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CA GRENOBLE (1re ch. civ.), 28 avril 2015

Nature : Décision
Titre : CA GRENOBLE (1re ch. civ.), 28 avril 2015
Pays : France
Juridiction : Grenoble (CA), 1re ch. civ.
Demande : 12/04733
Date : 28/04/2015
Nature de la décision : Réformation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 18/10/2012
Décision antérieure : CASS. CIV. 1re, 3 novembre 2016
Décision antérieure :
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CERCLAB - DOCUMENT N° 5149

CA GRENOBLE (1re ch. civ.), 28 avril 2015 : RG n° 12/04733

Publication : Jurica

 

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 28 AVRIL 2015

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 12/04733. Appel d'un Jugement (R.G. n° 09/05644) rendu par le Tribunal de Grande Instance de Grenoble en date du 1er octobre 2012, suivant déclaration d'appel du 18 octobre 2012.

 

APPELANTE :

Association UNION FÉDÉRALE DES CONSOMMATEURS QUE CHOISIR DE L'ISÈRE

prise en la personne de son représentant légal demeurant en cette qualité audit siège ; Représentée et plaidant par Maître Christian BRASSEUR de la SCP CONSOM'ACTES, avocat au barreau de GRENOBLE

 

INTIMÉE :

Association CONGRÉGATION NOTRE DAME DE CHARITÉ DU BON PASTEUR

prise en la personne de son présentant légal domicilié en cette qualité audit siège dont le siège social est [adresse], ayant un établissement particulier ; Représentée par Maître Dominique BRET, avocat au barreau de GRENOBLE substitué par Maître Sofia COMERINO, avocat au barreau de GRENOBLE

 

COMPOSITION DE LA COUR : LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ : Monsieur Dominique FRANCKE, Président, Madame Dominique JACOB, Conseiller, Madame Joëlle BLATRY, Conseiller

Assistés lors des débats de Françoise DESLANDE, greffier,

DÉBATS : À l'audience publique du 2 mars 2015 Monsieur FRANCKE a été entendu en son rapport. Les avocats ont été entendus en leurs conclusions et plaidoiries. Puis l'affaire a été mise en délibéré pour l'arrêt être rendu à l'audience de ce jour, après prorogation du délibéré.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

EXPOSÉ DU LITIGE :

La maison de retraite du Bon Pasteur est depuis octobre 2004 un établissement conventionné en tant qu'établissement d'hébergement pour personnes âgées, la plupart dépendantes (EHPAD).

Son activité est subordonnée à la signature d'une convention avec le président du Conseil général et l'autorité compétente pour l'assurance-maladie en application des dispositions de l'article L. 312-8 du code de l'action sociale et des familles.

Cette convention tripartite a été signée par la congrégation NOTRE DAME DE CHARITÉ DU BON PASTEUR.

Après échanges de courriers à propos du contrat de résident mis en œuvre par l'établissement, l'UFC QUE CHOISIR 38 a fait assigner la congrégation NOTRE DAME DE CHARITÉ DU BON PASTEUR par acte du 26 novembre 2009 devant le tribunal de grande instance de GRENOBLE afin de voir :

- reconnu le caractère abusif ou illicite de 13 clauses du contrat de séjour proposé aux résidents par cette maison de retraite,

- ordonnée la suppression de ces clauses,

- interdit l'usage pour l'avenir de ces clauses,

- la congrégation NOTRE DAME DE CHARITÉ DU BON PASTEUR condamnée à lui payer des dommages-intérêts pour préjudice collectif et associatif,

- le jugement publié par extraits.

 

Par jugement du 1er octobre 2012, le tribunal de grande instance de GRENOBLE a :

- déclaré illicites ou abusives 6 des 13 clauses visées,

2 - : « l'admission est également conditionnée par l'état des lieux contradictoire de la chambre attribuée ainsi qu'au versement d'une caution équivalant à 30 jours du tarif d'hébergement » (article 1 in fine)

4 - : « hébergement : le prix de journée d'hébergement est fixé annuellement par arrêté du président du Conseil général. Ainsi, le prix de l'hébergement pour les prestations décrites ci-dessus à l'article 2-1 et retenues à la date du présent contrat est de 50,12 euros (…). Ce tarif ne comprend pas l'entretien du linge délicat, ni les frais de coiffure, pédicure, manucure, réglés directement par le résident (ou sa famille) au prestataire » (article 3.1) ;

7 - : « au terme d'une absence de trois mois, un courrier de l'établissement informe le résident de la possibilité d'une résiliation du contrat dans le mois qui suit ; si celui-ci n'apporte pas de réponse dans les huit jours, un courrier en recommandé l'informe que son séjour prend fin à l'échéance du quatrième mois » (article 4.2.1).

9 - : « Tout retard de paiement à la date d'échéance (soit le 1er de chaque mois) est notifié au résident et, s'il en existe un, à son représentant par lettre recommandée avec accusé de réception. Le défaut de paiement doit être régularisé dans un délai de 30 jours à partir de la notification du retard de paiement. En cas de non-paiement dans le délai imparti pour la régularisation, le logement sera libéré dans un délai de 30 jours à compter de l'expiration du délai de régularisation » (article 4.2.1).

10 - : « la famille dispose d'un délai de cinq jours calendaires pour enlever le mobilier et les effets du résident et libérer son logement ; la facturation est alors arrêtée à la date du décès. 30 jours après le décès, les meubles et effets appartenant au défunt seront mis en gardiennage ou sous scellés. Les frais d'huissier pour inventaire et mise sous scellés sont à la charge des ayants droits » (article 4.2.4).

13 - : « un contrat d'assurance souscrit par l'établissement garantit sa responsabilité civile vis-à-vis des résidents. L'assurance des biens apportés dans l'établissement par les résidents est prise en charge par la maison de retraite du bon Pasteur contre les dégâts des eaux, vol et incendie. Les valeurs et objets précieux ne sont pas assurés contre le vol » (section 6 p. 12 du règlement intérieur).

Il a dit que :

- les clauses du contrat diffusé par la congrégation NOTRE DAME DE CHARITÉ DU BON PASTEUR jugées abusives ou illicites sont réputées non écrites,

Il a :

- ordonné la suppression de la totalité des clauses déclarées illicites ou abusives de son contrat type dans un délai de six mois à compter de la signification du jugement et, passé ce délai, sous astreinte provisoire de 800 euros par jour de retard pendant une durée de deux mois,

- condamné la congrégation NOTRE DAME DE CHARITÉ DU BON PASTEUR à payer à L'UFC QUE CHOISIR 38 la somme de 1.000 euros en réparation du préjudice collectif,

- condamné la congrégation NOTRE DAME DE CHARITÉ DU BON PASTEUR à payer à L'UFC QUE CHOISIR 38 la somme de 800 euros en réparation de son préjudice associatif,

- ordonné la publication par extraits inventoriant les clauses écartées dans les journaux les Affiches de Grenoble, le Dauphiné Libéré, Paru Vendu, à l'initiative de L'UFC QUE CHOISIR 38 et aux frais de la congrégation NOTRE DAME DE CHARITÉ DU BON PASTEUR dans la limite de la somme totale de 1.500 euros par publication,

- condamné la congrégation NOTRE DAME DE CHARITÉ DU BON PASTEUR à payer à L'UFC QUE CHOISIR 38 la somme de 1.500 euros par application de l'article 700 du Code de procédure civile,

- ordonné l'exécution provisoire à l'exception des mesures de publicité par voie de presse.

 

L'UFC QUE CHOISIR 38 a relevé appel de la décision le 18 octobre 2012.

Dans le dernier état de ses conclusions du 31 décembre 2014, l'UFC QUE CHOISIR 38 demande de :

- dire son appel recevable et bien fondé,

- dire illicites ou abusives les 4 clauses supplémentaires suivantes, dans les versions 2009 et 2013 des contrats de résidents :

- celle qui ne distingue pas et rend indissociables les prestations de gîte, couvert, et entretien (article 2.1),

- celle qui ne prévoit pas de déduction pour les prestations non servies en cas d'absence pendant 72 heures (article 3.2),

- celle qui prévoit une clause pénale à charge du consommateur en cas de départ sans respect des délais de prévenance, sans prévoir une clause similaire à la charge du professionnel lorsqu'il résilie (article 3.2 in fine),

- celle qui ne précise pas les conditions de restitution de la caution (article 4-2.5),

- ordonner la suppression du modèle type des clauses ci-dessus dans le délai d'un mois à compter de la décision à intervenir, sous astreinte d'un montant de 1.000 euros par jour de retard à l'expiration du délai imparti,

- constater que la version 2013 produite en modèle type par l'intimée n'est pas un contrat « substitué » mais seulement un modèle issu de l'exécution provisoire si bien que la dévolution de l'appel reste entière,

- à titre subsidiaire, si la cour estime le contrat « substitué », constater l'acquiescement au jugement de l'intimée, la débouter intégralement de son appel incident devenu sans objet,

en toute hypothèse :

- porter le montant des dommages et intérêts en réparation du préjudice collectif à la somme de 19.500 euros,

- interdire l'usage de l'ensemble des clauses irrégulières retenues par le tribunal puis par la cour pour l'avenir,

- dire, au regard de l'article L. 421-6 nouveau du code de la consommation, que les clauses visées sont « réputées non écrites dans tous les contrats identiques conclus par le même professionnel avec des consommateurs, y compris les contrats qui ne sont plus proposés » et en conséquence, « en informer (...) les consommateurs concernés par tous moyens appropriés »,

- confirmer la décision pour le surplus,

- lui allouer la somme de 2.500 euros par application de l'article 700 du Code de procédure civile au titre de la procédure d'appel,

- condamner la congrégation NOTRE DAME DE CHARITÉ DU BON PASTEUR aux dépens.

 

La congrégation NOTRE DAME DE CHARITÉ DU BON PASTEUR demande à titre principal de :

- dire irrecevable l'action de l'UFC QUE CHOISIR 38 en ce que la congrégation NOTRE DAME DE CHARITÉ DU BON PASTEUR ne participe pas au secteur marchand, toute son activité étant régie par l'autorité administrative, et plus particulièrement par le Conseil général de l'Isère, et en ce que les pensionnaires ne peuvent être considérés comme des consommateurs,

à titre subsidiaire, de :

- constater que le contrat actuellement proposé aux pensionnaires depuis le 17 avril 2013 ne comporte aucune clause pouvant être qualifiée d'abusive ou illicite,

- en conséquence, réformer le jugement en ce qu'il a déclaré certaines clauses abusives ou illicites et l'a condamnée à payer certaines sommes,

- débouter l'UFC QUE CHOISIR 38 de toutes ses demandes,

- condamner l'UFC QUE CHOISIR 38 à lui payer la somme de 3.500 euros par application de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens qui incluront ceux de première instance.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                   (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS DE LA DÉCISION :

1 - Sur la recevabilité :

L'UFC QUE CHOISIR 38 estime son action recevable, qu'en effet, même constituée sous forme associative ou de congrégation, la maison de retraite NOTRE DAME DE CHARITÉ DU BON PASTEUR est à l'égard des consommateurs une professionnelle pour fournir des prestations de services moyennant rémunération, en concurrence avec d'autres professionnels, alors qu'il suffit « pour que la qualification d'entreprise soit retenue, que l'offre de l'association en question soit en concurrence avec celles d'autres opérateurs qui poursuivent un but lucratif » (CJCE du 10 janvier 2006 et 1er juillet 2007).

La congrégation NOTRE DAME DE CHARITÉ DU BON PASTEUR invoque de son côté le régime spécifique de ses contrats, de la législation et des règlements, de la détermination du prix qui s'imposent à elle et l'excluent du champ ouvert à l'action des associations de consommateurs.

- Sur ce :

Une association constituée sous la forme prévue par la loi de 1901 est, quelles que soient les modalités de son fonctionnement et l'origine de ses ressources, une personne morale de droit privé. Le contrat passé par cette association avec une autre personne de droit privé, fût-ce pour l'exécution d'un service public, est un contrat de droit privé ;

Les litiges relatifs à des contrats de droit privé relèvent en principe de la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire ;

Il résulte en l'espèce de la lecture des documents produits que la Maison de retraite du Bon Pasteur, gérée par la congrégation NOTRE DAME DE CHARITÉ DU BON PASTEUR, est une personne privée, qui propose des contrats de droit privé à des personnes privées âgées, dépendantes physiquement et/ou psychiquement, désireuses d'être accueillies dans ses locaux en séjour définitif ;

Le contrat litigieux relève bien des juridictions judiciaires.

 

2 - Sur le fond :

Selon l'article L. 421-6 du code de la consommation :

« les associations mentionnées à l'article L. 421-1 et les organismes justifiant de leur inscription sur la liste publiée au journal officiel des communautés européennes en application de l'article 4 de la directive 98/27/CE relative aux actions en cessation en matière de protection des consommateurs peuvent agir devant la juridiction civile pour faire cesser, pour interdire toute agissements illicites au regard des dispositions transposant les directives mentionnées à l'article 1er de la directive précitée.

Le juge peut à ce titre ordonner, le cas échéant sous astreinte, la suppression de clauses illicites ou abusives dans tout contrat ou type de contrat proposé ou destiné au consommateur ».

Selon l'article L. 132-1 du code de la consommation, « sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat. Ces dispositions sont applicables quels que soient la forme ou le support du contrat.

Les clauses abusives sont réputées non écrites.

L'appréciation du caractère abusif des clauses au sens du premier alinéa ne porte ni sur la définition de l'objet principal du contrat ni sur l'adéquation du prix ou de la rémunération au bien vendu ou au service offert pour autant que les clauses sont rédigées de façon claire et compréhensible ».

Les articles R. 132-1 et R. 132-2 du code de la consommation énumèrent les clauses présumées abusives.

 

Sur le nouveau contrat :

L'UFC QUE CHOISIR 38 fait valoir que la congrégation NOTRE DAME DE CHARITÉ DU BON PASTEUR n'apporte pas la preuve que le modèle type de 2013 produit est utilisé.

Elle invoque l'article 81 de la loi 2014-344 du 17 mars 2014 d'application immédiate, portant modification des articles L. 421-2 et L. 421-6 du code de la consommation prévoyant que l'action des associations concerne les demandes relatives « y compris aux contrats qui ne sont plus proposés » si bien que la jurisprudence antérieure sur le contrat « substitué » est désormais obsolète.

Elle ajoute que la congrégation NOTRE DAME DE CHARITÉ DU BON PASTEUR a, en exécutant le jugement par la modification de ses contrats, acquiescé à celui-ci puisqu'elle n'a pas prétendu que sa version 2013 n'est que celle résultant de l'exécution provisoire.

Elle ajoute encore que le contrat communiqué en juillet 2013 par l'intimée ne justifie pas que, de manière générale, elle l'a substitué au modèle ancien.

Sur ce :

La présomption d'acquiescement ne s'applique pas selon l'article 410 du code de procédure civile lorsque l'exécution provisoire a, comme en l'espèce, été prononcée.

La société appelante produit un modèle type (pièce n° 8) de contrat de résident établi le 17 avril 2013 prenant en compte le jugement déféré.

Ce nouveau contrat a été approuvé en conseil d'administration le 17 avril 2013. Les conditions d'adoption et d'approbation de ce contrat, soumis préalablement aux autorités de tutelle, lui confèrent la qualité de contrat substitué à celui soumis au premier juge de sorte que seules les clauses de ce contrat seront examinées.

Le juge est en effet tenu d'examiner d'office le caractère abusif des clauses contractuelles invoquées par une partie dès qu'il dispose des éléments de droit et de fait nécessaires à cet effet,

Il doit en être déduit que si l'appel de la congrégation NOTRE DAME DE CHARITÉ DU BON PASTEUR sur les 6 clauses déclarées abusives ou illicites doit être jugé irrecevable compte tenu de leur prise en compte, non discutée par les parties, l'appel de l'UFC QUE CHOISIR de l'Isère sur les 4 clauses énoncées doit être examiné pour être reprises, elles, dans le contrat substitué soumis à l'examen de la cour.

 

Sur les clauses contestées :

1 - celle qui ne distingue pas et rend indissociables les prestations de gîte, couvert, et entretien (article 2.1) :

Le forfait d'hébergement résulte des dispositions légales et réglementaires qui suivent :

Selon l'article L. 314-2 du CASF,

« les établissements et services mentionnés au I de l'article L. 313-2 sont financés par :

1° Un forfait global relatif aux soins prenant en compte le niveau de dépendance moyen et les besoins en soins médico-techniques des résidents, déterminé par arrêté du directeur général de l'agence régionale de santé

2° Un forfait global relatif à la dépendance, prenant en compte le niveau de dépendance moyen des résidents, fixé par un arrêté du président du conseil départemental

3° Des tarifs journaliers afférents aux prestations relatives à l'hébergement, fixés par le président du conseil départemental, dans des conditions précisées par décret. Ce décret détermine le contenu des tarifs journaliers afférents aux prestations relatives à l'hébergement qui ne peuvent comporter des dépenses intégrées dans les tarifs relatifs aux soins et à la dépendance cités respectivement aux 1° et 2°.

Pour les établissements mentionnés à l'article L. 342-1 à l'exception de ceux mentionnés au 4°, les prestations relatives à l'hébergement sont fixées et contrôlées dans les conditions prévues par les articles L. 342-2 à L. 342-6.

Les tarifs correspondant à des prestations complémentaires et librement acceptées et acquittées par les résidents, à la condition qu'elles ne relèvent pas des tarifs cités aux 1°, 2° et 3°, constituent des suppléments aux tarifs journaliers afférents à l'hébergement. (…)

Les tarifs des suppléments aux tarifs journaliers doivent être communiqués aux titulaires d'un contrat de séjour ou à leurs représentants et portés à la connaissance du président du conseil départemental et du public dans des conditions fixées par décret.

Pour les établissements mentionnés à l'article L. 342-1 et les résidents non admis à l'aide sociale dans les établissements relevant du 6° du I de l'article L. 312-1 du présent code et dans les établissements de santé dispensant des soins de longue durée, les prestations relatives aux suppléments aux tarifs journaliers afférents à l'hébergement sont fixées et contrôlées dans les conditions prévues par les articles L. 342-2 à L. 342-6 du présent code.

 

Selon l'article L. 342-3,

Le prix de chaque prestation, à l'exception de celles prévues aux 1° et 2° de l'article L. 314-2 est librement fixé lors de la signature du contrat.

Selon l'article R. 314-49 du même code : « Le tarif afférent à l'hébergement recouvre l'ensemble des prestations d'administration générale, d'accueil hôtelier, de restauration, d'entretien et d'animation de la vie sociale de l'établissement qui ne sont pas liées à l'état de dépendance des personnes accueillies. Ce tarif est à la charge de la personne âgée accueillie. »

Le caractère réglementaire de la définition du contenu du forfait - et du prix de journée - ne permet pas, en l'absence de toute remise en cause à cet égard de la légalité de l'article R. 314-49 du code de l'action sociale, de considérer comme abusive cette clause, qui en est le corollaire obligé.

 

2 - celle qui ne prévoit pas de déduction pour les prestations non servies en cas d'absence pendant 72 heures (article 3.2) :

Selon l'UFC QUE CHOISIR 38 la loi française permet de dire que les clauses sont abusives même si elles ne sont pas illicites ;

Elle souligne que l'article R. 314-204 du code de l'action sociale et des familles, s'il prévoit une déduction après 72h n'écarte pas une minoration avant l'écoulement de cette période de temps.

Elle invoque :

- l'article L. 314-10 du code selon lequel « les personnes qui s'absentent temporairement de façon occasionnelle ou périodique de l'établissement où elles sont accueillies peuvent être dispensées de tout ou partie de leurs frais d'hébergement »

- l'article L. 342-2, disposition elle aussi législative, selon lequel « le contrat détermine les conditions de facturation de chaque prestation en cas d'absence d'hospitalisation », sans exception pour les trois premiers jours,

- la recommandation de la commission des clauses abusives préconisant d'éliminer les clauses permettant : « 12° au professionnel, en cas d'absence du consommateur,...de ne pas déduire du prix, le coût des services, en particulier les repas, que celui-ci n'aurait pas consommé de ce fait ».

La congrégation NOTRE DAME DE CHARITÉ DU BON PASTEUR rétorque, qu'EHPAD, elle est soumise aux stipulations relatives aux absences contenues dans le règlement départemental, qu'une telle modification du contrat reporterait sur les autres résidents la charge, inchangée, des frais déduits.

Sur ce :

En application de l'article L. 342-2 du code de l'action sociale et des familles, le contrat de séjour détermine les conditions de facturation de chaque prestation en cas d'absence ou d'hospitalisation du souscripteur ;

Les établissements sont ainsi libres de fixer le montant des déductions qu'ils accordent aux résidents hospitalisés ou absents sur le tarif hébergement, étant souligné que l'article R. 314-204 applicable aux établissements habilités au titre de l'aide sociale, ne s'impose pas aux établissements du secteur privé commercial, comme en l'espèce, lesquels peuvent toutefois l'appliquer et déduire ainsi du tarif hébergement le montant du forfait hospitalier, ce qui est plus favorable à leurs résidents

La prestation hébergement comprend, conformément à l'article R. 314-59 du code de l'action sociale et des familles, la mise à disposition de la chambre, la fourniture du chauffage central, de l'électricité, de l'eau, les trois repas quotidiens, le nettoyage des draps, taies, alèses, literie et des rideaux, la participation aux animations, que la personne soit dépendante ou pas ;

La clause n'est pas abusive en ce que le coût des prestations entretien et animations est forfaitisé et calculé sur un nombre de journées prévisionnelles, étant souligné que le linge de literie est à tout le moins, nettoyé une fois en 72 heures.

La déduction de la prestation restauration ne paraît pas abusive pour une période inférieure à 72 h dès lors que l'intérêt général pris en compte par le règlement départemental, comme par le code de l'aide sociale, peut primer dans une structure par définition collective, et dans la prise en charge d'une mission d'intérêt général, s'agissant d'un établissement et non d'une résidence, sur l'intérêt particulier du consommateur.

Le jugement déféré sera confirmé sur cette clause.

 

3 - celle qui prévoit une clause pénale à charge du consommateur en cas de départ sans respect des délais de prévenance, sans prévoir une clause similaire à la charge du professionnel lorsqu'il résilie (article 3.2 in fine) :

L'UFC QUE CHOISIR de l'Isère soutient qu'imposer un paiement de prestations non servies c'est à dire sans contrepartie constitue une violation de l'article R. 132-1 § 5 du code de la consommation.

La Congrégation NOTRE DAME DE CHARITÉ DU BON PASTEUR précise que la facturation n'intervient que si la chambre est inoccupée pendant le délai du préavis d'une durée d'un mois

Comme l'a retenu le premier juge, la qualification de délai de préavis doit être retenue, lequel ne peut être considéré comme abusif dans un contrat à durée indéterminée alors que la réciprocité est assurée comme il l'a aussi relevé.

 

4 - celle qui ne précise pas les conditions de restitution de la caution (article 3.1) :

La clause est ainsi libellée dans le contrat approuvé du 17 avril 2013 :

« À son arrivée, un montant correspondant à 30 jours d'hébergement sera demandé au résident à titre de dépôt de garantie.

Celui-ci a pour objet de couvrir les dégradations éventuelles dont il est prouvé qu'il en est l'auteur relevant du fait du résident, autre que la vétusté et la force majeure lors de la libération de la chambre, le résident étant tenu de la restituer dans l'état où elle a été mise à sa disposition, ainsi que le défaut de paiement de factures.

Ce dépôt sera rendu dans sa totalité ou partiellement dans les deux mois suivant le départ du résident, au vu des états des lieux établis contradictoirement par écrit à l'entrée et à la sortie et de la facturation finale ».

Les précisions apportées aux conditions de restitution interdisent de juger cette clause abusive.

 

Sur les demandes de dommages-intérêts :

Le premier juge a fait une juste appréciation des préjudices collectif comme associatif occasionnés par les 6 clauses dont il a ordonné la suppression, prenant en compte l'estimation, non contredite, de leur incidence financière réelle, de l'absence de but lucratif démontré de la congrégation NOTRE DAME DE CHARITÉ DU BON PASTEUR, et des modifications successives apportées au contrat.

L'interdiction pour l'avenir des clauses annulées par le premier juge avec l'acquiescement de la congrégation NOTRE DAME DE CHARITÉ DU BON PASTEUR sera ordonnée par application de l'article L. 421-26 dans sa version du 17 mars 2014.

Il n'apparaît pas inéquitable de laisser à chacune des parties l'entière charge des frais qu'elle a dû engager à l'occasion de la présente procédure.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

la cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement par arrêt contradictoire,

- déclare recevable l'appel principal de l'UFC QUE CHOISIR de l'Isère,

- déclare irrecevable l'appel incident de la congrégation NOTRE DAME DE CHARITÉ DU BON PASTEUR sur les 6 clauses annulées par le jugement déféré,

- déboute l'UFC QUE CHOISIR de l'Isère de sa demande de voir jugées illicites ou abusives les 4 clauses suivantes :

- celle qui ne distingue pas et rend indissociables les prestations de gîte, couvert, et entretien (article 2.1),

- celle qui ne prévoit pas de déduction pour les prestations non servies en cas d'absence pendant 72 heures (article 3.2)

- celle qui prévoit une clause pénale à charge du consommateur en cas de départ sans respect des délais de prévenance, sans prévoir une clause similaire à la charge du professionnel lorsqu'il résilie (article 3.2 in fine),

- celle qui ne précise pas les conditions de restitution de la caution (article 4-2.5),

- confirme le jugement déféré sur le montant des dommages et intérêts en réparation du préjudice collectif,

- interdit l'usage pour l'avenir des 6 clauses retenues comme irrégulières par le tribunal,

- dit que ces clauses sont réputées non écrites dans tous les contrats identiques conclus par le même professionnel avec des consommateurs, y compris les contrats qui ne sont plus proposés ;

- confirme la décision pour le surplus,

- déboute les parties du surplus de leurs demandes,

- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,

- laisse les dépens d'appel à la charge de l'UFC QUE CHOISIR de l'Isère.

Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

Signé par Monsieur FRANCKE, Président, et par Madame DESLANDE, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier                Le Président

 

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