CEntre de Recherche sur les CLauses ABusives
Résultats de la recherche

TGI PARIS (1re ch. 1re sect.), 8 octobre 1996

Nature : Décision
Titre : TGI PARIS (1re ch. 1re sect.), 8 octobre 1996
Pays : France
Juridiction : TGI Paris. 1re ch. sect. 1
Demande : 15827/95
Date : 8/10/1996
Nature de la décision : Admission
Date de la demande : 29/06/1995
Décision antérieure : CA PARIS (1re ch. sect. B), 7 mai 1998
Imprimer ce document

 

CERCLAB - DOCUMENT N° 426

TGI PARIS (1re ch. 1re sect.), 8 octobre 1996 : RG n° 15827/95

(sur appel CA Paris (1re ch. B), 7 mai 1998 : RG n° 96/86626)

 

Extrait : 1/ « Mais attendu qu'il résulte des pièces versées aux débats que le contrat de location saisonnière est signé entre le locataire et IMMOVAC qui est également le rédacteur des conditions générales de location ; que le propriétaire des lieux loués n'est destinataire que d'un avis de location, l'accord définitif étant donné par IMMOVAC ; Attendu qu'IMMOVAC ne conteste pas sa qualité de professionnel de l'immobilier, et plus particulièrement de la location saisonnière ; que l'article L. 132-1 du Code de la consommation est donc bien applicable en l'espèce ; Attendu par ailleurs que, pour assurer une protection efficace contre les clauses abusives figurant dans des documents contractuels établis par des professionnels, le législateur a permis aux associations assurant la défense des consommateurs d'exercer une action collective pour demander leur élimination de façon préventive et généralisée, indépendamment de toute action individuelle d'un consommateur, et de la signature effective d'un tel contrat ».

2/ « qu'il est constant que les contrats visés par l'UFC ont été utilisés au moins jusqu'en juillet 1995, et que rien ne garantit qu'ils ne puissent l'être encore, en l'absence de toute mention de date d'édition ».

3/ « Attendu que la clause permettant à IMMOVAC de modifier le séjour « du fait de circonstances extérieures » sans qu'il soit nécessaire que celles-ci présentent le caractère imprévisible et irrésistible de la force majeure autorisent en réalité le loueur à modifier unilatéralement l'objet même du contrat au détriment du locataire ; Qu'il en est de même pour la clause autorisant IMMOVAC à faire varier les modalités de couchage ;

Attendu que la clause imposant au client un délai de 24 heures pour dénoncer les anomalies est excessive, même au regard de la brièveté de la location, et rend plus difficile pour le locataire la mise en œuvre des garanties dont est tenu le loueur ;

Attendu qu'il paraît de même manifestement excessif de reporter au prochain jour ouvrable à 9 h., la prise de possession des lieux par le locataire qui ne se serait pas présenté au jour prévu pour son arrivée avant 18 h 30, d'autant que de nombreux séjours se déroulent du samedi au samedi ; qu'une telle clause est incompatible avec les aléas du voyage auxquels est immanquablement soumis le vacancier, notamment en période hivernale, et dont il ne peut deviner les effets 48 heures à l'avance ;

Qu'elle peut l'exposer à des graves difficultés qui excèdent manifestement les aménagements ponctuels et saisonniers que le loueur peut être tenu d'apporter dans l'organisation de son établissement et crée un déséquilibre excessif aux dépens du consommateur ;

Que le fait qu'une possibilité d'accueil tardif soit offerte par IMMOVAC (moyennant paiement d'un dépassement horaire) ne suffit pas à valider cette clause dès lors que cette faculté est laissée à l'appréciation discrétionnaire du responsable de l'accueil ».

 

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE PARIS

PREMIÈRE CHAMBRE - SECTION 1

JUGEMENT DU 8 OCTOBRE 1996

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION                                       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

RP 5457. R.G. n° 15827/95. Assignation du 29 juin 1995.

 

DEMANDERESSE :

L'UNION FEDERALE DES CONSOMMATEURS - UFC QUE CHOISIR

dont le siège est à [adresse], représentée par : Maître Luc BIHL et M.H. ANTONINI, avocats - R 2130.

 

DÉFENDEUR :

Monsieur X., exerçant l'activité commerciale de gestion immobilière sous l'enseigne « IMMOVAC »

domicilié à PARIS [adresse], représenté par : Maître Claude LATRILLE, avocat - R 1920.

[minute page 2]

COMPOSITION DU TRIBUNAL : Magistrats ayant délibéré : Madame TAILLANDIER, Président, Monsieur SCHNEIDER, Juge, Madame NESI, Juge.

GREFFIER : Madame BAYARD.

DÉBATS : à l'audience du 3 septembre 1996, tenue publiquement.

JUGEMENT : prononcé en audience publique, contradictoire, susceptible d'appel.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                                                          (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Le 1er juillet 1994, la Commission des Clauses Abusives a publié une recommandation, demandant qu'un certain nombre de clauses créant un déséquilibre significatif aux dépens des consommateurs soient éliminées des contrats de location saisonnière.

L'Union Fédérale des Consommateurs (UFC) QUE CHOISIR, soucieuse de vérifier, en application de l'article L. 421-6 [N.B. minute originale : L. 421-6] du Code de la consommation, que les professionnels s'étaient mis en conformité avec cette recommandation, a demandé en janvier 1995 à IMMOVAC de lui fournir un exemplaire du contrat [minute page 3] de location proposé à ses clients.

Estimant qu'il y figurait cinq clauses abusives, l'UFC QUE CHOISIR, par acte d'huissier du 29 juin 1995, a assigné IMMOVAC Paris devant ce Tribunal sur le fondement de l'article L. 132-1 du Code de la consommation, afin de voir ordonner leur suppression dans le mois de la signification du jugement à intervenir, sous astreinte de 500 francs par infraction et. a également sollicité 30.000 francs de dommages-intérêts en réparation du préjudice collectif subi par les consommateurs, outre 20.000 francs en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, et ce, avec exécution provisoire.

Le 26 mars 1996, Monsieur X., qui exerce l'activité de gestion immobilière, location (et en particulier locations saisonnières de vacances) et syndic de copropriété sous l'enseigne IMMOVAC, a soulevé tout d'abord l'irrecevabilité des demandes de l'UFC au motif que les contrats litigieux concerneraient des loueurs non professionnels et que l'UFC ne pouvait valablement diligenter une procédure sur la base de simples projets, en l'absence de tout contrat effectivement conclu.

Au fond il a demandé le débouté des demandes, estimant qu'il n'existait, dans les formulaires IMMOVAC édités en 1992 et utilisés en 1994, aucune clause qui puisse être jugée abusive au sens de la législation en vigueur à cette date.

Reconventionnellement, il a sollicité 100.000 francs de dommages-intérêts pour procédure abusive et allégations mensongères et préjudiciables, ainsi que 20.000 francs en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. Enfin, [minute page 4] il a demandé une publication des motifs et chefs de la décision qui lui seraient favorables, ainsi que l'exécution provisoire du jugement à intervenir.

Le 16 avril 1996, l'UFC QUE CHOISIR a maintenu ses demandes et conclu au rejet des prétentions reconventionnelles présentées par le défendeur.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                                                 (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Attendu que lors de l'audience de plaidoiries du 3 septembre 1996, l'UFC QUE CHOISIR a expressément renoncé à se prévaloir du caractère abusif de la clause attributive de juridiction figurant dans les contrats proposés par IMMOVAC ; qu'il convient de lui en donner acte ;

 

I - SUR LES MOYENS D'IRRECEVABILITÉ :

Attendu que l'UFC QUE CHOISIR fondant sa demande sur l'article L. 132-1 du Code de la consommation, Monsieur X. soutient que s'il a bien la qualité de professionnel de l'immobilier, les clauses contestées par la demanderesse sont extraites de contrats dans lesquels les locaux loués appartiennent à des particuliers ; qu'il considère en conséquence que la demanderesse est irrecevable à demander l'application de la loi sur la protection des consommateurs ;

Qu'il fait de surcroît valoir qu'en application de l'article L. 132-1 alinéa 4 du même Code, cette disposition légale précitée ne peut concerner que des contrats [minute page 5] effectivement conclus avec des consommateurs, et non de simples projets ;

Mais attendu qu'il résulte des pièces versées aux débats que le contrat de location saisonnière est signé entre le locataire et IMMOVAC qui est également le rédacteur des conditions générales de location ; que le propriétaire des lieux loués n'est destinataire que d'un avis de location, l'accord définitif étant donné par IMMOVAC ;

Attendu qu'IMMOVAC ne conteste pas sa qualité de professionnel de l'immobilier, et plus particulièrement de la location saisonnière ; que l'article L. 132-1 du Code de la consommation est donc bien applicable en l'espèce ;

Attendu par ailleurs que, pour assurer une protection efficace contre les clauses abusives figurant dans des documents contractuels établis par des professionnels, le législateur a permis aux associations assurant la défense des consommateurs d'exercer une action collective pour demander leur élimination de façon préventive et généralisée, indépendamment de toute action individuelle d'un consommateur, et de la signature effective d'un tel contrat ;

Que l'action de l'UFC QUE CHOISIR doit donc être déclarée recevable, l'article L.421-6 du Code de la consommation disposant que « les associations mentionnées à l'article L.421-1 peuvent demander à la juridiction civile d'ordonner, le cas échéant sous astreinte, la suppression de clauses abusives dans les modèles de convention habituellement proposés par les professionnels aux consommateurs et dans ceux destinés aux consommateurs et proposés par les organisations professionnelles à leurs membres » ;

[minute page 6]

II - SUR LE FOND DU LITIGE :

Attendu que l'UFC QUE CHOISIR demande la suppression des clauses suivantes :

1° - « Dans le cas où le séjour réservé par le client devrait être modifié par IMMOVAC du fait de circonstances extérieures, cette dernière s'efforcera de proposer au client un séjour de remplacement présentant les caractéristiques les plus semblables possibles au séjour initialement réservé. Le client pourra dans un délai de 7 jours, soit annuler la réservation (sans frais) soit accepter le séjour modifié » ;

2° - « Le locataire dispose de 24 h. pour dénoncer les anomalies à l'exception de l'état de propreté qui doit être signalé et contrôlé sur le champ » ;

3° - « tout retard après 18 h. 30 aurait pour conséquence le report de la prise de possession au prochain jour ouvrable à 9 h » ;

4° - « pour ce qui est du couchage, il peut varier en plus ou en moins » ;

Qu'elle estime que ces clauses qui sont imposées au consommateur par un abus de puissance économique du professionnel créent au détriment du premier un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat ;

Qu'elle invoque au soutien de sa demande la recommandation n° 94-04 émise le 1er juillet 1994 par la Commission des clauses abusives, concernant les contrats de locations saisonnières ;

Qu'elle reproche à IMMOVAC [minute page 7] de maintenir de telles clauses dans ses contrats plusieurs mois après la publication de cette recommandation et de causer ainsi un préjudice collectif certain aux consommateurs ;

Attendu que Monsieur X. réplique en faisant valoir que le contrat sur lequel agit la demanderesse et qu'elle a obtenu en janvier 1995 a été conçu et imprimé en 1994, au vu des informations communiquées à cette époque par la FNAIM ; qu'il ne peut donc être apprécié qu'au regard de la loi du 10 juillet 1978 ;

Que suite à la loi du 1er février 1995 prise dans le cadre de l'harmonisation des dispositions communautaires et intégrant dans la droit français la directive européenne du 5 avril 1993, il a modifié son contrat type qui dorénavant ne comporterait plus les dispositions incriminées par l'UFC et serait parfaitement conforme à la législation en vigueur ; qu'il a informé la demanderesse, par courrier du 26 juin 1995 des modifications qu'il prévoyait d'apporter aux documents contractuels et publicitaires qui seraient édités pour l'année 1996 ;

Qu'il considère en conséquence que l'UFC QUE CHOISIR qui n'a pas tenu compte des impératifs techniques auxquels était soumise son entreprise et qui a engagé cette procédure alors que les clauses critiquées ne sauraient être qualifiées d'abusives au regard de la loi du 10 juillet 1978, a agi de façon injustifiée, sans se soucier de l'atteinte ainsi portée à se réputation ;

Mais attendu qu'il importe de souligner tout d'abord que les documents contractuels proposés par ce professionnel de la location saisonnière, dont les clauses ne peuvent pas être discutées par les locataires [minute page 8] et qui constituent de véritables contrats d'adhésion proposés aux consommateurs ne comportent aucune indication permettant de connaître la date à laquelle ils ont été établis ;

Qu'il ressort de surcroît des pièces du dossier que dès le 8 février 1995 le défendeur avait été informé par « Plénière Location de Vacances » de la nécessité d'adapter ses contrats aux exigences de la loi du 1er février 1995 ; que cet organisme reprenait dans l'intégralité les types de clauses abusives visées par le législateur en annexe au texte de loi, qui correspondent également à celles stigmatisées par la Commission des clauses abusives dans sa recommandation du 1er juillet 1994 ;

Que néanmoins, dans la lettre adressée la 26 juin 1995, IMMOVAC, tout en tentant de le justifier par des nécessités pratiques, reconnaissait qu'elle n'avait toujours pas mis ses contrats en conformité ni avec les recommandations précitées, ni avec la loi nouvelle applicable, si bien qu'il est constant que les contrats visés par l'UFC ont été utilisés au moins jusqu'en juillet 1995, et que rien ne garantit qu'ils ne puissent l'être encore, en l'absence de toute mention de date d'édition ;

Que l'action engagée par QUE CHOISIR le 29 juin 1995 était donc dénuée de tout caractère abusif ;

Attendu que les clauses litigieuses qui étaient toujours imposées aux locataires à cette époque doivent être appréciés au regard de l'article L. 132-1 du Code de la consommation dans sa rédaction du 1er février 1995 ;

Attendu que la clause [minute page 9] permettant à IMMOVAC de modifier le séjour « du fait de circonstances extérieures » sans qu'il soit nécessaire que celles-ci présentent le caractère imprévisible et irrésistible de la force majeure autorisent en réalité le loueur à modifier unilatéralement l'objet même du contrat au détriment du locataire ;

Qu'il en est de même pour la clause autorisant IMMOVAC à faire varier les modalités de couchage ;

Attendu que la clause imposant au client un délai de 24 heures pour dénoncer les anomalies est excessive, même au regard de la brièveté de la location, et rend plus difficile pour le locataire la mise en œuvre des garanties dont est tenu le loueur ;

Attendu qu'il paraît de même manifestement excessif de reporter au prochain jour ouvrable à 9 h., la prise de possession des lieux par le locataire qui ne se serait pas présenté au jour prévu pour son arrivée avant 18 h 30, d'autant que de nombreux séjours se déroulent du samedi au samedi ; qu'une telle clause est incompatible avec les aléas du voyage auxquels est immanquablement soumis le vacancier, notamment en période hivernale, et dont il ne peut deviner les effets 48 heures à l'avance ;

Qu'elle peut l'exposer à des graves difficultés qui excèdent manifestement les aménagements ponctuels et saisonniers que le loueur peut être tenu d'apporter dans l'organisation de son établissement et crée un déséquilibre excessif aux dépens du consommateur ;

Que le fait qu'une possibilité d'accueil tardif soit offerte par IMMOVAC (moyennant paiement d'un dépassement horaire)  [minute page 10] ne suffit pas à valider cette clause dès lors que cette faculté est laissée à l'appréciation discrétionnaire du responsable de l'accueil ;

Qu'il convient en conséquence d'ordonner la suppression de ces clauses, sans qu'il paraisse nécessaire d'assortir la présente décision d'une mesure d'astreinte, mais avec exécution provisoire de ce chef, compte tenu de la nature de l'affaire ;

Attendu qu'en persistant à proposer à sa clientèle, en parfaite connaissance de cause, des contrats qu'elle savait non conformes aux préconisations de la commission, puis à la loi elle-même, IMMOVAC a causé un préjudice certain à l'ensemble des consommateurs qui sera réparé par l'allocation d'une somme de 15.000 francs à titre de dommages intérêts, celle-ci tenant compte de la mise en conformité partielle à laquelle le défendeur semble avoir procédé depuis lors ;

Attendu qu'il sera fait application des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile au bénéfice de la demanderesse, à hauteur de 10.000 francs ;

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                                                            (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL,

Constate que l'UFC QUE CHOISIR renonce à sa demande portant sur la clause attributive de compétence ;

La déclare recevable en ses autres demandes ;

Ordonne à Monsieur X. [minute page 11] exerçant sous l'enseigne IMMOVAC de procéder, dans le mois de la signification du jugement à intervenir, à la suppression de toutes les clauses abusives visées dans l'assignation introductive d'instance (à l'exception de la clause attributive de juridiction) qui figurent dans les contrats de location saisonnière proposés aux consommateurs, avec exécution provisoire de ce chef ;

Condamne Monsieur X. à payer à l'UFC QUE CHOISIR QUINZE MILLE francs (15.000) à titre de dommages-intérêts et DIX MILLE francs (10.000) en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

Rejette toute autre demande ;

Condamne le défendeur aux dépens et admet Maître Luc BIHL, avocat, au bénéfice des dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Fait et jugé à PARIS, le 8 octobre 1996.

 

Est cité par :