TGI GRENOBLE (4e ch. civ.), 29 janvier 2001
TGI GRENOBLE (4e ch. civ.), 29 janvier 2001 : RG n° 1999/04303 ; jugement n° 17
Publication : site CCAB
Extraits : 1/ « Il résulte de l'article L. 421-6 du Code de la Consommation que les associations régulièrement déclarées ayant pour objet explicite la défense des consommateurs et agrées à cette fin peuvent demander à la juridiction civile d'ordonner, le cas échéant, sous astreinte la suppression de clauses abusives dans les modèles habituellement proposés par les professionnels aux consommateurs. Les dispositions sus visées n'exigent pas que cette faculté soit exercée par voie de demande initiale au sens de l'article 53 du Nouveau Code de Procédure Civile et l'Association UFC 38 tient des articles 325 et suivants dudit code, le droit d'intervenir tant à titre accessoire qu'à titre principal dès lors que son intervention comme en l'espèce, se rattache aux prétentions des parties et tend à voir déclarer abusives les dispositions d'un contrat habituellement proposé aux consommateurs par la société ECD. »
2/ « N.B. Sur les clauses abusives, V. le texte de la décision ».
TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE GRENOBLE
QUATRIÈME CHAMBRE CIVILE
JUGEMENT DU 29 JANVIER 2001
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 1999/04303. Jugement n° 17.
DEMANDEURS :
Madame et Monsieur X.
demeurant [adresse], représentés et plaidant par Maître BALDASSARRE, avocat inscrit au Barreau de GRENOBLE
ASSOCIATION UFC DE L'ISÈRE - QUE CHOISIR
dont le siège social est situé [adresse], représentée PAR SES REPRESENTANTS LEGAUX INTERVENANTE VOLONTAIRE, représentée par la SCP BRASSEUR CHAPUIS, avocats associés inscrits au Barreau de GRENOBLE et plaidant par Maître BRASSEUR, D'UNE PART
ET :
DÉFENDERESSE :
SOCIETE ESPACE CHABERT DUVAL
dont le siège social est situé [adresse], représentée par la SCP CAILLAT DAY DALMAS DREYFUS MEDINA, avocats associés inscrits au Barreau de GRENOBLE et plaidant par Maître MEUNIER, avocat au Barreau de CHALONS S/ SAÔNE, D’AUTRE PART
[minute page 2]
LE TRIBUNAL : A l'audience publique du 16 octobre 2000, tenue par R. PARIS, Juge Rapporteur, assisté de Madame AM CHAMBRON, Greffier, après avoir entendu les avocats en leur plaidoirie, l'affaire a été mise en délibéré, et le prononcé de la décision renvoyé au 27 novembre 2000 et prorogé au 29 janvier 2001.
Sur le rapport du Juge Rapporteur, conformément aux dispositions de l'article 786 du nouveau Code de procédure civile, le Tribunal composé de : Monsieur Robert PARIS, Premier Vice-Président, Monsieur Denys COMTE-BELLOT, Juge, Madame Dominique GUIHAL, Juge, assistés lors des débats de Madame AM CHAMBRON, Greffier, Après en avoir délibéré, a rendu la décision dont la teneur suit
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Par acte du 7 septembre 1999, les époux X. ont fait assigner la SARL ESPACE CHABERT DUVAL (ci-après désignée la société ECD) aux fins de voir prononcer à titre principal, la nullité du contrat de vente et d'installation d'une cuisine signé avec la société précitée le 6 avril 1999.
Subsidiairement, prononcer la résolution de la vente aux torts du vendeur ; en toute hypothèse, condamner la société ECD à leur rembourser une somme de 53.500 Francs et à leur payer à titre d'indemnité de résiliation, ou de dommages et intérêts, une somme de 26.750 Francs, outre 10.000 Francs pour frais imposés.
Au soutien de leurs prétentions les époux X. exposent en substance que :
* la vente de la cuisine et du réfrigérateur litigieux serait nulle, le bon de commande ne comportant pas les mentions et formulaires obligatoirement portés ou joints en application de la réglementation sur le démarchage à domicile, alors qu'ils leur auraient été proposés « dans le cadre de la grande surface CARREFOUR » de se rendre au magasin de la société ESPACE CHABERT DUVAL,
* le délai contractuellement prévu, soit le 12 avril 1999, « n'aurait pas été respecté contrairement aux dispositions de l'article L. 114-1 du Code de la Consommation et le contrat devrait ainsi être considéré comme rompu, ayant été « clairement dénoncé ».
* [minute page 3] Le Décret du 14 mars 1986 n'aurait pas été respecté, faute de désignation du prix de chacun des éléments mobiliers et d'indication des matériaux les composants,
* la société ESPACE CHABERT DUVAL n'aurait pas satisfait à son obligation de délivrance, outre la fourniture d'une marchandise atteinte de vices cachés, l'installation n'étant en réalité pas réalisable sur la base des plans dressés,
* enfin la clause du contrat de vente intitulée « indépendance du poseur » leur serait inopposable faute d'indication du nom du poseur dans le bon de commande, et abusive en ce qu'elle aurait eu pour effet de les faire adhérer « à des clauses ignorées lors de la conclusion du contrat ».
L'union fédérale des consommateurs de l'Isère - Que Choisir - (UFC 38) est intervenue volontairement à l'instance sur le fondement des articles L. 421-6 et L. 421-7 du Code de la Consommation, 329 et 330 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Au soutien de la demande des époux X., l'UFC 38 estime que ces derniers n'ont pas été informés conformément aux textes légaux, le professionnel s'étant engagé par conditions particulières à une prestation de services (fabrication, livraison et pose) et non à une simple vente de produits sur la base de ses conditions générales ; que le plan de pose n'a pas été établi sur le contrat, ce qui est précisément à l'origine du litige, la pose par le technicien choisi par la défenderesse s'avérant impossible et ce malgré les recommandations de la commission des clauses abusives.
Elle estime que ce défaut d'information constituerait un dol justifiant l'annulation du contrat, l'intervention de l'UFC et la publication du jugement.
D'autre part, es qualité, l'UFC 38 prétend que le contrat ne respecterait pas les dispositions légales et réglementaires sur les fraudes, ne précisant aucun prix par meuble ni même la composition du mobilier, hormis la façade en stratifié et que les conditions générales du contrat seraient « illisibles », de sorte que « les consommateurs ne sont pas réellement informés de leurs droits et obligations et ainsi le contrat type devrait être réédité ».
Elle soutient encore que le contrat contiendrait des clauses illicites ou abusives dont la suppression sous astreinte devrait âtre ordonnée, telles que :
* indications des dimensions et descriptif de la pièce « du fait du client [minute page 4] et qui engage sa seule responsabilité »,
* devis établi « selon les indications, mesures et plans fournis par le client »,
* stipulation d'un engagement solidaire des deux époux en cas de signature du contrat par un seul,
* possibilité pour le professionnel d'adresser après l'établissement du bon de commande un plan définitif, soit « un engagement immédiat de l'acheteur et seulement éventuel du vendeur »,
* possibilité pour le vendeur de modifier le délai de livraison en cas de fourniture d'un plan incomplet ou erroné par le client alors qu'il appartient au professionnel de fournir les caractéristiques du service préalablement à la commande et que l'indication d'une date de livraison est une mention impérative,
* recours à un poseur qui n'est pas « un professionnel indépendant mais en réalité un sous-traitant du cuisiniste » de sorte que ni le choix du poseur, son tarif et les conditions de la pose ne sont l'objet d'un contrat séparé,
* exigibilité du paiement de la totalité du prix au moment de la mise à disposition alors que le consommateur ne déballe les éléments mobiliers qu'à l'arrivée du poseur,
* absence de règlement d'intérêts sur les sommes versées d'avance, s'agissant de l'adaptation d'éléments industriels préfabriqués et non d'une « commande spéciale sur devis »,
* libre disposition par le professionnel des marchandises intégralement payées au-delà de six mois et après sommation car l'empêchement ou le refus du consommateur peut être légitime,
* réception immédiate par le client qui veut faire reporter la date de livraison de plus de deux mois, soit une délivrance présumée qui n'est pas réalisée alors que l'empêchement peut être légitime,
* réception imposée par un tiers en cas d'empêchement,
* obligation de signaler à l'enlèvement ou à la livraison les défauts apparents et pas seulement à « la fin de l'installation ».
En définitive, estimant que la société ECD a causé « un préjudice direct ou indirect subi par l'intérêt collectif du consommateur » ainsi qu'à l'Association elle-même, sous le bénéfice de l'exécution provisoire, elle [minute page 5] sollicite la condamnation de la société précitée à lui payer 60.000 Francs outre 15.000 Francs en réparation du préjudice associatif.
La société ESPACE CHABERT DUVAL (ECD) soutient tout d'abord que les époux X. ne rapportent pas la preuve qu'ils auraient été démarchés dans l'enceinte d'une grande surface afin de se rendre au magasin de la société.
Elle prétend avoir respecté le délai de livraison contractuellement fixé au 12 avril 1999 et auquel elle était seule tenue et que la non installation de la cuisine résulte de la seule volonté des époux X. qui ont prétendu renoncer à leur acquisition ; elle soutient qu'elle ignorait la nature et la durée des éventuels travaux supplémentaires dont les clients avaient la charge et devaient prendre l'initiative.
Elle soutient que la prétendue dénonciation de la vente n'est pas intervenue dans les conditions prévues par l'article L. 114-1 du Code de la Consommation ; qu'il n'y a pas eu de tromperies ni vices cachés de la marchandise livrée.
Elle estime que les époux X. ne sont pas davantage fondés à prétendre que l'article 3.6 des conditions générales n'a pas été respecté et que les dispositions incriminées seraient abusives dès lors qu'elle se borne à offrir sur la demande du client, de le mettre en rapport avec un poseur professionnel.
Elle conclut en définitive au rejet des prétentions des époux X. et demande acte qu'elle tient à la disposition de ces derniers, le mobilier qu'ils ont acquis.
S'agissant de l'intervention de l'UFC 38, elle prétend que celle-ci est irrecevable, ses prétentions ne se rattachant pas à celles des demandeurs par un lien suffisant.
Subsidiairement, elle soutient qu'aucune des clauses de son contrat n'est abusive en développant ses moyens sur chacune des clauses incriminées et conclut en conséquence au rejet des prétentions de l'UFC.
Pour le détail de l'argumentation et moyens des parties, le Tribunal se réfère à leurs écritures récapitulatives.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
[minute page 6] SUR CE :
I - Sur la demande des époux X. :
La société ECD conteste et les époux X. ne produisent aucun élément de nature à démontrer qu'ils se sont rendus au magasin de vente de cette société à la suite d'un démarchage de cette dernière dans l'enceinte d'une grande surface où ils effectuaient des achats.
Il s'ensuit que les dispositions légales relatives au démarchage ne peuvent être appliquées en l'espèce.
Aux termes du bon de commande n° M 3704 signé des parties le 6 avril 1999, les époux X. ont commandé à la société ECD les éléments d'une cuisine GALIALUX et un réfrigérateur AMANA en exposition pour un prix de 48.200 Francs (y compris la livraison).
Le bon de commande fait apparaître également une somme de 5.300 Francs correspondant à un forfait pose de la cuisine
Enfin, le cadre « Délais et modalités de règlement » précise que : « La cuisine sera mise à la disposition du client à la date suivante : 12 avril 1999 » et la rubrique « Conditions particulières » comporte mention manuscrite suivante :
« Arrêté à la somme de 53.500 Francs TTC livré Installé »
S'agissant tout d'abord du grief invoqué par les époux X., tiré du non respect des prescriptions d'ordre public du Décret 86/583 du 14 mars 1986 portant application au commerce de l'ameublement de la Loi du 1er août 1905 sur les fraudes et falsifications en matière de produits ou de services, il y a lieu d'observer que le bon de commande ne respecte pas les dispositions de l'article 4 du Décret sus visé en ce qu'il ne comporte pas le prix de chacun des objets d'ameublement de cuisine pouvant être vendus séparément et qu'il se borne à énumérer.
D'autre part, le bon de commande contrevient aux dispositions de l'article 2 du Décret en ce qu'il ne renseigne pas les acquéreurs sur la ou les principales matières, essences ou matériaux composant les biens vendus, ainsi que leurs procédés de mise en œuvre et la nature des finitions conformément aux dispositions de l'article 7 du Décret qui précise que les procédés de mise en œuvre dont la mention est obligatoire en vertu du 2° de l'article 2 sont le placage, les revêtements et l'utilisation comme support ou garnissages des principales matières, essences ou matériels composant les objets et que la nature de la finition employée sur la surface visible des éléments ou panneaux, doit également être précisée.
[minute page 7] En l'espèce, le cadre du bon de commande relatif aux « Informations Produits » ne répond pas aux exigences d'informations sus visées en se bornant à mentionner « stratifié » s'agissant de la façade, un terme intraduisible en ce qui concerne le plan de travail et aucune précision en ce qui concerne le socle compris dans les éléments vendus, laissant ainsi indéterminée la nature exacte des matériaux composant les biens vendus.
D'autre part, s'agissant du manquement à l'obligation de délivrance que les époux X. impute à la responsabilité de la société ECD, celle-ci prétend avoir satisfait à son obligation aux motifs que les éléments de. cuisine et le réfrigérateur ont été livrés à la date convenue du 12 avril ce qui constituait sa seule obligation et que les travaux d'installation étaient à l'initiative et à la seule charge du client dans le cadre d'un contrat particulier passé avec un artisan poseur indépendant dont l'article 3.6 des conditions générales de vente figurant au verso du bon de commande stipule qu'il est seul responsable des délais de pose et d'installation ainsi que des défauts de pose d'installation et de mise en service.
S'il est exact que les conditions générales de vente (art.3.3 et suivants) prévoient que, normalement, la société ECD ne se charge pas de la pose et de l'installation des meubles et équipements qu'elle fournit mais qu'elle pourra, à la demande du client, le mettre en rapport avec « un professionnel agrée indépendant qui n'est pas son sous-traitant » et qui sera seul responsable des délais de pose et des opérations d'installation, ce moyen apparaît cependant sans emport dans le présent litige dès lors que la société ECD ne démontre nullement qu'elle aurait mis en rapport les époux X. avec un installateur professionnel avec lequel ils auraient traité spécialement, qu'il ressort clairement des mentions manuscrites précitées portées aux conditions particulières du bon de commande que les parties ont traité pour une somme totale de 53.500 Francs qui incluait le forfait pose, que la société ECD s'est engagée à mettre les éléments vendus à disposition des époux X. « livré-installé » pour le 12 avril 1999, que la convention relative à la pose elle-même a fait l'objet d'un acte séparé daté du 9 avril constitué de trois volets renseignés et signés des époux X. et de la seule société ECD et qu'enfin, il résulte explicitement des termes des télécopies adressées les 24 avril et 26 mai 1999 par la société ECD aux époux X. que le « poseur » qui devait installer la cuisine a été mandaté par la société ECD ainsi qu'il ressort de l'expression « notre poseur » utilisée à trois reprises dans ces deux documents.
Dans ces conditions, la société ECD ne saurait utilement prétendre que son obligation à l'égard des époux X. était limitée à la livraison des biens qu'elle leur avait vendus alors qu'il ressort des éléments qui précèdent que son obligation s'étendait aussi à l'installation, ni invoquer [minute page 8] l'article 3.6 des conditions générales de vente pour se dégager de toute responsabilité, alors que ses dispositions sont inapplicables en l'espèce et qu'il appartient à la société ECD personnellement de répondre de l'inexécution des personnes qu'elle s'est substituée pour la réalisation des travaux d'installation qui lui incombait.
En l'espèce, il est constant que la société ECD n'a pas satisfait complètement à l'obligation de résultat dont elle avait la charge de livrer mais aussi d'installer des éléments de cuisine au domicile des époux X. pour le 12 avril 1999.
L'ensemble des biens vendus a été retourné à la société ECD qui l'a réceptionné le 24 avril 1999 et par courrier du 5 mai 1999, les époux X. ont confirmé leur demande tendant au remboursement des sommes qu'ils avaient versées.
La société ECD ne rapporte pas la preuve dont elle a la charge, que l'inexécution de son obligation est imputable à la responsabilité des époux X. et les télécopies qu'elles leur a adressées le 26 mai 1999 par lesquelles elle les informe qu'elle considère avoir rempli son obligation en se bornant à livrer les éléments de cuisine vendus et qu'elle les tenait désormais à leur disposition - alors qu'il ressort des motifs développés plus haut qu'il lui incombait de procéder à leur installation - démontrent que son inexécution procède d'une méconnaissance fautive des obligations auxquelles elle était tenue contractuellement.
Il y a lieu en conséquence de prononcer la rupture du contrat signé entre les parties, aux torts exclusifs de la société ECD et de la condamner à rembourser aux époux X. la somme de 53.500 Francs dont ils se sont acquittés, et à leur payer également à titre de dommages et intérêts l'indemnité d'annulation prévue à l'article 2.4 des conditions générales de vente égale à 5 % de la somme précitée soit 26.750 Francs, et qui aurait été mise à leur charge si la rupture du contrat leur avait été imputable.
Enfin, il sera alloué aux époux X. une somme de 10.000 Francs en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
II - Sur la recevabilité de l'intervention de l'Association UFC 38 :
Il résulte de l'article L. 421-6 du Code de la Consommation que les associations régulièrement déclarées ayant pour objet explicite la défense des consommateurs et agrées à cette fin peuvent demander à la juridiction civile d'ordonner, le cas échéant, sous astreinte la suppression de clauses abusives dans les modèles habituellement proposés par les professionnels aux consommateurs.
[minute page 9] Les dispositions sus visées n'exigent pas que cette faculté soit exercée par voie de demande initiale au sens de l'article 53 du Nouveau Code de Procédure Civile et l'Association UFC 38 tient des articles 325 et suivants dudit code, le droit d'intervenir tant à titre accessoire qu'à titre principal dès lors que son intervention comme en l'espèce, se rattache aux prétentions des parties et tend à voir déclarer abusives les dispositions d'un contrat habituellement proposé aux consommateurs par la société ECD.
L'intervention de l'Association UFC 38 sera donc déclarée recevable.
III Sur les demandes présentées par l'UFC 38
A. Sur la demande relative à la présentation du contrat :
Selon l'alinéa 1 de l'article L. 133-2 du Code de la Consommation, les clauses des contrats, proposés par les professionnels aux consommateurs doivent être présentées et rédigées de façon claire et compréhensible.
En l'espèce, les conditions générales de vente figurant au verso du bon de commande sont imprimées en caractères typographiques minuscules et non contrastés, d'une taille inférieure au corps 8, et sujet à altération ainsi qu'il ressort de l'exemplaire remis aux époux X., et qui à l'usage et dans le temps présente des zones d'effacement qui rendent toute lecture impossible.
Une telle présentation ne permet pas au consommateur d'être clairement informé de ses droits et obligations au moment de la conclusion du contrat et pendant la durée où il lui est nécessaire de s'y référer.
La réimpression du contrat sera ordonnée dans les conditions qui seront précisées au dispositif de la présente décision.
B. Sur la demande tendant à voir déclarer abusives diverses clauses du contrat :
Selon l'article L. 132-1 du Code de la Consommation, dans les contrats conclus entre professionnels et non professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.
Les dispositions sont applicables quels que soient la forme ou le support du contrat et, sans préjudice des règles d'interprétation prévues aux articles 1156 à 1161, 1163 et 1164 du Code Civil, le caractère [minute page 10] abusif s'apprécie en se référant, au moment de la conclusion du contrat, à toutes les circonstances qui entourent sa conclusion, de même qu'à toutes les autres clauses du contrat ; il s'apprécie également au regard de celles contenues dans un autre contrat lorsque la conclusion ou l'exécution de ces deux contrats dépendent juridiquement l'un de l'autre.
Sous le bénéfice de ces observations il y a lieu d'examiner les diverses clauses critiquées par l'UFC 38.
1 °) Clauses critiquées relatives aux plans, mesures et travaux de pose et d'installation et aux responsabilités en découlant :
L'UFC 38 soutient que les clauses suivantes sont abusives :
a) la clause insérée dans le cadre « Dimension » figurant sur le 3ème volet du bon de commande et précisant : « les dimensions et descriptif de la pièce sont le fait du client et engagent sa seule responsabilité ».
b) les articles suivants des conditions générales de vente :
« 1.1 DEVIS
ESPACE CHABERT DUVAL a préalablement proposé gratuitement, sur la demande du CLIENT, un devis descriptif des meubles, appareils, équipements et accessoires, établi selon les indications, mesures et plans fournis par celui-ci, et, le cas échéant, selon les cotes et métrages relevés.
1.7 RÉCAPITULATIF INFORMATIQUE
Si postérieurement à l'établissement du bon de commande, ESPACE CHABERT DUVAL adresse au CLIENT un récapitulatif informatique de commande comprenant notamment un plan définitif, celui-ci ne vaut pas novation au bon de commande initial et ne saurait donc être considéré comme ouvrant un nouveau éventuel délai d'annulation dans les cas prévus par la loi. Il ne nécessite aucune nouvelle acceptation du CLIENT.
2.3 MODIFICATIONS
Toute modification aux conditions d'une commande devenue ferme et définitive, provenant du fait du CLIENT (côtes incomplètes ou erronées sur le plan fourni par le .client, ou transmises tardivement, reports ou défauts de paiement injustifiés des acomptes successifs prévus etc..) peut déterminer un nouveau délai de délivrance, ainsi qu'une facturation complémentaire.
[minute page 11] Dans ce cas, le nouveau délai sera confirmé par ESPACE CHABERT DUVAL.
Réciproquement, si ESPACE CHABERT DUVAL est responsable de la modification, il sera fait application des dispositions prévues à l'article 6.3 en cas de retard de livraison.
3.3 POSE ET INSTALLATION
ESPACE CHABERT DUVAL ne se chargeant normalement ni de la pose ni de l'installation des meubles et équipements fournis, peut néanmoins proposer, sur demande du CLIENT, de le mettre en rapport avec un professionnel agréé indépendant qui n'est pas son sous-traitant mais qui, au contraire, exécutera sa prestation pour le compte et selon les instructions du CLIENT. Les modalités de cette prestation sont précisées ci-dessous.
Néanmoins, pour la seule pose, ESPACE CHABERT DUVAL pourra ajouter au prix de la commande, de façon séparée, le prix du forfait pose établi selon le tarif du prestataire comprenant les différentes opérations de base. Dans le cas de vente au comptant, le prix devra être payé directement au poseur par le CLIENT, à la fin de la prestation (sauf autre accord) ; ou par ESPACE CHABERT DUVAL pour le compte et sur ordre du CLIENT, lorsque ce prix est inclus dans le financement, au même moment.
3.6 INDÉPENDANCE DU POSEUR
Les délais de pose et d'installation éventuelle de même que les défauts de pose, d'installation ou de mise en service, de même enfin que les dommages causés aux marchandises, aux autres meubles ou immeubles ou aux personnes sont de la seule responsabilité du professionnel, ESPACE CHABERT DUVAL déclinant la sienne, ce que reconnaît le CLIENT étant rappelé que même quand le nom du prestataire a été donné par le vendeur, cette indication correspond essentiellement à un service non rémunéré rendu au CLIENT sur sa demande.
ESPACE CHABERT DUVAL sera exclusivement responsable des dommages résultant de son propre fait : défaut de conformité ou de qualité des marchandises, erreurs dans les devis et plans établis par lui-même sous réserve que l'inexactitude ne soit pas imputable au CLIENT. Il ne sera donc pas admis, pour ces motifs, d'opposition au paiement auprès du prêteur de la partie du prix payable à crédit, en tout ou partie, à l'exception, le cas échéant, du pourcentage du financement représentant le prix de la pose ».
L'UFC 38 soutient que ces diverses clauses créent un déséquilibre significatif entre le consommateur et le professionnel en ce qu'elles [minute page 12] tendent à dispenser ce dernier de ses obligations professionnelles et l'exonèrent de toute responsabilité, ou lui permettent de modifier unilatéralement le plan initial ou le délai de livraison pour de prétendues erreurs imputables au client alors qu'il appartient au professionnel, préalablement à la commande de définir les caractéristiques du service qu'il s'engage à fournir.
La société ECD soutient qu'aucune de ces dispositions ne sont illicites ou abusives dès lors que le contrat qu'elle passe avec la client est exclusivement un contrat de vente et en aucune manière un contrat de prestations de services ; que c'est dans la mesure seulement où le client le demande qu'à titre gratuit la société lui propose un livreur et un installateur indépendants ; que les clauses incriminées n'ont pas d'autre objet que de rappeler que le client supporte la responsabilité des indications, mesures et plans lorsqu'il les fournit et que la société n'est pas responsable de l'installateur qu'elle est amenée à conseiller au client.
Il y a lieu d'observer tout d'abord, que tout vendeur professionnel de meubles destinés comme en l'espèce à être posés et installés dans un lieu spécifiquement défini et auquel ils doivent être adaptés, doit s'informer des besoins de l'acquéreur non professionnel et informer ensuite celui-ci des contraintes techniques de la chose qu'il se propose d'acquérir et de son aptitude à atteindre le but recherché.
Il résulte, au demeurant, des dispositions même de l'article 1.1 précité des conditions générales de vente, que le devis descriptif que la société ECD « a préalablement proposé gratuitement sur la demande du client » s'inscrit dans le dispositif contractuel des « généralités relatives à l'établissement de la commande » et dont, aux termes de l'article 1.4 la société ECD rappelle qu'elle en conserve la propriété intellectuelle et artistique.
La convention des parties ne s'analyse donc pas seulement, en dépit de son intitulé formel, en un simple contrat « de vente » mais comprend également, une prestation de service qui se double d'un contrat d'entreprise lorsque le client demande à la société la pose et l'installation des éléments de cuisine qu'il achète.
Le devis descriptif que la société ECD établit étant destiné à s'assurer de la faisabilité du projet de son client, apparaît donc, dans ce type de contrat, un élément essentiel de la conclusion du contrat puisque c'est à partir de ce devis que le client va se déterminer pour passer une commande ferme et définitive.
En sa qualité de professionnel, la société ECD ne saurait donc reporter sur le consommateur la responsabilité qui lui incombe de s'assurer que [minute page 13] les éléments qu'elle lui vend correspondent notamment aux dimensions et aux contraintes des lieux auxquels ils sont destinés.
En conséquence, en stipulant que seul le client engage sa responsabilité lorsqu'il fournit les dimensions et le descriptif de la pièce, et en différant, dans des délais laissés à sa seule discrétion, la date de livraison des éléments vendus pour des motifs tirés de côtes erronées ou incomplètes, la société ECD créée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties en faisant peser exclusivement sur le client une responsabilité qui ne lui incombe pas.
La société ECD sera donc condamnée à supprimer les dispositions abusives précitées portées sur le 3ème volet du bon de commande, ainsi que celles des articles 2.3 (alinéa 1) et 3.6 (alinéa 2) des conditions générales de vente.
En revanche, l'article 1.1 n'apparaît pas abusif en ce que ses dispositions sont purement énonciatives et ne présument, en soi, aucune responsabilité du client.
S'agissant de l'article 1.7 se référant à un « récapitulatif informatique de commande comprenant notamment un plan définitif » ne valant pas novation du bon de commande initial, ces dispositions ambiguës doivent également être annulées comme abusives dès lors qu'elles tendent à imposer au client un plan « définitif » sans lui réserver le droit de modifier ou d'annuler sa commande si ce plan ne correspond pas à sa commande initiale.
Enfin, s'agissant des articles 3.3 et 3.6 des conditions générales, qui ont pour effet d'exonérer la société ECD de toute responsabilité du fait des opérations de pose et d'installation pour le motif que ces opérations seraient réalisées par un travailleur indépendant qui ne serait pas le sous-traitant de la société, il y a lieu d'observer qu'en fait lorsque le client adhère au forfait « pose », seul le montant du forfait qu'il aura à payer au poseur lui est précisé.
Pour autant le client n'exerce aucun choix quant au poseur auquel il n'est par ailleurs lié par aucune convention.
Dans ces conditions les clauses sus visées apparaissent abusives dans la mesure où elles laissent faussement croire au consommateur qui opte pour le forfait « pose », que l'installation est exécutée « par un travailleur indépendant qui n'est pas un sous traitant de la société » alors que celle-ci lui commande en réalité les travaux à réaliser, et qu'elles tendent à [minute page 14] voir reporter sur un tiers au contrat les obligations contractuelles qui s'imposent à la société et à priver le consommateur de l'action dont toute partie à un contrat doit pouvoir exercer contre une autre qui n'exécuterait pas ses obligations.
Il y a lieu, en conséquence de condamner la société ECD à supprimer les clauses sus visées de son contrat.
2°) Clause critiquée relative au « consentement » :
L'UFC 38 estime qu'est abusive le 1er alinéa de l'article 1.5 des conditions générales de vente ainsi libellé
« 1.5 CONSENTEMENT
Si le client a commandé la cuisine pour les besoins de son ménage, il déclare expressément que cette cuisine est utile à sa famille, en rapport avec son train de vie et reconnaît, en conséquence, que la commande engage solidairement son conjoint, sauf en cas d'achat à crédit.
Il déclare ne pas être placé sous tutelle judiciaire ou sous toute autre mesure protectrice au sens des articles 489 à 491 du Code Civil et pouvoir donc engager son consentement librement et de façon autonome et ne pas faire l'objet d'une interdiction bancaire »,
en ce qu'il aurait pour effet d'engager la communauté des époux alors même que le contrat n'aurait été signé que par l'un d'eux et présenterait une dépense somptuaire, et sans égard au régime matrimonial du consommateur.
La société ECD soutient que cette clause ne fait qu'expliciter les dispositions de l'article 220 du Code Civil et assurer l'information du consommateur sur les engagements de son conjoint lorsque l'acquisition du bien est utile à la famille et que son prix est en rapport avec le train de vie du ménage.
En stipulant que « le client déclare expressément que cette cuisine est utile à sa famille, en rapport avec son train de vie et reconnaît en conséquence que la commande engage solidairement son conjoint... », la société ECD ne fait pas, contrairement à ce qu'elle prétend, qu'expliciter les dispositions de l'article 220 du Code Civil mais créée, conventionnellement, à le charge d'un conjoint non signataire du contrat et sur la foi de prétendues déclarations - au surplus nullement recueillies - une présomption d'engagement solidaire irréfragable alors qu'une telle présomption ne ressort d'aucune disposition légale et ne peut résulter que d'un engagement exprès de la partie à laquelle on [minute page 15] l'oppose ; elle tend, en outre, à priver le conjoint du droit d'invoquer les dispositions protectrices de l'alinéa 2 de l'article 220 sus visé qui prévoient que la solidarité entre époux n'a pas lieu pour les dépenses manifestement excessives.
La société ECD sera donc condamnée à supprimer cette clause illicite et abusive.
3 °) Clause relative au « Début de la pose » :
L'UFC 38 estime abusive la clause 3.5 ainsi libellée :
« 3.5 DEBUT DE LA POSE
La pose ne peut intervenir qu'après versement du dernier paiement à ESPACE CHABERT DUVAL la totalité du prix étant exigible au moment de la mise à disposition »,
aux motifs qu'elle revient à imposer un paiement immédiat des éléments mobiliers alors même que le consommateur n'a pas été en mesure de vérifier l'état de la marchandise et si elle s'adaptera à sa cuisine.
La société ECD soutient que cette clause n'a rien d'abusive ; qu'elle n'enlève pas aux consommateurs la faculté de vérifier l'état de la marchandise et que la société ayant remplit son obligation de délivrance dans le cadre du contrat de vente, il est normal qu'en contrepartie, le consommateur en acquitte le prix.
Pour les motifs développés plus haut, lorsque la convention entre la société ECD et le. consommateur inclut la pose des éléments mobiliers, le contrat ainsi passé s'analyse à la fois à un contrat de vente et d'entreprise qui oblige la société elle-même jusqu'à exécution complète des prestations promises.
Dans cette hypothèse, exiger que « la totalité du prix » soit réglée au moment de la mise à disposition des éléments qui restent à poser revient à priver le consommateur d'opposer à la société l'exception d'inexécution alors même que les éléments livrés présenteraient des défauts ou non conformité ou ne seraient pas susceptibles de remplir leur destination ; les dispositions incriminées confèrent ainsi à la société ECD un avantage excessif qui n'est pas justifié par un motif légitime.
La suppression de cette clause sera donc ordonnée.
4 °) Clause relative aux modalités de paiement du prix :
L'UFC soutient qu'est illicite la clause 4.2 ainsi libellée :
[minute page 16] « 4.2 SOMMES VERSÉES D'AVANCE
S'agissant toujours - sauf solde de cuisines exposées en magasin vendues en l'état que le CLIENT déclare bien connaître - de commandes spéciales et personnalisées selon devis, nécessitant une fabrication particulière de nos fournisseurs selon les ordres de ESPACE CHABERT DUVAL : toute somme versée d'avance sur le prix n'est pas productive d'intérêt, et même au delà de trois mois, la présente commande n'étant pas soumise aux dispositions des articles L. 131-1 et suivants du Code de la Consommation (Loi du 5 décembre 1951) »,
en ce que contrairement aux dispositions de l'article L. 131-1 du Code de la Consommation, elle dispose que les sommes payées d'avance ne portent jamais intérêts, alors que les prestations d'un « cuisiniste » ne relèvent pas de l'exception prévue par l'article L. 131-2 du même code.
La société ECD soutient que la clause est conforme à la dérogation prévue par l'article L. 131-2 sus visé, la convention ayant pour objet des « commandes personnalisées ».
Compte tenu de la spécificité des commandes qui doivent s'adapter au besoin particulier du client, la clause critiquée est licite comme s'inscrivant dans le cadre de la disposition prévue par l'article L. 132-2 du Code de la Consommation relative aux intérêts sur les sommes payées d'avance.
La demande de la société UFC 38 sera donc rejetée.
5 °) Sur les clauses relatives à la livraison :
L'UFC 38 estime abusive ou illicite les dispositions suivantes :
« a) 5.3 REPORTS SUCCESSIFS DE LIVRAISON
Lorsque les marchandises n'ont pu être délivrées au CLIENT, et ce de son fait (refus de paiement du solde du prix ou reports successifs de la date d'enlèvement ou de mise à disposition). ESPACE CHABERT DUVAL sera en droit de facturer, un mois après le terme ultime annoncé dans sa sommation de prendre possession, des frais d'entreposage à un taux mensuel de 2 % du prix restant dû. Au-delà de six mois, ESPACE CHABERT DUVAL pourra librement disposer des marchandises en attente de livraison, même si elles ont été intégralement payées, et dès envoi d'une lettre d'avertissement ou d'une sommation d'enlever. Les sommes reçues d'avance seront alors conservées sans préjudice de l'application des dispositions des articles 2.4 et 4.11 ci-dessus »,
[minute page 17] en ce qu'il octroie à la société un pouvoir de disposition sur des biens payés et sans réserver l'hypothèse d'un empêchement légitime.
« b) 6.4 EXIGIBILITÉ DU PRIX POUR REPORT DE DATE
Le CLIENT qui désire reporter son accord avec le vendeur la date d'emporté ou de livraison, par rapport à la date initialement fixée et pour une durée supérieure à deux mois, doit solder le règlement du prix de sa cuisine.
Le CLIENT devra se présenter en magasin ou au dépôt et réceptionner la cuisine, cet acte valant délivrance et autorisant ESPACE CHABERT DUVAL notamment en cas de crédit, à se faire financer par le prêteur »,
en ce qu'il est contraire à l'article L. 311-20 du Code de la Consommation, présume la délivrance alors qu'elle n'est pas réalisée et ne réserve aucun empêchement légitime pour le consommateur.
« c) 7.2 LIVRAISON A DOMICILE
Lorsqu'il a été convenu que ESPACE CHABERT DUVAL procède à la livraison, le CLIENT s'engage à être présent le jour fixé avec ESPACE CHABERT DUVAL ou, en cas d'impossibilité, à en confier la réception à un tiers de son choix spécialement mandaté par écrit.
En cas d'absence non motivée, ESPACE CHABERT DUVAL, sera en droit de faire payer la seconde livraison »,
en ce qu'il impose au consommateur d'être disponible le jour de la livraison et impose la réception par un tiers.
« d) 7.4 DÉFAUTS APPARENTS
Étant entendu que l'utilisation équivaut à leur acceptation en l'état, et que, lorsqu'elles sont emportées par le CLIENT, elles voyagent à ses risques et périls, les réclamations et réserves doivent être présentées lors de l'enlèvement ou de la livraison en ce qui concerne les défauts apparents ou de conformité ou encore les manques, par écrit et précisément »,
en ce qu'il limite le délai de réclamation du consommateur au seul moment de l'enlèvement de la marchandise ou de sa livraison.
La société ECD soutient que les dispositions incriminées ne sont pas illicites ou abusives dès lors qu'elles se bornent à prévoir des frais d'entreposage, qu'elles n'interdisent pas la prise de possession des consommateurs et alors d'autre part qu'elle n'est pas tenue de conserver un mobilier dont le client se désintéresse ; que l'exigibilité du [minute page 18] prix pour report de date de livraison par le consommateur n'a rien d'anormal et que la réception par un tiers ne prive pas le consommateur de renseigner exactement ce dernier sur les caractéristiques de la marchandise à réceptionner.
Les dispositions de l'article 5.3 par lesquelles la société ECD s'octroie discrétionnairement de disposer de marchandises qui ont été payées se heurtent aux dispositions des articles 1657 et 1184 du Code Civil qui ne dispensent pas le vendeur de faire constater la résolution de plein droit de la vente lorsque l'acquéreur n'exécute pas son obligation de retirement et ont pour effet de priver abusivement la consommateur de démontrer à cette occasion qu'il avait un juste motif de ne pas prendre livraison de la marchandise.
La suppression des 2ème et 3ème phrases de l'article 5.3 sera ordonnée.
Les dispositions de l'article 2 de l'article 6.4 sont contraires aux dispositions d'ordre public de l'article L. 311-20 du Code de la Consommation en ce qu'elle tend à faire naître à la charge du prêteur l'obligation de délivrer les fonds à la société et à celle du consommateur l'obligation d'en assurer le remboursement, alors que les obligations de l'un et l'autre ne peuvent prendre effet qu'à compter de la livraison des biens ou de la fourniture de la prestation.
Les dispositions sus visées devront être supprimées.
En ce qui concerne l'article 7.2 si, à leur lecture littérale, les dispositions de son alinéa 1er ont pour effet d'imposer au client de confier la réception de la marchandise à ce tiers mandaté par ce dernier même en cas d'impossibilité pour le client d'être présent au jour convenu, il n'en demeure pas moins que les dispositions de l'alinéa 2 ne mettent à la charge du client les frais d'une seule livraison qu'en « cas d'absence non motivée ».
Il s'ensuit que les dispositions incriminées ne sont pas abusives dès lors qu'elle réserve au client la possibilité de faire valoir les motifs de son absence.
Enfin, s'agissant de l'article 7.4 qui a pour objet de limiter au seul moment de l'enlèvement ou de la livraison le droit pour l'acheteur d'émettre ses réclamations sur les défauts apparents ou de conformité, ou encore les manques, de telles dispositions sont abusives alors qu'il est généralement impossible de procéder à ces constatations au moment même de l'enlèvement ou de la livraison et que la société ne met à la disposition de l'acheteur aucun dispositif lui permettant de s'assurer de l'intégrité et de la conformité des marchandises emballées.
[minute page 19] Cette clause devra donc être supprimée.
IV Sur la demande en paiement de dommages et intérêts et de publication présentée par l'UFC 38 :
En sa qualité d'Association agrée de défense des consommateurs régulièrement déclarée l'UFC 38 est en droit de demander réparation, notamment par l'octroi de dommages et intérêts, de tout préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif des consommateurs.
En l'espèce, ce préjudice est caractérisé par la multiplicité des clauses abusives insérées par la société ECD dans son contrat destiné aux consommateurs afin de les dissuader de faire valoir leurs droits ; il sera réparé par l'allocation d'une somme de 50.000 Francs à titre de dommages et intérêts.
D'autre part, en application de l'article L. 421-9 du Code de la Consommation il sera fait droit dans les conditions qui sont précisées au dispositif du jugement, à la demande de publication du jugement.
Et attendu que l'exécution provisoire n'est pas incompatible avec la nature de l'affaire et qu'il serait inéquitable de laisser à la charge de l'UFC 38 une somme de 12.000 Francs qu'elle a dû exposer et qui n'est pas comprise dans les dépens ;
Qu'en revanche, il n'apparaît pas nécessaire de prononcer d'astreinte dès lors qu'en l'état, il n'y a pas lieu de présumer que la société ECD n'exécutera pas les obligations mises à sa charge ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
[minute page 20] PAR CES MOTIFS :
Le Tribunal statuant publiquement, contradictoirement et en premier ressort,
I PRONONCE la résiliation du contrat signé entre les époux X. et la société SARL ESPACE CHABERT DUVAL (ECD) aux torts exclusifs de cette dernière.
CONDAMNE la société ESPACE CHABERT DUVAL à rembourser aux époux X. une somme de 53.500 Francs (cinquante trois mille cinq cent francs) et à leur payer une somme de 26.750 Francs (vingt six mille sept cent cinquante francs) à titre de dommages et intérêts.
II DÉCLARE recevable l'intervention principale et accessoire de l'Association « UNION FÉDÉRALE DES CONSOMMATEUR DE L'ISÈRE - QUE CHOISIR » (UFC 38)
III CONDAMNE la société ESPACE CHABERT DUVAL à imprimer dans les deux mois suivant la signification de la présente décision, de manière contrastée en caractères typographiques indélébiles et d'une taille supérieure au corps 8 les conditions générales de vente figurant au verso du bon de commande en trois volets qu'elle propose habituellement à sa clientèle.
IV CONDAMNE également la société ESPACE CHABERT DUVAL à supprimer, dans les deux mois suivant la signification du présent jugement, les clauses abusives suivantes :
a) sur le 3ème volet du bon de commande, la mention : « Les dimensions et descriptifs de la pièce sont le fait du client et engagent sa seule responsabilité »
b) au verso du bon de commande, des dispositions suivantes des conditions générales de vente:
* l'article 1.5 (premier paragraphe)
* l'article 1.7 intitulé « récapitulatif informatique »
* l'article 2.3 intitulé « modifications »
* l'article 3.3 (premier paragraphe)
* l'article 3.5 intitulé « Début de la pose »
* l'article 3.6 intitulé « Indépendance du poseur »
* l'article 5.3 (deuxième phrase : « Au delà de six mois » jusqu'à « sommation d'enlever »)
[minute page 21] * l'article 6.4 intitulé « Exigibilité du prix pour report de date »
* l'article 7.4 intitulé « Défauts apparents »
DIT qu'entre-temps, la société ESPACE CHABERT DUVAL sera tenue de joindre à tout contrat délivré comportant les dispositions sus visées, un avis précisant qu'elles doivent être réputées non écrites.
V CONDAMNE la société ESPACE CHABERT DUVAL à payer à l'association UFC DE L'ISÈRE - QUE CHOISIR (UFC 38) la somme de 50.000 Francs (cinquante mille francs) à titre de dommages et intérêts.
VI ORDONNE la publication du présent jugement dans le Dauphiné Libéré aux frais de la société ESPACE CHABERT DUVAL dans la limite de 10.000 Francs (dix mille francs) pour les frais d'insertion.
VII ORDONNE l'exécution provisoire du jugement
VIII CONDAMNE la société ESPACE CHABERT DUVAL à payer également aux époux X. une somme de 10.000 Francs (dix mille francs) et à l'UFC 38 celle de 12.000 Francs (douze mille francs) en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ainsi qu'aux dépens.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
AM CHAMBRON R. PARIS
- 5735 - Code de la consommation - Régime de la protection - Consommateur - Effets - Suppression de la clause - Nature - Clause nulle
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