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CA ORLÉANS (ch. civ. sect. 2), 21 mars 1995

Nature : Décision
Titre : CA ORLÉANS (ch. civ. sect. 2), 21 mars 1995
Pays : France
Juridiction : Orléans (CA), ch. civ. sect. 2
Demande : 93/001213
Date : 21/03/1995
Nature de la décision : Confirmation
Date de la demande : 26/03/1993
Décision antérieure : TGI TOURS (1re ch.), 11 février 1993
Numéro de la décision : 437
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CERCLAB - DOCUMENT N° 2971

CA ORLÉANS (ch. civ. sect. 2), 21 mars 1995 : RG n° 93/001213 ; arrêt n° 437

 

Extraits : 1/ « Attendu que si l'article 35 de la loi du 10 janvier 1978 édicte que les clauses abusives peuvent être interdites, limitées ou réglementées par des décrets en Conseil d'État pris après avis de la commission instituée par l'article 36 du même texte, aucune disposition de cette loi ne confère au pouvoir réglementaire le monopole de la lutte contre de telles clauses et n'évince l'autorité judiciaire de la mission de contrôle qui est naturellement la sienne sur les dispositions des conventions qui sont soumises à son appréciation ; Attendu que, depuis de longues années, une jurisprudence constante s'est dégagée en ce sens et a d'ailleurs été consacrée par l'article 6 de la loi du 5 janvier 1988 qui reconnaît aux associations de consommateurs la possibilité de demander à la juridiction civile d'ordonner, le cas échéant sous astreinte, la suppression des clauses abusives dans les modèles de conventions habituellement proposées par les professionnels aux consommateurs sans limiter cette possibilité aux seules clauses qui auraient fait l'objet d'un décret pris dans les formes de l'article 35 de la loi du 10 janvier 1978 que l'action est donc recevable ».

2/ « Attendu que l'une des conditions posées par l'article 35 exige que les clauses litigieuses aient été imposées au consommateur par un abus de la puissance économique de son co-contractant que BUDGET FRANCE ne saurait subordonner cette condition à l'existence d'une part de marché minimale sur le secteur économique ou géographique concerné et à l'absence de concurrence ;

Attendu, en effet, que le législateur a voulu protéger le consommateur contre les dispositions léonines que lui impose son contractant à travers un contrat généralement pré-imprimé et intangible auquel il doit se soumettre ou renoncer sans possibilité d'en discuter les termes ; que tel est bien le cas du contrat proposé par BUDGET FRANCE à ses clients qui remplit toutes les caractéristiques d'un contrat d'adhésion ; qu'il est illusoire, dans ces conditions, de penser que l'existence d'une concurrence locale dans le secteur économique concerné est de nature à restituer un quelconque équilibre entre les parties alors que, généralement, le client pressé et ignare en matière juridique, n'a ni les moyens matériels ni les moyens intellectuels d'examiner le contrat proposé ou de le comparer à ceux des loueurs concurrents avant de prendre sa décision ; qu'ainsi, dans ses rapports avec sa clientèle non professionnelle, l'abus de puissance économique de BUDGET FRANCE intervient indéniablement pour amener les consommateurs à accepter les clauses de la convention dont il ne saisit pas toutes les nuances

Attendu, enfin, que l'article 35 exige encore que les clauses litigieuses confèrent au professionnel un avantage « excessif » ;

Attendu qu'un tel qualificatif fait référence à un « excès » et donc au caractère anormal de l'avantage que procure un contrat dont le but principal est de procurer un bénéfice au professionnel qui en tire ses moyens d'existence ; que la clause litigieuse doit donc, par son résultat outrancier, procurer au professionnel des avantages que le simple jeu naturel des relations commerciales est incapable de lui assurer ou que les références au droit commun empêcheraient s'il n'y était dérogé qu'il convient d'examiner si les clauses querellées sont abusives et procurent un tel avantage à BUDGET FRANCE ».

3/ « Clause abusives : V. la décision ».

 

COUR D’APPEL D’ORLÉANS

CHAMBRE CIVILE SECTION 2

ARRÊT DU 21 MARS 1995

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION                                                         (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 93/001213. Arrêt n° 437. DÉCISION DE LA COUR : CONFIRMATION. DÉCISION PREMIÈRE INSTANCE : TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE EN DATE DU : 11/02/1993 JURIDICTION : TOURS.

 

PARTIES EN CAUSE :

LA SA BUDGET FRANCE

[adresse], APPELANTE, REPRÉSENTÉE PAR la SCP PARRAIN-GARNIER, Avoués, ASSISTÉE DE Maître LELOUP, Avocat au barreau de : POITIERS, D'UNE PART

 

L'UNION FÉDÉRALE DES CONSOMMATEURS

[adresse], INTIMÉE, REPRÉSENTÉE PAR la SCP DUTHOIT-DESPLANQUES, Avoués, [minute page 2] ASSISTÉE DE Maître BIHL, Avocat au barreau de : PARIS, D'AUTRE PART

 

DÉCLARATION D'APPEL EN DATE DU 26 mars 1993.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU 10 janvier 1995.

COMPOSITION DE LA COUR : Lors des débats, du délibéré et du prononcé de l'arrêt : Monsieur TAY, Président de Chambre, Monsieur BUREAU, Conseiller, Madame MAGDELEINE, Conseiller.

Greffier : Madame PALLU lors des débats, Madame MEUNIER lors du prononcé de l'arrêt.

DÉBATS : A l'audience publique du 7 février 1995, à laquelle ont été entendus les avocats des parties.

ARRÊT : Prononcé par Monsieur BUREAU, conseiller à l'audience publique le 21 mars 1995

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                                                                                                       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

[minute page 3] La société anonyme BUDGET FRANCE a relevé appel d'un jugement du tribunal de grande instance de TOURS, du 11 Février 1993, qui à la demande de l'association UNION FÉDÉRALE DES CONSOMMATEURS (UFC), a jugé abusives les clauses insérées aux articles 5, 12-2, 13-1, 14-1 et dispositions diverses du contrat proposé habituellement par elle aux consommateurs, a ordonné la suppression desdites clauses sous astreinte de 1.000 francs par jour de retard passé un délai d'un mois à compter de la signification du jugement et a condamné la société BUDGET à payer à l'UFC une indemnité de procédure de 5.000 francs en déboutant, toutefois, cette dernière de sa demande de dommages-intérêts ;

Au soutien de son appel, la société BUDGET FRANCE, dont l'objet social principal consiste à louer des véhicules, conteste que le juge judiciaire puisse être saisi par une association de consommateurs pour faire constater l'existence d'une clause abusive dans un contrat puisque la procédure prévue par l'article 35 de la loi du 10 janvier 1978 laisse l'initiative en ce domaine au pouvoir réglementaire et prévoit que ces clauses peuvent être interdites, limitées ou réglementées par des décrets en Conseil d'Etat pris après avis de la commission des clauses abusives ;

Elle fait valoir que les clauses querellées dans son contrat ne sont nullement censurées par un quelconque décret préalable à l'action de l'UFC et que l'article 6 de la loi du 05 janvier 1988, s'il autorise les associations de consommateurs à agir devant le juge pour faire interdire les clauses abusives, ne change rien à cette nécessité d'un décret préalable ;

La société BUDGET FRANCE estime par ailleurs que les conditions exigées par l'article 35 de la loi du 10 janvier 1978 ne sont pas remplies en l'espèce pour justifier une telle interdiction ;

Elle fait valoir, tout d'abord, que la clause attributive de compétence au Tribunal du lieu du siège social du franchisé BUDGET FRANCE et que l'article 14-1 ne rentrent pas dans le champ d'application de la loi : elle ne conteste pas que le premier de ces articles soit inopposable aux non commerçants en application des dispositions de l'article 48 du nouveau code de procédure civile mais elle justifie son existence par le fait que plus de 75 % de ses clients sont des sociétés commerciales ; elle demande qu'il lui soit décerné acte, cependant, que dans la prochaine version du contrat qu'elle propose à [minute page 4] ses clients, cette clause sera modifiée pour respecter les règles habituelles de compétence à l'égard des non commerçants ;

Pour l'article 14-1 exigeant la déclaration des sinistres par le locataire dans les 24 heures, elle estime que cette clause ne figure pas au nombre de celles visées à l'article 35 de la loi ; elle ajoute que le Tribunal n'a pas motivé sa décision sur ce point et que l'UFC n'a pas, non plus, motivé ses conclusions d'appel ce qui implique qu'elle a renoncé à sa demande d'annulation ;

Pour les autres clauses querellées, la société BUDGET FRANCE considère, de façon générale, que ni le Tribunal, ni son adversaire n'ont justifié de l'existence d'un abus de puissance économique de sa part et d'un avantage excessif qu'elle retirerait desdites clauses alors qu'il s'agit là des deux conditions posées à toute interdiction ;

Sur le premier de ces points, elle fait valoir qu'elle occupe certes une place non négligeable sur le marché de la location de voitures mais qu'elle n' arrive cependant qu' au 4 ème rang avec 8 % du marché contre plus de 20 % chacun à ses deux concurrents les plus importants elle ajoute que ses agences en général situées près des gares et aéroports sont en concurrence directe avec celles des autres loueurs situées aux mêmes endroits et que ses clients, qui ne constituent pas la frange la plus défavorisée de la population, peuvent faire jouer la concurrence si le contrat ne leur convient pas ;

Sur le second point, elle soutient que les clauses litigieuses ne sont, en général, que l'application des principes habituels du droit civil selon lesquels les conventions doivent être exécutées de bonne foi par ceux qui les ont souscrites ; elle ne voit donc rien que de très normal à exiger qu'un locataire victime d'un sinistre soit astreint à en faire la déclaration dans un délai de 24 heures (14-1), qu'il puisse se voir opposer les déchéances du contrat d'assurance s'il se rend auteur de fautes de conduite ou de négligences (12-2), qu'il doive remettre les clefs et la carte grise du véhicule qu'il s'est fait dérober (13-1) et qu'il ne puisse imputer à faute à la société des difficultés d'exécution du contrat relevant d'impondérables (5) ; elle considère, en tout cas, que son adversaire ne justifie nullement de l'avantage excessif que lui procureraient de telles clauses ;

L'appelante demande donc la confirmation du jugement sur le débouté de son adversaire en sa demande [minute page 5] de dommages-intérêts puisqu'elle ne peut en obtenir que dans le cadre d'une action exercée par un consommateur mais elle réclame l'infirmation du jugement en toutes ses autres dispositions ; elle demande de juger que les clauses ne sont pas abusives et, subsidiairement, de saisir pour avis sur la question la Commission des clauses abusives en sursoyant à statuer dans cette attente ; enfin, elle sollicite la condamnation de l'intimée à lui verser 10.000 francs d'indemnité de procédure ;

L'UNION FÉDÉRALE DES CONSOMMATEURS fait observer que, depuis plusieurs années, la jurisprudence a reconnu aux associations de consommateurs la possibilité d'agir devant les tribunaux pour faire interdire les clauses abusives et que cette construction prétorienne a été consacrée par l'article 6 de la loi du 05 janvier 1988 elle soutient que les clauses litigieuses rentrent toutes dans le champ d'application de l'article 35 de la loi du 10 janvier 1978 y compris la clause de non concurrence qui est certes illégale ce qui ne l'empêche pas, bien au contraire, d'être par là même abusive ;

L'intimée poursuit en faisant remarquer que le caractère de contrat d'adhésion affectant la convention proposée par la société BUDGET FRANCE à ses clients, qui n'ont d'autre choix que de signer ou renoncer à la location, suffit à lui seul pour démontrer l'abus de puissance économique de son adversaire qui s'adresse, quoi qu'elle en dise, souvent à de simples particuliers en position d'infériorité ; elle estime par ailleurs, que les clauses querellées confèrent un avantage excessif à la société qui oblige ainsi le consommateur à renoncer à des multiples protections ou garanties que le droit commun leur accorde ou à des délais raisonnables qui lui permettraient de faire face à des situations que l'urgence instituée par le contrat ne lui permet pas de maîtriser ;

Dans ses dernières conclusions, l'intimée demande le rejet des débats des pièces communiquées le 09 janvier 1995, soit la veille de l'ordonnance de clôture ; elle sollicite la confirmation du jugement sauf sur les dommages-intérêts pour lesquels elle forme appel incident en demandant qu'ils lui soient accordés à hauteur de la somme de 50.000 francs en réparation du préjudice collectif subi par les consommateurs elle réclame, en outre, une somme de 10.000 francs d'indemnité de procédure ;

 

MOTIFS (justification de la décision)                                                                                               (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

SUR QUOI, LA COUR :

[minute page 6] 1°) SUR LA DEMANDE DDE REJET DES PIÈCES COMMUNIOUEES LE 9 janvier 1995 :

Attendu que les pièces dont s’agit n'apportent aucun élément nouveau susceptible de modifier le cours du débat judiciaire et ne tendent qu'à illustrer des moyens développés de longue date par BUDGET FRANCE et abondamment combattus par son adversaire ; que le principe du contradictoire n'a donc pas été méconnu et que la demande sera rejetée ;

 

2°) SUR LA POSSIBILITÉ POUR LE JUGE DE SANCTIONNER LES CLAUSES ABUSIVES :

Attendu que si l'article 35 de la loi du 10 janvier 1978 édicte que les clauses abusives peuvent être interdites, limitées ou réglementées par des décrets en Conseil d'État pris après avis de la commission instituée par l'article 36 du même texte, aucune disposition de cette loi ne confère au pouvoir réglementaire le monopole de la lutte contre de telles clauses et n'évince l'autorité judiciaire de la mission de contrôle qui est naturellement la sienne sur les dispositions des conventions qui sont soumises à son appréciation ;

Attendu que, depuis de longues années, une jurisprudence constante s'est dégagée en ce sens et a d'ailleurs été consacrée par l'article 6 de la loi du 5 janvier 1988 qui reconnaît aux associations de consommateurs la possibilité de demander à la juridiction civile d'ordonner, le cas échéant sous astreinte, la suppression des clauses abusives dans les modèles de conventions habituellement proposées par les professionnels aux consommateurs sans limiter cette possibilité aux seules clauses qui auraient fait l'objet d'un décret pris dans les formes de l'article 35 de la loi du 10 janvier 1978 que l'action est donc recevable ;

 

3°) SUR LES PRINCIPES APPLICABLES :

Attendu que les conditions et le champ d'application des principes en la matière découlent de l'article 35 précité ;

[minute page 7] Attendu que ce texte exige tout d'abord l'existence d'un contrat conclu entre un professionnel et un non professionnel ou consommateur ; que cette condition est remplie puisque BUDGET FRANCE admet elle-même qu'au moins 25 % de sa clientèle est composée de particuliers auxquels elle propose le même contrat qu'aux professionnels ;

Attendu, ensuite, que sont concernées « les clauses relatives au caractère déterminé ou déterminable du prix ainsi qu'à son versement, à la consistance de la chose ou à sa livraison, à la charge des risques, à l'étendue des responsabilités et garanties, aux conditions d'exécution, de résiliation, résolution ou reconduction des conventions » ;

Attendu que la clause attributive de compétence entre indiscutablement dans le champ d'application de ce texte puisqu'elle concerne le choix imposé au consommateur de la juridiction amenée à statuer sur l'ensemble de ces points s'ils sont l'objet du litige ;

Attendu qu'il en est de même de l'article 14-1 du contrat obligeant le locataire à déclarer dans les 24 heures les sinistres sous peine de déchéance de l'assurance puisqu'il s'agit là d'un point qui relève à la fois de l'exécution de la convention et de l'étendue des garanties ;

Attendu, sur cet article, qu'il est constant que le tribunal n'a pas motivé sa décision ; que, cependant, la société BUDGET FRANCE ne soulève pas expressément la nullité du jugement sur ce point et se contente de soutenir que son adversaire qui ne motive pas, non plus, ses conclusions de ce chef a renoncé à sa demande d'annulation de ladite clause ;

Mais attendu qu'en concluant à la confirmation du jugement sur ce point et en soutenant que les clauses annulées par le Tribunal avaient été, à juste titre, jugées abusives et conféraient à son adversaire un avantage excessif, l'intimée n'a nullement renoncé à sa demande de ce chef, ce qui laisse à la Cour l'intégralité du litige ;

Attendu que l'une des conditions posées par l'article 35 exige que les clauses litigieuses aient été imposées au consommateur par un abus de la puissance économique de son co-contractant que BUDGET FRANCE ne saurait subordonner cette condition à l'existence d'une part de marché minimale sur le secteur économique ou géographique concerné et à l'absence de concurrence ;

[minute page 8] Attendu, en effet, que le législateur a voulu protéger le consommateur contre les dispositions léonines que lui impose son contractant à travers un contrat généralement pré-imprimé et intangible auquel il doit se soumettre ou renoncer sans possibilité d'en discuter les termes ; que tel est bien le cas du contrat proposé par BUDGET FRANCE à ses clients qui remplit toutes les caractéristiques d'un contrat d'adhésion ; qu'il est illusoire, dans ces conditions, de penser que l'existence d'une concurrence locale dans le secteur économique concerné est de nature à restituer un quelconque équilibre entre les parties alors que, généralement, le client pressé et ignare en matière juridique, n'a ni les moyens matériels ni les moyens intellectuels d'examiner le contrat proposé ou de le comparer à ceux des loueurs concurrents avant de prendre sa décision ; qu'ainsi, dans ses rapports avec sa clientèle non professionnelle, l'abus de puissance économique de BUDGET FRANCE intervient indéniablement pour amener les consommateurs à accepter les clauses de la convention dont il ne saisit pas toutes les nuances

Attendu, enfin, que l'article 35 exige encore que les clauses litigieuses confèrent au professionnel un avantage « excessif » ;

Attendu qu'un tel qualificatif fait référence à un « excès » et donc au caractère anormal de l'avantage que procure un contrat dont le but principal est de procurer un bénéfice au professionnel qui en tire ses moyens d'existence ; que la clause litigieuse doit donc, par son résultat outrancier, procurer au professionnel des avantages que le simple jeu naturel des relations commerciales est incapable de lui assurer ou que les références au droit commun empêcheraient s'il n'y était dérogé qu'il convient d'examiner si les clauses querellées sont abusives et procurent un tel avantage à BUDGET FRANCE ;

 

4°) SUR LES CLAUSES CONTESTÉES :

A) LA CLAUSE ATTRIBUTIVE DE COMPÉTENCE :

Attendu que cette clause est rédigée de la sorte :

« Toute contestation sur l'interprétation ou l'exécution du présent contrat sera du ressort exclusif des juridictions siégeant au lieu du siège social du franchisé BUDGET France » ;

[minute page 9] Attendu que l'appelante ne conteste pas que cette clause soit inopposable à un client non commerçant en application de l'article 48 du nouveau code de procédure civile puisqu'elle demande qu'il lui soit décerné acte de ce que les prochains modèles de contrat comporteront une précision en ce sens ;

Attendu que le caractère illicite de cette clause en ce qu'elle figure dans les contrats proposés aux clients non commerçants va de pair avec son caractère abusif à l'égard d'une telle clientèle ; que la société BUDGET FRANCE en tire un avantage excessif puisqu'elle spécule sur la méconnaissance présumée des règles de procédure civile par ses clients non commerçants pour espérer qu'ils renoncent à engager un procès loin de leur domicile ; que le caractère particulièrement dissuasif de cette clause et le caractère vraiment excessif qu'en retire l'appelante sont d'autant plus réels qu'en matière de location de voiture le montant du litige sera faible et que la distance séparant le domicile du locataire du siège social du franchisé sera importante puisque le client sera même parfois étranger ou aura laissé la voiture, à l'issue du contrat, à l'agence proche de son domicile très éloignée souvent de celle où il aura loué le véhicule ; que c'est donc à bon droit que cette clause a été annulée par le Tribunal ;

Attendu qu'en raison de la confirmation du jugement sur ce point, il est inutile d'accorder à la société BUDGET FRANCE le décerné acte qu'elle réclame puisque la mise en conformité de son contrat s'impose à elle ;

 

B) SUR L'ARTICLE 14-1 :

Attendu que cet article est rédigé en ces termes :

« Tout accident doit être immédiatement, et au plus tard dans les 24 heures, signalé par écrit à la station où le véhicule a été mis à la disposition du locataire ou à la station de restitution faute de quoi la déchéance de la couverture des articles 12 et 13 pourra lui être opposée. Il aura à supporter toutes les conséquences pécuniaires ou autres d'un retard de déclaration. »

Attendu que l'avantage excessif tiré d'une telle clause par la société BUDGET FRANCE est incontestable dans la mesure où elle reconnaît elle-même que les primes d'assurances représentent pour [minute page 10] une société de location de véhicules une partie substantielle de ses charges d'exploitation ; qu'en donnant ainsi à ses locataires un délai très réduit de 24 heures qui les met, dans certaines circonstances, dans l'impossibilité matérielle de faire la déclaration, elle transfère sur son client de façon automatique la charge de certains sinistres ce qui ne manque pas d'avoir une certaine influence sur le montant des primes qu'elle paie à une compagnie qui lui laisse sans nul doute, à elle, un délai beaucoup plus grand pour déclarer ses sinistres ;

Attendu que la société BUDGET FRANCE ne prouve pas que le délai trop bref qu'elle accorde à ses clients lui soit dicté par une urgence particulière ou lui soit imposé par son propre assureur ; qu'en fixant des conditions draconiennes à ses locataires dans des circonstances qui, par hypothèse, sont parfois dramatiques ; en créant, par une telle disposition contractuelle, une urgence artificielle de nature à empêcher ses clients de déclarer certains sinistres et en faisant ainsi supporter par un client ni fautif, ni négligent les conséquences du dommage, la société BUDGET FRANCE a inséré dans le contrat d'adhésion une clause abusive qui doit être annulée ;

 

C) SUR L'ARTICLE 5 :

Attendu que cet article est rédigé en ces termes :

« le bailleur ne sera pas responsable des retards résultant d'incidents mécaniques ou autres. En aucune circonstance le locataire ne pourra réclamer des dommages-intérêts pour retard dans la livraison de véhicule, annulation de la location ou immobilisation en cours de location ».

Attendu que le tribunal remarque avec juste raison qu'une telle clause déroge de façon systématique à presque toutes les obligations du loueur telles qu'elles résultent des règles habituelles du louage de choses, que ce soit l'obligation de délivrance ou la garantie des vices ; qu'ainsi ladite clause autorise en pratique BUDGET FRANCE à fournir avec n'importe quel retard une voiture qui fonctionne mal, tombe en panne, immobilise le preneur et finalement est retirée au locataire dont le contrat est annulé unilatéralement sans que ce dernier, dont le but initial était de pouvoir se déplacer commodément, parfois pour des affaires importantes, ne puisse lui réclamer quoi que ce soit ;

[minute page 11] Attendu que l'avantage que procure à la société BUDGET FRANCE une telle clause d'irresponsabilité totale est tellement excessif, compte tenu de l'importance des intérêts parfois lésés, que la sanction économique de la perte du client mécontent ne suffit pas à en contrebalancer la rigueur

que cette clause a donc été justement annulée par les premiers juges ;

 

D) SUR L'ARTICLE 13-1 :

Attendu que cette clause est rédigée en ces termes :

« En cas de vol, le locataire doit remettre au loueur les clefs et la carte grise du véhicule loué ; à défaut, sa responsabilité serait engagée et, dans ce cas, le locataire supporterait la location du véhicule volé jusqu'à sa récupération ou jusqu'à concurrence d'un délai de 120 jours au tarif contractuel. »

Attendu qu'une telle clause a pour effet de faire peser sur le locataire une présomption de responsabilité au simple motif qu’il se trouve dans l'incapacité de remettre les clefs et la carte grise sans que soit démontrée une quelconque faute ou négligence de sa part à l'origine d'un tel état de fait

que cette clause va donc bien au-delà de la simple incitation du locataire à la prudence pour lui conseiller de ne jamais laisser clefs et carte grise dans un véhicule susceptible d'être dérobé ;

Attendu que cette clause abusive aboutit à conférer à la société BUDGET FRANCE un avantage excessif puisqu'elle frappe un locataire dont la faute ou la négligence ne serait pas établie d'une indemnité égale à 120 jours de location alors que, dans le même temps, l'appelante empoche une indemnité d'assurance égale à la valeur vénale du véhicule dérobé (bien souvent déjà financièrement amorti) sans prouver que sa propre compagnie d'assurance lui impose une franchise égale aux 120 jours de location dont s'agit ;

Attendu que c'est en vain, sur ce dernier point, que la société BUDGET FRANCE fait plaider, sans en justifier, que, victime de trop de vols et eu égard au montant des primes que ces sinistres engendrent, elle n'est plus assurée, alors que le contraire résulte de l'article 13-1 du contrat qu'elle propose au consommateur que cette clause a donc été annulée à bon droit par le Tribunal

[minute page 12]

E) SUR L'ARTICLE 12-2 :

Attendu que cet article est rédigé en ces termes :

« Le locataire... sera exclu de la garantie responsabilité civile notamment dans les cas suivants :... (suit une liste d'exclusions) ; La liste ci-dessus n'est pas exhaustive et le bailleur et son assureur pourront opposer au locataire l'ensemble des conditions, limitations, exclusions, et déchéances figurant dans la police d'assurance qui est à la disposition du locataire au principal établissement du loueur. »

Attendu que le caractère abusif d'une telle clause résulte de sa simple rédaction et apparaît dès la première lecture ; que la société BUDGET FRANCE impose au consommateur sa propre compagnie d'assurance et son propre contrat sans mettre ce client en mesure de connaître les exceptions ou les déchéances autres que celles qu'unilatéralement elle a daigné lui indiquer dans sa liste « non exhaustive », sauf à faire obligation au consommateur de se rendre rue du mûrier à SAINT CYR SUR LOIRE (37) pour y lire la police d'assurance à laquelle elle lui impose d'adhérer ; que la société BUDGET FRANCE ne précise d'ailleurs pas si elle offre à ses clients de ses stations de FORT DE FRANCE en MARTINIQUE ou de BAIE MAHAULT en GUADELOUPE le billet d'avion pour venir consulter la police d'assurance dans l'INDRE & LOIRE ;

Attendu que l'avantage qu'en tire la société BUDGET FRANCE est excessif puisque, par cette simple disposition, elle met son client dans l'incapacité de connaître les conditions réelles dans lesquelles le véhicule qu'il envisage de louer est assuré et dans lesquelles sa propre responsabilité de conducteur est couverte ; qu'ainsi BUDGET FRANCE sauvegarde à peu de frais une clientèle trop curieuse risquant de renoncer de ce fait au contrat ;

Attendu, en conséquence, que le jugement sera intégralement confirmé sans qu'il soit besoin, compte tenu du caractère manifestement abusif des clauses examinées, de saisir la Commission des clauses abusives prévue par l'article 36 de la loi du 10 janvier 1978 ;

 

5 °) SUR LES AUTRES DEMANDES :

[minute page 13] Attendu que l'UNION FÉDÉRALE DES CONSOMMATEURS ne justifie nullement d'un préjudice qui lui soit personnel ; qu'en vertu des dispositions de la loi du 5 janvier 1988 elle n'est fondée à réclamer des dommages-intérêts en réparation des préjudices subis par les consommateurs que dans les instances intentées par les consommateurs eux-mêmes, ce qui n'est pas le cas en l'espèce ; qu'elle a donc été déboutée à juste titre de sa demande de ce chef ;

Attendu qu'il apparaît inéquitable de laisser supporter à l'intimée la charge de la totalité des frais irrépétibles qu'elle a dû engager ; qu'il lui sera accordé une indemnité de 6.000 francs à ce titre ;

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                                                                                         (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

Statuant, publiquement, contradictoirement et en dernier ressort ;

DIT n'y avoir lieu à rejeter des débats les pièces communiquées le 9 janvier 1995 ;

CONFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

CONDAMNE la société anonyme BUDGET FRANCE à payer à l'association UNION FÉDÉRALE DES CONSOMMATEURS une somme de 6.000 francs à titre d'indemnité de procédure ;

CONDAMNE l'appelante aux dépens ;

ACCORDE, pour les dépens d'appel, à la société civile professionnelle J.P. DUTHOIT et V. DESPLANQUES, Avoués associés, le bénéfice des dispositions de l'article 699 du nouveau Code de Procédure Civile ;

ET le présent arrêt a été signé par le Président et le Greffier.

C. MEUNIER                                   D. TAY

 

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