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TGI LE MANS (1re ch.), 23 novembre 1993

Nature : Décision
Titre : TGI LE MANS (1re ch.), 23 novembre 1993
Pays : France
Juridiction : TGI Lemans. 1re ch.
Demande : 92/00832
Date : 11/11/1993
Nature de la décision : Admission
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CERCLAB/CRDP - DOCUMENT N° 369

TGI LE MANS (1re ch.), 23 novembre 1993 : RG n° 92/00832

 

Extrait : 1/ « Le caractère abusif de la clause contestée doit être apprécié eu égard aux dispositions de l'article 35 alinéa 1er de la loi du 10 janvier 1978 devenu L. 132-1 du Code de la Consommation, il s'agit de clauses imposées aux non-professionnels ou consommateurs par un abus de puissance économique de l'autre partie et qui confèrent à cette dernière un avantage excessif. Des dispositions combinées de ces deux articles, il résulte : - que le Tribunal dispose d'un pouvoir autonome pour ordonner la suppression d'une clause jugée allusive sans qu'un décret l'ait préalablement interdite ; - que l'existence d'une recommandation de la commission des clauses abusives n'est pas une condition préalable à la suppression ; - que la seule possibilité donnée au juge est d'ordonner la suppression de la clause jugée abusive des modèles de convention, mais non de la modifier ou de l'interdire. »

Extrait : 2/ « 1. - Le contrat d'abonnement et avenant conditions particulières : vente à domicile et dans les locaux de Citévision : Il n'est pas discuté que ce modèle de contrat habituellement proposé aux particuliers répond bien à la définition de l'article L. 421-6 du Code de la Consommation.

2 - Le contrat d'abonnement collectif, conditions générales et particulières (exemple : celui proposé au Syndicat des Copropriétaires de la résidence X.) : Il s'agit bien d'un modèle type proposé pour le câblage d'immeubles collectifs privés. Dans la mesure où ce modèle de convention est proposé au syndic de la copropriété et nécessairement soumis au vote de l'assemblée générale des copropriétaires puisqu'il s'agit notamment de réaliser des travaux d’installation pour assurer le câblage des logements, il existe une possibilité réelle de négociation qui, suffit donc à écarter ce type de contrat du champ d'application de l'article L. 421-6 du Code de la Consommation.

3 - Le contrat d' abonnement collectif conclu entre la Société à Le MANS Citévision et l'Office Public, d'HLM de la Communauté Urbaine du MANS en date du 26 juillet 1989 : Ce contrat qui a été négocié et soumis à l'examen des Services Techniques de la C.U.M. n'entre pas dans les prévisions de l'article susvisé. »

Extrait  3/ « Ordonne la suppression des clauses suivantes dans le modèle de contrat d'abonnement ou avenant proposé aux particuliers par la Société LE MANS CITEVISION, Conditions Générales d'Abonnement :

 « A défaut de restitution dans un délai de quinze jours, LE MANS CITEVISION sera en droit de réclamer par jour de retard, et jusqu'à restitution, une indemnité d'immobilisation égale au montant mensuel de location desdits matériels ».

« Les frais administratifs de retard de paiement (… sont à la charge exclusive de l'abonné défaillant), sans préjudice des frais de contentieux qui pourraient en découler ». »

 

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DU MANS

PREMIÈRE CHAMBRE

JUGEMENT DU 23 NOVEMBRE 1993

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION                                      (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 9200832.

 

DEMANDEUR :

- Association FORCE OUVRIÈRE des CONSOMMATEURS

dont le siège social est [adresse]

- Association FORCE OUVRIÈRE DES CONSOMMATEURS DE LA SARTHE

dont le siège social est [adresse] représentées par la SCP BAUQUET LORRAIN HAY LALANNE HÉRON GODARD, Avocats.

 

DÉFENDEUR :

SA CABLE ET VIDÉO COMMUNICATION DE l'OUEST (LE MANS CITEVISION)

dont le siège social est [adresse] représentée par Maître CHOUQUER, Avocat, postulant et plaidant par Maître FOUCARD, Avocat à PARIS.

 

COMPOSITION DU TRIBUNAL : PRÉSIDENT Monsieur MAZARIN (Premier Juge). Assesseurs : Mesdames FABRE et LE LOUARN COLAS.

Greffier : Madame PASQUIER (Adj. Adm.).

DÉBATS : A l'audience publique du 19 octobre 1993, A l'issue de celle-ci, le Président a fait savoir aux parties que le jugement serait rendu l'audience du 23 novembre 1993.

JUGEMENT : du 23 novembre 1993 : prononcé publiquement à cette audience par Monsieur MAZARIN, en premier ressort, contradictoire, signé par Monsieur MAZARIN, Premier Juge faisant fonction de Président et par Madame PASQUIER, adjoint administratif assermentée faisant fonction de Greffier.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                                                         (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

[minute page 2] Vu le jugement de ce Tribunal en date du 9 mars 1993 auquel il est fait expressément référence pour l'exposé des faits, des demandes et des moyens des parties et qui a déclaré l'action de l'Association FORCE OUVRIÈRE DES CONSOMMATEURS et de l'Association FORCE OUVRIÈRE DES CONSOMMATEURS DE LA SARTHE recevable et a enjoint à la Société CABLE ET VIDÉO COMMUNICATION DE L'OUEST de conclure au fond ;

Poursuivant l'instance, la SA CABLE ET VIDEOCOMMUNICATION DE L'OUEST (LE MANS Citévision) a conclu et soutient. :

- que le contrat d'abonnement collectif et ses avenants conclus entre LE MANS Citévision et l'OPHLM. de la C.U.M. en date du 26 juillet 1989 et le contrat, d'abonnement collectif proposé au Syndicat des Copropriétaires de la résidence X. ne sont pas des modèles de convention habituellement proposés par des professionnels aux consommateurs ;

- que les clauses critiquées ne sont pas abusives au sens de l'article 6 de la loi du 5 janvier 1988 :

* comme n'ayant pas fait l'objet d'un décret au Conseil d'État par application de l'article 35 de la loi du 10 janvier 1978 visée par les demandeurs ;

* comme n'ayant pas fait l'objet d'une recommandation de la Commission des clauses abusives ;

* comme n’ayant pas été imposées aux consommateurs par un abus de puissance économique et ne conférant pas un avantage excessif à la Société LE MANS Citévision.

Critiquant clause par clause les arguments et moyens avancés par les demanderesses, elle conclut à leur débouté demande qu'elles soient condamnées à lui payer la somme de 10.000 francs au titre de l'article 700 du Nouveau Code  Procédure Civile.

L'AFOC et l'AFOC de la SARTHE ont conclu en développant les moyens précédemment exposés et soutenus.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 14 octobre1993.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                                                 (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

[minute page 3] DISCUSSION :

L'article 6 de la loi du 5 janvier 1988 devenu L. 421-6 du Code de la Consommation donne aux associations de consommateurs un droit d'action en suppression de clauses abusives dans les modèles de conventions habituellement proposés par les professionnels aux consommateurs.

Le caractère abusif de la clause contestée doit être apprécié eu égard aux dispositions de l'article 35 alinéa 1er de la loi du 10 janvier 1978 devenu L. 132-1 du Code de la Consommation, il s'agit de clauses imposées aux non-professionnels ou consommateurs par un abus de puissance économique de l'autre partie et qui confèrent à cette dernière un avantage excessif.

Des dispositions combinées de ces deux articles, il résulte :

- que le Tribunal dispose d'un pouvoir autonome pour ordonner la suppression d'une clause jugée allusive sans qu'un décret l'ait préalablement interdite ;

- que l'existence d'une recommandation de la commission des clauses abusives n'est pas une condition préalable à la suppression ;

- que la seule possibilité donnée au juge est d'ordonner la suppression de la clause jugée abusive des modèles de convention, mais non de la modifier ou de l'interdire.

 

SUR LES MODÈLES DE CONVENTIONS CONTESTÉS :

1. – Le contrat d'abonnement et avenant conditions particulières : vente à domicile et dans les locaux de Citévision :

Il n'est pas discuté que ce modèle de contrat habituellement proposé aux particuliers répond bien à la définition de l'article L. 421-6 du Code de la Consommation.

[minute page 4]

2 - Le contrat d'abonnement collectif, conditions générales et particulières (exemple : celui proposé au Syndicat des Copropriétaires de la résidence X.) :

Il s'agit bien d'un modèle type proposé pour le câblage d'immeubles collectifs privés.

Dans la mesure où ce modèle de convention est proposé au syndic de la copropriété et nécessairement soumis au vote de l'assemblée générale des copropriétaires puisqu'il s'agit notamment de réaliser des travaux d’installation pour assurer le câblage des logements, il existe une possibilité réelle de négociation qui, suffit donc à écarter ce type de contrat du champ d'application de l'article L. 421-6 du Code de la Consommation.

 

3 - Le contrat d' abonnement collectif conclu entre la Société à Le MANS Citévision et l'Office Public, d'HLM de la Communauté Urbaine du MANS en date du 26 juillet 1989 :

Ce contrat qui a été négocié et soumis à l'examen des Services Techniques de la C.U.M. n'entre pas dans les prévisions de l'article susvisé.

 

SUR LE CARACTÈRE ABUSIF DES CLAUSES CRITIQUÉES DU MODÈLE DE CONTRAT PROPOSÉ AUX PARTICULIERS :

1. - Les conditions de présentation, du contrat d'abonnement individuel de vente aux particuliers :

Les demanderesses critiquent la clause ayant pour objet de constater l'adhésion du consommateur à des stipulations contractuelles ne figurant pas sur l'écrit qu'il signe, à savoir la clause de renvoi à des conditions générale distinctes.

En l'espèce, les clauses des conditions générales ne figurent pas sur un document distinct mais sont attachées à la page de garde présentant les parties au contrat et les prestations à définir et font corps avec ce contrat. Elles sont aisément lisibles.

[minute page 5] La clause de renvoi n'apparaît pas imposée aux particuliers par un abus de puissance économique et ne confère pas à la Société LE MANS Citévision un avantage excessif.

La demande relative à la hauteur des caractères et à l'existence d'un « pavé » à caractère publicitaire n'entre pas dans le champ d'application de la loi, le Juge n'ayant pas le pouvoir d'ordonner une modification de la présentation typographique du document.

 

2 - La durée du contrat d'abonnement vente à domicile ou dans les locaux de LE MANS Citévision :

Il est stipulé : « l'abonnement... est souscrit pour une durée indéterminée sous réserve d'un engagement minimum de 12 mois. Passée cette période, il peut être résilié par l'abonné par lettre recommandée avec accusé de réception moyennant préavis : la réalisation prendra effet à la fin du mois en cours si elle est reçue avant le 15 du dit mois, à la fin du mois suivant si elle est reçue après le 15.

Ces dispositions s'appliquent également à la souscription et à la réalisation des options.

Toutefois, la durée d'abonnement aux options et services supplémentaires est égale à la durée restant à courir de l'abonnement au service de base. »

La durée minimale de l'abonnement soit un an n'apparaît pas excessive compte-tenu de la nature des travaux à réaliser et le délai de préavis n'est pas déraisonnable.

Il apparaît logique que la durée de l'abonnement aux options et services supplémentaires soit calquée sur celle du service de base.

La clause critiquée n’est donc pas abusive.

 

3 - La clause limitant la longueur du câblage à 18 mètres par logement jusqu’à la première prise :

Cette longueur apparaît largement suffisante dans la plupart des cas. Le fait que le consommateur qui a choisi d'habiter plus à l'écart des réseaux de communication garde à sa charge le coût du câblage supplémentaire nécessaire n'est pas de nature à conférer à la Société LE MANS Citévision un avantage excessif.

Cette clause n'est donc pas abusive.

[minute page 6]

4 - La clause relative à l'indemnité due en cas de non-restitution  du matériel :

Il est stipulé qu'à défaut de restitution des matériels mobiles mis à sa disposition dans les 15 jours suivant l'interruption de l'abonnement, la Société Citévision sera en droit d'exiger une indemnité journalière d'immobilisation égale au montant mensuel de location des dits matériels qui pourra être prélevée sur le dépôt de garantie.

Cette clause qui prévoit une garantie sans aucune commune mesure avec le préjudice réel subi par l'opérateur puisqu'elle n'est pas limitée dans le temps, apparaît imposée par un abus de puissance économique et confère à la Société LE MANS Citévision un avantage excessif.

Par application des dispositions de l'article L. 421-6 du Code de la Consommation invoqué par les Associations demanderesses, sa suppression sera ordonnée.

 

5 - Les clauses relatives à la détermination du prix de l'abonnement et sa variation :

Le contrat prévoit que l'abonnement sera facturé selon la tarification en vigueur au jour de la souscription du contrat d'abonnement et aux dates de son renouvellement ; que les prestations seront facturées selon les tarifs en vigueur au jour de l'événement ; que tout changement de taux ou montant d'impôt, redevance, taxe ou droits grevant directement ou indirectement les prix mentionnés dans les conditions particulières seront immédiatement répercutés sur ceux-ci.

La clause relative au prix du droit d'accès et au coût de l'abonnement lors de la conclusion du contrat n'est pas indéterminée puisque lors de la souscription les prix figurent aux conditions particulières signées par l'abonné.

Le fait de répercuter immédiatement sur l'abonné, même sans information préalable, la charge des nouvelles taxes ou redevances décidées par l'autorité administrative ne peut être qualifié d'arbitraire.

 

6 - La clause relative aux frais administratifs de retard de paiement, frais de déconnexion pour non-paiement et frais de contentieux :

Il n'apparaît pas abusif que les frais de déconnexion pour non-paiement soient mis à la charge du cocontractant défaillant, la résiliation, dans ce cas, n'intervenant qu’aux seuls torts de l'abonné.

Cette clause ne confère pas d'avantage excessif à la société LE MANS Citévision.

[minute page 7] Les demanderesses soutiennent que la clause relative au paiement des frais administratifs de retard et des frais de contentieux est abusive.

Elles se fondent sur la recommandation de synthèse n°91-02 de la Commission des clauses abusives qui prévoit en son paragraphe 21 que sont présumées abusives les clauses qui réservent au professionnel le droit d'obliger son cocontractant à rembourser les frais et honoraires exposés pour obtenir l'exécution du contrat, sans donner au non-professionnel la même faculté.

Elles invoquent également la recommandation de la commission des clauses abusives B.O.S.P. du 13 juin 1979 qui recommande que soient éliminées des contrats conclus entre professionnels ou non-professionnels ou consommateurs, les clauses tendant à rembourser les frais et honoraires exposés par le recouvrement non-judiciaire.

La clause critiquée est en effet imprécise.

La nature des frais administratifs de retard de paiement et des frais de contentieux n'est pas indiquée.

L'imprécision de la rédaction peut procurer à la société LE MANS Citévision un avantage excessif dans la mesure où pourraient se trouver réclamés des frais dont la vérification serait particulièrement difficile pour un non-professionnel et notamment des frais de recouvrement non-judiciaire qui doivent rester à la charge du créancier. Aussi cette stipulation, imposée par un abus de puissance économique, sera-t-elle supprimée des modèles de contrat.

 

7 - La résiliation sans modification préalable en cas de récidive de non-paiement : [N.B. conforme à l’original : lire notification ?]

Cette clause qui est subordonnée à une première mise en demeure n'apparaît pas de nature à conférer à la Société Citévision un avantage excessif.

 

SUR L’ASTREINTE :

La société LE MANS Citévision sera condamné à ne plus utiliser le modèle type de contrat d'abonnement sans que soient supprimées les clauses jugées abusives, sous peine d'une astreinte de 500 francs par contrat.

[minute page 8] L'astreinte devra être liquidée par le juge de l’exécution conformément aux dispositions de l'article 35 de la loi du 9 juillet 1991. Aucune condamnation à ce titre ne peut donc être prononcée à ce stade de la procédure.

 

SUR LA DEMANDE EN VERTU DES DISPOSITIONS DE L'ARTICLE 700 DU NOUVEAU CODE DE PROCÉDURE CIVILE :

Les dépens étant mis à la charge de la Société LE MANS Citévision, cette dernière devra payer aux demanderesses la somme de 3.000 francs en vertu des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                                                            (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

LE TRIBUNAL, Statuant publiquement, contradictoirement et en premier ressort :

Ordonne la suppression des clauses suivantes dans le modèle de contrat d'abonnement ou avenant proposé aux particuliers par la Société LE MANS CITEVISION, Conditions Générales d'Abonnement :

« A défaut de restitution dans un délai de quinze jours, LE MANS CITEVISION sera en droit de réclamer par jour de retard, et jusqu'à restitution, une indemnité d'immobilisation égale au montant mensuel de location desdits matériels ».

« Les frais administratifs de retard de paiement (… sont à la charge exclusive de l'abonné défaillant), sans préjudice des frais de contentieux qui pourraient en découler ».

Dit que LE MANS CITEVISION ne devra plus utiliser le modèle de convention comportant ces clauses jugées abusives sous astreinte de CINQ CENTS FRANCS par contrat irrégulier, à compter du dixième jour suivant la signification.

Dit que l'astreinte devra être liquidée conformément aux dispositions de l'article 35 de la loi du 9 juillet 1991.

[minute page 9] Déboute les demanderesses de toutes leurs autres demandes.

Condamne la Société Câble et Vidéocommunication de l'Ouest (LE MANS CITEVISION) aux dépens et à payer aux demanderesses la somme de TROIS MILLE FRANCS (3.000 Francs) en vertu des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Accorde à la SCP BAUQUET LORRAIN HAY LALANNE HERON GODARD, Avocats, le droit prévu par l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile

 

 

 

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