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CA DIJON (1re ch. 1er sect.), 30 mars 1993

Nature : Décision
Titre : CA DIJON (1re ch. 1er sect.), 30 mars 1993
Pays : France
Juridiction : Dijon (CA), 1re ch. sect.1
Demande : 00000924/92
Date : 30/03/1993
Nature de la décision : Confirmation
Décision antérieure : TGI DIJON (1re ch. civ.), 25 novembre 1991
Numéro de la décision : 556
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CERCLAB/CRDP - DOCUMENT N° 616

CA DIJON (1re ch. 1re sect.), 30 mars 1993 : RG n° 00000924/92 ; arrêt n° 55­6

 

Extraits : 1/ « Attendu que les documents versés aux débats ne démontrent pas, contrairement à ce que soutient l'UFC, qu'il soit matériellement impossible pour le consommateur de voir les conditions générales de vente de Home Salons avant de signer le bon de commande ; qu'il suffit apparemment soit de tourner la première page, soit de retourner toute la liasse ; Attendu que l'UFC se réfère à tort à la Commission des clauses abusives qui, le 26 novembre 1980, a recommandé que les contrats d'achat d'objets d'ameublement conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs soient signés en bas de chaque page comportant des obligations pour l'acheteur ; que le non-respect de cet avis n'implique pas nécessairement un abus au sens de la loi du 10 janvier 1978 ».

2/ « Attendu que dans l'exemplaire-type de contrat versé aux débats, la clause se présente sous la forme suivante : « Si pour cas de force majeure, circonstances fortuites ou par le fait d'un tiers, notre société ne pouvait exécuter la commande, la résiliation entraînerait simplement pour elle l'obligation de restituer les versements effectués, sans intérêts, ni indemnités » ; Attendu que le tribunal a considéré à bon droit que ces dispositions étaient abusives comme ne respectant pas l'équilibre contractuel ; que la Cour ne peut qu'approuver les motifs pertinents par lesquels il s'est déterminé ».

3/ « Attendu que dans la rédaction de l'assignation de l'UFC, reproduite au début du présent arrêt, cette clause ne figure pas dans le contrat-type produit aux débats ; que la demande de l'UFC sur ce point ne peut donc être que rejetée ».

4/ « Attendu que le tribunal a estimé à juste titre que ces dispositions étaient abusives ; que, compte tenu de la gravité de la sanction, le délai de trois jours est en effet trop bref pour permettre au consommateur moyen, qui peut avoir des difficultés à s'exprimer par écrit, de prendre une décision suffisamment mûrie, de rédiger sa lettre de réclamation et de procéder à l'expédition, qui exige de se déplacer dans un bureau de poste ; Attendu qu'il appartient à Home Salons de remplacer sa clause abusive par une autre qui ne le soit pas ; que la Cour n'a pas à rendre dans ce domaine une décision qui s'apparenterait à un arrêt de règlement ».

5/ « Attendu que cette clause désigne comme juridiction compétente en cas de litige le tribunal de commerce du lieu de la prise de commande ; qu'elle comporte cependant une seconde phrase ainsi conçue : « Le présent article n'est cependant pas applicable à l'égard de l'acheteur non commerçant » ; Attendu que la société Home Salons fait valoir à bon droit que l'on ne saurait considérer comme abusives des dispositions qui ne font que reprendre en termes clairs des stipulations légales ; que le texte est en effet rédigé et présenté de façon telle qu'il ne peut induire en erreur un consommateur moyen, normalement vigilant, qui entreprendrait de le lire ».

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE DIJON

PREMIÈRE CHAMBRE PREMIÈRE SECTION

ARRÊT DU 30 MARS 1993

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION                                      (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 00000924/92. Arrêt n° 556.

 

PARTIES EN CAUSE :

APPELANTES :

- La Société SA HOME SALONS FRANCE

Dont le siège social est situé [adresse], Appelante, Représentée par la SCP ANDRE-GILLIS, avoué, Assistée de Maître FEDER, avocat, au Barreau de Paris,

- La Société K.R.

Ayant son siège « Home Salons » Centre Commercial Mammouth [adresse], Appelante, Représentée par la SCP ANDRE-GILLIS, avoué, Assistée de Maître FEDER, avocat, au Barreau de Paris,

ET

INTIMÉE :

L'UNION FÉDÉRALE DES CONSOMMATEURS (UFC QUE CHOISIR)

Dont le siège social est situé [adresse], Intimée, Représentée par Maître GERBAY, avoué, Assistée de Maître BIHL, avocat, au Barreau de Paris,

[minute page 2]

COMPOSITION DE LA COUR :

Président : Monsieur RUYSSEN, Président de Chambre.

Conseillers : Monsieur KERRAUDREN ; Madame SARRAZIN-MARCELOT.

lors des débats et du délibéré.

Greffier : Madame PIANETTI, greffier.

DÉBATS : audience publique du 9 mars 1993

ARRÊT rendu contradictoirement, Prononcé à l'audience publique de la Cour d'appel de DIJON, le 30 mars 1993, par Monsieur RUYSSEN, Président de Chambre, qui a signé l'arrêt avec le greffier.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                                                         (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

EXPOSÉ DE L’AFFAIRE :

L'Union fédérale des consommateurs (UFC) a saisi le tribunal de grande instance de Dijon d'une action tendant à ce que soit déclarées illégales et abusives d'une part la présentation des conditions générales de vente de la société K.R., d'autre part les clauses suivantes :

1°) « Si la société K.R. ne peut exécuter la commande pour cas de force majeure, ou fait d'un tiers, la résiliation entraînera seulement la restitution des sommes versées, sans intérêts ni indemnités » ;

2°) « La vente ne pourra être résiliée que 90 jours après une mise en demeure faite après la date de livraison précise ; la résiliation entraîne seulement la restitution des sommes versées sans intérêts » ;

3°) « En cas de non conformité et défaut de fabrication, l'acheteur doit formuler sa réclamation dans les 3 jours ; passé ce délai, aucune réclamation ne sera admise »,

4°) « En cas de litige, attribution exclusive de compétence aux tribunaux de commerce » ;

[minute page 3]

Après intervention volontaire de la société Home Salons France, auteur du contrat-type utilisé par la société K.R., le tribunal, par jugement du 25 novembre 1991 :

- a déclaré abusives les clauses 3 et 4, et en a ordonné la suppression sous astreinte de 800 francs par infraction constatée à l'expiration d'un délai de deux mois,

- a condamné la société K.R. à payer à l'UFC la somme de 10.000 francs à titre de dommages et intérêts et celle de 3.000 francs pour frais irrépétibles,

- a rejeté toutes autres demandes, notamment celles de l'UFC relatives à la présentation générale des contrats et aux clauses 1 et 2.

 

La SA Home Salons France et la société K.R. ont fait appel de cette décision.

Dans le dernier état de leurs conclusions, elles demandent à la Cour :

- de confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté certaines prétentions de l'UFC mais de le réformer en ce qu'il a déclaré abusives les clauses 3 et 4,

- s’agissant spécialement de la clause n° 3, de dire que le délai de réclamation devra être limité à trois jours à compter de la réception, non compris les jours fériés, conformément aux conditions générales de vente du contrat-type de la Fédération nationale de l'ameublement,

- de débouter l'UFC de sa demande dommages et intérêts,

- de la condamner à lui payer 10.000 francs en vertu de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Elles soutiennent :

- qu'en signant au recto du bon de commande, qui renvoie expressément aux conditions de vente au verso, le client est totalement informé de ses droits et obligations,

- que la clause n° 1 place le non-professionnel et le consommateur dans la même situation, de sorte que l'équilibre contractuel est assuré,

- que la clause n° 2 ne figure plus dans ses bons de commande,

- que la clause n° 3 modifiée n'impose pas au consommateur un délai abusivement bref,

- [minute page 4] que la clause n° 4 ne fait que reproduire sans ambiguïté des dispositions légales.

 

L'UFC conclut à la confirmation du jugement en ce qu'il a reconnu le caractère abusif des clauses 3 et 4. Par voie d'appel incident, elle demande en outre à la Cour :

- d'ordonner la suppression sous astreinte de la clause relative à l'inexécution du contrat par le vendeur,

- de dire abusive la clause renvoyant au verso du contrat et à la présentation de celui-ci,

- de condamner les sociétés K.R. et Home Salons à lui payer 20.000 francs à titre de dommages et intérêts et 10.000 francs au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Elle fait valoir :

- que les contrats de Home Salons se présentent sous forme de liasses, de sorte qu'il est matériellement impossible au consommateur de prendre connaissance des conditions générales de vente au verso avant d'avoir signé au recto,

- que la clause n° 4 sur la compétence est une clause de dissuasion qui doit être supprimée,

- que les premiers juges ont oublié dans leur dispositif la clause permettant à Home Salons de ne pas exécuter ses obligations et de résilier son contrat sans intérêts ni indemnités, alors que ces dispositions figurent bien dans le contrat-type versé aux débats et qu'elles sont contraires à l'article 2 du décret du 24 mars 1978,

- que le délai de trois jours pour contester la conformité de la délivrance est pratiquement impossible à respecter pour un grand nombre de consommateurs,

- que les premiers juges ont sous-estimé le préjudice dont elle poursuit la réparation.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                                                 (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

DISCUSSION :

Sur la présentation générale des contrats ;

Attendu que le contrat-type de la société Home Salons utilisé par la société K.R. comporte un bon de commande au recto et les conditions générales de vente au verso ;

que l'on trouve les mentions suivantes en bas et à gauche du bon : [minute page 5]

« Fait à... le ...

BON POUR COMMANDE FERME

Suivant nos conditions de vente au verso : (...)

Le vendeur L'acheteur

Mention manuscrite : lu et approuvé »,

les mots « suivant nos conditions de vente au verso » étant en caractères gras très lisibles ;

Attendu que les documents versés aux débats ne démontrent pas, contrairement à ce que soutient l'UFC, qu'il soit matériellement impossible pour le consommateur de voir les conditions générales de vente de Home Salons avant de signer le bon de commande ; qu'il suffit apparemment soit de tourner la première page, soit de retourner toute la liasse ;

Attendu que l'UFC se réfère à tort à la Commission des clauses abusives qui, le 26 novembre 1980, a recommandé que les contrats d'achat d'objets d'ameublement conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs soient signés en bas de chaque page comportant des obligations pour l'acheteur ; que le non-respect de cet avis n'implique pas nécessairement un abus au sens de la loi du 10 janvier 1978 ;

Qu'il y a lieu, en conséquence, sur ce point, à confirmation du jugement ;

 

Sur la clause n° 1 :

Attendu que dans l'exemplaire-type de contrat versé aux débats, la clause se présente sous la forme suivante : « Si pour cas de force majeure, circonstances fortuites ou par le fait d'un tiers, notre société ne pouvait exécuter la commande, la résiliation entraînerait simplement pour elle l'obligation de restituer les versements effectués, sans intérêts, ni indemnités » ;

Attendu que le tribunal a considéré à bon droit que ces dispositions étaient abusives comme ne respectant pas l'équilibre contractuel ; que la Cour ne peut qu'approuver les motifs pertinents par lesquels il s'est déterminé ;

 

Sur la clause n° 2 :

Attendu que dans la rédaction de l'assignation de l'UFC, reproduite au début du présent arrêt, cette clause ne figure pas dans le contrat-type produit aux débats ; que la demande de l'UFC sur ce point ne peut donc être que rejetée ; [minute page 6]

 

Sur la clause n° 3 :

Attendu que le texte exact de la clause litigieuse est le suivant : « En ce qui concerne la conformité des meubles livrés avec ceux qui ont été commandés, les défauts de fabrication, l'acheteur dispose d'un délai de trois jours après celui de la livraison pour formuler sa réclamation qui doit être faite par lettre recommandée avec accusé de réception et qui doit expliciter sur quoi porte la réclamation et ses raisons. Passé ce délai aucune réclamation ne sera admise » ;

Attendu que le tribunal a estimé à juste titre que ces dispositions étaient abusives ; que, compte tenu de la gravité de la sanction, le délai de trois jours est en effet trop bref pour permettre au consommateur moyen, qui peut avoir des difficultés à s'exprimer par écrit, de prendre une décision suffisamment mûrie, de rédiger sa lettre de réclamation et de procéder à l'expédition, qui exige de se déplacer dans un bureau de poste ;

Attendu qu'il appartient à Home Salons de remplacer sa clause abusive par une autre qui ne le soit pas ; que la Cour n'a pas à rendre dans ce domaine une décision qui s'apparenterait à un arrêt de règlement ;

 

Sur la clause n° 4 :

Attendu que cette clause désigne comme juridiction compétente en cas de litige le tribunal de commerce du lieu de la prise de commande ; qu'elle comporte cependant une seconde phrase ainsi conçue : « Le présent article n'est cependant pas applicable à l'égard de l'acheteur non commerçant » ;

Attendu que la société Home Salons fait valoir à bon droit que l'on ne saurait considérer comme abusives des dispositions qui ne font que reprendre en termes clairs des stipulations légales ; que le texte est en effet rédigé et présenté de façon telle qu'il ne peut induire en erreur un consommateur moyen, normalement vigilant, qui entreprendrait de le lire ;

Qu'il y a lieu ici, à réformation :

 

Sur les dommages et intérêts et les frais :

Attendu que les premiers juges ont fait une exacte appréciation des dommages et intérêts à allouer à l'UFC ; qu'il est équitable que celle-ci obtienne une somme supplémentaire de 5.000 francs pour ses frais d'appel non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu d'appliquer l'article 700 du nouveau code de procédure civile au profit de la société Home Salons

que les condamnations seront prononcées in solidum contre l'auteur et l'utilisateur du contrat litigieux ;

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                                                            (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

[minute page 7] DÉCISION :

PAR CES MOTIFS,

La Cour,

- confirme le jugement attaqué, sauf en ce qui concerne la clause attributive de compétence et en ce qu'elle a condamné uniquement la société K.R. ;

- dit que cette clause attributive de compétence n'est pas abusive ;

- dit que les condamnations à titre de dommages et intérêts et de frais irrépétibles prononcées par les premiers juges seront supportés in solidum par la SA Home Salons France et la société K.R. ;

ajoutant au jugement ;

- condamne in solidum ces deux sociétés à payer 5.000 francs à l'Union fédérale des consommateurs pour ses frais irrépétibles d'appel ;

- les condamne de même aux dépens d'appel.

 

 

 

 

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