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TGI GRENOBLE (4e ch. civ.), 29 septembre 1997

Nature : Décision
Titre : TGI GRENOBLE (4e ch. civ.), 29 septembre 1997
Pays : France
Juridiction : Grenoble (TGI)
Demande : 95/05045
Date : 29/09/1997
Nature de la décision : Admission
Mode de publication : Site Com. cl. abusives (CCA)
Décision antérieure : CA GRENOBLE (1re ch. civ.), 23 novembre 1999
Numéro de la décision : 254
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CERCLAB - DOCUMENT N° 3156

TGI GRENOBLE (4e ch. civ.), 29 septembre 1997 : RG n° 95/05045 ; jugement n° 254

Publication : site CCAB

 

Extraits : 1/ « Force est de constater que dans sa rédaction primitive, cette disposition était illicite en ce qu'elle tendait à instituer ipso facto, une solidarité entre le signataire de la commande et son conjoint ou son concubin... »

2/ « Ayant un objet purement matériel - une fiche technique d'identification informatique - cette disposition ne fait pas grief. […] Il est de même de celle-ci qui concerne un récapitulatif informatique de commande

3/ « Cette disposition, banale, n'apparaît pas abusive dans la mesure où on peut prévoir contractuellement une « indemnité d'annulation » en cas de défaillance fautive d'une des parties à remplir son obligation, ainsi qu'il en figure dans de nombreux autres contrats, notamment de prestation de services. »

4/ « Cette disposition tend à faire peser sur le client le risque d'une livraison matériellement délicate - par une fenêtre - lorsque celui-ci n'a pas signalé par avance et par écrit l'existence de la difficulté. Une telle disposition n'apparaît pas manifestement abusive. »

5/ « Cet article qui énonce que les sommes versées d'avance ne produisent pas intérêts même après 3 mois, est contraire à l'article L. 131-1 du Code de la Consommation. En effet, eu égard à la nature des produits vendus - qui ne sont pas des meubles d'ébénisterie à la durée de fabrication incertaine dont, corrélativement, la valeur rend sans objet la question de l'immobilisation d'un acompte pendant plus de trois mois avant la livraison - les sociétés défenderesses ne sauraient prétendre se soustraire à l'application de cette disposition législative. »

6/ « La stipulation selon laquelle le délai indiqué de livraison d'une commande d'un montant inférieur à 3.000,00 Francs peut être prorogé, n'est pas manifestement excessive dans la mesure où ce report doit être « raisonnable » et « proportionné » au délai initialement prévu, par référence à l'interprétation de l'article 1610 du Code Civil en cas d'absence d'indication de délai. »

7/ « Là encore il s'agit de l'exécution de bonne foi des conventions. Inspirée sans doute par le souci de se prémunir contre la désinvolture de certains acquéreurs, cette disposition relative au jour de la livraison n'institue pas de déséquilibre dans le contrat, la date convenue pouvant toujours être repoussée en cas d'empêchement légitime du client. (Cf. la référence à l’ « absence non motivée ») » .

8/ « Cette clause qui limite au moment de l'enlèvement de la marchandise par l'acquéreur ou de sa livraison par le vendeur celui dans lequel les réclamations et les réserves concernant les défauts apparents doivent être formulés n'apparaît pas abusive, s'agissant de défauts apparents au moment de la réception et « dont l'acheteur a pu se convaincre lui-même... » (cf. article 1642 du Code Civil) »

 

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE GRENOBLE

QUATRIÈME CHAMBRE CIVILE

JUGEMENT DU 29 SEPTEMBRE 1997

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION                                      (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 95/05045. Jugement n° 254.

 

ENTRE :

DEMANDEUR :

ASSOCIATION UNION FÉDÉRALE DES CONSOMMATEUR DE L'ISÈRE (UFC 38)

dont le siège social est situé [adresse], Représentée par sa Présidente Madame X., Représentée par la SCP BRASSEUR CHAPUIS, avocats associés inscrits au Barreau de GRENOBLE et plaidant par Maître BRASSEUR, D'UNE PART

 

ET :

DÉFENDEUR :

- SARL JFM HABITAT

dont le siège social est situé [adresse], Représentée par sa Gérante, Madame Y., Représentée et plaidant par Maître BENHAMOU, avocat inscrit au Barreau de GRENOBLE

- SA PLUS INTERNATIONAL

dont le siège social est situé [adresse], Représentée par Maître CHAPUIS ALAIN, avocat inscrit au Barreau de GRENOBLE et plaidant par Maître LARAIZE, D’AUTRE PART

[minute page 2]

A l'audience publique du 9 juin 1997 tenue par M. Denys COMTE-BELLOT, Juge, assisté de Mme Françoise DESLANDE-LAMAZE, Greffier, les conseils des parties ayant renoncé au bénéfice des dispositions de l'article 804 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Après avoir entendu les avocats en leur plaidoirie, l'affaire a été mise en délibéré, et le prononcé de la décision renvoyée au 29 septembre 1997, date à laquelle il a été statué en ces termes :

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                                                         (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Faisant valoir que 12 des clauses du contrat-type de vente de cuisines intégrées usité par la SA PLUS INTERNATIONAL, dont le siège est à [ville], et par son franchisé local, la SARL JMF HABITAT dont le siège est à [ville], présenteraient un caractère abusif et placeraient le consommateur virtuel en état d'infériorité, l'UNION FÉDÉRALE DES CONSOMMATEURS DE L'ISÈRE - « UFC 38 » - demande au Tribunal :

* d'ordonner que ces dispositions léonines disparaissent des contrats proposés à l'adhésion de la clientèle,

* de condamner solidairement ces deux sociétés à leur payer une somme de 50.000,00 Francs de dommages et intérêts outre une indemnité de 9.500,00 Francs en application des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,

* d'ordonner aux frais de celles-ci et à concurrence de 10.000,00 Francs par insertion la publication du dispositif du jugement dans quatre journaux locaux.

L'UFC 38 demande en outre au Tribunal d'ordonner l'exécution provisoire du jugement à intervenir.

La société PLUS INTERNATIONAL conteste qu'aucune des dispositions incriminées soient abusive et précise avoir, depuis l'assignation, fait modifier le libellé de certaines d'entre elles et fait procéder à l'impression de nouveaux contrat-type qu'elle utilise depuis un an et qui sont de nature à donner tout apaisement à l'UFC 38.

Regrettant que l'UFC 38 n'ait pas cru devoir former une démarche amiable avant de saisir le Tribunal, faisant observer qu'en réalité cette procédure est plus abusive que ne le sont les dispositions incriminées... la société PLUS INTERNATIONAL sollicite reconventionnellement la condamnation de celle-ci à leur payer :

* une indemnité de 50.000,00 Francs pour procédure abusive,

* une indemnité de 50 000,00 Francs au titre de son préjudice moral,

* [minute page 3] une indemnité de 15.000,00 Francs en application des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Faisant valoir qu'elle n'est que le franchisé de la SA PLUS INTERNATIONAL - dont elle déclare au demeurant adopter l'argumentation - la SARL JFM HABITAT sollicite reconventionnellement, elle aussi, la condamnation de l'Association UFC 38 à leur payer une indemnité de 10.000,00 Francs en réparation du préjudice que leur cause la présente procédure outre une indemnité en application des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Elle demande subsidiairement d'être garantie par son franchiseur.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                                                 (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

DÉCISION :

Il y a lieu d'examiner l'une après l'autre les clauses litigieuses du contrat offert sous l'enseigne CUISINES PLUS à l'adhésion de la clientèle par les sociétés défenderesses.

 

Article 1-5 du contrat

Force est de constater que dans sa rédaction primitive, cette disposition était illicite en ce qu'elle tendait à instituer ipso facto, une solidarité entre le signataire de la commande et son conjoint ou son concubin...

La disposition a été modifiée dans un sens plus conforme à l'article 220 du Code Civil.

Toutefois son énoncé primitif révélait une prétention exorbitante, faisant bon marché de l'effet relatif des contrats, qu'il importe de dénoncer, même si son application était vouée à l'échec en cas de procès. On peut néanmoins escompter qu'en l'absence de procédure cette irrégularité eût perduré.

 

Article 1-6

Ayant un objet purement matériel - une fiche technique d'identification informatique - cette disposition ne fait pas grief.

 

Article 1-7

Il est de même de celle-ci qui concerne un récapitulatif informatique de commande.

 

Article 2-3

Cette disposition applicable en cas d'inexécution par le client de ses obligations ne met pas en cause l'équilibre contractuel.

[minute page 4]

Article 2-4

Cette disposition, banale, n'apparaît pas abusive dans la mesure où on peut prévoir contractuellement une « indemnité d'annulation » en cas de défaillance fautive d'une des parties à remplir son obligation, ainsi qu'il en figure dans de nombreux autres contrats, notamment de prestation de services.

 

Article 3-2

Cette disposition tend à faire peser sur le client le risque d'une livraison matériellement délicate - par une fenêtre - lorsque celui-ci n'a pas signalé par avance et par écrit l'existence de la difficulté.

Une telle disposition n'apparaît pas manifestement abusive.

 

Article 4-2

Cet article qui énonce que les sommes versées d'avance ne produisent pas intérêts même après 3 mois, est contraire à l'article L. 131-1 du Code de la Consommation.

En effet, eu égard à la nature des produits vendus - qui ne sont pas des meubles d'ébénisterie à la durée de fabrication incertaine dont, corrélativement, la valeur rend sans objet la question de l'immobilisation d'un acompte pendant plus de trois mois avant la livraison - les sociétés défenderesses ne sauraient prétendre se soustraire à l'application de cette disposition législative.

La suppression de cette clause qui est demeurée telle quelle dans la nouvelle rédaction du contrat-type doit être ordonnée sous astreinte.

 

Article 4-12

Cette disposition relative au refus abusif opposé par le client de prendre livraison de sa cuisine a été remplacée dans la dernière rédaction du contrat-type par l'article 4-13.

En effet, la société PLUS INTERNATIONAL a renoncé à cette exigence, exorbitante, qui, prenant en considération une délivrance fictive de la marchandise, tendait à obtenir que le prix lui en soit néanmoins payé directement par le prêteur comme si la livraison avait effectivement eu lieu.

Cette disposition qui était de nature à faire particulièrement grief au consommateur doit être rétrospectivement condamnée.

Il est permis en réalité de relever que le dernier libellé de la disposition litigieuse, en forme de clause de style (« ...tirer toutes conséquences juridiques dès mise en demeure non suivie d'effet... ») qui traduit le recul de la société INTERNATIONAL PLUS, constitue l'aveu de l'excès dont elle avait fait preuve dans la rédaction primitive de cet article.

[minute page 5] Il est permis de penser, là encore, que si l'UFC 38 n'avait pas agi, cette disposition outrancière se fût perpétuée dans contrats « CUISINES PLUS ».

 

Article 5-3

Applicables en cas de « reports successifs de livraison » et supposant l'inexécution par l'acquéreur de ses obligations, cette disposition n'apparaît pas entachée d'abus.

 

Article 6-1

La stipulation selon laquelle le délai indiqué de livraison d'une commande d'un montant inférieur à 3.000,00 Francs peut être prorogé, n'est pas manifestement excessive dans la mesure où ce report doit être « raisonnable » et « proportionné » au délai initialement prévu, par référence à l'interprétation de l'article 1610 du Code Civil en cas d'absence d'indication de délai.

 

Article 7-2

Là encore il s'agit de l'exécution de bonne foi des conventions.

Inspirée sans doute par le souci de se prémunir contre la désinvolture de certains acquéreurs, cette disposition relative au jour de la livraison n'institue pas de déséquilibre dans le contrat, la date convenue pouvant toujours être repoussée en cas d'empêchement légitime du client. (Cf. la référence à l’ « absence non motivée »)

 

Article 7-4

Cette clause qui limite au moment de l'enlèvement de la marchandise par l'acquéreur ou de sa livraison par le vendeur celui dans lequel les réclamations et les réserves concernant les défauts apparents doivent être formulés n'apparaît pas abusive, s'agissant de défauts apparents au moment de la réception et « dont l'acheteur a pu se convaincre lui-même... » (cf. article 1642 du Code Civil)

En définitive sur les 12 irrégularités dénoncées, le Tribunal en a retenu trois, affectant les articles 1-5, 4-12 et 4-2.

Si les deux premiers ont été purgés de leur caractère abusif en cours de procédure, la Société INTERNATIONAL PLUS a cru devoir maintenir tel quel l'article 4-2 quoiqu'elle le sût contesté.

Il convient d'ordonner la suppression de cette clause du contrat CUISINES PLUS.

On ne peut, dans ces conditions, que constater, combien l'action de l'UFC 38, qui n'était pas tenue de rechercher au préalable une solution amiable, était utile et justifiée au regard des dispositions de l'article L. 421-6 du Code de la Consommation.

[minute page 6] Compte tenu de ces éléments il convient de condamner solidairement la Société PLUS INTERNATIONAL et la Société JFM HABITAT à payer à l'UFC 38 une indemnité de 30.000,00 Francs outre une somme de 6.000,00 Francs en application des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, la Société PLUS INTERNATIONAL, garantissant son franchisé, supportera la charge définitive de ces indemnités.

Il convient en outre d'ordonner la publication du dispositif du jugement à la diligence de l'UFC 38 dans les journaux « LE DAUPHINE LIBERE » et « LES PETITES AFFICHES DU DAUPHINE » sans que le coût de chaque insertion, dont la Société PLUS INTERNATIONAL supportera la charge, puisse excéder 7.000,00 Francs,

Il y a lieu d'ordonner l'exécution provisoire du jugement conformément à la demande.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                                                            (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

Le Tribunal, statuant publiquement, contradictoirement et en premier ressort,

- CONSTATE que le contrat « CUISINES PLUS » élaboré par la Société PLUS INTERNATIONAL comportait dans ses articles 1-5, 4-2 et 4-12 des clauses abusives de nature à porter préjudice aux intérêts des consommateurs.

- CONSTATE que si les clauses abusives contenues dans les articles 1-5 et 4-12 ont disparu du contrat-type actuel, l'article 4-2 subsiste dans toute son irrégularité.

- ORDONNE la suppression de cet article 4-2 du contrat-type CUISINES PLUS dans le délai d'un mois du présent jugement à peine d'une astreinte de 500 Francs par jour de retard ou par infraction constaté.

- CONDAMNE solidairement les sociétés PLUS INTERNATIONAL et JFM HABITAT à payer à l'Association UFC 38 :

* une somme de 30.000,00 Francs (trente mille francs) de dommages et intérêts,

* une indemnité de 6.000,00 Francs (six mille francs) en application des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

- DIT que la Société PLUS INTERNATIONAL supportera la charge définitive des indemnités.

- ORDONNE la publication du présent dispositif à la diligence de l'UFC 38 dans les journaux « LE DAUPHINÉ LIBÉRÉ » et « LES PETITES ANNONCES DU DAUPHINÉ » sans que le coût de chaque insertion, qui sera supporté par la société PLUS INTERNATIONAL, puisse excéder 7.000,00 Francs (sept mille francs).

- [minute page 7] ORDONNE l'exécution provisoire du jugement.

- CONDAMNE les Sociétés PLUS INTERNATIONAL et JFM HABITAT aux dépens.

- DIT qu'ils seront recouvrés, en cas de besoin, conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile, au profit de Maître BRASSEUR.

LE GREFFIER                                 LE JUGE

F. DESLANDE-LAMAZE               D. COMPTE-BELLOT

 

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