CA ANGERS (ch. com.), 24 février 2009
CERCLAB - DOCUMENT N° 2884
CA ANGERS (ch. com.), 24 février 2009 : RG n° 07/02296 ; arrêt n°49
Extraits : 1/ « Attendu que, cependant, la version 2005 du contrat-type d'ouverture de compte, visée clans l'assignation, est demeurée en vigueur jusqu'à ce qu'elle soit remplacée par la version du 1er juillet 2006 ; qu'elle est donc restée proposée à la clientèle postérieurement à l'introduction de l'instance en décembre 2005 ; que c'est dès lors à bon droit que le tribunal, saisi d'une demande indemnitaire sur le fondement de l'article L. 421-6 du Code de la consommation, s'est prononcé sur le caractère abusif ou illicite de clauses éliminées des contrats au jour où il s'est prononcé ».
2/ « Clauses abusives : V. la décision ».
COUR D’APPEL D’ANGERS
CHAMBRE COMMERCIALE
ARRÊT DU 24 FÉVRIER 2009
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 07/02296. Arrêt n° 49. Sur appel d’une décision du Tribunal de Grande Instance de LAVAL en date du 22 octobre 2007, R.G. n° 06/00173.
APPELANTE :
LA CAISSE FÉDÉRALE DE CRÉDIT MUTUEL DE MAINE ANJOU ET BASSE NORMANDIE
[adresse], représentée par la SCP CHATTELEYN ET GEORGE, avoués à la Cour N° du dossier 30338, assistée de Maître J. LE CALVEZ, avocat au barreau de PARIS
INTIMÉE :
L'UNION FÉDÉRALE DES CONSOMMATEURS-QUE CHOISIR
[adresse], représentée par la SCP GONTIER-LANGLOIS, avoués à la Cour N° du dossier 44768, assistée de Maître C. BRASSEUR, avocat au barreau de GRENOBLE
INTERVENANT VOLONTAIRE :
LE GROUPEMENT DES CARTES BANCAIRES « CB »
Groupement d'intérêt économique, [adresse], représenté par la SCP DUFOURGBURG-GUILLOT, avoués à la Cour N° du dossier 13809, assisté de Maître RACHEZ, avocat au barreau de PARIS
[minute page 2]
COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 13 janvier 2009 à 13 H 45 en audience publique, Madame FERRARI, Président ayant été préalablement entendu en son rapport, devant la Cour composée de : Madame FERRARI, Président de Chambre Madame LOURMET, Conseiller Madame BRETON, Conseiller, qui en ont délibéré
GREFFIER lors des débats : Monsieur BOIVINEAU.
MINISTÈRE PUBLIC : L'affaire a été communiquée au Ministère Public.
ARRÊT : contradictoire. Prononcé publiquement le 24 février 2009 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions de l'article 450 du code de procédure civile ; Signé par Madame FERRARI, Président, et Monsieur BOIVINEAU, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
L'association de consommateurs UFC - Que choisir (l'UFC) a, sur le fondement de l'article L. 421-6 du Code de la consommation, fait assigner, le 27 décembre 2005, la Caisse fédérale du crédit mutuel de Maine, Anjou et Basse-Normandie (le Crédit mutuel) en suppression, comme illicites ou abusives, de 29 clauses des conditions générales applicables à la convention de compte et au contrat de carte bancaire habituellement proposés par la Banque, dans la version 2003 maintenue en 2005, et en paiement d'une indemnité de 120.000 € réparatrice du préjudice porté à l'intérêt collectif des consommateurs.
Par jugement du 22 octobre 2007, le tribunal de grande instance de Laval a:
- déclaré l'action recevable,
- déclaré abusives ou illicites et réputées non écrites 21 clauses des conditions générales des contrats proposés par le Crédit mutuel, dans l'édition du 1er juillet 2005 identique à celle de 2003, soit :
* 17 clauses relatives à la convention de compte,
* 4 clauses relatives au contrat de carte bancaire,
- dit que le Crédit mutuel devra les supprimer pour celles qui subsistent dans la version 2006, sous astreinte,
- [minute page 3] interdit au Crédit mutuel de faire usage à l'avenir de l'ensemble des clauses jugées illicites ou abusives,
- condamné le Crédit mutuel à payer à l'UFC la somme de 10.000 € à titre de dommages-intérêts ainsi que celle de 3.000 € au titre des frais de procédure,
- ordonné des mesures de publication par voie de presse dans 3 titres nationaux, de diffusion par Internet et d'information individuelle des clients de la banque.
Le jugement déféré déclare illicites ou abusives les clauses suivantes :
* Clauses contenues dans les conditions générales de banque relatives à la convention de compte :
- troisième paragraphe du préambule de la convention de compte in fine, selon lequel toutes les obligations de payer, de livrer et de restituer entre la banque et le client entrant dans le cadre global seront liées par un lien de connexité, de sorte que la banque pourra à tout moment procéder à leur compensation ; article 2.1 paragraphe 1 selon lequel sauf convention contraire ou réglementation spéciale, les comptes que la banque ouvre à ses clients ont le caractère de comptes courants ;
- article 2.1 paragraphe 3 selon lequel la banque aura à tout moment et sans formalité la faculté de considérer ces comptes particuliers comme fusionnés et en retenir un solde unique ;
- article 2.3.1 paragraphe 3 in fine selon lequel les formules de chèques peuvent être délivrées par la banque au client qui ne fait pas l'objet d'une interdiction bancaire et/ou judiciaire ; la présente convention n'emporte pas automatiquement mise à disposition de chéquiers, celle-ci devant faire l'objet d'un accord particulier de la banque ;
- article 2.3.1 paragraphe 4 selon lequel les formules de chèques sont à disposition du client à son agence ou lui sont adressées par lettre simple ou par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ;
- article 2.3.4 deuxième tiret selon lequel tous effets, valeurs, marchandises et objet quelconque remis par le client à la banque garantissent à titre de gage le solde débiteur éventuel du compte courant ; ce droit de gage est constitué par l'effet des présentes et sans qu'une convention particulière soit nécessaire ;
- article 2.3.4. quatrième tiret selon lequel la banque exécute les ordres donnés avec la diligence attendue d'un professionnel en n'assumant qu'une obligation de moyen ; elle ne sera pas responsable en cas d'exécution tardive ou erronée ou de défaut d'exécution liés aux moyens de communication utilisés par le client ou sur ses ordres ;
- article 2.4.2 paragraphe 2 selon lequel l'opposition au paiement de toute opération initiée par le client doit être signalée à la banque par tout moyen, mais doit impérativement être confirmée par écrit pour que la banque puisse en tenir compte ;
- article 2.4.2 paragraphe 2 in fine selon lequel si l'opposition sur chèques est fondée sur le vol ou l'utilisation frauduleuse, le client devra déposer une plainte et en justifier à la banque ;
- article 2.5 paragraphe 2 selon lequel les réclamations relatives aux opérations apparaissant sur les relevés ou arrêtés de compte devront être faites par écrit à l'agence dans laquelle le compte est ouvert et parvenir à la banque dans un délai d'un mois à dater de la réception des pièces ; faute de contestation dans le délai imparti, le client est réputé avoir ratifié les décomptes, situations et avis ;
- [minute page 4] article 2.5 in fine selon lequel la banque décline toute responsabilité pour toutes les erreurs dont le redressement causerait au client une perte quelconque du fait de la réclamation tardive ;
- article 5.2.1 selon lequel s'agissant du compte collectif sans solidarité active que les avis adressés par la banque à l'un des co-titulaires relativement au compte seront considérés comme adressés à tous ;
- article 7 selon lequel que conformément aux dispositions du code de la consommation, la banque aura le droit de modifier unilatéralement les conditions générales de la présente convention et/ou des produits et services qu'elle propose; en pareil cas, les nouvelles conditions seront portées préalablement à la connaissance du client et le client aura alors le droit de résilier la convention ou de renoncer au produit ou service auquel une modification aura été apportée; à défaut il sera réputé avoir accepté ces modifications qui lui seront alors opposables ;
- clause 8.2 paragraphe 3 selon lequel tous les frais de recouvrement d'un solde de compte consécutif à la clôture de celui-ci, taxables ou non, seront à la charge du client ;
- article 8.3 selon lequel en cas de pluralité de comptes ouverts auprès de la banque, la dénonciation de l'un des comptes entraînera celle de tous les autres et rendra immédiatement exigible le solde obtenu par compensation de tous les comptes, sauf réglementation particulière ;
- article 11-2 paragraphe 3 selon lequel le client autorise la banque à lui adresser toute correspondance et document publicitaire y compris pour le compte d'autres organismes ; il peut cependant s'opposer expressément et par écrit à l'utilisation des données enregistrées, à des fins de prospection commerciale ;
- article 12 selon lequel si le client est commerçant, pour tous les litiges qui pourraient naître avec la banque, pour une raison quelconque, les tribunaux du ressort de la cour d'appel du siège de la banque seront compétents ;
* Clauses contenues dans les conditions générales relatives aux cartes bancaires :
- article 5 paragraphe 8 selon lequel si la convention prévoit un différé de paiement, l'émetteur a la faculté de débiter immédiatement le compte du montant des transactions de paiement réalisées au moyen de sa carte, si le cumul des transactions de paiement dépasse les limites fixées et notifiées par l'émetteur ;
- article 10 paragraphe 4 selon lequel qu'avant opposition, sont à la charge du titulaire de la carte, sans limitation de montant, en cas de faute lourde du titulaire, d'opposition tardive, c'est à dire non effectuée dans les meilleurs délais et notamment compte tenu des habitudes d'utilisation de la carte par son titulaire, d'utilisation par un membre de sa famille ;
- article 12 paragraphe 2 selon lequel à la date d'échéance, la carte fait l'objet d'un renouvellement automatique du support, sauf avis contraire exprimé par écrit par son titulaire ou le titulaire du compte auquel elle s'applique, au moins deux mois avant cette date ;
- article 18 paragraphe 2 selon lequel l'émetteur se réserve le droit d'apporter des modifications financières aux conditions du contrat qui seront portées à la connaissance du titulaire du compte et/ou de la carte, notamment lors du renouvellement de celle-ci.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
[minute page 5] LA COUR
Vu l'appel formé contre ce jugement par le Crédit mutuel, le 7 puis le 23 novembre 2007 ;
Les appels ayant été joints ;
Vu les dernières conclusions du 15 septembre 2008, par lesquelles le Crédit mutuel, appelant, poursuivant l'infirmation du jugement déféré, conclut à l'irrecevabilité de l'UFC en sa critique des dispositions de l'article 2.1 de la convention de compte et pour le surplus au débouté, en demandant qu'il lui soit donné acte des modifications apportées à la convention de compte ;
Vu les dernières conclusions du 8 août 2008, par lesquelles l'UFC, intimée formant appel incident, demande à la cour, avec une indemnité de procédure, de confirmer le jugement hormis en ce qu'il a écarté les demandes relatives à 4 clauses et limité la réparation de son préjudice à 10.000 € au lieu des 120.000 € réclamés au Crédit mutuel ;
Vu les dernières conclusions du 9 septembre 2008, par lesquelles le Groupement des cartes bancaires « CB », intervenant volontaire, demande à la cour, avec une indemnité de procédure, d'infirmer le jugement en ce qu'il a jugé illicites ou abusives 4 clauses du contrat de carte bancaire et d'écarter toutes les demandes formées par l'UFC contre lui ;
L'affaire ayant été communiquée au ministère public qui a donné visa le 18 septembre 2008 ;
SUR CE :
I - Sur l'intervention du Groupement des cartes bancaires :
Attendu que l'UFC ne discute pas l'intervention, en cause d'appel, du GIE Groupement des cartes bancaires, qui, bien que n'ayant pas été partie en première instance, a intérêt à participer aux débats relatifs aux clauses des contrats de carte bancaire qu'il a rédigées en concertation avec ses membres, au nombre desquels figure le Crédit mutuel ;
Attendu que le GIE est ainsi recevable à poursuivre l'infirmation du jugement, en ce qui concerne les quatre clauses des conditions générales du contrat de carte bancaire jugées illicites ou abusives par les premiers juges, aux côtés de la Banque, qui conclut de manière générale au débouté de l'UFC, tout en ayant limité ses moyens d'appel à la convention de compte ;
[minute page 6]
II - Sur l'incidence des nouveaux contrats proposés par le Crédit mutuel :
Attendu que l'UFC a dénoncé, dans son assignation, le caractère illicite ou abusif de clauses contenues dans la version 2003 des contrats proposés par le Crédit mutuel, maintenues dans la version du 1er juillet 2005 ;
Attendu que la Banque a fait valoir, devant le tribunal, qu'à la suite de la recommandation n° 05-02 de la Commission des clauses abusives, du 14 avril 2005, relative aux conventions de compte de dépôt, ses conditions générales de banque 2005 avaient été remplacées par une nouvelle version du 1er juillet 2006, ayant modifié ou supprimé les clauses critiquées, version alors seule applicable ; qu'elle a soutenu que les demandes, devenues sans objet, n'étaient pas recevables ;
Attendu que, cependant, la version 2005 du contrat-type d'ouverture de compte, visée clans l'assignation, est demeurée en vigueur jusqu'à ce qu'elle soit remplacée par la version du 1er juillet 2006 ; qu'elle est donc restée proposée à la clientèle postérieurement à l'introduction de l'instance en décembre 2005 ; que c'est dès lors à bon droit que le tribunal, saisi d'une demande indemnitaire sur le fondement de l'article L. 421-6 du Code de la consommation, s'est prononcé sur le caractère abusif ou illicite de clauses éliminées des contrats au jour où il s'est prononcé;
Attendu qu'en cause d'appel, le Crédit mutuel produit les dernières versions de ses conditions générales, soit l'édition 2008 pour ce qui concerne les conditions générales de banque applicables à la convention de compte et l'édition 2006 pour ce qui concerne les conditions générales du contrat de carte bancaire ;
III - Sur les clauses contestées des contrats-type :
A/ Clauses contenues dans les conditions générales de banque applicables à la convention de compte 2005 :
Attendu que l'UFC a contesté 24 clauses des conditions générales de la convention de compte 2005 ; que le tribunal a accueilli ses demandes, hormis pour 7 d'entre elles ;
Attendu que le Crédit mutuel, appelant principal, critique le jugement en ce qu'il a admis les demandes pour 17 clauses et, plus particulièrement en ce qu'il a déclaré abusives les clauses maintenues dans la version 2006 des contrats ;
Attendu que l'UFC forme un appel incident relatif au rejet des griefs n° 6, 7, 12, et 26 ;
Attendu que la cour examinera chacune des clauses contestées, dans l'ordre des griefs initialement formés par l'UFC et suivi par le jugement déféré ;
[minute page 7]
N° 1 : 3ème § du préambule de la convention de compte in fine :
« Toutes les obligations de payer, de livrer et de restituer entre la banque et le client entrant dans ce cadre global sont liées par un lien de connexité, de sorte que la banque pourra à tout moment procéder à leur compensation. »
Attendu que la faculté de procéder à la compensation est laissée à la seule appréciation discrétionnaire du Crédit mutuel, alors qu'elle est susceptible de faire perdre au client certains avantages ou de lui porter préjudice ; qu'il pourrait croire disposer sur son compte de dépôt d'une provision nécessaire à ses opérations, tandis que le banquier aura porté d'autres écritures en débit, sans qu'il ne le sache aussitôt ;
Attendu qu'ainsi la clause litigieuse, dans sa rédaction critiquée, crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, au préjudice du client, de sorte que le tribunal l’a déclarée à juste titre abusive, qu'elle a néanmoins été supprimée des conditions générales des contrats, version 2006, proposés par le Crédit mutuel ;
N° 2 : article 2.1 § 1 :
« Sauf convention contraire ou réglementation spéciale, les comptes que la banque ouvre à ses clients ont le caractère de comptes courants »
Attendu que le Crédit mutuel soutient que l'UFC n'est pas recevable à contester cette clause, sur le fondement de l'article L. 421-6 du Code de la consommation, au motif qu'aucune directive communautaire « ne contient la moindre disposition relative à la notion de compte de dépôt et, de ce fait, aucun texte national afférent à cette question ne résulte de la transposition de ladite directive » ;
Attendu que, cependant, la circonstance qu'aucun texte communautaire ne définisse la notion de compte de dépôt ne fait nul obstacle à l'Association d'agir en suppression de la clause qu'elle tient pour illicite ou abusive au sens de l'article L. 132-1 et suivants du Code de la consommation, texte issu de la transposition de la directive 93/13/CEE qui est visée à l'article 1er de la directive 98/27/CE ;
Attendu que le Crédit mutuel prétend ensuite que la critique de l'UFC est inopérante, dès lors que, en vertu de l'article L. 132-1 précité, il ne peut pas être porté d'appréciation sur la définition de l'objet principal du contrat pour déterminer le caractère abusif de la clause ;
Attendu que, cependant, l'appréciation de la nature et du fonctionnement d'un compte bancaire ne porte pas sur la définition de l'objet principal du contrat ;
Attendu que, par l'effet de la clause en litige, les comptes bancaires ouverts par les consommateurs ont systématiquement le caractère d'un compte courant ;
[minute page 8] Or attendu qu'en vertu de l'article L. 312-1 du code monétaire et financier, toute personne physique dépourvue d'un compte de dépôt, a droit à l'ouverture d'un tel compte dans l'établissement de crédit de son choix ;
Attendu que l'assimilation du compte de dépôt au compte courant, non conforme à la réalité du fonctionnement du premier, normalement mouvementé uniquement par des versements ou des retraits dans la limite du disponible, permet à la banque d'éluder les obligations posées par l'article L. 312-1 du code monétaire et financier, concernant les services liés à l'ouverture d'un compte de dépôt et la notification par écrit de la décision motivée de clore un tel compte, de sorte que la clause litigieuse, qui a pour effet de limiter de façon inappropriée les droits légaux du consommateur vis-à-vis du professionnel, crée un déséquilibre entre les droits et obligations des parties
Attendu que la clause critiquée, maintenue dans la version 2006 et 2008 des contrats, doit dès lors être déclarée abusive et que sa suppression sera ordonnée, comme l'a jugé le tribunal ;
N° 3 : article 2.1 § 3 :
« La banque aura à tout moment et sans formalité la faculté de considérer ces comptes particuliers comme fusionnés et en retenir un solde unique » ;
Attendu que cette disposition instaure un déséquilibre manifeste entre les obligations des parties au détriment du client, dès lors qu'en cas de pluralité de comptes ouverts au Crédit Mutuel, la faculté de considérer les comptes particuliers comme fusionnés pour n'en retenir qu'un solde unique, appartient au seul établissement bancaire qui peut en user de manière discrétionnaire, tandis qu'elle ne confère au client aucun avantage ; qu'il est en effet précisé à la suite de la clause en litige que le client est tenu de surveiller en permanence la situation de ses divers comptes et reste seul responsable des débits, impayés ou rejets de chèques éventuels pouvant résulter de l'absence ou de l'insuffisance de provision du compte concerné alors même qu'un ou plusieurs autres comptes présenteraient un solde créditeur ;
Attendu que, de son côté, le consommateur ne dispose pas de la même faculté d'obtenir la fusion de ses comptes et de retenir un solde unique afin d'éviter les inconvénients pouvant résulter de l'insuffisance de provision sur l'un ou l'autre de ses comptes ;
Qu'ainsi le tribunal a déclaré à bon droit la clause abusive, dans sa rédaction critiquée ultérieurement modifiée ;
N° 4 : article 2.3.1 § 3 :
« Les formules de chèques peuvent être délivrées par la banque au client qui ne fait pas l'objet d'une interdiction bancaire et/ou judiciaire ; la présente convention n'emporte pas automatiquement mise à disposition de chéquiers, celle-ci devant faire l'objet d'un accord particulier de la banque » ;
[minute page 9] Attendu que, par l'effet de cette stipulation, la délivrance de chéquiers n'est pas un droit du client ; que, sans être l'objet d'une interdiction bancaire et/ou judiciaire, il doit obtenir l'accord de la banque pour l'obtenir ;
Qu'ainsi, le Crédit mutuel tient du contrat, dans sa version critiquée de 2005, le droit de refuser à son client la remise de chéquiers, sans être tenu de s'en expliquer ;
Attendu que, cependant, sien vertu de l'article L. 131-71 du code monétaire et financier, la banque a la possibilité de refuser la remise de chéquier à son client, c'est à la condition de motiver sa décision ;
Que la clause qui lui accorde une liberté discrétionnaire est illicite, comme l'a exactement décidé le jugement ; que d'ailleurs, en exécution de la recommandation de la Commission des clauses abusives, le Crédit mutuel a modifié la rédaction de la clause, dans la version 2006 et 2008 des contrats, pour la mettre en conformité avec les dispositions légales ;
N° 5 : article 2.3.1 § 4 :
« Ces formules (de chèques) sont mises à disposition du client à son agence ou lui sont adressées par lettre simple ou par lettre recommandée avec demande d'avis de réception à ses frais. »
Attendu que la clause, dans sa version critiquée, ne précise pas dans quelles conditions s'opère l'option entre la remise à l'agence, l'envoi par lettre simple ou l'envoi par lettre recommandée ;
Attendu que la formulation imprécise donne à penser au client que ce choix peut appartenir au banquier, lequel pourrait ainsi imposer au consommateur des frais sans que ce dernier n'ait donné préalablement et expressément son consentement et alors que le principe demeure de la mise à disposition gratuite de formules de chèques au titulaire du compte ;
Attendu que la clause est ainsi susceptible d'induire en erreur et, partant, crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations de parties au détriment du client ; qu'elle doit être déclarée abusive, observation étant faite que la nouvelle rédaction proposée précise désormais que l'envoi de chéquiers par lettre recommandée avec demande d'avis de réception s'effectue sur la demande du client et à ses frais ;
N° 6 : article 2.3.1 § 4 in fine :
« La banque peut à tout moment réclamer la restitution des chèques non utilisés. »
Attendu qu'à bon droit les premiers juges ont écarté la contestation de l'UFC du chef de cette clause, qui subsiste dans les nouvelles versions du contrat ; qu'elle n'est ni illicite ni abusive, dès lors qu'elle est conforme aux dispositions de l'article L. 131-71 du code monétaire et financier, selon lequel le banquier peut à [minute page 10] tout moment demander la restitution des formules antérieurement délivrées ; que le défaut de précision sur les modalités du retrait ne rend pas la clause illicite, ni ne crée un déséquilibre significatif ;
Attendu que l'appel incident formé à ce titre par l'UFC doit être rejeté ;
N° 7 : article 2.3.3 :
« La banque pourra contre-passer toutes opérations pour lesquelles elle n'aura pas obtenu l'encaissement effectif ou en cas de retour tardif d'impayés ; par ailleurs la banque pourra, sous réserve d'en informer le client, ne créditer les chèques remis à l'encaissement qu'après leur paiement effectif. »
Attendu que l'UFC tient cette clause pour abusive en ce qu'elle ne prévoit pas les modalités d'information du client lorsque, en cas de remise de chèque, le crédit n'est inscrit qu'après encaissement ;
Attendu que c'est cependant à juste titre que le tribunal a rejeté la demande de l'Association ; que, dès lors que la banque est tenue à l'information du client sur le différé d'inscription en compte, la critique formulée n'a pas pour effet ni pour objet de créer un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties ;
Attendu qu'en l'absence de caractère abusif de la clause, maintenue dans les versions 2006 et 2008 du contrat, l'appel incident de l'UFC n'est pas fondé ;
N° 8 : article 2.3.4, 2ème tiret :
« Tous effets, valeurs, marchandises et objets quelconques remis parle client à la banque garantissent à titre de gage le solde débiteur éventuel du compte courant (...) ; ce droit de gage est constitué par l'effet des présentes sans qu'une convention particulière soit nécessaire... ».
Attendu que le gage de compte d'instruments financiers est régi par les dispositions d'ordre public de l'article L. 431-4 du code monétaire et financier, qui prévoient notamment un formalisme particulier pour la constitution du gage ;
Attendu que cette clause, en ce qu'elle n'exclut pas le gage de compte d'instruments financiers, contrevient au texte précité ; qu'elle présente ainsi un caractère illicite ;
Que le Crédit mutuel n'est dès lors pas fondé à contester le jugement déféré qui l'a tenue pour abusive ; que le tribunal a exactement retenu qu'elle pourrait laisser croire au client que des instruments financiers, tels que des actions, parts ou titres gérés par la banque, auraient été affectés à la garantie du solde débiteur du compte de dépôt par le seul effet de la signature de la convention d'ouverture de ce compte ;
Attendu que la clause ne figure plus dans la version 2008 des contrats ;
[minute page 11]
N° 9 : article 2.3.4, 4ème tiret :
« La banque exécute les ordres donnés avec la diligence attendue d'un professionnel, en n'assumant qu'une obligation de moyens ; elle ne sera pas responsable en cas d'exécution tardive ou erronée ou de défaut d'exécution liés aux moyens de communication utilisés par le client ou sur ses ordres. »
Attendu que, comme l'a retenu le tribunal, les conditions dans lesquelles cette clause exonère le Crédit mutuel de toute responsabilité sont obscures ;
Attendu que l'expression « liés aux moyens de communication qu'il utilise » ne renvoie pas seulement à l'hypothèse d'une erreur de l'utilisateur ou d'une défaillance technique imputable au donneur d'ordre ; que, telle qu'elle est rédigée, la clause exonère le Crédit mutuel en cas de défaut ou de mauvaise exécution d'un ordre du client par suite de la défaillance des services internes de la Banque lors de la phase de réception de l'ordre transmis par Internet, télécopie ou même par lettre ;
Attendu que, de surcroît, la fin de la phrase (« ou sur ses ordres ») n'est pas intelligible au premier abord et peut conduire à un contresens, laissant croire que le client donnant des ordres ne peut pas rechercher la responsabilité de la banque ;
Attendu que dans ces conditions, cette clause crée un déséquilibre significatif au détriment du client ; que les premiers juges l'ont à juste titre déclarée abusive ; Que l'ambiguïté est désormais levée dans la nouvelle rédaction des conditions générales des contrats ;
N° 10 : article 2.4.2 § 2 :
« L'opposition au paiement de toute opération initiée par le client doit être signalée à la banque par tout moyen (...), mais doit impérativement être confirmée par écrit pour que la banque puisse en tenir compte. »
Attendu qu'à bon droit, les premiers juges ont retenu que, dés lors que cette clause permet au client de formuler par tout moyen une opposition au paiement de toute opération, rien ne justifie que la banque puisse ne pas en tenir compte dès sa réception ;
Attendu que, si la banque est fondée à exiger une confirmation écrite, qui est d'ailleurs de règle en matière de chèque en vertu de l'article L. 131-35 du code monétaire et financier, la réception de l'écrit ne constitue pas le point de départ des obligations du banquier en présence d'une opposition ;
Attendu que, dans sa version critiquée, la clause qui a pour effet de créer un déséquilibre manifeste dans les droits et obligations des parties, au détriment du client, est abusive ; que sa rédaction a été modifiée dans la version 2006 et 2008, la fin de la phrase ayant été supprimée ;
[minute page 12]
N° 11 : article 2.4.2 § 2 in fine :
« Si l'opposition sur chèques est fondée sur le vol ou l'utilisation frauduleuse, le client devra déposer une plainte et en justifier à la banque. »
Attendu que, par cette clause, le Crédit mutuel laisse entendre qu'il ne prendra en compte l'opposition au paiement par chèque qu'à la condition qu'une plainte pour vol ou utilisation frauduleuse ait été déposée et que son client en justifie ;
Or attendu que l'article L. 131-35 du code monétaire et financier ne subordonne pas les effets de l'opposition à l'existence d'une plainte ; que, dès lors qu'un des motifs légaux est invoqué par son client, la banque doit enregistrer l'opposition, sans pouvoir se faire juge de la réalité du motif invoqué ;
Attendu que l’ambiguïté de la rédaction, laissant croire à l'existence de conditions qui ne sont pas légalement fondées, crée un déséquilibre manifeste entre les obligations des parties à la convention, au détriment du consommateur ;
Attendu que le jugement ayant déclaré la clause abusive sera en conséquence confirmé, étant précisé qu'elle a été supprimée de la version 2008 des contrats ;
N° 12 : article 2.4.3 § 3 : incidents de paiement sur chèques :
« Conformément à l'article L. 131-73 du code monétaire et financier, il est expressément convenu que l'information préalable aux rejets de chèques sans provision (...) sera envoyée au client par courrier simple.
La banque pourra adresser cette information préalable par tout autre moyen (télécopie, messagerie électronique, téléphone) aux coordonnées indiquées parle client étant précisé que celui-ci fera alors son affaire personnelle du respect de confidentialité de l'information ainsi transmise et qu'il décharge la banque de toute responsabilité à cet égard. »
Attendu que le tribunal ayant rejeté les demandes de l'UFC relatives à cette clause, l'Association forme un appel incident en soutenant que le Crédit mutuel ne garantit pas que le consommateur soit véritablement informé ni que le moyen utilisé respecte la confidentialité, alors que la banque est tenue au secret professionnel ;
Mais attendu que, d'une part, l'article L. 131-73 du Code monétaire et financier prévoit que la délivrance au client de l'avertissement préalable au rejet du chèque peut se faire par tout moyen approprié ; que, d'autre part, le titulaire du compte, en s'abstenant de fournir les coordonnées permettant de le joindre de manière autre que par lettre, peut choisir le mode d'information qui lui convient, s'il n'entend pas privilégier le moyen le plus rapide ; qu'enfin, quel que soit le moyen d'information mis à disposition par le client et utilisé par la banque, la confidentialité ne peut pas être garantie de manière absolue et que chaque système présente des failles ;
[minute page 13] Attendu qu'il s'ensuit que le déséquilibre manifeste entre les obligations respectives des parties à la convention n'est pas caractérisé et que, partant, la clause, maintenue dans les versions 2006 et 2008 des conditions générales, n'est pas abusive ; que l'appel incident de l'UFC n'est pas fondé de ce chef ;
N° 13 : article 2.5 § 2 :
« Les réclamations relatives aux opérations apparaissant sur les relevés ou arrêtés de compte devront être faites par écrit à l'agence dans laquelle le compte est ouvert et parvenir à la banque dans un délai d'un mois à dater de la réception des pièces : faute de contestation dans le délai imparti, le client est réputé avoir ratifié les décomptes, situations et avis. »
Attendu que, selon cette clause, le silence gardé par le client dans le mois qui suit la réception des relevés ou arrêtés de compte vaut acceptation des opérations qui y figurent ;
Attendu qu'une telle clause, qui postule l'approbation des écritures et opérations à l'expiration du délai prévu, est de nature à susciter ou entretenir la conviction du titulaire du compte qu'il se trouve privé de la possibilité de les contester, alors même qu'il n'aurait pu en connaître l'inexactitude qu'au-delà du délai, et, partant, a pour objet et pour effet d'entraver l'exercice par le consommateur de son droit d'agir en justice, de sorte qu'elle est abusive, comme l'a retenu le tribunal ;
Que la rédaction de cette clause, version 2005, a été ultérieurement modifiée, conformément à la recommandation de la Commission des clauses abusives ;
N° 14 : article 2.5 in fine : Relevé des opérations sur le compte. Réclamations
« La banque décline toute responsabilité pour toutes les erreurs dont le redressement causerait au client une perte quelconque du fait de la réclamation tardive. »
Attendu que l'expression « du fait de la réclamation tardive » peut se rattacher aussi bien au début qu'à la fin de la phrase, de sorte que la clause peut se lire de deux manières ; qu'elle peut signifier qu'en cas de réclamation tardive, l'exonération de la banque est totale, alors que la stipulation signifie que seules les conséquences préjudiciables de la tardiveté de la rectification sont laissées à la charge du client;
Attendu qu'ainsi, la rédaction étant susceptible d'induire en erreur le client non averti, la clause crée un déséquilibre manifeste entre les droits des parties au préjudice du consommateur ; que les premiers juges ont exactement retenu qu'elle présente un caractère abusif, étant relevé que son libellé est désormais rectifié ;
[minute page 14]
N° 15 : article 3.1 :
« Toute opération, tout produit ou service bancaire peuvent faire l'objet d'une tarification, sauf dispositions légales contraires. »
Le tribunal a jugé cette clause ni illicite, ni abusive, ce que l'UFC ne critique pas ;
N° 16 : article 3-2 § 2 :
La convention Clarté (Recueil des prix des principaux produits et services joint à la convention) comporte les tarifs standards applicables en l'absence de convention écrite particulière conclue avec le client ; en outre, en raison d'une utilisation spécifique et peu courante, le prix de certaines opérations peut exceptionnellement ne pas figurer dans ce recueil ; en pareil cas, le client pourra obtenir communication de ce prix sur simple demande aux guichets de la banque ;
Le tribunal a également rejeté de ce chef les prétentions de l'UFC, ce qu'elle ne conteste pas en cause d'appel ;
N° 17 : article 5.2.1 :
« Le compte collectif sans solidarité active est un compte... ouvert au nom de plusieurs titulaires et qui ne peut fonctionner que sous la signature conjointe de tous les cotitulaires. Les avis adressés par la banque à l'un des cotitulaires relativement au compte seront considérés comme adressés à tous. »
Attendu que cette clause crée, au détriment des cotitulaires du compte, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, dès lors qu'elle autorise la banque à n'aviser, relativement au compte, qu'un seul des titulaires, lui laissant la charge de transmettre les informations aux autres titulaires, tandis que le fonctionnement du compte collectif exige une action conjointe de tous ;
Attendu que le Crédit mutuel ne peut valablement opposer que chacun des cotitulaires est nécessairement informé des ordres exécutés puisque, par définition, il a donné cet ordre en co-signature ;
Attendu qu'en effet, les avis adressés à l'un des cotitulaires, visés par la clause dans sa rédaction 2005, ne portent pas seulement sur l'exécution d'un ordre ; qu'ils peuvent concerner toute autre opération ou événement concernant le compte collectif, alors que dans certaines hypothèses, comme au cas de rejet d'un chèque, l'information du titulaire est légalement due par la banque ;
Attendu que le Crédit mutuel, appelant, n'est donc pas fondé à contester la disposition du jugement ayant déclaré abusive la clause en litige ; que, d'ailleurs, la clause a été modifiée dans la version 2008 des conditions générales, l'information étant désormais prévue à l'égard de tous les titulaires du compte en matière d'incidents de paiement ;
[minute page 15]
N° 18 : article 7 :
« Conformément aux dispositions du Code de la consommation, la banque aura le droit de modifier unilatéralement les conditions générales de la présente convention et/ou des produits et services qu'elle propose ; en pareil cas, les nouvelles conditions seront portées préalablement à la connaissance du client et le client aura alors le droit de résilier la convention ou de renoncer au produit ou service auquel une modification aura été apportée ; à défaut il sera réputé avoir accepté ces modifications qui lui seront alors opposables. »
Attendu qu'aux termes des conditions générales de la convention de compte, celle-ci est à durée indéterminée ;
Attendu que, parallèlement aux dispositions de l'article L. 312-1-1 du code monétaire et financier qui ouvrent à la banque la faculté de modifier les conditions tarifaires applicables au compte de dépôt au cours de l’exécution du contrat, cette clause permet au Crédit mutuel de modifier les conditions générales applicables ;
Qu'elle réserve cependant la possibilité pour le client de contester la modification, qui doit être portée à sa connaissance, et de mettre fin à la convention ;
Attendu que, dans ces conditions et contrairement à ce que soutient l'UFC, la clause n'est pas illicite au regard des dispositions combinées du Code de la consommation contenues à l'article L. 132-1, 2ème et 3ème alinéa, y compris les points 1.j et 2.b de l'annexe visée au 3ème alinéa, et à l'article R. 132-2 du même Code, pris pour son application ;
Attendu que, par ailleurs, compte tenu de la possibilité pour le client de résilier la convention unilatéralement modifiée, l'absence de contrepartie à la modification n'a pas pour effet de créer un déséquilibre significatif entre les droits et obligations du banquier et de son client, au préjudice de ce dernier ;
Attendu, enfin, que, contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, le défaut de spécifications du contrat soit sur les modalités de notification des conditions nouvelles proposées par la banque soit sur le délai d'option du titulaire du compte n'a pas non plus pour effet de créer un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, au détriment du client ;
Attendu que c'est dès lors à tort que le tribunal a jugé cette clause abusive ; que le jugement sera réformé de ce chef ;
N° 19 : article 8.1 :
« La convention de compte peut être dénoncée à tout moment par chaque partie, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception adressée à l'autre avec un préavis de 30 jours. »
[minute page 16]
N° 20 : article 8.1 § 2 :
« La banque sera dispensée de respecter le préavis en cas de position débitrice non autorisée ou de fonctionnement anormal du compte, de saisie des avoirs du client, d'émission de chèques sans provision, d'incidents de paiement constatés ou portés à la connaissance de la banque, ou encore de perte d'une sûreté ou d'une garantie quelconque couvrant les engagements du client dans le cadre du compte. »
Attendu que ces deux clauses n'ont été déclarées ni illicites, ni abusives par le jugement, contre lequel il n'est pas, de ce chef, formé d'appel incident par l'UFC ;
N° 21 : article 8.2 § 3 :
« Tous les frais de recouvrement d’un solde de compte consécutif à la clôture de celui-ci, taxables ou non, seront à la charge du client ».
Attendu que le tribunal a, à bon droit, dit cette clause illicite en ce qu'elle met à la charge définitive du client des frais de recouvrement, y compris dans l'hypothèse où aucun titre exécutoire ne serait sollicité ou obtenu, alors que l'article 32 de la loi du 9 juillet 1991 prévoit que, sauf s'ils concernent un acte dont l'accomplissement est prescrit par la loi, les frais de recouvrement entrepris sans titre exécutoire restent à la charge du créancier, toute stipulation contraire étant réputée non écrite ;
Attendu que, néanmoins, dans la nouvelle rédaction proposée par le Crédit mutuel en 2006 et 2008, la clause a été supprimée ;
N° 22 : article 8.3 :
« En cas de pluralité de comptes ouverts auprès de la banque, la dénonciation de l'un des comptes entraînera celle de tous les autres et rendra immédiatement exigible le solde obtenu par compensation de tous les comptes, sauf réglementation particulière. »
Attendu que cette clause a pour effet d'empêcher le client de faire jouer la faculté dont il dispose, en application de l'article 8.1, de dénoncer une convention de compte sans que les autres comptes qu'il pourrait avoir ouverts auprès du même établissement, ne soient également automatiquement clôturés ;
Attendu que cet effet automatique imposé par la banque n'est compensé par aucun avantage pour le client ;
Attendu que la clause litigieuse crée ainsi un déséquilibre significatif entre les droits des parties, au détriment du consommateur, ce qui justifie qu'elle soit qualifiée d'abusive, comme l'a retenu le jugement ;
Qu'elle a été modifiée dans la version 2006 et 2008 ;
[minute page 17]
N° 23 : article 11-2 § 3 :
« Le client autorise la banque à lui adresser toutes correspondances et documents publicitaires, y compris pour le compte d'autres organismes. Il peut cependant s'opposer expressément et par écrit à l'utilisation des données enregistrées, à des fins de prospection commerciale ».
Attendu qu'à juste titre le tribunal a jugé cette clause abusive, en ce qu'elle oblige le client à entreprendre une démarche spécifique, par écrit, pour le cas où il s'opposerait à l'utilisation à des fins commerciales par la banque des données qu'elle a recueillies auprès de lui dans le cadre de la convention de compte ; qu'en lui imposant la formalité d'une opposition écrite, elle crée une situation injustifiée de déséquilibre significatif entre le client et sa banque, au détriment du client ;
Que la rédaction de cette clause a été remaniée dans sa nouvelle version 2006 puis 2008 ;
N° 24 : article 12 :
« Si le client est commerçant, pour tous les litiges qui pourraient naître avec la banque, pour une raison quelconque, les tribunaux du ressort de la cour d'appel du siège de la banque seront compétents. »
Attendu que cette clause est illicite au regard de l'article 48 du Code de procédure civile, ainsi que l'a exactement retenu le tribunal ;
Qu'en effet ce texte subordonne la validité d'une clause attributive de compétence territoriale à la condition qu'elle ait été contractée entre des personnes agissant en qualité de commerçant ; que la circonstance que le titulaire du compte soit commerçant n'implique pas qu'il ait nécessairement contracté avec le Crédit mutuel en qualité de commerçant pour son activité commerciale ;
Attendu que cette clause a été supprimée des conditions générales dans leur rédaction 2006 et 2008 ;
B/ Clauses contenues dans les conditions générales relatives au contrat de carte bancaire 2005 :
Attendu qu'en ce qui concerne le contrat de carte bancaire proposé par le Crédit mutuel à sa clientèle, dans sa version 2005, l'UFC a fondé son action sur 5 clauses des conditions générales, objet des griefs n° 25 à 29 ;
Que le jugement déféré a reconnu fondés les griefs pour 4 clauses ; que le Crédit mutuel et le Groupement CB sont appelants de ce chef, tandis que l'UFC forme un appel incident relativement au grief n° 26 rejeté ;
[minute page 18]
N° 25 : article 5 § 8 :
« Même si ces conventions prévoient un différé de paiement..
De même, l'émetteur a la faculté de débiter immédiatement le compte du montant des transactions de paiement réalisées au moyen de la carte, si le cumul des transactions de paiement dépasse les limites fixées et notifiées par l'émetteur. »
Attendu que le tribunal a jugé cette clause abusive, en retenant que la faculté pour la banque de déroger au fonctionnement du compte en débit différé choisi par le client est subordonnée au dépassement d'une limite que seule la banque aura déterminée, sans autre précision ; que le client est ainsi placé dans une situation où il est dépendant de la banque, qui se voit octroyer le droit de fixer la limite de son obligation de paiement différé, selon des critères qui ne sont pas précisés dans la convention, pas plus que ne sont indiquées les modalités de la notification par la banque à son client de cette limite ;
Attendu qu'il est cependant stipulé, aux conditions générales (article5.2), que les paiements par carte bancaire sont possibles dans les limites fixées et notifiées par l'émetteur ou précisées dans la convention Clarté, c'est à dire dans la convention fixant les tarifs standards applicables à défaut de stipulations particulières ;
Attendu qu'ainsi, la limite d'utilisation de la carte bancaire est préalablement fixée par un écrit notifié au client, s'il est dérogé par des conditions particulières au plafond standard figurant dans la convention Clarté ;
Attendu que la limite d'utilisation étant connue du client préalablement au règlement des achats qu'il effectue au moyen de sa carte bancaire, la clause ne crée pas de déséquilibre significatif entre les parties, de sorte qu'elle est dépourvue de caractère abusif et ce, même si le Crédit mutuel l'a supprimée de la version 2006 des conditions générales du contrat de carte bancaire ;
Que le jugement sera réformé de ce chef ;
N° 26 : article 7 § 3 :
« La responsabilité de l'émetteur pour l'exécution erronée de l'opération sera limitée au montant du principal débité du compte du titulaire de la carte ainsi qu'aux intérêts sur ce montant au taux légal. »
Attendu que cette clause a pour effet et pour objet de limiter, envers le consommateur, la responsabilité de banquier professionnel en cas de faute de sa part ;
Attendu qu'une telle clause crée un déséquilibre significatif au détriment du consommateur, dès lors qu'elle laisse à sa charge la part de préjudice, consécutif à la mauvaise exécution par la banque de ses obligations essentielles, qui excède le montant du débit indu majoré des intérêts ;
[minute page 19] Qu'elle présente ainsi un caractère abusif ; que le jugement qui lui a dénié un tel caractère sera réformé ;
Que cette clause subsiste dans la version 2006 des conditions générales ;
N° 27 : article 10 § 4 :
Les opérations effectuées avant opposition sont à la charge du titulaire de la carte, « sans limitation de montant, en cas de :
- faute lourde du titulaire,
- opposition tardive, c'est à dire non effectuée dans les meilleurs délais et notamment compte tenu des habitudes d'utilisation de la carte par son titulaire,
- utilisation par un membre de sa famille. »
Attendu qu'à bon droit, le tribunal a déclaré cette clause illicite, en ce qu'elle ajoute aux prévisions de l’article L. 132-3 du code monétaire et financier une hypothèse qui n'y figure pas ;
Attendu qu'en effet, l'utilisation de la carte par un membre de la famille n'est pas prévue par ce texte comme circonstance justifiant de laisser à la charge du titulaire de la carte bancaire la totalité de la perte subie avant la mise en opposition pour perte ou vol de sa carte ;
Attendu que le Groupement CB fait grief au tribunal de n'avoir pas recherché si l'utilisation de la carte par un membre de la famille avec l'accord du porteur caractérisait une faute lourde, cas entrant dans les prévisions de l'article L. 132-3 ;
Attendu que, cependant, l'appréciation de la faute lourde s'opère au cas par cas, in concreto et non in abstracto ; que le Groupement CB n'est pas fondé à soutenir que l'hypothèse de l'utilisation par un membre de la famille constitue nécessairement une faute lourde, alors que la clause critiquée prévoit, en les distinguant, le cas d'utilisation par un membre de la famille aux côtés du cas de la faute lourde ;
Attendu qu'en étendant le champ de la responsabilité du consommateur par rapport aux prévisions de l'article L. 132-3 du Code monétaire et financier, la clause est illicite ; que le jugement sera dès lors confirmé, étant relevé qu'elle figure encore dans la version 2006 des conditions générales du contrat ;
N° 28 : article 12 § 2 :
§ 1 « La carte comporte une durée de validité dont l'échéance est inscrite sur la carte elle-même. »
§2 « À la date d'échéance, elle fait l'objet d'un renouvellement automatique du support, sauf avis contraire exprimé par écrit par son titulaire ou le titulaire du compte auquel elle s'applique, au moins deux mois avant cette date. »
[minute page 20] Le tribunal a jugé que cette clause 12§2, qui ne permet pas au lecteur profane de mesurer de façon claire et non équivoque la portée de celle-ci, doit être considérée comme abusive ; qu'il a retenu qu'en l'absence de dispositions contractuelles sur la durée du contrat et sa résiliation et faute de distinction clairement explicitée entre la durée du contrat de carte bancaire et la durée de validité du support (carte), les dispositions critiquées sont de nature à laisser penser au consommateur qu'elles prévoient une reconduction automatique du contrat carte bancaire à la date d'échéance du support et encore de nature à lui laisser penser qu'il ne pourrait résilier le contrat de carte bancaire que dans les conditions de l'article 12 ;
Attendu que, cependant, dans la version 2005 du contrat de carte bancaire et à défaut de stipulations spécifiques, la durée du contrat se superposait à la durée de validité de la carte ; que l'ambiguïté dénoncée n'était donc pas effective, l'article 12 régissant seul les modalités de résiliation du contrat ;
Attendu que la version 2006 des conditions générales a été modifié en ce sens qu'elles distinguent la durée, indéterminée, du contrat résiliable à tout moment, un mois après notification (article 12), de la durée de validité de la carte renouvelable à l'échéance sauf résiliation dans les conditions de l'article 12 (article 13) ; que cette modification ne signifie pas que la clause antérieure était abusive ;
Attendu que le jugement sera dès lors réformé ;
N° 29 : article 18 § 2 :
« L'émetteur se réserve le droit d'apporter des modifications (financières) aux conditions du contrat qui seront portées à la connaissance du titulaire du compte et/ou de la catie, notamment lors du renouvellement de celle-ci. »
Attendu que, comme l'ont retenu les premiers juges, toute modification financière des conditions du contrat de carte bancaire emporte nécessairement modification du tarif des produits et services faisant l'objet de la convention de compte de dépôt, auquel le fonctionnement de la carte est rattaché ;
Que cette modification doit donc respecter les prescriptions de l'article L. 312-1-1 du Code monétaire et financier, fixant les conditions dans lesquelles peut intervenir la modification unilatérale des conditions tarifaires applicables au compte de dépôt ;
Attendu que c'est dès lors à juste titre que le tribunal a dit illicite la clause qui ne satisfait pas aux exigences légales ;
Attendu que la version proposée en 2006 modifie la clause pour la rendre conformes aux dispositions de l'article L. 312-1-1 ;
[minute page 21] Attendu qu'en conclusion, la cour réforme le jugement en ce qui concerne l'appréciation portée sur 4 clauses ;
Que le Crédit mutuel et le Groupement CB obtiennent satisfaction sur 3 clauses jugées ni illicites ni abusives, soit ;
- l'article 7 des conditions générales de banque applicables à la convention de compte de dépôt (grief n°18)
- les articles 5§8 et 12§2 des conditions générales applicables au contrat de carte bancaire (griefs n°25 et 28)
Que pour sa part, l'UFC obtient gain de cause relativement à l'article 7§3 des conditions générales du contrat carte bancaire (grief n°26), jugé abusif ;
Attendu qu'en définitive, sur les 29 clauses dénoncées par l'UFC dans son assignation, la cour en retient 19 comme illicites ou abusives et, partant, non écrites ;
Attendu que, cependant, seules subsistent dans les versions ultérieures produites aux débats, aujourd'hui proposées à la clientèle, les clauses suivantes ;
- conditions générales de la convention de compte :
n°2 : article 2.1 § 1 :
- conditions générales du contrat de carte bancaire :
n°26 : article 7 § 3 :
n°27 : article 10 § 4 :
VI - Sur les conséquences du caractère illicite ou abusif des clauses en litige et la réparation :
Attendu qu'à juste titre, le tribunal a dit que, pour les clauses déclarées abusives ou illicites, réputées non écrites, et non supprimées dans la version proposée par la Banque en 2006, le Crédit mutuel devrait les supprimer de ses contrats, dans le délai de trois mois à compter de la signification du présent jugement, sous astreinte de 150 € par jour de retard passé ce délai ;
Attendu que cette disposition sera confirmée, sauf à tenir compte de la nouvelle version 2008 des conditions générales de banque applicables à la convention de compte et du point de départ de l'astreinte, fixé à compter de la signification de l'arrêt ;
Attendu que la stipulation de clauses illicites ou abusives constitue en elle-même une faute de nature à porter atteinte à l'intérêt collectif des consommateurs ; que le préjudice qui en résulte, compte tenu du caractère illicite ou abusif d'un nombre important de clauses des contrats proposés par le Crédit mutuel jusqu'en juillet 2006, justifie l'allocation d'une indemnité de 20.000 € ; que le jugement ayant limité l'indemnisation à 10.000 € sera réformé sur ce point ;
Attendu que les mesures de publicité et d'information individuelle prises par le tribunal ne se justifient plus, compte tenu de ce que seules subsistent 3 clauses abusives ou illicites que le Crédit mutuel devra supprimer des contrats qu'il [minute page 22] propose ; que la publicité du jugement a déjà été assurée par l'UFC sur son site Internet ; que celle de l'arrêt sera limitée à la diffusion sur le site Internet du Crédit mutuel ;
Attendu que le Crédit mutuel supportera les dépens d'appel et les frais de procédure de l'UFC, toute les autres demandes formées sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile étant rejetées ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS,
statuant publiquement et par arrêt contradictoire,
Réformant le jugement déféré,
Déclare abusive la clause stipulée à l'article 7§3 des conditions générales du contrat carte bancaire, version 2005
Déclare non abusives, ni illicites les clauses stipulées à :
- l'article 7 des conditions générales de banque applicables à la convention de compte de dépôt, version 2005
- aux articles 5§8 et 12§2 des conditions générales applicables au contrat de carte bancaire, version 2005
Confirme le jugement en ses dispositions ayant déclaré abusives ou illicites les autres clauses des conditions générales des contrats, version 2005 ;
Ordonne au Crédit mutuel de supprimer, dans le délai de 3 mois à compter de la signification de l'arrêt, sous astreinte de 150 € par jour de retard pendant 4 mois, les clauses abusives ou illicites qui subsistent dans la dernière version des contrats proposés soit :
- dans les conditions générales de la convention de compte 2008: l'article 2.1 § 1
- dans les conditions générales du contrat de carte bancaire 2006 : l'article 7 § 3 et l'article 10 § 4 ;
Condamne la Caisse fédérale du crédit mutuel de Maine, Anjou et Basse-Normandie à payer à l'UFC la somme de 20.000 € à titre de dommages-intérêts ;
Dit n'y avoir lieu à mesures de publication par voie de presse, ni à information individuelle des clients ;
Confirme l'injonction faite au Crédit mutuel de diffuser le dispositif de l'arrêt, durant trois mois sur la page d'accueil de son site Internet, selon les modalités fixées par le jugement ;
Confirme le jugement sur les frais et dépens,
Rejette toute autre demande,
[minute page 23] Condamne la Caisse fédérale du crédit mutuel de Maine, Anjou et Basse-Normandie à payer à l'UFC la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile en cause d'appel ;
La condamne aux dépens d'appel, recouvrés dans les conditions de l'article 699 du Code de procédure civile
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
D. BOIVINEAU I. FERRARI
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