CA CHAMBERY (2e ch.), 21 janvier 2016
CERCLAB - DOCUMENT N° 5507
CA CHAMBÉRY (2e ch.), 21 janvier 2016 : RG n° 14/02943
Publication : Jurica ; Juris-Data n° 2016-001089
Extraits : 1/ « La recevabilité à agir de l'UFC 38 n'est plus discutée. La Mutualité française Isère doit être en effet considérée comme un professionnel qui propose, certes à titre non lucratif mais dans un cadre concurrentiel, un hébergement à des personnes âgées, y compris lorsqu'elles sont dépendantes. Le contrat proposé aux personnes âgées et à leurs familles, au sein de l'EPHAD « Les Solambres » s'applique bien à des consommateurs, même si beaucoup de personnes âgées dépendantes bénéficient d'un financement public, lequel de surcroît n'exclut pas un recours contre les coobligés. »
2/ « Cette disposition légale résulte, dans cette rédaction, des modifications apportées au texte par l'article 81 de la loi 2014-344 du 17 mars 2014, et en dernier lieu par l’article 40 de la loi 2015-990 du 6 août 2015. Aucun de ces deux articles de loi ne fait l'objet de dispositions transitoires ni ne comporte de dispositions relatives à leur entrée en vigueur. Dans sa rédaction antérieure à ces textes, la question s'était posée de savoir si l'action des associations de consommateurs contre les clauses jugées abusives avait seulement un rôle dissuasif et préventif, ne concernant que l'interdiction pour l'avenir de l'usage de ces clauses ou bien si elles pouvaient s'appliquer à des clauses ayant été utilisées dans des contrats en cours. La jurisprudence de la Cour de cassation avait opté pour la première solution, approuvant les cours d'appel de déclarer irrecevables les actions des associations à l'encontre de clauses de contrats qui n'étaient plus proposés, ou qui avaient été modifiés avant l'instance et même en cours d'instance ; de plus elle ne permettait pas de porter atteinte aux contrats en cours.
Or depuis la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014, un troisième alinéa a été introduit à l'article L. 421-6 du code de la consommation, qui dispose que « les associations [agréées] peuvent également demander au juge de déclarer que [la] clause est réputée non écrite dans tous les contrats identiques conclus par le même professionnel avec des consommateurs, y compris les contrats qui ne sont plus proposés, et de lui ordonner d'en informer à ses frais les consommateurs concernés par tous moyens appropriés ». Et la loi 2015-990 du 6 août 2015 a encore clarifié l'intention du législateur par une formule modifiant l'alinéa 2 du texte, donnant le pouvoir au juge d'ordonner, le cas échéant sous astreinte, la suppression d'une clause illicite ou abusive dans tout contrat ou type de contrat « en cours ou non », proposé ou destiné au consommateur ;
La nouvelle législation rend donc caduque l'ancienne interprétation jurisprudentielle de l'article L. 421-6 du code de la consommation qui restreignait la protection des consommateurs. Il s'agit en conséquence d'une modification législative purement interprétative, d'autant que la modification résultant de la loi du 6 août 2015 vise explicitement les contrats en cours ; le nouveau texte doit en conséquence s'appliquer immédiatement aux situations juridiques et aux litiges en cours, par dérogation au principe de non rétroactivité de la loi nouvelle.
Il en résulte que l'action de l'UFC 38 est recevable, nonobstant la modification des documents contractuels litigieux en cours d'instance, dès lors qu'ils sont susceptibles de s'appliquer encore à des contrats en cours. »
3/ « Sur les clauses, V. la décision ».
COUR D’APPEL DE CHAMBÉRY
DEUXIÈME CHAMBRE
ARRÊT DU 21 JANVIER 2016
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
RG : 14/02943. Décision déférée à la Cour : Jugement du tribunal de grande instance de Grenoble, R.G. n° 08/05993 du 11 octobre 2010 - Arrêt de la Cour d'Appel de GRENOBLE du 7 mai 2013, R.G. n° 10/04912 - Arrêt de la Cour de Cassation du 1er octobre 2014, n°1095 F-P+B+I.
Demanderesse à la saisine - Appelante :
ASSOCIATION UFC 38 - UNION FÉDÉRALE DES CONSOMMATEURS QUE CHOISIR DE L'ISÈRE
dont le siège social est sis [adresse] prise en la personne de son représentant légal, assistée de la SCP GIRARD-MADOUX ET ASSOCIES, avocat postulant au barreau de CHAMBÉRY et de la SCP BRASSEUR - M'BAREK - PAYET, avocat plaidant au barreau de GRENOBLE
Défenderesse à la saisine - Intimée :
MUTUALITÉ FRANCAISE ISÈRE,
dont le siège social est sis [adresse] prise en la personne de son représentant légal, assistée de Maître Catherine REY, avocat postulant au barreau de CHAMBERY, et de la SCP BLAYON RIZZI PIRAS, avocat plaidant au barreau de GRENOBLE
COMPOSITION DE LA COUR : Lors de l'audience publique des débats, tenue le 24 novembre 2015 avec l'assistance de Madame Sylvie DURAND, Greffier,
Et lors du délibéré, par : - Madame Evelyne THOMASSIN, Conseiller faisant fonction de Président, à ces fins désignée par ordonnance de Monsieur le Premier Président, - Monsieur Franck MADINIER, Conseiller, - Monsieur Gilles BALAY, Conseiller, qui a procédé au rapport.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
FAITS ET PROCÉDURE :
Courant novembre 2008, l'union fédérale des consommateurs de l'Isère (L'UFC 38) a fait assigner la Mutualité française Isère pour faire juger illicites et abusives 23 clauses du contrat de résident proposé par celle-ci aux résidents de l'EPHAD « Les Solambres », pour obtenir sa condamnation à supprimer les clauses litigieuses de ces contrats, et pour obtenir réparation du préjudice causé à l'intérêt collectif des consommateurs.
Par jugement du 11 octobre 2010, le tribunal de grande instance de Grenoble a partiellement fait droit à cette demande en déclarant illicites ou abusives 11 des clauses litigieuses, ordonnant leur suppression sous astreinte, ainsi que la publication du jugement. L'UFC 38 a interjeté appel partiel pour demander que soit également reconnu le caractère illicite ou abusif de 6 autres clauses litigieuses.
Par arrêt rendu le 7 mai 2013, la cour d'appel de Grenoble a confirmé le jugement déféré sauf en ce qu'il a ordonné la suppression de 11 clauses abusives et ordonné sa publication, en déclarant sans objet cette demande d'interdiction en l'état d'un nouveau contrat de séjour et d'un nouveau règlement de fonctionnement de l'établissement ne mentionnant plus ces clauses, et en rejetant la demande de publication. La Cour a par ailleurs débouté l'UFC 38 de sa demande relative aux six autres clauses litigieuses.
Ayant été saisie d'un pourvoi, la Cour de Cassation, a relevé que pour débouter l'UFC 38 de sa demande en suppression des 6 autres clauses de l'ancien contrat de séjour, l'arrêt avait constaté qu'elle ne concluait pas sur les dispositions de ce nouveau contrat et que la Cour d'appel n'était pas saisie d'une demande de suppression des clauses qu'il contient, alors que d'une part l'UFC 38 n'avait pas limité sa demande de suppression des clauses illicites ou abusives à l'ancien contrat, et que d'autre part le juge national est tenu d'examiner d'office le caractère abusif des clauses contractuelles invoquées par une partie dès qu'il dispose des éléments de droit et de fait nécessaires à cet effet.
Par son arrêt du 1er octobre 2014, constatant ainsi la violation des dispositions de l'article L. 421-6 du code de la consommation, elle a cassé et annulé l'arrêt rendu le 7 mai 2013 par la cour d'appel de Grenoble, mais « seulement en ce qu'il déclare sans objet la demande d'interdiction de l'usage à l'avenir des clauses contenues dans le contrat de séjour proposé jusqu'au 19 avril 2011 par la Mutualité française Isère gestionnaire de l'EPHAD en l'état de son nouveau contrat de séjour et de son nouveau règlement de fonctionnement, et en ce qu'il déboute l'association UFC 38 de sa demande en suppression de 6 autres clauses de l'ancien contrat de séjour de l'EPHAD ».
Les parties ont été renvoyées devant la cour d'appel de Chambéry, saisie par déclaration de saisine du 17 décembre 2014.
MOYENS ET PRÉTENTIONS
Vu les conclusions déposées au greffe le 13 mars 2015 au nom de l'association UFC 38 par lesquelles elle demande à la Cour notamment de :
- dire illicites ou abusives les clauses supplémentaires suivantes qui respectivement :
* ne distinguent pas le prix des prestations offertes et/ou ne laissent pas aux consommateurs le libre choix entre les prestations offertes,
* imposent le paiement de prestations non fournies, et notamment de nourriture, ou blanchissage, en cas d'absence du résident,
* donnent pouvoir à la direction de régler les difficultés relationnelles, sans prévoir un droit de défense au bénéfice du résident, ni droit de recours en cas de sanction,
* imposent un paiement total, hébergement, soins et dépendance, en cas de congé supérieur à 5 semaines,
* imposent la libération de la chambre, ou une facturation intégrale des forfaits journaliers après une hospitalisation supérieure à un mois,
* autorisent une facturation après libération de la chambre,
- ordonner la suppression de celles-ci dans les 2 mois de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 1000 euros par jour de retard à l'expiration de ce délai,
- interdire en toute hypothèse à l'intimée l'usage des clauses supprimées, à l'avenir et dire, en application de l'article L. 421-6 § 3 que les clauses visées seront réputées non écrites dans tous les contrats identiques conclus par le même professionnel
- ordonner, au regard de l'article L. 421-9 du code de la consommation la publication de l'arrêt à intervenir dans le Dauphiné Libéré et les affiches de Grenoble, par extrait à l'initiative de l'UFC 38, contenant la liste des clauses supprimées, et à concurrence de 2.000 euros par insertion
- ordonner à l'intimée, au regard de l'article L. 421-6 § 3, d'en d'informer à ses frais, par écrit, les consommateurs concernés par son contrat, dans chacun de ses établissements
- condamner l'intimée au versement de dommages et intérêts à concurrence de 38.000 euros
- confirmer le jugement déféré pour le surplus
- condamner l'intimée à lui payer la somme de 3.000 euros en indemnisation de ses frais irrépétibles devant la Cour
- la condamner aux dépens.
Elle rappelle que la cour n'est plus saisie que du caractère illicite ou abusif des 6 clauses, objet de son appel, sur lesquelles la cour d'appel de Grenoble ne s'est pas prononcée. Elle entend que soit fait application immédiate des dispositions de la loi du 17 mars 2014 ayant modifié l'article L. 421-6 du code de la consommation en y ajoutant un alinéa 3 permettant de demander au juge de déclarer que la clause est réputée non écrite dans tous les contrats identiques conclus par le même professionnel avec les consommateurs, y compris les contrats qui ne sont plus proposés et de lui ordonner d'en l'informer à ses frais les consommateurs concernés par tous moyens appropriés. Elle estime en effet qu'il s'agit d'une loi de procédure régissant l'action judiciaire des associations et subsidiairement une loi interprétative en ce qu'elle annule l'interprétation qu'avait faite la Cour suprême du texte antérieur. Elle en déduit qu'il faut examiner les versions successives des contrats proposés aux consommateurs afin que tous soient protégés, quelle [que] soit la version qui leur a été proposée.
Elle développe ensuite une argumentation sur le caractère abusif des clauses litigieuses.
Vu les conclusions déposées au greffe le 9 juin 2015 au nom de la Mutualité française Isère, par lesquelles elle demande à la Cour notamment de :
- débouter l'UFC 38 de toutes ses demandes
- réformer le jugement en ce qu'il a alloué une somme de 1.500 euros en réparation du préjudice collectif et 800 euros en réparation du préjudice associatif à l'UFC 38, et dire n'y avoir lieu à dommages et intérêts
- constater que la Mutualité française Isère a respecté le jugement de première instance en modifiant les clauses jugées abusives et dire en conséquence n'y avoir lieu à publication des décisions de justice dans les journaux et sur Internet
- réformer le jugement en ce qu'il a alloué à l'UFC 38 une indemnité pour frais irrépétibles et confirmer ce jugement pour le surplus
- faire droit à la demande reconventionnelle de la Mutualité française Isère, et condamner l'UFC 38 à lui payer une somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts, outre la somme de 5.000 euros en indemnisation de ses frais irrépétibles
- condamner l'UFC 38 aux dépens de première instance et d'appel, avec distraction au profit de son « avoué ».
La Mutualité française considère que l'appel de l'UFC 38 est devenu sans objet dans la mesure où les documents contractuels ont été modifiés.
A titre subsidiaire, elle demande la confirmation du jugement en considérant que les clauses stigmatisées ne sont pas abusives ni illicites.
La procédure a été clôturée le 9 novembre 2015.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DE L'ARRÊT :
Sur la recevabilité :
La recevabilité à agir de l'UFC 38 n'est plus discutée. La Mutualité française Isère doit être en effet considérée comme un professionnel qui propose, certes à titre non lucratif mais dans un cadre concurrentiel, un hébergement à des personnes âgées, y compris lorsqu'elles sont dépendantes.
Le contrat proposé aux personnes âgées et à leurs familles, au sein de l'EPHAD « Les Solambres » s'applique bien à des consommateurs, même si beaucoup de personnes âgées dépendantes bénéficient d'un financement public, lequel de surcroît n'exclut pas un recours contre les coobligés.
Sur la saisine de la cour de renvoi :
La Cour de Cassation a précisé que l'arrêt est cassé et annulé par l'admission du premier moyen pris en sa troisième branche, et du deuxième moyen pris en sa première branche, dès lors que le préjudice collectif subi par l'UFC 38 dépend du nombre de clauses abusives figurant dans les contrats proposés aux consommateurs.
La cour de céans est en conséquence saisie, ainsi qu'en conviennent les parties dans leurs conclusions respectives, des prétentions relatives à l'interdiction de l'usage pour l'avenir des clauses contenues dans le contrat de séjour proposé jusqu'au 19 avril 2011 en l'état du nouveau contrat de séjour et du nouveau règlement de fonctionnement, des prétentions relatives au caractère abusif de six clauses de l'ancien contrat de séjour, ainsi que des prétentions relatives à la réparation du préjudice collectif subi par l'UFC 38.
Sur la loi applicable à l'action de l'UFC 38 :
L'article L. 421-6 du code de la consommation dispose que « Les associations mentionnées à l'article L. 421-1 et les organismes justifiant de leur inscription sur la liste publiée au Journal officiel des Communautés européennes en application de l'article 4 de la directive 2009/22/ CE du Parlement européen et du Conseil du 23 avril 2009 relative aux actions en cessation en matière de protection des intérêts des consommateurs peuvent agir devant la juridiction civile pour faire cesser ou interdire tout agissement illicite au regard des dispositions transposant les directives mentionnées à l'article 1er de la directive précitée.
Le juge peut à ce titre ordonner, le cas échéant sous astreinte, la suppression d'une clause illicite ou abusive dans tout contrat ou type de contrat en cours ou non, proposé ou destiné au consommateur.
Les associations et les organismes mentionnés au premier alinéa peuvent également demander au juge de déclarer que cette clause est réputée non écrite dans tous les contrats identiques conclus par le même professionnel avec des consommateurs et de lui ordonner d'en informer à ses frais les consommateurs concernés par tous moyens appropriés. »
Cette disposition légale résulte, dans cette rédaction, des modifications apportées au texte par l'article 81 de la loi 2014-344 du 17 mars 2014, et en dernier lieu par l’article 40 de la loi 2015-990 du 6 août 2015. Aucun de ces deux articles de loi ne fait l'objet de dispositions transitoires ni ne comporte de dispositions relatives à leur entrée en vigueur.
Dans sa rédaction antérieure à ces textes, la question s'était posée de savoir si l'action des associations de consommateurs contre les clauses jugées abusives avait seulement un rôle dissuasif et préventif, ne concernant que l'interdiction pour l'avenir de l'usage de ces clauses ou bien si elles pouvaient s'appliquer à des clauses ayant été utilisées dans des contrats en cours. La jurisprudence de la Cour de cassation avait opté pour la première solution, approuvant les cours d'appel de déclarer irrecevables les actions des associations à l'encontre de clauses de contrats qui n'étaient plus proposés, ou qui avaient été modifiés avant l'instance et même en cours d'instance ; de plus elle ne permettait pas de porter atteinte aux contrats en cours.
Or depuis la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014, un troisième alinéa a été introduit à l'article L. 421-6 du code de la consommation, qui dispose que « les associations [agréées] peuvent également demander au juge de déclarer que [la] clause est réputée non écrite dans tous les contrats identiques conclus par le même professionnel avec des consommateurs, y compris les contrats qui ne sont plus proposés, et de lui ordonner d'en informer à ses frais les consommateurs concernés par tous moyens appropriés ».
Et la loi 2015-990 du 6 août 2015 a encore clarifié l'intention du législateur par une formule modifiant l'alinéa 2 du texte, donnant le pouvoir au juge d'ordonner, le cas échéant sous astreinte, la suppression d'une clause illicite ou abusive dans tout contrat ou type de contrat « en cours ou non », proposé ou destiné au consommateur ;
La nouvelle législation rend donc caduque l'ancienne interprétation jurisprudentielle de l'article L. 421-6 du code de la consommation qui restreignait la protection des consommateurs.
Il s'agit en conséquence d'une modification législative purement interprétative, d'autant que la modification résultant de la loi du 6 août 2015 vise explicitement les contrats en cours ; le nouveau texte doit en conséquence s'appliquer immédiatement aux situations juridiques et aux litiges en cours, par dérogation au principe de non rétroactivité de la loi nouvelle.
Il en résulte que l'action de l'UFC 38 est recevable, nonobstant la modification des documents contractuels litigieux en cours d'instance, dès lors qu'ils sont susceptibles de s'appliquer encore à des contrats en cours.
Sur le caractère abusif ou illicite des six clauses litigieuses :
Aux termes de l'article L. 132-1 du code de la consommation,
« Dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.
Un décret en Conseil d'Etat, pris après avis de la commission instituée à l'article L. 534-1, détermine une liste de clauses présumées abusives ; en cas de litige concernant un contrat comportant une telle clause, le professionnel doit apporter la preuve du caractère non abusif de la clause litigieuse.
Un décret pris dans les mêmes conditions détermine des types de clauses qui, eu égard à la gravité des atteintes qu'elles portent à l'équilibre du contrat, doivent être regardées, de manière irréfragable, comme abusives au sens du premier alinéa.
Ces dispositions sont applicables quels que soient la forme ou le support du contrat. Il en est ainsi notamment des bons de commande, factures, bons de garantie, bordereaux ou bons de livraison, billets ou tickets, contenant des stipulations négociées librement ou non ou des références à des conditions générales préétablies.
Sans préjudice des règles d'interprétation prévues aux articles 1156 à 1161, 1163 et 1164 du code civil, le caractère abusif d'une clause s'apprécie en se référant, au moment de la conclusion du contrat, à toutes les circonstances qui entourent sa conclusion, de même qu'à toutes les autres clauses du contrat. Il s'apprécie également au regard de celles contenues dans un autre contrat lorsque la conclusion ou l'exécution de ces deux contrats dépendent juridiquement l'une de l'autre.
Les clauses abusives sont réputées non écrites.
L'appréciation du caractère abusif des clauses au sens du premier alinéa ne porte ni sur la définition de l'objet principal du contrat ni sur l'adéquation du prix ou de la rémunération au bien vendu ou au service offert pour autant que les clauses soient rédigées de façon claire et compréhensible.
Le contrat restera applicable dans toutes ses dispositions autres que celles jugées abusives s'il peut subsister sans lesdites clauses.
Les dispositions du présent article sont d'ordre public ».
Aux termes de l'article R. 132-1 du code la consommation,
« Dans les contrats conclus entre des professionnels et des non-professionnels ou des consommateurs, sont de manière irréfragable présumées abusives, au sens des dispositions du premier et du troisième alinéas de l'article L. 132-1 et dès lors interdites, les clauses ayant pour objet ou pour effet de :
1° Constater l'adhésion du non-professionnel ou du consommateur à des clauses qui ne figurent pas dans l'écrit qu'il accepte ou qui sont reprises dans un autre document auquel il n'est pas fait expressément référence lors de la conclusion du contrat et dont il n'a pas eu connaissance avant sa conclusion ;
2° Restreindre l'obligation pour le professionnel de respecter les engagements pris par ses préposés ou ses mandataires ;
3° Réserver au professionnel le droit de modifier unilatéralement les clauses du contrat relatives à sa durée, aux caractéristiques ou au prix du bien à livrer ou du service à rendre ;
4° Accorder au seul professionnel le droit de déterminer si la chose livrée ou les services fournis sont conformes ou non aux stipulations du contrat ou lui conférer le droit exclusif d'interpréter une quelconque clause du contrat ;
5° Contraindre le non-professionnel ou le consommateur à exécuter ses obligations alors que, réciproquement, le professionnel n'exécuterait pas ses obligations de délivrance ou de garantie d'un bien ou son obligation de fourniture d'un service ;
6° Supprimer ou réduire le droit à réparation du préjudice subi par le non-professionnel ou le consommateur en cas de manquement par le professionnel à l'une quelconque de ses obligations ;
7° Interdire au non-professionnel ou au consommateur le droit de demander la résolution ou la résiliation du contrat en cas d'inexécution par le professionnel de ses obligations de délivrance ou de garantie d'un bien ou de son obligation de fourniture d'un service ;
8° Reconnaître au professionnel le droit de résilier discrétionnairement le contrat, sans reconnaître le même droit au non-professionnel ou au consommateur ;
9° Permettre au professionnel de retenir les sommes versées au titre de prestations non réalisées par lui, lorsque celui-ci résilie lui-même discrétionnairement le contrat ;
10° Soumettre, dans les contrats à durée indéterminée, la résiliation à un délai de préavis plus long pour le non-professionnel ou le consommateur que pour le professionnel ;
11° Subordonner, dans les contrats à durée indéterminée, la résiliation par le non-professionnel ou par le consommateur au versement d'une indemnité au profit du professionnel ;
12° Imposer au non-professionnel ou au consommateur la charge de la preuve, qui, en vertu du droit applicable, devrait incomber normalement à l'autre partie au contrat. »
Aux termes de l'article [R. 132-2] du code la consommation,
« Dans les contrats conclus entre des professionnels et des non-professionnels ou des consommateurs, sont présumées abusives au sens des dispositions du premier et du deuxième alinéas de l'article L. 132-1, sauf au professionnel à rapporter la preuve contraire, les clauses ayant pour objet ou pour effet de :
1° Prévoir un engagement ferme du non-professionnel ou du consommateur, alors que l'exécution des prestations du professionnel est assujettie à une condition dont la réalisation dépend de sa seule volonté ;
2° Autoriser le professionnel à conserver des sommes versées par le non-professionnel ou le consommateur lorsque celui-ci renonce à conclure ou à exécuter le contrat, sans prévoir réciproquement le droit pour le non-professionnel ou le consommateur de percevoir une indemnité d'un montant équivalent, ou égale au double en cas de versement d'arrhes au sens de l'article L. 114-1, si c'est le professionnel qui renonce ;
3° Imposer au non-professionnel ou au consommateur qui n'exécute pas ses obligations une indemnité d'un montant manifestement disproportionné ;
4° Reconnaître au professionnel la faculté de résilier le contrat sans préavis d'une durée raisonnable ;
5° Permettre au professionnel de procéder à la cession de son contrat sans l'accord du non-professionnel ou du consommateur et lorsque cette cession est susceptible d'engendrer une diminution des droits du non-professionnel ou du consommateur ;
6° Réserver au professionnel le droit de modifier unilatéralement les clauses du contrat relatives aux droits et obligations des parties, autres que celles prévues au 3° de l'article R. 132-1 ;
7° Stipuler une date indicative d'exécution du contrat, hors les cas où la loi l'autorise ;
8° Soumettre la résolution ou la résiliation du contrat à des conditions ou modalités plus rigoureuses pour le non-professionnel ou le consommateur que pour le professionnel ;
9° Limiter indûment les moyens de preuve à la disposition du non-professionnel ou du consommateur ;
10° Supprimer ou entraver l'exercice d'actions en justice ou des voies de recours par le consommateur, notamment en obligeant le consommateur à saisir exclusivement une juridiction d'arbitrage non couverte par des dispositions légales ou à passer exclusivement par un mode alternatif de règlement des litiges ».
En l'espèce, il convient d'apprécier comme suit les clauses litigieuses :
À titre liminaire, il convient d'indiquer que l'analyse porte sur les documents suivants :
- le livret d'accueil les Solambres initialement produit, constituant la pièce numéro 6 de l'UFC et la pièce numéro 7 du dossier de la Mutualité française Isère
- le nouveau livret d'accueil les Solambres, constituant la pièce numéro 33 du dossier de la Mutualité française Isère
-le contrat de séjour d'hébergement permanent les Solambres constituant la pièce numéro 31 du dossier de la Mutualité française Isère
La résidence les Solambres est présentée comme un établissement portant l'héritage de trois foyers, son projet d'établissement s'appuie sur le concept de petites unités de vie ouvertes, et une unité psycho gériatrique fermée.
Les conditions financières du prix de journée d'hébergement
Dans les différents documents analysés, les frais de séjour distinguent le montant du prix de journée en hébergement, et les tarifs dépendance ; il est reproché à la Mutualité française Isère d'imposer aux résidents par ce contrat un prix de journée d'hébergement forfaitaire comprenant une liste de prestations, détaillé à l'article 1 du chapitre III relatif aux conditions financières du livret d'accueil d'origine, et du livret d'accueil modifié ; le détail des prestations comprises dans ce forfait varie légèrement entre les deux versions du contrat, mais dans les deux cas, le prix des prestations n'est pas détaillé, et en particulier le prix de la restauration, celui du blanchissage du linge et des effets personnels du résident ne sont pas indiqués.
Le prix du forfait d'hébergement est fixé annuellement par arrêté du président du conseil général, sur proposition du conseil d'administration de la Mutualité française de l'Isère ; cette disposition ne pose aucune difficulté, puisqu'elle s'inscrit dans le cadre de la convention tripartite signée entre l'État, le Conseil général et l'établissement, à laquelle se réfère explicitement la décision du président du Conseil général qui autorise les dépenses et recettes de l'exercice budgétaire, sur proposition de l'établissement, fixe les tarifs d'hébergement et de dépendance ainsi que le tarif prévention.
La question posée est donc celle du caractère abusif ou illicite de cette clause, en ce qu'elle ne permet pas et en tout cas restreint l'exercice effectif du libre choix par le patient de ne pas bénéficier de certaines prestations, afin de ne pas en supporter le coût.
La fixation d'un prix de journée, en application de la convention tripartite précitée ne peut, en règle générale, pas faire échec à la liberté de chaque personne accueillie, en fonction de son degré de dépendance mais également de la disponibilité de son entourage, de choisir une prise en charge totale ou bien au contraire de ne pas souscrire à certaines prestations, même temporairement ; il est seulement parfaitement compréhensible que le règlement de l'établissement où chaque contrat encadre cette liberté par des modalités d'application nécessaires pour garantir une offre de service égale et permanente, et pour préserver l'établissement de demandes ou de changements intempestifs.
Cependant, le principe de libre fixation du prix de chaque prestation, posé par l'article L. 342-3 du code de l'action sociale et des familles n'est pas applicable à un EPHAD habilité à recevoir des bénéficiaires de l'aide sociale pour la totalité de sa capacité comme en l'espèce par arrêté numéro 96-3911 du 25 novembre 1996.
De même, la nécessité de distinguer différents tarifs afférents à l'hébergement prévue par l'article L. 342-3-1, 2° du CASF ne s'applique, selon ce texte, qu'aux conventions d'aide sociale établies lorsque l'établissement a fait une demande spéciale pour être assujetti aux dispositions du chapitre 4 du titre II du livre 3 du CASF.
De plus, les dispositions de l'article R. 314-158 et 314-159 du CASF, fixant les principes généraux de tarification dans les établissements hébergeant des personnes âgées dépendantes, stipulent que le tarif d'hébergement comprend les prestations hôtelières et de restauration, sans prescrire un tarif particulier pour chaque prestation.
Les dispositions de l'article R. 314-182 permettent une modulation du tarif journalier global, notamment pour tenir compte de la non utilisation du service de restauration ou de blanchisserie, mais n'exigent pas pour autant une ventilation du tarif journalier global par prestation.
Il résulte de ces constatations que les contrats de la Mutualité française Isère, pour ce qui concerne cette disposition tarifaire, ne sont pas illicites.
La clause litigieuse n'étant pas présumée abusive, il convient de rechercher si elle introduit un déséquilibre significatif dans les obligations réciproques des parties au contrat, en tenant compte des circonstances qui entourent sa conclusion, et des autres contrats lorsque la conclusion ou l'exécution des contrats dépendent l'un de l'autre.
En l'espèce, il n'est fait état d'aucune difficulté particulière d'exécution d'un contrat, l'action étant introduite par une union fédérale des consommateurs qui ne fait état d'aucun incident et agit dans un but préventif.
En particulier, il n'est donc pas établi qu'une personne âgée faiblement dépendante, ou bénéficiant d'un soutien constant de son entourage, ne pourrait pas bénéficier d'une modulation de tarifs en fonction de son choix de ne pas bénéficier de la restauration ou du service blanchisserie, durant certains jours ou période.
Le tribunal doit donc être approuvé d'avoir considéré que la clause litigieuse est en l'espèce ni illicite, ni abusive.
La clause de tarification en cas d'absence pour convenances personnelles, vacances ou motif d'hospitalisation
La Mutualité française Isère invoque la présomption irréfragable du caractère abusif de la clause selon laquelle « en cas d'absence pour convenances personnelles, aucune déduction des frais de séjour ne sera accordée pour des absences inférieures à 72 heures. Pendant la période de vacances, le président n'a pas à acquitter les frais de séjour en totalité. Le montant du forfait hospitalier sera déduit, dans la limite maximale de cinq semaines » et celle selon laquelle « en cas d'absence pour hospitalisation de plus de 72 heures, le forfait journalier supporté par les malades hospitalisés est déduit des frais de séjour ».
Mais l'établissement est soumis au règlement départemental d'aide sociale adopté par le conseil général de l'Isère, et il est conforme aux dispositions 32 124 et 32 125 prévoyant la franchise de 72 heures, et dans chacune des hypothèses le renvoi au tarif fixé par arrêté du président du conseil général, déduction faite du montant du forfait journalier.
S'il est exact que les dispositions légales n'interdisent pas de minorer le prix de l'hébergement au cours des 72 premières heures d'absence, aucune disposition n'y oblige non plus les établissements ; en l'espèce, la clause litigieuse stipule qu'aucune déduction n'est accordée pour les absences < 72 heures.
Une telle disposition n'est pas illicite ; elle n'est pas non plus abusive, faute de déséquilibre significatif entre les parties contractantes, car elle est limitée dans le temps en ne s'appliquant qu'aux premières 72 heures, n'a donc qu'une incidence financière limitée, se justifiant en outre par la nécessité d'éviter une tarification et une facturation trop complexes.
La clause du règlement de fonctionnement relative aux difficultés relationnelles entre le personnel, les résidents et leur entourage
La clause litigieuse figure à l'article 3 paragraphe 4 de la section V du livret d'accueil, selon lequel « en cas de difficultés relationnelles entre le personnel, les résidents et leur entourage, seule la direction est compétente pour intervenir. Des réunions, points d'information, seront à l'occasion organisés pour aplanir les problèmes. En cas de persistance des problèmes, un avis pourra être demandé au conseil de la vie sociale, puis le conseil d'administration de L'UDMI sera sollicité ».
Cette clause n'organise pas une procédure disciplinaire, ne stipule aucune sanction, rappelle seulement la responsabilité de la direction, de traiter les difficultés relationnelles entre le personnel, les résidents et leur entourage, afin de permettre à chacun d'identifier le responsable utile au sein de la structure, en cas de difficultés relationnelles. Elle ne porte pas atteinte aux droits des personnes accueillies, ne procède pas d'un déséquilibre entre les parties contractantes.
Le nouveau règlement de fonctionnement, constituant la pièce numéro 32 du dossier de la Mutualité française Isère a certes modifié cette disposition, tout en maintenant le rôle prépondérant de la direction en cas de persistance d'un conflit grave, pour décider d'une solution adaptée, mais par référence au contrat de séjour.
Il ne résulte donc pas de la stipulation critiquée une procédure disciplinaire, mais une seule précision du rôle de la direction, avec renvoi aux dispositions du contrat de séjour relatives aux conditions de résiliation contractuelle.
Cette clause n'est donc pas abusive.
La clause de suspension du contrat en cas d'absence
Cette clause du contrat de séjour stipule que « une déduction des frais de séjour sera accordée pour les absences inférieures ou égales à cinq semaines par an. Cette déduction est égale au montant du forfait journalier en vigueur ».
Pour les motifs ci-dessus exposés au sujet de la clause de tarification en cas d'absence au cours des 72 premières heures, cette clause n'est pas illicite en ce qu'elle constitue l'application du règlement départemental d'aide sociale qui stipule à l'article 32 125 un tarif fixé par le président du conseil général pour la période comprise entre 72 et 5 semaines.
Cette disposition, qui n'interdit pas a contrario des dispositions contractuelles librement négociées au-delà de ce délai, n'est en tout cas pas contraire aux dispositions légales et réglementaires applicables, et en conséquence n'est pas illicite.
Elle n'est pas non plus abusive faute de déséquilibre significatif entre les parties contractantes, car elle ne s'applique qu'à des situations exceptionnelles, d'absence de plus de cinq semaines, dont aucun exemple n'est fourni ; en outre, son interprétation a contrario ne s'impose pas a priori, de sorte que l'atteinte au droit du consommateur est purement hypothétique.
De même, le fait que cette clause ne dise rien des frais de soins ou de dépendance, en cas d'absence de plus de cinq semaines, ne permet pas présumer de la règle applicable dans ce cas, pour ce qui concerne ces frais réglementés ; il convient à ce sujet de prendre acte de la position de la Mutualité française Isère affirmant qu'en cas d'absence au-delà de cinq semaines, les personnes n'étant pas présentes dans l'établissement, il n'y a pas de facturation des frais de dépendance ; et concernant le forfait soins, sans qu'il y ait lieu de se prononcer sur le bien-fondé de la position de la mutuelle qui prétend avoir le droit de les maintenir dans ce cas, il doit être relevé qu'il s'agit de dépenses ne restant jamais à la charge du résident.
La clause relative au forfait journalier en période d'hospitalisation
Au chapitre relatif aux conditions de suspension du contrat, il est encore stipulé que « le forfait journalier supporté par le malade hospitalisé est déduit du prix de journée de l'hébergement, pendant la durée de l'hospitalisation, dans la limite d'un mois d'hospitalisation. Au-delà, il peut être demandé au résident de libérer définitivement sa chambre, si son état de santé n'est plus du ressort de l'établissement ou sinon la facturation reprendra sans déduction ».
Cette clause a donc pour effet de laisser aux résidents le choix, au-delà d'un mois d'absence pour hospitalisation, soit de libérer leur chambre, soit de payer le forfait d'hébergement, si l'établissement le leur demande.
Mais il convient de relever que la possibilité pour l'établissement de placer le résident hospitalisé devant ce choix, n'est ouverte par la clause litigieuse que dans le cas où l'état de santé du président n'est plus du ressort de l'établissement ; il en résulte que cette clause est équilibrée puisqu'il est légitime que l'établissement souhaite la libération de la chambre, alors qu'il n'est plus rémunéré, et qu'il n'est pas légitime de bloquer toute possibilité d'attribution de la chambre à un tiers lorsque par l'effet de la modification de son état de santé, il est acquis que le résident ne pourra plus réintégrer l'établissement.
La clause relative à la facturation en cas de décès ou de transfert
La clause litigieuse stipule que, en cas de décès ou de transfert, « la facturation cesse 72 heures après, en conformité avec le règlement départemental d'aide sociale, pour organiser le départ de la personne. Si la chambre n'est pas totalement libérée au-delà, l'établissement se réserve le droit de la libérer et/ou de facturer tout ou partie du prix de journée. La libération totale du logement arrête la facturation du prix de journée ».
Cette disposition est parfaitement conforme à l'article 32 126 du règlement départemental d'aide sociale en faveur des personnes âgées et handicapées, qui s'applique de plein droit à l'établissement ; ce règlement adopté par le conseil général de l'Isère est un acte réglementaire imposant la mise en conformité éventuelle des règlements intérieurs de chaque établissement.
Elle n'est donc pas illicite.
En outre, cette disposition pratique paraît adaptée, dans la très grande majorité des situations, au temps nécessaire à la libération de la chambre par les proches d'une personne décédée ; une ambiguïté sur le montant facturable n'est qu'apparente : en effet l'établissement se réserve le droit de facturer tout le prix de journée, ce qui n'empêchera pas en effet, en fonction des situations particulières, de limiter éventuellement cette facturation.
La clause litigieuse n'est donc pas abusive.
Sur la demande de suppression et d'interdiction de l'usage à l'avenir des clauses supprimées :
Cette demande, qui est sans objet pour les six clauses encore en litige dont le caractère abusif n'est pas reconnu par le présent arrêt, s'applique cependant à l'ensemble des clauses supprimées par le jugement rendu le 11 octobre 2010 par le tribunal de grande instance de Grenoble ;
En application de l'article L. 421-6 du code de la consommation, il y a lieu de confirmer la disposition du jugement entrepris ayant ordonné la suppression dans un délai de six mois sous peine d'astreinte, des 11 clauses déclarées abusives par le tribunal dans tout contrat ou type de contrat en cours ou non, proposé ou destiné au consommateur.
D'autre part, il doit être jugé que ces clauses sont réputées non écrites dans tous les contrats identiques conclus par le même professionnel avec des consommateurs.
Sur la demande de publication :
La disposition de l'arrêt rendu le 7 mai 2013 par la cour d'appel de Grenoble 10 ans n'y avoir lieu à publication du jugement, est passée en force de chose jugée dans la mesure où cette disposition n'a pas été annulée par l'arrêt de la Cour de Cassation ; en tout état de cause, la publication n'est pas nécessaire, dès lors que les clauses jugées illicites ou abusives en 2010 n'ont pas été maintenues dans le nouveau contrat, et que les autres clauses litigieuses ne sont pas jugées illicites ou abusives.
Sur la demande d'information par écrit des consommateurs concernés :
Il est établi et d'ailleurs non contesté que le nouveau contrat de l'Ephad Les Solambres ne contient plus les clauses jugées abusives par le tribunal de grande instance de Grenoble ; compte tenu du temps qui s'est écoulé depuis cette décision, il n'y a vraisemblablement plus de résidents dont le séjour est régi par l'ancien contrat.
Cependant, à défaut de produire la liste actuelle des résidents avec la date de leur entrée dans l'établissement, la Mutualité française Isère ne démontre pas, comme elle le prétend, que cet ancien contrat ne s'applique plus à aucun consommateur.
En conséquence, il y a lieu de faire droit à la demande et de lui ordonner d'informer les consommateurs éventuellement encore concernés par cet ancien contrat, dans chacun de ses établissements.
Sur la réparation du préjudice collectif :
Il résulte de l'interprétation de l'article L. 421-6 du code de la consommation qu'une association agréée de défense des consommateurs est en droit de demander devant la juridiction civile la réparation, par l'octroi de dommages et intérêts, de tout préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif des consommateurs.
Le montant des dommages et intérêt au titre du préjudice collectif doit être alloué en fonction du nombre de clauses jugées abusives ou illicites, en l'espèce 11 clauses.
En l'espèce, l'usage des clauses illicites ou abusives a nécessairement causé à la collectivité des consommateurs, au nombre desquels figurent plus particulièrement les résidents des établissements gérés par la Mutualité française Isère, un préjudice collectif corrélatif à l'enrichissement des établissements concernés, du fait de recettes ou d'avantages injustifiés ou illicites.
Le tribunal doit être approuvé d'avoir estimé ce préjudice à la somme de 1.500 euros.
Sur les dépens et frais irrépétibles :
En application de l'article 696 du code de procédure civile, les dépens doivent être mis à la charge de la Mutualité française Isère. En équité, il n'y a pas lieu d'indemniser l'UFC 38 de ses frais irrépétibles.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
Statuant publiquement, par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi,
Confirme le jugement rendu le 11 octobre 2010 par le tribunal de grande instance de Grenoble en ce qu'il a débouté l'union fédérale des consommateurs que choisir de l'Isère de sa prétention tendant à reconnaître le caractère illicite ou abusif selon la numérotation contenue dans l'assignation introductive d'instance, des clauses portant les numéros 3, 6, 15, 17, 18 et 19,
Confirme également la disposition par laquelle le tribunal a ordonné la suppression des 11 clauses déclarées abusives ou illicites dans le délai de six mois à compter de la signification du jugement, sous astreinte provisoire de 800 euros par jour de retard pendant une durée de deux mois,
Le confirme également en ce qu'il a condamné la Mutualité française Isère à payer à l'association UFC 38 la somme de 1.500 euros à titre de dommages-intérêts,
Déboute l'UFC 38 de sa demande publication de la décision.
Y ajoutant,
Interdit à la Mutualité française Isère de faire usage des clauses supprimées à l'avenir,
Dit que les 11 clauses jugées illicites ou abusives seront réputées non écrites dans tous les contrats identiques conclus par le même professionnel,
Ordonne à la Mutualité française Isère d'informer à ses frais, par écrit, les consommateurs concernés par tout contrat en cours dans l'un de ses établissements comportant au moins une des clauses jugées illicites ou abusives,
Déboute les parties de leurs prétentions d'indemnisation des frais irrépétibles,
Condamne la Mutualité française Isère aux dépens
Ainsi prononcé publiquement le 21 janvier 2016 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile, et signé par Madame Evelyne THOMASSIN, Conseiller faisant fonction de Président et Madame Sylvie DURAND, Greffier.
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