération (15 jours) en fin de contrat.

- Art 7-4 en ce qu'il prévoit la restitution du contrat par le déposant au professionnel.

Donne acte à la Société FLASH TROC de ce qu'elle entend substituer le mot "présentation" au mot "restitution" dans cet article.

Invite la Société FLASH TROC à mettre son contrat type actuel en conformité avec les dispositions et motifs du présent jugement dans le délai de deux mois de la date de cette décision.

Dit n'y avoir lieu à astreinte compte tenu de la bonne foi de la Société FLASH TROC et de sa gérante Madame R..

Condamne la Société FLASH TROC et Madame R. à payer à l'UFC 38 la somme de 4.000 Francs à titre de dommages et intérêts outre la somme de 2.000 Francs au titre de l'article 700 du N.C.P.C.

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;

Dit que toutes sommes dues sera productive d'intérêt au taux légal à compter de ce jour.

Condamne la Société FLASH TROC et Madame R. aux entiers dépens.

Ainsi rendu en audience publique le VINGT ET UN JUIN DEUX MILLE, et signé par Monsieur SIRE Juge délégué et par Madame MARTZOLFF Greffier.

 

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