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TGI GRENOBLE (4e ch.), 18 janvier 1999

Nature : Décision
Titre : TGI GRENOBLE (4e ch.), 18 janvier 1999
Pays : France
Juridiction : Grenoble (TGI)
Demande : 98/00988
Date : 18/01/1999
Nature de la décision : Admission
Mode de publication : Site Com. cl. abusives (CCA)
Date de la demande : 23/02/1998
Numéro de la décision : 22
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CERCLAB - DOCUMENT N° 3157

TGI GRENOBLE (4e ch.), 18 janvier 1999 : RG n° 98/00988 ; jugement n° 22

Publication : Site CCAB

 

Extrait : « DÉCLARE abusive les clauses figurant aux articles suivants des conditions générales du contrat de location de voitures habituellement proposées par la SARL ISÈRE LOCATION à sa clientèle :

art.1er : - en ce qu'elles prohibent d'une manière générale le transport de marchandises dangereuses, inflammables ou explosives, sans en exempter les marchandises destinées à satisfaire un besoin normal la vie courante ; - en ce qu'elles confèrent un droit de contrôle à ISÈRE LOCATION incompatible avec le respect dû à l'intimité de la vie privée et à la liberté d'aller et venir ;

art. 2 : en ce qu'elles présument que le locataire prend le véhicule en bon état de marche et de carrosserie sans qu'un état de lieux soit dressé contradictoirement et sans réserver les défauts non apparents, notamment mécaniques ;

art. 3 : en ce qu'elles exposent illégalement le locataire à une déchéance de garantie d'assurance ;

art. 5 : - en ce qu'elles laissent en toute circonstance à la charge du locataire les dommages résultant du gel ; - en ce qu'elles mettent à la charge du locataire des désordres de toute origine sans les limiter à ceux qui auraient pour origine une faute du locataire et sans lui réserver le droit de prouver que le dommage en lui est pas imputable ;

art. 7 : - en ce qu'elles délaissent au locataire la charge des dommages causés au véhicule en cas d'accident avec un tiers identifié, sans réserver la preuve que le dommage n'est pas imputable au locataire ; - en ce que en violation des dispositions du Code des Assurances, elles prévoient une non garantie de l'assurance responsabilité civile obligatoire en matière de véhicule terrestre à moteur en cas de négligence grave, des déchéances de garantie en cas de déclaration de sinistre tardive, ou subordonne la garantie de l'assurance à un délai de déclaration non conforme à la réglementation ; - en ce qu'elles fixent d'office la valeur du véhicule volé à son prix d'achat sans distinguer selon l'état réel et l'ancienneté du véhicule ;

art. 8 : en ce qu'elles présument la faute du locataire pour les dommages survenus aux parties hautes du véhicule en toutes circonstances sans permettre au locataire de rapporter la preuve d'une absence de faute ;

art. 9 : en ce qu'elles imposent au locataire la décision de compagnies d'assurances intéressées au sinistre pour déterminer ses responsabilités en cas de contestation et le sanctionner pécuniairement ;

art. 14 : en ce qu'elles laissent à l'arbitraire de ISÈRE LOCATION l'indemnité destinée à réparer son préjudice dans le cas où ISÈRE LOCATION aura payé une amende incombant au locataire. ».

 

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE GRENOBLE

QUATRIÈME CHAMBRE CIVILE

JUGEMENT DU 18 JANVIER 1999

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION                                      (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 98/00988. Jugement n° 22.

 

ENTRE :

DEMANDERESSE :

UNION FÉDÉRALE DES CONSOMMATEURS - QUE CHOISIR (UFC 38)

dont le siège social est situé [adresse], Représentée par ses représentants légaux, Représenté par la SCP BRASSEUR CHAPUIS, avocats associés inscrits au Barreau de GRENOBLE, et plaidant par Maître BRASSEUR, avocat, D'UNE PART

 

ET :

DÉFENDERESSE :

SARL ISÈRE LOCATION

dont le siège social est situé [adresse], Représentée par ses représentants légaux, Représenté et plaidant par Maître BENDJOUYA, avocat inscrit au Barreau de GRENOBLE, D'AUTRE PART

 

À l'audience publique du 10 novembre 1998 tenue par Monsieur Robert PARIS, Premier Vice-Président, assistée de Mme Anne-Marie LAVIALE-ARCOS, Greffier, les conseils des parties ayant renoncé au bénéfice des dispositions de l'article 804 du Nouveau Code de Procédure Civile.

[minute page 2] Après avoir entendu les avocats en leur plaidoirie, l'affaire a été mise en délibéré, et le prononcé de la décision renvoyée au 7 décembre 1998 puis prorogé au 18 janvier 1999, date à laquelle il a été statué en ces termes :

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                                                         (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Par acte du 23 février 1998, l'Union Fédérale des Consommateurs de l'Isère - Que Choisir - (ci-après désignée l'UFC 38) a fait assigner, sur le fondement des articles L. 421-2 et L. 421-6 du Code de la Consommation, la SARL ISÈRE LOCATION pour voir ordonner sous astreinte et avec exécution provisoire, la suppression d'un certain nombre de clauses qu'elle estime abusives ou illicites, insérées dans les conditions générales de location de véhicule que ladite société propose habituellement à sa clientèle.

Elle sollicite la publication de la décision à intervenir dans trois journaux et la condamnation de ISÈRE LOCATION à lui payer 60.000 francs à titre de dommages-intérêts et 10.000 francs en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

La société ISÈRE LOCATION s'en rapporte à justice sur la validité de certaines clauses et conteste le caractère abusif ou illicite des autres dispositions critiquées par l'UFC 38.

Elle estime que la publication du jugement et le paiement de dommages-intérêts par l'UFC ne sont pas justifiés.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 10 novembre 1998.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                                                 (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

SUR CE :

I - Sur le caractère abusif ou illicite des clauses critiquées :

Selon l'article L. 421-6 du Code de la Consommation, les associations régulièrement déclarées ayant pour objet statutaire explicite la défense des intérêts des consommateurs peuvent demander à la juridiction civile d'ordonner, le cas échéant sous astreinte, la suppression de clauses abusives dans les modèles de conventions habituellement proposées par les professionnels aux consommateurs et dans ceux destinés aux consommateurs et proposés par les organisations professionnelles à leurs membres.

Selon les dispositions d'ordre public de l'article L. 132-1 du même code, « Dans les contrats conclus entre professionnels et non professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat ».

[minute page 3] Sous le bénéfice de ces observations préliminaires, il convient d'examiner les clauses critiquées par l'UFC que la société ISÈRE LOCATION insère dans les contrats de location de véhicule automobile qu'elle propose habituellement à sa clientèle non professionnelle.

 

Article 1er - « Utilisation du véhicule » :

L'UFC estime que sont abusives les dispositions suivantes :

* Celles qui imposent de « ne pas transporter de marchandises dangereuses, inflammables ou explosives » ;

* Celles qui autorisent le loueur à « faire contrôler à tout moment, même en cours de route, par ses préposés, l'observation de ces diverses prescriptions et demander le remplacement du conducteur ».

Sur la première disposition, ISÈRE LOCATION prétend qu'elle n'a entendu viser que « le transport en gros de matières dangereuses ».

Il est à relever, cependant, que la généralité des termes utilisés conduit en fait à interdire au locataire le transport d'une bouteille de white spirit, d'alcool à brûler, d'une bouteille de gaz, etc., destinée à satisfaire des besoins de la vie courante et emporte par là même, une limitation dans l'usage normal d'un véhicule loué.

La suppression de cette clause telle que rédigée sera ordonnée.

Sur la seconde disposition, la société ISÈRE LOCATION s'en rapporte à justice.

Le pouvoir de contrôle et de direction discrétionnaires que s'octroie la société ISÈRE LOCATION par la clause susvisée constitue une atteinte au droit fondamental d'aller et de venir et à l'intimité de la vie privée.

La suppression de celle clause illicite sera ordonnée.

 

Article 2 - « État du véhicule »

L'UFC estime que sont abusives les dispositions suivantes :

* Celles qui prévoient que « le véhicule est livré au locataire en parfait état de marche et de carrosserie avec les accessoires normaux » ;

* Celles qui prévoient que « le viol ou la détérioration des plombs entraînera le paiement d'une distance de 1.000 francs par jour de location ».

[minute page 4] La société ISÈRE LOCATION soutient que la première disposition n'est pas abusive et correspond au droit commun du louage dès lors que le preneur est en mesure de contrôler l'état apparent du véhicule lors de sa prise de possession et qu'en ce qui concerne l'état mécanique la présomption de bon état institué en faveur du loueur est conforme à l'article 1731 du code civil et ne prive pas le locataire de la possibilité de démontrer qu'il n'est pas responsable des dégradations.

S'agissant du viol des plombs du compteur et de leur dégradation, elle estime que les dispositions contractuelles ne font pas obstacle à ce que le locataire démontre que la dégradation du compteur ne lui est pas imputable.

Il y a lieu d'observer tout d'abord qu'aucun document annexe aux conditions générales ne comporte un descriptif de l'état apparent du véhicule et de ses accessoires normaux destiné à être approuvé par le locataire de sorte que celui-ci n'est pas en mesure de vérifier et de formuler des réserves sur l'état apparent du véhicule qui lui est remis.

D'autre part, le locataire n'a aucun moyen de vérifier que le véhicule est en bon état de marche puisqu'il n'a aucun contrôle sur l'état technique du véhicule et sur son utilisation antérieure.

Une telle clause risque de priver le locataire de tout recours en cas d'avarie et aboutit, en fait, a dispenser le loueur de ses obligations premières de délivrance et à créer un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.

En tant qu'elle ne réserve pas les défauts non apparents, notamment mécanique, la clause sus-visée sera déclarée abusive et sa suppression ordonnée.

En revanche la clause relative à la facturation forfaitaire prévue en cas de viol ou de détérioration des plombs du compteur n'est pas abusive dès lors que son application suppose un fait volontaire et frauduleux du locataire qui reste en mesure de s'en exonérer en rapportant la preuve que le viol ou la dégradation des plombs provient d'une cause étrangère.

 

Article 3 - « Transport des personnes – Surcharges »

L'UFC estime que sont abusives les dispositions suivantes :

* Celles qui prévoient que « ... le transport de personnes est formellement interdit… » ;

* Celles qui prévoient qu'en cas de dépassement de la charge utile, le locataire s'expose à la déchéance du contrat d'assurance.

[minute page 5] La société ISÈRE LOCATION s'en rapporte à justice sur cette dernière disposition ; sur la première, elle soutient que le caractère abusif de la clause ne résulte que de la lecture partielle qu'en fait l'UFC.

Ainsi que le relève ISÈRE LOCATION, l'UFC fait une citation tronquée de la première disposition précitée.

L'article 3 n'interdît pas le transport de personnes mais stipule : « Sauf véhicule conforme à cette activité, le transport de personnes est formellement interdit ».

Ce qui est donc interdit c'est d'utiliser à une activité de transport de personnes, un véhicule loué non destiné à cet usage.

Cette disposition n'a aucun caractère abusif.

En revanche, la stipulation qu'en cas de dépassement de la charge utile déclarée sur la carte grise du véhicule, le locataire s'expose à la déchéance du contrat d'assurance et supportera seul les frais d'un sinistre occasionné par cette surcharge est illicite dès lors qu'une telle déchéance n'est pas au nombre de celles qui sont autorisées dans un contrat d'assurance automobiles aux termes des articles R. 211-10 et suivants du code des Assurances.

La suppression de cette clause sera donc ordonnée.

 

Article 5 - « Entretiens et réparations »

L'UFC estime que sont abusives les dispositions suivantes :

* celles qui laissent à la charge du locataire les réparations, échanges de pièces résultant d'une usure anormale, de négligences, de perte, de vol, de cause indéterminée ;

* celles qui prévoient que « les dommages dus au gel restent toujours à la charge du locataire même en cas de fourniture d'antigel par ISÈRE LOCATION ».

ISÈRE LOCATION s'en rapporte à justice sur cette dernière disposition ; s'agissant de la première, elle estime que les dispositions critiquées sont conformes à l'article 1732 du code civil.

Le locataire est en droit de s'attendre à ce qu'en période d'hiver notamment, un antigel soit associé au liquide de refroidissement. D'autre part, si un liquide antigel est fourni par le loueur il n'existe aucun motif justifiant que le locataire soit tenu pour responsable de l'inefficacité de ce produit.

[minute page 6] En faisant peser en toute circonstance sur le locataire la charge des dommages causés par le gel, la clause susvisée a pour effet de créer au détriment du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties.

La suppression de cette clause sera donc ordonnée.

D'autre part, l'article 1732 du code civil dispose que le locataire répond des dégradations ou des pertes qui arrivent pendant sa jouissance, à moins qu'il ne prouve qu'elles ont eu lieu sans sa faute.

La clause critiquée met à la charge du locataire des désordres de toute origine sans les limiter à ceux qui auraient pour origine une faute du locataire et sans lui réserver le droit de prouver que le dommage ne lui est pas imputable.

En tant qu'elle aboutit à faire supporter au locataire des désordres qui ressortiraient d'une négligence du loueur d'un manquement à ses obligations, ou d'une absence de faute du locataire, cette clause est abusive et doit être annulée.

 

Article 7 - « Assurances »

L'UFC estime que sont abusives ou illicites les clauses suivantes :

* celles relatives aux conditions d'assurances de la responsabilité civile et qui exclut cette garantie en cas de « négligences graves » ;

* celles qui prévoient que « les dégâts occasionnés au véhicule loué pour toutes autres raisons que celles mentionnées ci-dessus sont totalement à la charge du locataire ainsi que les frais d'immobilisation et de rapatriement... » ;

* celles qui prévoient qu' « en cas de vol tout retard de déclaration entraîne une déchéance de garantie et que le véhicule volé sera facturé au locataire... »

* celles qui prévoient qu'il n'y a pas d'assurance pour tout conducteur non muni d'un permis de conduire en état de validité ;

* celles qui prévoient que « les accidents déclarés au-delà de 48 heures ne sont pas pris en charges ».

La société ISÈRE LOCATION s'en rapporte à justice sur les différentes clauses critiquées.

La négligence, même grave, du locataire n'est pas une cause légale de non garantie en matière d'assurance responsabilité civile automobile obligatoire.

[minute page 7] La disposition par laquelle le loueur délaisse au locataire la charge des dommages causés au véhicule dès lors que l'accident n'est pas survenu avec un tiers identifié, sans lui réserver la possibilité de rapporter la preuve que le dommage ne lui est pas imputable, crée au détriment du consommateur un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties.

Est illicite la clause prévoyant une déchéance de garantie en cas de retard dans la déclaration du sinistre, alors que les dispositions légales font obligation à l'assureur d'établir le préjudice que le retard dans la déclaration lui a occasionné.

D'autre part, fixer d'office, systématiquement et unilatéralement la valeur du véhicule volé selon son prix d'achat est abusif dans la mesure où cette disposition peut aboutir à mettre à la charge du locataire une indemnité supérieure au préjudice réel éprouvé par le bailleur.

Enfin la disposition relative au défaut d'assurance pour tout conducteur non muni d'un permis de conduire en état de validité n'est pas conforme aux dispositions d'ordre public de l'article R. 211-10 1° du Code des Assurances dont elle ne rappelle pas intégralement les termes et celle prévoyant que les accident déclarés au-delà de 48 heures ne sont pas pris en charge sont contraires à l'article L. 113-2 dudit code.

L'annulation des dispositions critiquées de l'article 7 sera donc prononcée.

 

Article 8 - « Dommages et dégradations du matériels »

L'UFC estime qu'est abusive la disposition qui prévoit « que les dommages causés aux parties supérieures du véhicule ainsi que la détérioration des pneumatiques, rétroviseurs et autres accessoires ou glaces latérales et arrières sont à la charge du locataire, même si la franchise a été rachetée ».

ISÈRE LOCATION soutient que cette clause n'est pas abusive en ce qu'elle se borne à présumer la responsabilité du locataire pour les dommages survenus au parties supérieures du véhicule, sans le priver d'en rapporter la preuve contraire.

La clause critiquée par l'UFC précise que l'exclusion de garantie, nonobstant rachat de la franchise, concerne « les dommages causés au véhicule loué, par suite de heurts aux parties supérieures au volant contre ponts, porches, branches d'arbres ou tout autre objet en hauteur... ».

Si cette clause qui a pour objet d'attirer l'attention du locataire sur un cas d'exclusion de la franchise lorsque l'accident causé au véhicule provient d'une mauvaise appréciation de son gabarit n'est pas critiquable en soi, sa rédaction cependant a pour effet de faire supporter au locataire les dommages qui proviendraient d'une autre cause même non imputable au locataire et ne lui permet pas de rapporter cette preuve.

[minute page 8] Dans cette mesure, la clause susvisée est abusive et doit être annulée.

 

Article 9 - « Réservation - Dépôt de garantie et prolongation »

L'UFC estime qu'est abusive la disposition qui prévoit que « le montant du dépôt de garantie est attribuée à ISÈRE LOCATION en toute propriété... » et que « si les circonstances d'un accident ou d'un litige ne permettent pas de fixer de suite, la responsabilité du locataire ou si les présomptions d'un sinistre de complaisance apparaissent, le dépôt de garantie sera facturé au locataire et régularisé suivant :

- décision des compagnies d'assurances quant aux responsabilités de chacune des parties ».

ISÈRE LOCATION soutient que cette clause n'est pas abusive dans la mesure où, en cas d'accident ou de litige, le sort du dépôt de garantie ne dépend pas du bon vouloir du loueur et que le locataire peut toujours agir contre celui qu'il estime être le véritable responsable du sinistre dès lors qu'il sera subrogé dans les droits de ISÈRE LOCATIONS.

La clause susvisée a pour effet, en cas de contestation sur la responsabilité du locataire, d'imposer unilatéralement à ce dernier, la décision des compagnies d'assurances, qui, par définition sont parties intéressées au litige ; elle soumet le locataire au pseudo arbitrage d'une partie qui ne présente aucune garantie de neutralité, d'impartialité et d'indépendance ; cette disposition est manifestement abusive, et constitue, pour le consommateur, une entrave à son libre exerce d'agir en justice et tombe sous le coup des dispositions prohibées visées au paragraphe 1-q) de l'annexe du code de la consommation.

 

Article 11 - « Conditions de règlement »

L'UFC estime qu'est abusive la disposition qui prévoit que la prolongation de la location sans préavis entraîne le retrait du véhicule et le paiement d'une clause pénale de 20 % des sommes restant dues, à titre de dommages-intérêts, sans mise en demeure préalable.

ISÈRE LOCATION soutient que cette clause est conforme aux dispositions de l'article 1146 du code civil et qu'il n'est nul besoin de réserver le cas de force majeure dès lors qu'il peut être invoqué en toute hypothèse conformément à l'article 1148 du même code.

Une clause pénale peut être légitimement prévue lorsque le véhicule loué n'est pas restitué à la date convenue alors que le bailleur n'a pas été prévenu de la prolongation de la location.

[minute page 9] L'absence de mise en demeure, préalablement à la mise en œuvre de la clause pénale, est conforme aux dispositions de l'article 1146 du code civil compte tenu de la durée déterminée de la location qui impose restitution du seul fait de l'arrivée du terme.

Enfin, le locataire conserve de plein droit, en application de l'article 1148 du code civil, la possibilité de faire échec à l'application de la clause pénale en démontrant le cas fortuit ou de force majeure.

Ce principe de droit commun applicable en toute matière n'a pas nécessairement à être rappelé dans les conventions.

La demande de l'UFC sera donc rejetée.

 

Article 14 - « Responsabilité »

L'UFC estime abusive la disposition qui prévoit qu'en cas d'infraction le locataire « s'engage à rembourser à ISÈRE LOCATION tous frais de cette nature éventuellement payés en ses lieux et place et à lui verser une indemnité pour le temps perdu à ces tractations ».

ISÈRE LOCATION s'en rapporte à justice.

Une telle clause en ce qu'elle laisse à l'arbitraire du loueur le soin de fixer l'indemnité qui lui serait due s'il venait à payer les amendes incombant au locataire, est abusive et doit être supprimée.

 

II - Sur la demande en paiement de dommages-intérêts présentée par UFC 38 :

La présence de clauses abusives dans les modèles de contrats proposés par les professionnels aux consommateurs porte préjudice à l'intérêt collectif de ces derniers, que l'UFC a pour objet de défendre.

Une somme de 5.000 francs sera allouée à l'UFC 38.

 

III - Sur la demande d'insertion :

La demande de publication du jugement par extrait est justifiée dans son principe ; elle sera accueillie dans les limites et conditions précisées au dispositif du présent jugement.

 

IV - Sur l'astreinte :

La suppression des clauses susvisées sera ordonnée sous astreinte selon les modalités précisées ci-après.

[minute page 10] Et attendu que l'exécution provisoire n'est pas incompatible avec la nature de l'affaire et qu'il serait inéquitable de laisser à la charge de l'UFC 38 une somme de 10.000 francs qu'elle a dû exposer et qui n'est pas comprise dans les dépens ;

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                                                            (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS

Le Tribunal, statuant publiquement, contradictoirement et en premier ressort,

En la forme,

Reçoit la demande de l'UNION FÉDÉRALE DES CONSOMMATEURS DE L'ISÈRE - QUE CHOISIR (UFC 38 - QUE CHOISIR) ;

Au fond,

DÉCLARE abusive les clauses figurant aux articles suivants des conditions générales du contrat de location de voitures habituellement proposées par la SARL ISÈRE LOCATION à sa clientèle :

art.1er : - en ce qu'elles prohibent d'une manière générale le transport de marchandises dangereuses, inflammables ou explosives, sans en exempter les marchandises destinées à satisfaire un besoin normal la vie courante ;

- en ce qu'elles confèrent un droit de contrôle à ISÈRE LOCATION incompatible avec le respect dû à l'intimité de la vie privée et à la liberté d'aller et venir ;

art. 2 :  en ce qu'elles présument que le locataire prend le véhicule en bon état de marche et de carrosserie sans qu'un état de lieux soit dressé contradictoirement et sans réserver les défauts non apparents, notamment mécaniques ;

art. 3 :  en ce qu'elles exposent illégalement le locataire à une déchéance de garantie d'assurance ;

art. 5 : - en ce qu'elles laissent en toute circonstance à la charge du locataire les dommages résultant du gel ;

- en ce qu'elles mettent à la charge du locataire des désordres de toute origine sans les limiter à ceux qui auraient pour origine une faute du locataire et sans lui réserver le droit de prouver que le dommage en lui est pas imputable ; [minute page 11]

art. 7 : - en ce qu'elles délaissent au locataire la charge des dommages causés au véhicule en cas d'accident avec un tiers identifié, sans réserver la preuve que le dommage n'est pas imputable au locataire ;

- en ce que en violation des dispositions du Code des Assurances, elles prévoient une non garantie de l'assurance responsabilité civile obligatoire en matière de véhicule terrestre à moteur en cas de négligence grave, des déchéances de garantie en cas de déclaration de sinistre tardive, ou subordonne la garantie de l'assurance à un délai de déclaration non conforme à la réglementation ;

- en ce qu'elles fixent d'office la valeur du véhicule volé à son prix d'achat sans distinguer selon l'état réel et l'ancienneté du véhicule ;

art. 8 :  en ce qu'elles présument la faute du locataire pour les dommages survenus aux parties hautes du véhicule en toutes circonstances sans permettre au locataire de rapporter la preuve d'une absence de faute ;

art. 9 :  en ce qu'elles imposent au locataire la décision de compagnies d'assurances intéressées au sinistre pour déterminer ses responsabilités en cas de contestation et le sanctionner pécuniairement ;

art. 14 : en ce qu'elles laissent à l'arbitraire de ISÈRE LOCATION l'indemnité destinée à réparer son préjudice dans le cas où ISÈRE LOCATION aura payé une amende incombant au locataire.

REJETTE les autres contestations présentées par l'UFC 38.

CONDAMNE la SARL ISÈRE LOCATION à supprimer les clauses abusives susvisées, sous astreinte de 1.000 francs par jour de retard à compter d'un délai de deux mois après la signification du présent jugement et dit qu'entre-temps ISÈRE LOCATION joindra à ses contrats un avis précisant que les clauses susvisées sont réputées non écrites.

AUTORISE l'UFC 38 à faire publier dans le journal LE DAUPHINE LIBÉRÉ le dispositif du présent jugement, dans la limite de 10.000 francs.

CONDAMNE la société ISÈRE LOCATION à payer à l'UFC 38, outre les frais d'insertion précitée, la somme de 5.000 francs à titre de dommages-intérêts.

ORDONNE l'exécution provisoire du présent jugement.

 

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