TGI GRENOBLE (4e ch. civ.), 17 novembre 2003
TGI GRENOBLE (4e ch. civ.), 17 novembre 2003 : RG n° 2002/04936 ; jugement n° 242
Publication : site CCAB
Extrait : « ORDONNE la suppression des clauses suivantes insérées aux conditions particulières ou aux conditions générales du contrat de séjour proposé par la SA AGIMO aux locataires des appartements des résidences gérées par cette agence à [ville], sous la dénomination « LES BALCONS DE L'OISANS », sous peine d'une astreinte de 500 euros (cinq cent euros) par jour de retard passé un délai d'un mois à compter de la signification du jugement et plus particulièrement :
- de la clause imposant le règlement intégral du solde du prix du séjour à la remise des clés à l'accueil de l'agence (conditions particulières) ;
- de la clause limitant à 24 heures le délai de présentation de toute réclamation sur l'inventaire et le matériel des lieux loués à compter de la remise des clés (première version des conditions particulières) ;
- de la clause imposant un prix de remplacement de tous les objets manquants ou détériorés suivant un inventaire type présumé accepté par le locataire ;
- de la clause fixant un délai de remboursement de la caution par courrier à dix jours si l'appartement est rendu impeccable ; (version 1 et 2 du contrat) ;
- de la clause interdisant la détention d'animaux (première version des conditions générales du contrat et de la clause imposant le versement d'un dépôt de garantie supplémentaire en cas de présence d'un animal dans un appartement (version 2) ;
- de la clause réduisant le nombre d'occupants des appartements au nombre des couchages disponibles (versions 1 et 2) ;
- de la clause fixant un coût forfaitaire pour un nettoyage complémentaire des appartements après restitution des clés (version 1 et 2) ;
- de la clause fixant une indemnité forfaitaire en cas de retard annoncé indépendamment des causes ».
TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE GRENOBLE
QUATRIÈME CHAMBRE CIVILE
JUGEMENT DU DIX-SEPT NOVEMBRE 2003
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 2002/04936. Jugement n° 242.
ENTRE :
DEMANDERESSE :
ASSOCIATION UFC QUE CHOISIR DE L'ISÈRE
dont le siège social est situé [adresse], Représentée par la SCP BRASSEUR - M'BAREK, avocats associés inscrits au Barreau de GRENOBLE et plaidant par Maître BRASSEUR, D'UNE PART
ET :
DÉFENDERESSE :
SA AGENCE DES ORGIÈRES AGIMO
dont le siège social est situé [adresse], Représentée et plaidant par Maître DAVID-COLLET Marie-Catherine, avocat inscrit au Barreau de GRENOBLE, D'AUTRE PART
LE TRIBUNAL : À l'audience publique du 22 septembre 2003, tenue par F.R. LACROIX, Vice-Président Juge Rapporteur, assisté de Mme AM CHAMBRON, Greffier, après avoir entendu les avocats en leur plaidoirie, l'affaire a été mise en délibéré, et le prononcé de la décision renvoyé au 10 novembre 2003 et prorogé au 17 novembre 2003.
[minute page 2] Sur le rapport du Juge Rapporteur, conformément aux dispositions de l'article 786 du nouveau Code de procédure civile, le Tribunal composé de : F.R. LACROIX, Vice-Président, D. COMTE-BELLOT, Juge, P.Y. MICHAU, Juge, Après en avoir délibéré, a rendu la décision dont la teneur suit :
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Procédure et prétentions des parties :
Par acte d'huissier délivré le 10 octobre 2002, l'association UNION FÉDÉRALE DES CONSOMMATEURS QUE CHOISIR DE L'ISÈRE (UFC 38) a fait assigner la SA AGENCE DES ORGIÈRES AGIMO, qui exerce une activité de location saisonnière à [ville], pour obtenir, avec le bénéfice de l'exécution provisoire :
- la suppression, sous astreinte de 800 euros par jour de retard à l'expiration du délai de un mois à compter du prononcé du jugement, de clauses insérées dans les contrats de location saisonnière proposés par cette agence et considérées comme illicites ou abusives au sens de l'article L. 132-1 du Code de la Consommation ;
* clause imposant le versement du solde de la location à la remise des clés, sans état des lieux contradictoire ;
* clause limitant à 24 heures le délai imparti aux locataires pour signaler les anomalies, équivalente à une clause de consentement implicite, comme telle illicite ;
* clause réservant à l'agence un délai de 10 jours pour restituer la caution, critiqué comme excessif au regard de la courte durée moyenne des séjours, en l'absence de contrepartie pour le locataire à la possibilité procurée à l'agence de percevoir les fruits d'un dépôt de fonds substantiel ;
* clause fixant des heures d'arrivée et de départ différentes au début et à la fin des séjours, de telle sorte que les consommateurs sont privés d'une journée de location ;
* clause autorisant le bailleur à évaluer unilatéralement les objets manquants au prix de remplacement figurant sur un inventaire type, également caractéristique d'une clause de consentement implicite illicite;
* clause interdisant la détention d'un animal par logement, en contravention avec les dispositions de l'article 10 de la loi du 9 juillet [minute page 3] 1970, ou subordonnant cette détention à la perception d'un supplément de prix journalier et d'un dépôt de garantie ;
* clause limitant le nombre d'occupants du logement au nombre de personnes correspondant à l'équipement prévu dans le descriptif et fixant une indemnité forfaitaire de 80 euros par semaine et par personne supplémentaire, en méconnaissance des dispositions de l'article 8 de la convention européenne des Droits de l'Homme et de l'économie d'un contrat relatif à la location d'un local et non pas d'un nombre de places déterminé ;
* clause équivalant à une discrimination, en considération de la capacité des occupants, explicitement ou implicitement appréciée selon leur âge, à entretenir régulièrement les lieux et équipements et de respecter le calme après 22 heures ;
* clause imposant la facturation d'un nettoyage supplémentaire par une femme de ménage, imputée sur la caution, au cas où l'état de propreté serait estimé insatisfaisant par l'agence au terme d'une appréciation discrétionnaire de ce professionnel ;
* clause fixant une indemnité de retard en cas d'arrivée tardive du locataire, qui pourrait pourtant justifier de motifs légitimes et auquel une prise de possession différée du logement préjudicie principalement ;
- le paiement d'une indemnité de 10.000 euros, en dédommagement du préjudice collectif occasionné par les clauses dénoncées comme illicites ou abusives, d'une indemnité de 2.000 euros compensatrice du préjudice associatif caractérisé par l'important travail accompli par la demanderesse pour combattre les pratiques répréhensibles de l'agence et de frais non taxables de représentation de l'association évalués à 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;
- la publication d'un extrait du jugement dans les journaux LE DAUPHINÉ LIBÉRÉ, LES AFFICHES DE GRENOBLE et LE 38 et ce, à concurrence de 1.500 euros par insertion, à la charge de la SA AGENCE DES ORGIÈRES AGIMO ;
- l'affichage du jugement aux portes de l'agence, sur le fondement de l'article L. 421-9 du Code de la Consommation.
La SA AGIMO a contesté la qualification de clauses abusives ou illicites donnée par l'association UFC 38 aux clauses dont cette dernière avait demandé la suppression, pour exclure toute sanction ou indemnisation. Subsidiairement, elle a conclu à la réduction des demandes indemnitaires présentées par l'association UFC 38, qui s'était refusée à admettre toute modification de son contrat de location saisonnière, de manière à satisfaire aux exigences de l'article L. 132-1 du Code de la Consommation, dans l'hypothèse où certaines clauses seraient [minute page 4] judiciairement reconnues abusives. Elle a demandé enfin un défraiement de 3.000 euros en vertu de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Aux critiques adressées par l'association UFC 38, la SA AGIMO a répondu que l'exercice de son activité de location saisonnière n'avait jamais donné lieu à aucune procédure contentieuse en 25 ans, que les réclamations limitées de quelques clients avaient toujours été traitées amiablement et, point par point ;
- que le paiement du loyer par le preneur à la remise des clés correspondait à un usage non contraire aux dispositions des articles 1708 et suivants du Code Civil, qu'il est matériellement impossible d'organiser une visite de logements éparpillés dans une station de ski au bénéfice de clients qui arrivent tous en même temps et d'exiger un retour à l'agence pour l'encaissement du solde du prix, dans le cadre d'un séjour très court, que les conditions de réservation annoncées préalablement à la signature du contrat excluaient toute faculté de dédit et que les locataires conservent la possibilité de présenter toute réclamation concernant les lieux loués dans les trois jours suivant la remise des clés et d'obtenir si nécessaire un dédommagement ;
- que la fixation d'un délai de trois jours à l'avantage du locataire pour formuler ses réclamations répondait aux prescriptions de la recommandation n° 94-04 de la commission des clauses abusives, que la présomption de bon état du logement loué, à défaut d'état des lieux, peut normalement jouer, par l'effet des dispositions de l'article 1731 du Code Civil, que rien n'interdit au locataire de solliciter l'établissement d'un état des lieux contradictoire à son entrée dans les lieux et que la recommandation de la commission des clauses abusives ne prévoit d'état des lieux contradictoire qu'au moment de la sortie ;
- qu'aucun délai minimum ou maximum de restitution de la caution n'est recommandé par la commission des clauses abusives, qu'elle-même n'encaissait pas les chèques de caution avant de les retourner aux locataires -quittes de toute obligation, et que ces derniers ne subissaient donc aucun désavantage ;
- que le décalage observé entre les heures d'arrivée et de départ des locataires, indispensable à la gestion de certaines prestations, n'entraînait aucune privation de jouissance, que le tarif ne correspondait pas à des jours entiers mais à des nuits entières et que l'adéquation du prix à la prestation était exclu du champ d'application de l'article L. 132-1 du Code de la Consommation ;
- que l'alternative offerte aux locataires entre un remplacement des objets manquants ou détériorés par d'autres achetés en magasin d'une part, et un remboursement de ces objets au prix figurant sur l'inventaire porté à leur connaissance et accepté par eux, d'autre part, préservait la liberté de ces locataires, qui pouvaient encore formuler toute réclamation [minute page 5] dans les trois jours en cas de désaccord ;
- que les restrictions apportées à la détention d'animaux étaient justifiées par la taille réduite des logements, par l'interdiction presque généralisée de laisser ces animaux circuler dans la station et les risques de nuisances et de dégradations occasionnés par leur présence continue à l'intérieure ou sur les balcons, qu'aucune disposition n'interdisait de subordonner la présence d'un animal au versement d'une somme d'argent correspondant aux coûts supplémentaires d'entretien entraînés par la présence d'animaux en station et de désinfection des logements ;
- que le respect des normes de sécurité et de confort et de l'obligation de jouir des lieux en bon père de famille excluait une surpopulation des lieux loués au delà d'un hébergement, limité à une nuit, de l'un des proches du locataire mais que l'agence était disposée à supprimer la clause fixant une indemnité de 80 euros par personne supplémentaire et par semaine, si le Tribunal devait la juger abusive ;
- que les modifications apportées au contrat de location saisonnière pour faire disparaître toutes considérations d'âge ne laissaient plus subsister aucune clause à caractère discriminatoire, qu'il s'agissait seulement de rappeler les obligations d'entretien des lieux loués et de jouissance paisible, mais qu'aucun refus de location n'était envisagé ni aucune faculté de résiliation du contrat de plein droit à l'égard d'un locataire considéré comme trop jeune ou trop âgé pour pouvoir louer ou entretenir un logement ;
- que l'appréciation de la nécessité d'un second nettoyage au départ d'un locataire s'effectuait contradictoirement, à l'occasion du contrôle de sortie, que le locataire conservait la possibilité de compléter lui-même le nettoyage et qu'il était seulement informé du prix du nettoyage, qui serait effectué par une tierce personne le cas échéant ;
- que la facturation d'une indemnité en cas d'arrivée tardive au delà des heures d'ouverture de l'agence était justifiée par le payement d'heures supplémentaires aux salariés, qu'aucun texte ne permettait de considérer cette clause comme illicite ou abusive et que l'impossibilité d'accueillir des clients qui n'avaient pas prévenu l'agence de leur arrivée tardive n'était pas plus critiquable.
La SA AGIMO a ajouté qu'elle fournissait encore aux consommateurs un certain nombre de prestations gratuites et que l'appréciation du caractère abusif des clauses du contrat de location saisonnière devait se faire au regard des autres clauses du contrat, de toutes les circonstances qui entourent sa conclusion et de l'ensemble des éléments obtenus et améliorés grâce aux procédures qualité mises en œuvre par cette agence notamment.
La clôture de la mise en état est intervenue le 17 septembre 2003.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
[minute page 6] DISCUSSION :
Sur les conditions de règlement du solde du prix du séjour :
L'économie des dispositions combinées des articles 1709, 1719 et 1728 du Code Civil applicables au contrat de location saisonnière, dénommé en l'espèce contrat de séjour, tel qu'il est proposé par la SA AGIMO à toute personne désignée comme locataire, ayant réservé un appartement meublé dans les immeubles gérés par celle-ci à [ville], sous la dénomination « LES BALCONS DE L'OISANS », implique que le payement du prix de cette location s'opère en contrepartie de la délivrance effective au preneur de la chose louée avec tous ses accessoires susceptibles de lui en assurer une jouissance normale, dans les conditions de confort nécessaires et suffisantes procurées par un logement équipé dans la perspective d'un séjour de vacances.
Or, la simple délivrance des clés de l'appartement au locataire le jour de son arrivée à l'accueil de l'agence ne saurait suffire pour justifier de façon satisfaisante l'accomplissement par la SA AGIMO de son obligation de délivrance, sans procéder à aucune visite des lieux préalablement à un payement du solde du prix de séjour, d'autant moins que la même société impose l'établissement d'un état des lieux contradictoire à l'instant précis de son départ contre remise des clés immédiate, aux termes des conditions générales du contrat de séjour, que les contraintes d'organisation sont similaires au début comme à la fin du séjour et que les techniques modernes de communication doivent permettre le cas échéant de fixer des rendez-vous avec les locataires quelques jours avant leur arrivée pour fixer un planning prévisionnel d'états des lieux d'entrée.
L'examen pratiqué en parallèle de clauses réparties entre les conditions particulières et les conditions générales du contrat de séjour adressé au locataire accentue le déséquilibre ainsi créé au détriment d'un consommateur contraint de se plier aux pratiques gestionnaires du professionnel adaptées aux convenances de ce dernier, alors qu'il ne s'agit nullement de remettre en cause la réservation ni l'adéquation du prix au service offert, de manière générale et systématique, mais de préserver le droit pour le locataire d'obtenir immédiatement la délivrance conforme des lieux loués, sans attendre l'aboutissement d'une procédure amiable de réclamation.
La suppression de la clause insérée aux conditions particulières du contrat qui impose le paiement intégral du solde du séjour concomitamment à la remise des clés à l'accueil de l'agence s'impose donc, comme contraire aux dispositions légales susvisées, aussi bien qu'à l'article 13 de la recommandation de synthèse n° 91-02 du 23 mars 1990 de la commission des clauses abusives, conformément aux dispositions de l'article L. 421-6 du Code de la Consommation.
[minute page 7]
Sur la clause fixant un délai maximum de présentation de toute réclamation concernant les lieux loués et l'inventaire :
La mise en conformité de cette clause insérée au deuxième paragraphe des conditions générales du contrat de location avec la recommandation émise par la commission des clauses abusives le 1er juillet 1994 sous le numéro 94-04 et concernant les contrats de location saisonnières n'exclut pas la suppression de la clause figurant dans la version antérieure et qui réduisait ce délai à 24 heures, dans la mesure où il n'est pas assuré que le document contesté ne soit plus utilisé ni utilisable.
Pour l'avenir, il apparaît que les locataires disposeront d'un temps suffisant pour vérifier l'état des lieux loués par eux-mêmes et la conformité, à l'inventaire des meubles et objets mis à leur disposition, d'une liste qu'ils pourront établir à l'occasion de tous les faits et gestes de la vie quotidienne et spécialement des repas, et pour provoquer, le cas échéant un état des lieux contradictoire avec un représentant de l'agence et ce, d'autant plus que le décompte du délai de trois jours ne pourrait licitement être effectué que par référence aux règles de computation de l'article 641 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Il s'ensuit que l'application éventuelle de la présomption instituée par l'article 1731 du Code Civil ne saurait entraîner aucun déséquilibre préjudiciable aux locataires.
Sur la clause fixant les modalités d'évaluation du coût des objets manquants ou détériorés :
Si l'obligation de répondre des dégradations et pertes qui arrivent pendant sa jouissance s'impose au locataire, en vertu de l'article 1732 du Code Civil, l'évaluation du préjudice ne peut s'opérer en fonction du prix figurant sur un inventaire type, auquel le locataire ne saurait présumer adhérer, au risque de subir l'arbitraire de la SA AGIMO et de variations possibles, sans pouvoir réagir; il apparaît illusoire d'envisager une solution alternative pour des consommateurs en vacances, éloignés de leur domicile, dans une station de montagne relativement isolée, quand il s'agira de remplacer des meubles ou objets peu disponibles dans un marché local relativement peu ouvert à la concurrence.
L'avantage qui est ainsi ménagé par cette clause au professionnel qu'est la SA AGIMO s'avère injustifiable et disproportionné, en considération de l'obligation qui serait celle du locataire de faire vérifier concrètement tous les éléments constitutifs occasionnés par le moindre manquement de l'agence à ses obligations contractuelles, de telle sorte que la suppression de cette clause ne peut qu'être ordonnée.
[minute page 8]
Sur la clause fixant le délai de restitution de la caution :
La SA AGIMO ne peut soutenir sans contradiction qu'en périodes de vacances et compte tenu de la courte durée des séjours, elle s'efforce d'organiser la succession des occupants des appartements dans la même journée, sans autre solution de continuité que les quelques heures nécessaires à un ultime nettoyage, à une éventuelle désinfection et à quelques remises en état, entre 10 h et 14 h ou 15 h, en offrant au surplus gratuitement l'intervention immédiate d'un technicien qui assure une permanence les jours d'arrivée jusqu'à 22 h pour remédier à tous les problèmes (p 13 de ses conclusions) d'une part et qu'il serait systématiquement impossible de rembourser la caution au moment de la restitution des clés avant le départ définitif du locataire.
Conformément aux dispositions du cinquième alinéa de l'article L. 132-1 du Code de la Consommation, il doit être tenu compte des circonstances et plus spécialement du handicap de la distance pour un locataire qui réintègre son domicile en fin de vacances, souvent à plusieurs centaines de kilomètres de [ville], et qui se trouve matériellement dans l'impossibilité d'exercer la moindre vérification indispensable à une contestation de toute retenue opérée par l'agence sur le dépôt de garantie.
Etant ainsi admis que les parties ne sont pas placées, concrètement à égalité, ni au moment d'un état des lieux contradictoire effectué immédiatement avant le départ du locataire ni, à fortiori, postérieurement au retour de celui-ci à son domicile, il importe de ne pas aboutir à une situation de déséquilibre difficilement réversible : dans la mesure où l'état des lieux de sortie contradictoire permet de s'assurer relativement aisément que les éléments compris dans la location et réunis dans l'espace généralement limité de l'appartement d'une résidence de vacances en montagne ne sont ni perdus ni dégradés et que le nettoyage a permis de restituer le logement et ses équipements en parfait état de propriété, rien ne justifie qu'un locataire diligent n'obtienne pas la restitution de son chèque de caution et doive attendre un délai supérieur à celle du séjour du locataire suivant, propice à faire naître toutes les suspicions sur l'imputabilité d'éventuels désordres.
Il sera toujours loisible à la SA AGIMO, dans l'hypothèse où des dégradations ou des pertes ainsi qu'un nettoyage insuffisant ont été caractérisés à l'occasion de l'état des lieux contradictoire, d'exercer légitimement son droit de rétention.
Mais, dans sa rédaction identique à l'antépénultième paragraphe des deux versions des conditions générales du contrat de séjour proposé par la SA AGIMO, la clause fixant un délai invariable de remboursement de la caution à 10 jours, si l'appartement est rendu impeccable, doit être supprimée, comme excessivement défavorable aux locataires normalement respectueux de leurs obligations.
[minute page 9]
Sur la clause fixant les horaires d'arrivée et de départ des locataires :
La nécessité d'harmoniser les contraintes de déménagement et d'emménagement des locataires sortants et entrants avec les formalités d'état des lieux et/ou de visites, si elles sont également imposées aux arrivées pour satisfaire à l'obligation de délivrance, d'une part, et les impératifs de nettoyage, désinfection et/ou remise en état, d'autre part, justifie la solution du décalage adoptée par la SA AGIMO entre les horaires d'arrivée et de départ des familles qui se succèdent dans les appartements des résidences, sans pour autant que les consommateurs concernés soient victimes d'un déséquilibre.
C'est à juste titre que la défenderesse invoque les dispositions de l'antépénultième alinéa de l'article L. 132-1 du Code de la Consommation, tout en précisant que les locataires bénéficient du nombre de nuitées prévu par leur contrat de séjour, qu'ils sont eux-mêmes soumis à des délais de route incompressibles et que par ailleurs, un service de bagagerie avec douches et toilettes est offert gratuitement à ceux qui veulent commencer à skier avant l'ouverture de leur appartement ou continuer le dernier jour, après avoir restitué les clés.
Sur la clause limitant la détention des animaux :
L'interdiction de détenir aucun animal dans les appartements, formulée parmi les conditions générales de la première version du contrat de séjour proposé par la SA AGIMO, contrevenait incontestablement aux prescriptions de l'article 10 de la loi n°70-598 du 9 juillet 1970, de telle sorte que la suppression de cette clause s'impose pour prémunir les consommateurs contre tout risque d'utilisation d'imprimés restant par inadvertance.
Les coûts supplémentaires d'entretien et de désinfection générés par la présence d'animaux à l'intérieur des appartements et, ponctuellement, autour des résidences, représentent des charges distinctes des charges normales et justifient le supplément de prix, sans critique admissible au regard des dispositions du septième alinéa de l'article L 132-1 du Code de la Consommation.
En revanche, l'adjonction d'un dépôt de garantie supplémentaire de 100 euros relève de l'abus, alors que la SA AGIMO peut exercer son droit de rétention sur tout ou partie de la somme versée en dépôt, quelle que soit la cause des dégradations ou pertes.
Sur la clause limitant le nombre des occupants des appartements :
Suivant l'économie des dispositions combinés des articles 1709, 1719 et 2228 du Code Civil la détention de la chose louée pendant la durée du contrat est transférée au locataire, libre d'en jouir paisiblement et [minute page 10] d'en faire bénéficier toute personne susceptible de partager sa vie en raison de liens de parenté et d'alliance, conformément au principe énoncé à l'article 8 de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés Fondamentales.
Il s'ensuit que la clause restrictive insérée dans l'une ou l'autre version du contrat proposé par la SA AGIMO doit être supprimée purement et simplement, comme l'admet la défenderesse à titre subsidiaire, sans qu'aucune indemnité ne puisse être exigée de la part d'un locataire accompagné d'occupants en nombre supérieur à celui des couchages mis à sa disposition, au prétexte de combattre une surpopulation qui s'avère beaucoup plus dommageable à ces occupants qu'à l'agence.
Sur la clause relative aux nuisances occasionnées par certains occupants :
Si le principe de non discrimination en considération de l'âge des locataires n'était pas respecté, avec la formulation de la cause insérée aux dixième alinéa in fine des conditions générales du contrat de séjour de la SA AGIMO, la nouvelle mouture qui résulte de la substitution du mot occupants au qualificatif substantivé « les jeunes » rétablit une prescription acceptable, qui constitue une simple rappel, adapté aux circonstances, dans le cadre d'une résidence de vacances, conformément aux dispositions du quatrième alinéa de l'article L. 132-1 du Code de la Consommation, des règles générales énoncées à l'article 1728-1 du Code Civil.
Sur la clause fixant le coût d'un nettoyage complémentaire des appartements après restitution des clés :
L'imputation systématique sur la caution d'une somme forfaitairement évaluée à 250 Francs ou 40 euros pour couvrir des frais de ménage, dans l'hypothèse où le nettoyage effectué par le locataire est reconnu comme insatisfaisant à l'occasion de l'état des lieux contradictoire, ne répond qu'à une préoccupation de gestion simplifiée avantageuse pour l'agence.
Il faut en effet imaginer que dans un grand nombre de cas les efforts du locataire pour aboutir à un parfait état de propreté n'auront été que partiellement récompensés et que l'exigence, légitime en elle-même, d'obtenir une parfaite luminosité des vitres, ou un éclat chatoyant des casseroles ou du réchaud ne mérite pas inéluctablement une intervention aussi énergique d'une femme de ménage que dans l'hypothèse où le locataire sortant laisse tout aller à vau-l'eau.
Dans le souci de préserver l'équilibre nécessaire au maintien de relations contractuelles justes, le principe d'indemnisation défini à l'article 1 151 du Code Civil ne saurait être méconnu : il incombe à la SA AGIMO de proposer et de négocier une grille de dédommagement permettant de [minute page 11] déterminer de manière adaptée les frais d'intervention d'une femme de ménage proportionnellement aux omissions des locataires sortants, soit au cas par cas (sols, vitres, miroirs... ) soit en pourcentage du forfait global.
En l'état, la clause contestée, telle qu'elle se présente, ne peut qu'être supprimée purement et simplement, comme anormalement pénalisante pour les consommateurs, alors qu'il reste loisible à la SA AGIMO de rechercher la responsabilité d'un locataire défaillant par la voie judiciaire.
Sur la clause fixant des indemnités en cas de retard à l'arrivée des locataires :
Alors que l'accomplissement de l'obligation de délivrance par la SA AGIMO implique le respect par tout locataire de l'obligation de prendre possession des lieux loués suivant les modalités convenues, il apparaît injustifié d'imposer au locataire une indemnité de 20 euros par heure de retard, si ce retard a été annoncé, alors que des circonstances constitutives d'une cause étrangère au sens de l'article 1147 du Code Civil peuvent permettre d'exonérer ce locataire de toute responsabilité mais corollairement, la SA AGIMO peut légitimement se considérer comme libérée de son obligation d'assurer l'hébergement d'un locataire qui ne l'a pas informée d'une arrivée tardive en temps utile, compte tenu des facilités offertes par les moyens modernes de communication.
Sur les demandes en paiement de dommages et intérêts :
En considération des modifications déjà apportées par la SA AGIMO à son contrat de séjour, en l'absence de réelle incidence préjudiciable de la formulation et/ou du maintien de certaines clauses abusives et en raison de l'échec partiel de l'association demanderesse sur certaines de ses prétentions, le préjudice subi par la collectivité des consommateurs directement ou indirectement ne peut qu'être relativisé et l'association demanderesse ne peut agir que dans la cadre limité du département de l'Isère : l'indemnisation allouée à cette association dans les conditions définies par l'article L. 421-1 du Code de la Consommation peut être arbitrée à la somme de 2.000 euros.
Dans la mesure où la SA AGIMO a répondu assez loyalement et rapidement aux sollicitations successives de l'association UFC 38, qui a manqué de précision dans la formulation de ses réclamations avant d'assigner, aucune indemnisation supplémentaire ne peut être allouée à la demanderesse sur un terrain qui ne pourrait être que celui de la responsabilité civile quasi délictuelle, en l'absence de lien de causalité entre un préjudice qui n'est pas objectivement appréciable et une attitude de circonspection observée par la SA AGIMO qui ne peut être qualifiée d'abstention fautive.
[minute page 12]
Sur la demande d'exécution provisoire :
La nature et l'ancienneté des demandes de l'association justifient le prononcé de l'exécution provisoire, d'autant plus que l'approche des vacances hivernales conduit à envisager rapidement une régularisation des contrats litigieux.
Sur les demandes de publication et d'affichage du jugement :
Si l'affichage du jugement aux portes de l'agence répond à une préoccupation d'efficacité, une publication dans les journaux locaux ne peut être ordonnée qu'avec parcimonie, compte tenu du public intéressé par l'activité de la SA AGIMO.
Sur les frais et dépens :
La SA AGIMO, qui succombe sur l'essentiel doit supporter les dépens mais peut être déchargée d'une partie des frais non compris dans les dépens exposés pour la représentation de l'association UFC 38, en considération de l'équité.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
Le tribunal, statuant publiquement, par jugement contradictoire et en premier ressort,
ORDONNE la suppression des clauses suivantes insérées aux conditions particulières ou aux conditions générales du contrat de séjour proposé par la SA AGIMO aux locataires des appartements des résidences gérées par cette agence à [ville], sous la dénomination « LES BALCONS DE L'OISANS », sous peine d'une astreinte de 500 euros (cinq cent euros) par jour de retard passé un délai d'un mois à compter de la signification du jugement et plus particulièrement :
- de la clause imposant le règlement intégral du solde du prix du séjour à la remise des clés à l'accueil de l'agence (conditions particulières) ;
- de la clause limitant à 24 heures le délai de présentation de toute réclamation sur l'inventaire et le matériel des lieux loués à compter de la remise des clés (première version des conditions particulières) ;
- de la clause imposant un prix de remplacement de tous les objets manquants ou détériorés suivant un inventaire type présumé accepté par le locataire ;
- de la clause fixant un délai de remboursement de la caution par courrier à dix jours si l'appartement est rendu impeccable ; (version 1 et 2 du contrat) ;
- de la clause interdisant la détention d'animaux (première version des conditions générales du contrat et de la clause imposant le versement d'un dépôt de garantie supplémentaire en cas de présence d'un animal dans un appartement (version 2) ;
- de la clause réduisant le nombre d'occupants des appartements au nombre des couchages disponibles (versions 1 et 2) ;
- de la clause fixant un coût forfaitaire pour un nettoyage complémentaire des appartements après restitution des clés (version 1 et 2) ;
- de la clause fixant une indemnité forfaitaire en cas de retard annoncé indépendamment des causes ;
SE RÉSERVE le pouvoir de liquider l'astreinte ;
DIT que la SA AGIMO doit verser à l'association UFC 38 une indemnité de 2.000 euros (deux mille euros) compensatrice du préjudice collectif causé aux consommateurs directement ou indirectement par les clauses déclarées illicites ou abusives de son contrat de séjour ;
DÉBOUTE l'association UFC 38 de ses demandes tendant à la suppression d'autres clauses du contrat de séjour proposé par la SA AGIMO et au paiement d'une indemnité compensatrice d'un préjudice associatif distinct ;
PRONONCE l'exécution provisoire ;
ORDONNE la publication d'un extrait du présent jugement dans les journaux LE DAUPHINÉ LIBÉRÉ et le 38 et FIXE à la somme de 1.500 euros (mille cinq cent euros) le coût de chacune de ces insertions à la charge de la SA AGIMO ;
ORDONNE l'affichage du présent jugement aux portes de l'agence de [ville] de la SA AGIMO ;
DIT que la SA AGIMO doit supporter les dépens, ainsi qu'une partie des frais supplémentaires non taxables exposés par l'association UFC 38, jusqu'à concurrence de la somme de 1.500 euros (mille cinq cent euros);
AUTORISE la SCP d'avocats BRASSEUR-M'BAREK à recouvrer directement contre la SA AGIMO les dépens dont elle a pu faire l'avance sans avoir reçu de provision.
[minute page 14] La présente décision a été rédigée par Monsieur F.R. LACROIX.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
AM CHAMBRON F.R. LACROIX
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