CA GRENOBLE (1re ch. civ.), 11 juin 2001
CERCLAB - DOCUMENT N° 3116
CA GRENOBLE (1re ch. civ.), 11 juin 2001 : RG n° 99/04486 ; arrêt n° 403
Publication : Site CCAB ; Juris-Data n° 171268
Extrait : « CONFIRME le jugement déféré en ce qu'il a ordonné la modification des conditions générales du contrat type établi par la SA EUROPCAR FRANCE, dont le siège social est à Saint Quentin en Yvelines, quant à la forme de présentation de la clause suivante figurant au recto du contrat :
« Je reconnais avoir pris connaissance des présentes conditions générales (recto et verso) que je m'engage à respecter ».
LE CONFIRME en ce qu’il a ordonné la suppression dans les conditions générales du contrat type établi par la SA EUROPCAR FRANCE, dont le siège social est à Saint Quentin en Yvelines, des clauses suivantes : - article 3-2 in fine sur la déchéance d'assurance, - article 3-2 § 2 sur l'embarquement du véhicule, - article 9 sur la compétence territoriale.
LE CONFIRME en ce qu'il a maintenu les clauses suivantes : - article 4-1 § 1 sur le retard de restitution, - article 5 § 2 sur l'empreinte préalable de la carte bancaire. […]
DÉBOUTE l'UFC 38 de ses demandes relatives aux clauses suivantes : - article 2 § 2 sur l'âge de conduite, - article 3-2 § 3 relatif aux infractions
ORDONNE la suppression de l'article 3-3 § 2 sur les frais de pneus et celle de l'article 4-3 sur la définition de la fin de la location. »
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE GRENOBLE
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 11 JUIN 2001
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 99/04486. Arrêt n° 403. Appel d’une décision (N° RG 98/00991) rendue par le TGI GRENOBLE an date du 16 septembre 1999 suivant déclaration d’appel du 20 octobre 1999.
APPELANTES :
- SA EUROPCAR FRANCE
Prise en la personne de son représentant légal en exercice demeurant en cette qualité audit siège [adresse], représentée par la SELARL DAUPHIN et NEYRET (avoués à la Cour) assistée de Maître Corinne ROUX (avocat au barreau de VERSAILLES)
- SA EUROPCAR FRANCE
prise en la personne de son représentant légal en exercice demeurant en cette qualité audit siège [adresse], représentée par la SELARL DAUPHIN et NEYRET (avoués à la Cour) assistée de Maître Corinne ROUX (avocat au barreau de VERSAILLES)
INTIMÉE :
L'UFC 38 - UNION DES CONSOMMATEURS DE L'ISÈRE
prise en la personne de son représentant légal en exercice demeurant en cette qualité audit siège [adresse], représentée par la SCP HERVÉ JEAN POUGNAND (avoués à la Cour) assistée de Maître Christian BRASSEUR (avocat au barreau de GRENOBLE)
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
[minute pages 2 à 6 non reproduites]
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
[minute page 7] MOTIFS ET DÉCISION :
Sur l'appel principal :
Sur la clause figurant au recto du contrat de location :
La clause critiquée est ainsi libellée :
« Je reconnais avoir pris connaissance des présentes conditions générales (recto et verso) que je m'engage à respecter ».
Le tribunal a estimé que « compte tenu de sa forme bien que les termes n’en soient pas en eux-mêmes critiquables et qu'elle figure bien sur la feuille indiquant les conditions générales, cette clause tend à conférer au professionnel un avantage injustifié ».
L'engagement pris par le client est important, aussi sa signature ne peut être apposée qu'au vu de l'ensemble des conditions générales alors que la présentation ambiguë du contrat peut l'amener à opposer la signature sur l’état du véhicule et celle censée approuver les conditions générales sans qu'il ait eu conscience de l'engagement qu'il prenait.
Le tribunal a dès lors décidé à bon droit que l'emplacement de cette clause conférait au professionnel un avantage injustifié car le client est amené à s'engager sans voir l'ensemble des conditions générales cachées par la feuille traitant de l'état du véhicule.
Sur la clause de l'article 2§2 relative à l'âge minimum :
Cette clause est ainsi libellée « tout conducteur doit être titulaire depuis au moins 12 mois d'un permis de conduire en cours de validité et correspondant à la catégorie du véhicule loué. Il doit être également âgé de plus de 21 ans (l'âge requis peut être plus élevé pour certaines catégories de véhicules).
Le tribunal a estimé que si la condition imposée au consommateur d'avoir plus d'un an de permis de conduire reposait sur une donnée objective pour qualifier une inexpérience, la condition complémentaire d'avoir plus de 21 ans ne fait l'objet d'aucune justification correcte et doit être en conséquence qualifiée d'abusive.
[minute page 8] Le raisonnement de la Société EUROPCAR aux termes duquel cette clause se situerait hors du champ d'application de l'article L. 732-1 du code de la consommation est jésuitique et doit être écarté.
L'appelante soutient essentiellement que des impératifs financiers découlant du coût des assurances justifient cette limitation.
Il est en effet de notoriété publique que le nombre d'accidents est très élevé chez les conducteurs âgés de moins de 21 ans et la limitation qui, si elle protège les intérêts pécuniaires des loueurs de véhicules, tend de façon indirecte à protéger les jeunes conducteurs ne crée pas à leur détriment un déséquilibre significatif de sorte que cette clause est valable.
Sur la clause de l'article 3-2 § 3 relativement à l'embarquement des véhicules :
Cette clause est ainsi libellée :
« Sauf autorisation expresse, écrite et préalable du loueur, les véhicules ne peuvent en aucun cas être embarqués sur un bateau, bac, navire etc. ».
Cette clause qui limite de façon abusive l'usage du véhicule et qui peut mettre le locataire dans une situation très difficile a été à bon droit supprimée par le premier juge par des motifs pertinents que la Cour adopte.
Sur la clause de l'article 3-2 § 4 relative aux infractions :
Cette, clause est ainsi libellée « conformément au principe de personnalité des peines, vous êtes responsable des infractions commises pendant la durée de la location ».
Cette clause est suffisamment précise et signifie de façon évidente que le locataire est seulement responsable des infractions qui résultent de son fait et non de toutes celles qui seraient relatives au véhicule lui même, de sorte que cette clause ne revêt aucun caractère abusif.
[minute page 9]
Sur la clause de l'article 3-2 in fine relative à la déchéance d'assurance :
Cette clause est ainsi libellée : « attention : l'article 3-2 énonce les obligations minimum à respecter pendant la période durant laquelle vous avez la garde du véhicule tout irrespect de ces obligations entraînera la déchéance des garanties vol ou dommage éventuellement souscrites ».
Il n'appartient pas au bailleur de décider des conditions d'application de la déchéance des garanties, ce qui relève exclusivement du code des assurances et non de la volonté des parties, de sorte que le caractère abusif de cette clause est indéniable.
Le tribunal l'a dès lors écartée à bon droit par des motifs pertinents que la Cour adopte.
Sur la clause attributive de compétence (article 9) :
Cette clause est ainsi libellée : « tout litige né du présent contrat qui n'aurait pas pu déboucher sur un accord amiable sera, dans la mesure où la loi le permet, de la compétence du tribunal dont dépend le siège social du loueur ».
Dès lors que la clause compromissoire est nulle en matière civile et bien que la mention « dans la mesure où la loi le permet » a été prévue pour respecter l'article 48 du nouveau code de procédure civile, cette clause va nécessairement tromper le consommateur non averti qui croira faussement être lié par cette attribution de compétence et qui hésitera à engager des frais pour plaider loin de son domicile. Le tribunal a dès lors décidé à bond droit que cette clause conférait un avantage excessif à la SA EUROPCAR France.
Sur la clause de l'article 3-3 alinéa 2 relative aux détériorations :
« Le véhicule vous est fourni avec cinq pneumatiques en bon état. En cas de détérioration de l'un d'entre eux pour une cause autre que l'usure normale, vous vous engagez à le remplacer immédiatement et à vos frais par un pneumatique de même dimension, même type et d'usure égale... ».
[minute page 10] Le postulat de départ est contestable, aucune garantie n'existant sur le bon état des pneus lors de la remise du véhicule. Par ailleurs, le locataire ne peut être tenu responsable des vices cachés affectant les pneumatiques ou des conséquences d'un cas fortuit ou de force majeure.
La clause litigieuse qui met tous les risques à la charge du locataire sans même lui fournir une garantie sur l'état d'origine crée un déséquilibre ente les droits et obligations des parties au contrat et doit dès lors être supprimée.
Sur la clause de l'article 4-1 § 1 relative au retard de restitution du véhicule :
Elle est ainsi libellée : « le locataire s'engage à restituer le véhicule au loueur à la date prévue au contrat de location sous peine de s'exposer à des poursuites judiciaires civiles ou pénales ».
Par des motifs pertinents que la Cour adopte le tribunal a décidé que cette clause qui ne faisait que rappeler la possibilité pour le bailleur d'engager des poursuites civiles ou pénales en cas de non restitution du véhicule ne créait aucun déséquilibre au profit du professionnel.
Sur la clause de l'article 4-3 relative à la fin de la location :
Elle prévoit que seule la prise de possession du véhicule, des documents et des clés par l'agent met fin à la location et que la remise des clés et des documents dans une boîte aux lettres ne met pas fin au contrat de location.
Cette clause autorise manifestement le bailleur à continuer de facturer la location du véhicule alors que le consommateur n'en a plus l'usage, elle est source de difficultés entre les parties, le locataire, en cas de litige, étant amené à fournir une preuve qui est en fait impossible à obtenir, à savoir la date exacte à laquelle il a déposé les clés dans la boîte à lettre réservée à cet effet.
[minute page 11] Il appartient au bailleur d'assurer un service permanent pour la restitution des clefs ou des papiers et si dans un souci d'économie il ne veut pas assurer un tel service, il est contraint de faire confiance au client qu'il place dans l'impossibilité de restituer les clefs et les papiers à un service compétent.
Le locataire ne peut être livré à l'arbitraire du bailleur et la clause qui crée un déséquilibre manifeste entre les parties doit être supprimée.
Sur la clause de l'article 5 § 2 sur le paiement en blanc :
Elle prévoit : « pour les règlements effectués au moyen d'une carte bancaire seule une autorisation sera demandée au départ de la location. Au retour, le montant de la facture sera automatiquement débité sur le compte correspondant à la carte présentée sauf si le locataire présente un autre moyen de paiement ».
Dès lors que le locataire choisit librement de régler au moyen d'une carte bancaire, ce qui en principe lui procure l'avantage d'un règlement différé et qu'il peut toujours renoncer à ce moyen de règlement en effectuant un paiement comptant lors de la restitution du véhicule, la Cour estime que la preuve d'un déséquilibre n'est pas rapportée.
Sur la clause de l'article 5 in fine relative au défaut de paiement :
Cette clause prévoit : « le locataire accepte expressément que le défaut de paiement d'une seule facture à sa date d'exigibilité, ou tout impayé, entraîne la déchéance du terme pour les factures non échues et autorise le loueur à exiger la restitution immédiate du véhicule en cours de location ».
Cette clause qui ne fait que prévoir les conséquences habituelles de la résolution d'un contrat et qui ne fait que sanctionner la défaillance du locataire ne confère aucun avantage excessif au profit du bailleur et il n'y a pas lieu de la supprimer.
Le tribunal a fait une analyse et une exacte appréciation exacte du préjudice subi par l'UNION FÉDÉRALE DES CONSOMMATEURS DE L'ISÈRE et cette disposition du jugement sera confirmée.
[minute page 12] Seule la SA EUROPCAR France dont le siège social est situé à Saint Quentin en Yvelines a conclu et l'UFC 38 n'a dirigé ses demandes qu'à l'encontre de cette société. Par ailleurs, le tribunal ne pouvait étendre les interdictions qu'il prononçait à des sociétés non parties à la procédure de sorte que le jugement sera réformé en ce qu'il a prononcé des interdictions générales.
L'équité justifie qu'une indemnité de 6.000 francs soit allouée à l'UFC 38 en application des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
La SA EUROPCAR FRANCE qui succombe sera déboutée de sa demande à ce titre.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
LA COUR,
Statuant publiquement, par arrêt contradictoire, et après en avoir délibéré conformément à la loi,
CONFIRME le jugement déféré en ce qu'il a ordonné la modification des conditions générales du contrat type établi par la SA EUROPCAR FRANCE, dont le siège social est à Saint Quentin en Yvelines, quant à la forme de présentation de la clause suivante figurant au recto du contrat :
« Je reconnais avoir pris connaissance des présentes conditions générales (recto et verso) que je m'engage à respecter ».
[minute page 13] LE CONFIRME en ce qu’il a ordonné la suppression dans les conditions générales du contrat type établi par la SA EUROPCAR FRANCE, dont le siège social est à Saint Quentin en Yvelines, des clauses suivantes :
- article 3-2 in fine sur la déchéance d'assurance,
- article 3-2 § 2 sur l'embarquement du véhicule,
- article 9 sur la compétence territoriale.
LE CONFIRME en ce qu'il a maintenu les clauses suivantes :
- article 4-1 § 1 sur le retard de restitution,
- article 5 § 2 sur l'empreinte préalable de la carte bancaire.
CONFIRME les condamnations mises à la charge de la SA EUROPCAR FRANCE (St Quentin en Yvelines),
LE RÉFORME pour le surplus
STATUANT À NOUVEAU :
DÉBOUTE l'UFC 38 de ses demandes relatives aux clauses suivantes :
- article 2 § 2 sur l'âge de conduite,
- article 3-2 § 3 relatif aux infractions
ORDONNE la suppression de l'article 3-3 § 2 sur les frais de pneus et celle de l'article 4-3 sur la définition de la fin de la location.
DIT que l'ensemble des modifications et suppressions mises exclusivement à la charge de la SA EUROPCAR (St Quentin en Yvelines) devront avoir lieu dans le délai de 3 mois à compter de la signification du présent arrêt et à peine, passé ce délai, d'une astreinte provisoire de 3.000 francs (TROIS MILLE FRANCS) par infraction constatée,
[minute page 14] CONDAMNE la SA EUROPCAR FRANCE à payer à l'UFC 38 la somme de 6.000 francs (SIX MILLE FRANCS) en application des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,
DÉBOUTE la SA EUROPCAR FRANCE de sa demande à ce titre,
LA CONDAMNE aux dépens de première instance et d'appel,
RÉDIGÉ par Claude Françoise KUENY, Conseiller, et PRONONCÉ par Madame Odile FALLETTI HAENEL, Président qui a signé avec le greffier.
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