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TGI GRENOBLE (6e ch.), 16 septembre 1999

Nature : Décision
Titre : TGI GRENOBLE (6e ch.), 16 septembre 1999
Pays : France
Juridiction : TGI Grenoble. 6e ch.
Demande : 9800991
Date : 16/09/1999
Nature de la décision : Admission
Date de la demande : 13/02/1998
Décision antérieure : CA GRENOBLE (1re ch. civ.), 11 juin 2001
Numéro de la décision : 343
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CERCLAB - DOCUMENT N° 3159

TGI GRENOBLE (6e ch.), 16 septembre 1999 : RG n° 9800991 ; jugement n° 343

(sur appel CA Grenoble (1ère ch. civ), 11 juin 2001 : RG n° 99/04486)

 

Extrait : « dit qu'en raison du fait que la clause « je reconnais avoir pris connaissance des présentes conditions générales (recto et verso), que je m’engage à respecter », à côté de laquelle le client doit apposer la date et sa signature, est placée de telle sorte qu'au moment de cette signature lesdites conditions générales sont masquée par le constat d'état du véhicule au départ et au retour constitue une manière abusive de la soumettre au consommateur et ordonne la modification des conditions générales du contrat-type quant à la forme de présentation de cette clause ;

ordonne la suppression, dans les conditions générales du contrat-type diffusé sous l'enseigne EUROPCAR tant par la SA EUROPCAR FRANCE et ses établissements que par les autres personnes bénéficiant de l'usage de cette enseigne quelque soit la forme du contrat passé par celles-ci avec la SA EUROPCAR FRANCE, des clauses ou éléments de clause suivants :

- dans l'article 2 paragraphe 2 « il doit être également âgé de plus de 21 ans (l'âge requis pouvant être plus élevé pour certaines catégories de véhicule) ;

- dans l'article 3-2 paragraphe 2 « sauf autorisation expresse, écrite et préalable du loueur, les véhicule ne peuvent en aucun cas être embarqués sur un bateau, bac, navire, etc..  » ;

- dans l'article 3-2 paragraphe 3 « vous êtes responsable des infractions commises pendant la durée de la location » ;

- dans l'article 3-2 in fine « tout irrespect de ces obligations entraînera la déchéance des garanties vol ou dommages éventuellement souscrites » ;

- l'article 9 intitulé « clause attributive de compétence », « tout litige né du présent contrat qui n'aurait pas pu déboucher sur un accord amiable sera, dans la mesure où la loi le permet, de la compétence du Tribunal dont dépend le siège social du loueur » ».

 

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE GRENOBLE

SIXIÈME CHAMBRE

ARRÊT DU 16 SEPTEMBRE 1999

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION                                      (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 98/00991. Jugement n° 343.

 

ENTRE :

DEMANDEUR :

L'UNION FÉDÉRALE DES CONSOMMATEURS QUE CHOISIR DE L'ISERE (UFC 38)

dont le siège social est situé [adresse], Représenté PAR SES REPRÉSENTANTS LÉGAUX, Représentée par la SCP BRASSEUR CHAPUIS, avocats associés inscrits au Barreau de GRENOBLE et plaidant par Maître BRASSEUR, D'UNE PART

 

ET :

DÉFENDEUR :

LA SOCIÉTÉ EUROP CAR FRANCE

dont le siège social est situé [adresse], Représenté PAR SES REPRESENTANTS LÉGAUX

LA SA EUROP CAR FRANCE

dont le siège social est situé [adresse], Représenté PAR SES REPRÉSENTANTS LÉGAUX,

Représentées par la SCP BOYER-BESSON LAURENT, avocats associés inscrits au Barreau de GRENOBLE et plaidant par Maître ROUX, avocat inscrit au Barreau de VERSAILLES, D’AUTRE PART

[minute page 2]

LE TRIBUNAL : À l'audience publique du 17 juin 1999, tenue par Véronique KLAJNBERG, Juge Rapporteur, après avoir entendu les avocats en leur plaidoirie, l'affaire a été mise en délibéré, et le prononcé de la décision renvoyé au 16 septembre 1999.

Sur le rapport du Juge Rapporteur, conformément aux dispositions de l'article 786 du nouveau Code de procédure civile, le Tribunal composé de : Philippe GREINER, Vice-Président, Véronique KLAJNBERG, Vice-Président, Francis CARLE, Juge, assistés lors des débats par Christine CASSAGNE, Greffier.

Après en avoir délibéré, a rendu la décision dont la teneur suit :

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                                                         (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Les 13 et 16 février 1998, l'association « UNION FÉDÉRALE DES CONSOMMATEURS DE L'ISÈRE-QUE CHOISIR » faisait assigner la « société EUROPCAR » et la SA EUROPCAR FRANCE pour faire, dans le délai d'un mois à compter de la décision et sous astreinte de 1.000 Francs par jour de retard, supprimer du contrat-type proposé à la clientèle pour la location de véhicule les clauses suivantes :

- la clause de prise de connaissance au recto ;

- art. 2 paragraphe 2 relative à l'âge ;

- art. 3-2 paragraphe 3 relative aux bateaux ;

- art. 3-2 paragraphe 4 relative aux infractions ;

- art. 3-2 in fine relative à la déchéance d'assurance pour le transport de personnes ;

- art. 3-3 paragraphe 2 relative aux pneus ;

- art. 4-1 paragraphe 1 relative au délai de restitution ;

- art. 4-3 paragraphe 2 relative à la fin de contrat ;

- art. 5 paragraphe 2 relative à l'empreinte de la carte bancaire ;

- art. 5 in fine relative au délai de paiement ;

- art. 9 sur l'attribution de compétence ;

l'UFC 38 réclamait 60.000 Francs d'indemnité, l'exécution provisoire du jugement à intervenir, la publication du jugement dans le « Dauphiné Libéré », « les Petites Affiches » et « Le 38 » à concurrence de 10.000 Francs par insertion aux frais des défenderesses ainsi que 10.000 Francs en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Le 8 juin 98, la SA EUROPCAR FRANCE et la « société EUROPCAR » soulevaient l'incompétence du Tribunal de Grande Instance de Grenoble au profit de celui de Versailles.

[minute page 3] Par jugement du 3 décembre 1998, le tribunal écartait cette exception d'incompétence et renvoyait l'affaire à la mise en état en enjoignant à la SA EUROPCAR FRANCE et la « société EUROPCAR » de préciser et de justifier l'identité de cette « société EUROPCAR » et réservait les dépens.

Le 12 mars 1999, il était conclu « pour la société EUROPCAR FRANCE, dont le siège social est sis 3 avenue du Centre-78881 SAINT QUENTIN EN YVELINES CEDEX » et « la société EUROPCAR France, établissement exploité dans le ressort du registre du Commerce de GRENOBLE, sous le n° 90 B XX, dont le siège social est sis 5/7, Cours Jean-Jaurès 38130 ECHIROLLES », toujours sans préciser la forme de ces sociétés, au rejet des demandes de l'UFC 38 et demandé reconventionnellement, pour chacune « des sociétés EUROPCAR FRANCE », des indemnités de 100.000 Francs pour procédure abusive, réclamaient que soit ordonné la publication du jugement à intervenir dans cinq publications au choix des sociétés EUROPCAR FRANCE et aux frais de l'UFC 38 dans la limite de 50.000 Francs hors taxes au total, ordonné le remboursement par l'UFC 38 de chacune des insertions autorisées, sur simple présentation des factures, « le montant principal étant augmenté des intérêts courant au taux légal augmenté de cinq points, passé le délai à compter de la présentation », et réclamait la condamnation de l'UFC 38 « à verser à la SA EUROPCAR FRANCE et à son Établissement secondaire sis dans l'ISÈRE » 20.000 Francs en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

La mise en état était clôturée le 6 mai 1999.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                                                 (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

L'UFC 38 avait fait assigner la « société EUROPCAR », sans indication de la forme sociale, en mentionnant comme adresse le 94 cours Jean-Jaurès à Grenoble, et la SA EUROPCAR FRANCE avec comme adresse le 9 avenue du Centre à Saint-Quentin-en-Yvelines, en indiquant que le contrat-type dont des clauses sont critiquées comme abusives était proposé sur le département de l'Isère par « les sociétés EUROPCAR [...] et semble-t-il sur la base d'un contrat proposé par le franchiseur » ;

si les conclusions d'incompétence étaient faites au nom de la SA EUROPCAR FRANCE et la « société EUROPCAR », il n'était fourni qu'un extrait K bis pour la SA EUROPCAR FRANCE et il était énoncé à la fois qu'« aucun Établissement de ladite société n'est effectivement domicilié à Grenoble, 94, Cours Jean-Jaurès » puis que l'action engagée par l'UFC 38 « ne concerne aucunement l'activité propre de l'Établissement EUROPCAR sis dans l'Isère » ;

en ce qui concerne l'extrait K bis produit, délivré par le Greffe du Tribunal de Commerce de Versailles, il est mentionné en annexe-1 la « liste des établissements dans le ressort du greffe » ;

[minute page 4] il apparaît sur cette annexe-1 que des établissements ont pour mission, dans le ressort du Tribunal de Commerce de Versailles, la location de voiture ;

la SA EUROPCAR FRANCE produit maintenant un extrait du registre du Tribunal de commerce de Grenoble faisant apparaître qu'il s'agit d'une société anonyme dont le siège social est au lieudit Saint Quentin en Yvelines 3 avenue du Centre Les Quadrants 78180 MONTIGNY LE BRETONNEUX, ayant un établissement à l'aéroport de Grenoble, 38590 Saint-Etienne-de-Saint-Geoirs, et un autre au 5/7 cours Jean-Jaurès, 38130 Echirolles, en exploitation directe ;

parmi les pièces produites, un courrier du 19 octobre 1994, à l'en-tète EUROPCAR, une SA SLV mentionnait comme adresse le 94 cours Jean-Jaurès 38000 Grenoble et « RC Chambéry 747 120 939 13-Franchises d'EUROPCAR FRANCE » ;

cette SA SLV n'a pas été assignée et n'a pas comparu ;

ainsi, malgré les termes du jugement avant dire droit sur les imprécisions des conclusions en défense quant à l'identité des sociétés qui entendaient comparaître et malgré l'injonction faite à la SA EUROPCAR FRANCE et la « société EUROPCAR » de préciser et de justifier l'identité de la « société EUROPCAR », en l'absence d'élément sur l'existence d'une autre société dénommée SA EUROPCAR FRANCE que celle indiquée sur le seul extrait de registre du commerce produit, et faute d'établir qu'existerait une autre personne morale dénommée EUROPCAR, il sera retenu que seule la SA EUROPCAR FRANCE ayant son siège en Yvelines a réellement comparu ;

* * *

en ce qui concerne la notion de clause abusive, l'article L. 132-1 du Code de la consommation dispose que dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel et du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat ;

sans préjudice des règles d'interprétation prévues aux articles 1156 à 1161, 1163 et 1164 du Code civil, le caractère abusif s'apprécie en se référant, au moment de la conclusion du contrat, à toutes les circonstances qui entourent sa conclusion, de même qu'à toutes les autres clauses du contrat ;

une annexe au Code de la consommation comprend une liste indicative et non-exhaustive de clauses qui peuvent être regardées comme abusives et l'article L. 132-1 précise qu'en cas de litige concernant un contrat comportant une telle clause, le demandeur n'est pas dispensé d'apporter la preuve de son caractère abusif ;

[minute page 5] le fait [que] l'Institut national de la Consommation ait pu noter que le contrat-type d'EUROPCAR était le plus complet des sept contrats examinés n'interdit pas d'examiner, clause par clause, le respect de l'équilibre contractuel ;

* * *

en ce qui concerne la clause figurant au recto indiquant « je reconnais avoir pris connaissance des présentes conditions générales (recto et verso), que je m'engage à respecter », l'UFC 38 invoque qu'elle serait quasi-illisible, que l'attention du client ne serait pas attirée sur elle, que le professionnel s'arrogerait une fausse preuve et qu'elle serait contraire à l'article L. 132-1 du Code de la consommation, annexe i, et à l'article 111-1 du même Code ;

l'annexe vise en 1.i) les clauses qui ont pour objet ou pour effet « de constater de manière irréfragable l'adhésion du consommateur à des clauses dont il n'a pas eu, effectivement, l'occasion de prendre connaissance avant la signature du contrat » ;

si cette clause, placée à côté de l'encart réservé à la signature du client reste lisible, il apparaît qu'elle est disposée au bas d'une feuille qui dépasse de 3,7 cm sous celle sur laquelle est rédigé le constat de l'« état du véhicule au départ et au retour », qu'à l'occasion de la location, le client va ainsi être amené à signer une liasse avec cette clause alors que les-dites conditions générales sont cachées par la première page ;

dans la mesure où, en cas de réclamation, le professionnel sera amené à opposer au client sa signature et son acceptation sans discussion de ces conditions, il y a lieu de dire que, compte tenu de sa forme, bien que les termes n'en soient pas en eux même critiquables et qu'elle figure bien sur la feuille indiquant ces conditions générales, cette clause tend à conférer au professionnel un avantage injustifié ;

* * *

en ce qui concerne l'article 2 paragraphe 2 qui stipule que « tout conducteur doit être titulaire depuis au moins douze mois d'un permis de conduire en cours de validité, et correspondant à la catégorie du véhicule loué ; il doit être également âgé de plus de 21 ans (l'âge requis pouvant être plus élevé pour certaines catégories de véhicule) », l'UFC 38 conteste cette limite d'âge de 21 ans comme constituant une discrimination « anti-jeune » et peut constituer une infraction de refus de prestation de service ; l'UFC 38 invoque l'article L. 122-1 du Code de la consommation et l'article 225 du Code pénal ;

[minute page 6] la SA EUROPCAR FRANCE oppose que l'article 225-1 du Code pénal ne vise pas l'âge comme élément constitutif de l'infraction pénale de discrimination, relève que l'article L. 122-1 du Code de la consommation autorise les discriminations fondées sur un motif légitime et invoque sur ce point le fait que l'inexpérience et le jeune âge du conducteur justifieraient une telle exclusions ;

si la SA EUROPCAR FRANCE affirme que le loueur aurait la faculté de déroger à cette exclusion en donnant un accord préalable écrit au client qui serait en mesure de donner toutes les garanties de sérieux et d'expérience suffisante de la conduite, ce professionnel ne fait référence à aucune clause du contrat tel qu'il est soumis au Tribunal et au consommateur et parait seulement se réserver un pouvoir unilatéral d'appréciation ;

si la condition imposée au consommateur d'avoir plus d'an an de permis parait reposer sur une donnée objective pour qualifier une inexpérience la condition complémentaire d'avoir plus de 21 ans ne fait l'objet d'aucune tentative de justification concrète par la SA EUROPCAR FRANCE et elle doit être retenue comme abusive ;

* * *

en ce qui concerne l'article 3-2 paragraphe 3 qui indique au client « conformément au principe de personnalité des peines, vous êtes responsable des infractions commises pendant la durée de la location ; ainsi, vous êtes informé que vos coordonnées pourront être communiquées aux autorités de police qui en feraient la demande », l'UFC 38 relève qu'elle serait trop générales, qu'elle conduirait à imputer au client des infractions qui ne résulteraient pas de son fait et qu'elle exonérerait le professionnel de sa responsabilité concernant l'équipement du véhicule ;

la SA EUROPCAR FRANCE oppose que la référence au principe de personnalité des peines, la clause serait suffisamment précise et indique avoir répondu à l'UFC 38 que les infractions d'équipement ou de respect de la réglementation pour la mise en circulation d'un véhicule seraient, bien entendu, de la responsabilité du loueur ;

la SA EUROPCAR FRANCE n'indique pas pourquoi cet élément de précision ne figure pas dans le contrat-type alors qu'il était possible de préciser dans cette clause que le client resterait responsable des infractions qu'il aurait directement et personnellement commises ;

la formulation actuelle du contrat, qui est donc trop générale et qui risque permettre au professionnel d'opposer à tel consommateur particulier qu'il aurait accepté d'assumer les conséquence, par exemple d'un défaut d'équipement, confère au loueur un avantage excessif ;

[minute page 7] en ce qui concerne l'article 3-2 paragraphe 2 qui stipule que « sauf autorisation expresse, écrite et préalable du loueur, les véhicules ne peuvent en aucun cas être embarqués sur un bateau, bac, navire, etc. », l'UFC 38 note que cela limiterait l'usage normal du véhicule, notamment lors des déplacements de vacances « ex : Corse, Bretagne, Camargue ...) et permettrait de retenir une responsabilité automatique du consommateur en cas d'accident qui surviendrait à l'occasion d'un tel passage par un bac sans autorisation préalable, qu'il peut y avoir des imprévus pour des clients qui ne pourront pas demander une telle autorisation ;

la SA EUROPCAR FRANCE oppose qu'il appartient seulement au client de contacter une des nombreuses agences et que cette clause permettrait au loueur de prendre les garanties nécessaires ;

la SA EUROPCAR FRANCE ne précise pas ce que pourraient être ces garanties qui devraient être prises pour permettre le passage par un bac ou navire ;

il apparaît qu'une telle clause générale, incluant l'ensemble des traversées de mer, voire de simple cours d'eau, à l'intérieur des frontières françaises, constitue une cause possible de transfert de responsabilité qui pourrait opérer par exemple pour les simples conséquences d'un embarquement maladroit et il ne parait pas réaliste de dire que le client devra, au cours de son trajet à chaque traversée, solliciter une telle autorisation écrite ;

ainsi, dans cette forme générale, la clause créé un déséquilibre manifeste au profit du professionnel et est abusive ;

* * *

en ce qui concerne l'article 3-2 in fine qui comporte, en caractères gras, dans un encadré, la stipulation « ATTENTION : l'article 3-2 énonce les obligations minimum à respecter pendant la période durant laquelle vous avez la garde du véhicule ; tout irrespect de ces obligations entraînera la déchéance des garanties vol ou dommages éventuellement souscrites », l'UFC 38 relève qu'elle serait illicite parce que trop générale et contraire au droit des assurances, qu'elle laisserait croire au consommateur qu'il se trouverait privé de tout recours ;

la SA EUROPCAR FRANCE oppose que cette clause ne prive pas le client de tout recours, que la critique de l'UFC 38 n'est qu'une hypothèse de mauvaise interprétation et qu'elle ne créerait en aucune façon l'avantage excessif ou le déséquilibre significatif ;

il apparaît cependant, malgré l'affirmation de la SA EUROPCAR FRANCE, que cette clause, qui fait suite à l'ensemble des obligations énumérées par l'article 3-2 pour l'usage du véhicule, permet au professionnel d'opposer au client une déchéance de principe, sans que soit établi un préjudice pour le loueur, ce qui constitue un avantage excessif ;

* * *

[minute page 8] en ce qui concerne l'article 3-3 paragraphe 2 détérioration remplacement immédiat à vos frais qui stipule « le véhicule vous est fourni avec cinq pneumatiques en bon état ; en cas de détérioration de l'un d'entre eux pour une cause autre que l'usure normale, vous vous engagez à le remplacer immédiatement et à vos frais par un pneumatique de même dimension, de même type et d'usure égale », l'UFC 38 invoque que les frais de remplacement seraient mis à la charge du client même en l'absence de faute et que cela exonérerait le professionnel de sa responsabilité en cas de vice caché ;

la SA EUROPCAR FRANCE oppose qu'il n'y aurait dans cette clause que l'application des dispositions de l'article 1725 du Code civil, que le bailleur ne saurait être tenu d'une obligation de surveillance de la chose donnée en location ;

il y a lieu de noter que l'article 1725, qui vise le cas du trouble apporté par un tiers à la jouissance de la chose, parait inapplicable en l'espèce ; bien que cette rédaction de la clause conduit à laisser à la charge du client la détérioration survenue par cas fortuit ou force majeure, qui confirme la clause de l'article 3-1 qui stipule « vous devez rendre le véhicule dans l'état où vous l'avez reçu » et cela relève de la liberté contractuelle sans constituer un déséquilibre au profit du professionnel ;

* * *

en ce qui concerne l'article 4-1 paragraphe 1 qui stipule « le locataire s'engage à restituer le véhicule au loueur à la date prévue au contrat de location sous peine de s'exposer à des poursuites judiciaires civiles ou pénales », l'UFC 38 invoque que le retard pourrait être justifié, par exemple par une hospitalisation, un blocage routier ou des avaries, et que le contrat ainsi rédigé ne prévoit aucune mise en demeure ;

il y a lieu de noter que cette clause ne fait que rappeler qu'il existe des voies de droit pour faire respecter les obligations contractuelles, que l'engagement d'une telle procédure vaudrait évidemment mise en demeure et que le client serait alors en mesure de faire valoir d'éventuels faits justificatif ;

cette clause ne créé ou ne risque de créer aucun déséquilibre au profit du professionnel ;

* * *

[minute page 9] en ce qui concerne l'article 4-3, intitulé « fin de la location » et qui stipule dans un encadré « ATTENTION : en dehors des heures d'ouverture, la remise des clefs et des documents dans une boite aux lettres ne met pas fin à la location ; seule la prise de possession du véhicule, des documents et des clefs par l'agent, à la première heure d'ouverture de l'agence concernée, permet de mettre fin au contrat de location », l'UFC 38 relève que cette formulation permettrait au professionnel de facturer la continuation de la location sans contrepartie et sans faute du locataire ;

il y a lieu de noter que le client se voit offrir la faculté de restituer le véhicule hors des heures d'ouverture de l'agence en déposant les clefs et les papiers dans une boite aux lettres, qu'il est alors informé des conditions dans lesquelles le contrat trouvera son terme, que cet encadré est suivi, au verso, de l'énumération d'une série d'exceptions et, sauf à critiquer la sécurité offerte par ces boites aux lettres, il ne résulte pas de cette clause un déséquilibre contractuel ;

* * *

en ce qui concerne l'article 5 paragraphe 2 in fine qui stipule « pour les règlements effectués au moyen d'une carte bancaire, seule une autorisation sera demandée au départ de la location ; au retour, le montant de la facture sera automatiquement débité sur le compte correspondant à la carte présentée sauf si le locataire présente un autre moyen de paiement accepté par le loueur » le défaut de paiement d'une facture, l'UFC 38 relève qu'il s'agit pour le professionnel de prendre une empreinte en blanc de la carte bancaire qui lui permettrait ensuite de débiter n'importe quelle somme, que le prix est indéterminé au moment de la prise d'empreinte ;

la SA EUROPCAR FRANCE oppose qu'il s'agit de débiter « une somme précise constituée par le coût estimé de la location », que cette clause n'aurait pas été critiquée par la Commission des clauses abusives ;

s'il apparaît que cette pratique fournit au professionnel un moyen d'exécution, il y a lieu de retenir que le prix est déterminable en fonction des éléments particuliers du contrat souscrit, que l'usage de cette empreinte pour un prix supérieur pourrait constituer une infraction pénale ; dès lors, le Tribunal retiendra que le consommateur est suffisamment protégé et qu'il n'y a pas de déséquilibre significatif au profit du loueur ;

* * *

[minute page 10] en ce qui concerne l'article 9, « clause attributive de compétence », qui stipule que « tout litige né du présent contrat qui n'aurait pas pu déboucher sur un accord amiable sera, dans la mesure où la loi le permet, de la compétence du Tribunal dont dépend le siège social du loueur », l'UFC 38 invoque qu'elle déroge aux règles de compétence de l'article 48 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

la SA EUROPCAR FRANCE oppose qu'en cas de conflit, le client aurait, aux termes de l'article 46 du Nouveau Code de Procédure Civile, le choix entre la juridiction du lieu de livraison effectif de la chose ou celle du lieu de l'exécution de la prestation de service, qu'il s'agirait bien ainsi de « la juridiction située dans le ressort du siège social du loueur », de l'un de ses établissements secondaires ou d'un franchisé ;

il apparaît que, dans les écritures de la SA EUROPCAR FRANCE comme dans les imprécisions ci-dessus relevées quant à l'identité précise de la personne morale, la notion de siège social reste floue, que la rédaction de cette clause ne fait aucune différence entre les agence fonctionnant en franchise et celles constituant des établissements de la SA EUROPCAR FRANCE, qu'il paraissait plus clair de dire que le critère de la compétence était le lieu de la prise de livraison ou de la restitution du véhicule, que la rédaction actuelle confère à la SA EUROPCAR FRANCE un avantage excessif face au consommateur ;

* * *

compte tenu du fait que le contrat-type soumis à l'examen du Tribunal est proposé à la clientèle par des établissements de la SA EUROPCAR FRANCE ou par des personnes agissant sous l'enseigne EUROPCAR du fait d'un contrat de concession, de franchise ou quelque soit la forme du contrat passé par celles-ci avec la SA EUROPCAR FRANCE, il y a lieu de dire que l'astreinte pour sanctionner le maintien des clauses abusives sera fixée en fonction des infractions pouvant être constatées au delà du délai d'un mois à compter du présent jugement, que son montant tiendra compte des frais nécessaires pour la constatations de ces infractions ;

* * *

compte tenu de l'activité publique de location de véhicule, de la présentation du contrat-type à l'ensemble de la clientèle, il y a lieu, notamment pour l'information du consommateur, d'ordonner la publication du présent jugement ;

* * *

en ce qui concerne les demandes d'indemnités de l'UFC 38, l'association rappelle qu'elle défend l'intérêt collectif des consommateurs, que la SA EUROPCAR FRANCE représente une enseigne nationale, avec une clientèle importante ;

[minute page 11] la SA EUROPCAR FRANCE oppose avoir répondu de manière précise aux critiques émises par l'UFC 38, qu'elle avait proposé un dialogue sur les éléments du litige, qu'une rencontre avait eu lieu à l'occasion d'une conférence organisée par la DGCCRF sur l'amélioration des contrats de location de véhicule ;

il y a lieu de noter que ces arguments de la SA EUROPCAR FRANCE pourraient concerner l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, qu'il s'agit ici d'examiner d'abord dans quelle mesure le caractère abusif de certaines des clauses du contrat-type proposé à la clientèle avait causé un préjudice collectif indépendant des éventuels préjudices individuels ;

en l'espèce, le fait d'avoir rédigé et mis en pratique un contrat-type pour l'ensemble des locations-de véhicule faites, quel que soit le statut de l'agence, sous l'enseigne EUROPCAR, participe à l'organisation d'un déséquilibre répété, contraire aux principes fondamentaux du droit en France, qui impose le travail de surveillance des groupements de consommateurs ; la recherche juridique, la participation aux instances administratives de protection de la consommation, le nécessaire rappel au professionnel des règles qui permettent un équilibre des contrats en matière de location de véhicule justifie que soit retenue l'indemnité demandée par l'UFC 38 ;

par ailleurs, bien que la SA EUROPCAR FRANCE ait proposé d'engager des négociations, il apparaît que les réponses faites sur les demandes de modification du contrat-type étaient négatives, que l'engagement de l'instance paraissait dès lors nécessaire à l'UFC 38 et il y a lieu de lui allouer une somme en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

* * *

l'UFC 38 demande l'exécution provisoire du présent jugement et, compte tenu du fait que la SA EUROPCAR FRANCE, outre les incertitudes quant à la comparution, n'a accepté le débat au fond qu'après qu'ait été tranchée la question de la compétence territoriale justifie que soit ordonné, pour pallier le risque d'une résistance dilatoire, l'exécution provisoire du présent jugement ;

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                                                            (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

[minute page 12]

PAR CES MOTIFS :

Le Tribunal statuant publiquement, contradictoirement et en premier ressort ;

dit qu'en raison du fait que la clause « je reconnais avoir pris connaissance des présentes conditions générales (recto et verso), que je m’engage à respecter », à côté de laquelle le client doit apposer la date et sa signature, est placée de telle sorte qu'au moment de cette signature les-dites conditions générales sont masquée par le constat d'état du véhicule au départ et au retour constitue une manière abusive de la soumettre au consommateur et ordonne la modification des conditions générales du contrat-type quant à la forme de présentation de cette clause ;

ordonne la suppression, dans les conditions générales du contrat-type diffusé sous l'enseigne EUROPCAR tant par la SA EUROPCAR FRANCE et ses établissements que par les autres personnes bénéficiant de l'usage de cette enseigne quelque soit la forme du contrat passé par celles-ci avec la SA EUROPCAR FRANCE, des clauses ou éléments de clause suivants :

- dans l'article 2 paragraphe 2 « il doit être également âgé de plus de 21 ans (l'âge requis pouvant être plus élevé pour certaines catégories de véhicule) ;

- dans l'article 3-2 paragraphe 2 « sauf autorisation expresse, écrite et préalable du loueur, les véhicule ne peuvent en aucun cas être embarqués sur un bateau, bac, navire, etc..  » ;

- dans l'article 3-2 paragraphe 3 « vous êtes responsable des infractions commises pendant la durée de la location » ;

- dans l'article 3-2 in fine « tout irrespect de ces obligations entraînera la déchéance des garanties vol ou dommages éventuellement souscrites » ;

- l'article 9 intitulé « clause attributive de compétence », « tout litige né du présent contrat qui n'aurait pas pu déboucher sur un accord amiable sera, dans la mesure où la loi le permet, de la compétence du Tribunal dont dépend le siège social du loueur » ;

dit que ces modifications du contrat-type proposé au nom d'EUROPCAR devront être faites dans le délai d'un mois à compter du présent jugement, sous astreinte de 5.000 Francs par infraction constatée ;

condamne la SA EUROPCAR FRANCE à payer à l'association UNION FÉDÉRALE DES CONSOMMATEURS DE L'ISÈRE-QUE CHOISIR (UFC 38) 60.000 Francs d'indemnité pour le préjudice collectif 8.000 Francs en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

[minute page 13] ordonne la publication du jugement dans le « Dauphiné Libéré », « les Petites Affiches » et « Le 38 » à concurrence de 10.000 Francs par insertion aux frais de la SA EUROPCAR FRANCE ;

dit que le présent jugement est exécutoire par provision ;

déboute les parties du surplus de leurs conclusions ;

condamne la SA EUROPCAR FRANCE aux dépens.

Le Jugement a été rédigé par F. CARLE.

LE GREFFIER                     LE PRÉSIDENT

Christine CASSAGNE          Philippe GREINER

 

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